Chapitre 2 : Une visite extraterrestre

May n'arrêtait pas de la suivre du regard, sa façon de se mouvoir lui disait quelque chose. Elle avait la sensation de la connaître d’une manière ou d’une autre. May rechercha dans sa mémoire ce qui lui semblait familier. Celle-ci ressemblait à une bibliothèque géante, des centaines d’allées de livres remplis de souvenirs et d’autres d’informations. L’inconnue continua de marcher en faisant de grands pas, ses hanches bougeant sensuellement. May croisa le regard de la mystérieuse femme cachant son identité comme une super-héroïne. Elle s’approcha de la caisse, sourit, puis posa un splendide vase orné de plusieurs pierres précieuses formant le visage d’une dame. May baissa les yeux sur l'article et reconnut la femme dessus. Elle parut surprise. Elle le scanna et annonça le prix.

 

{Savez-vous d’où il provient ? Savez-vous de quel peuple il vient ?}

se demanda May

 

— Bonjour, May, j'aimerais acheter ce magnifique présent, c’est pour mon mari. On fête notre anniversaire de mariage dans quelques jours, ajouta-t-elle d’un ton joyeux.

 

En ville, tout le monde connaissait son nom, alors May n’était plus stupéfaite. Elle n’était juste pas encore habituée à être célèbre. Sa cliente n’était pas âgée, mais pas jeune non plus. Elle pouvait se tromper, mais tout semblait aller dans son sens. Malgré les efforts pour cacher sa peau, May arrivait à voir que celle-ci n’était pas très ridée.

 

— Bien, c’est noté, indiqua May. Voulez-vous que votre cadeau soit emballé ?

— Oh, c’est possible ? Formidable. Oui, j’aimerais bien ! s’étonna la femme. Il sera vraiment heureux, croyez-moi, depuis le temps qu’il rêve de posséder cet objet, ajouta l’inconnue, les mains sur sa taille.

— Souhaitez-vous un motif simple ou coloré ? demanda May sans faire attention à la dernière phrase de sa cliente.

— Hum… simple, merci, répondit celle-ci du tac au tac.

Au même moment, Joyce entraînait une jeune patineuse. Après ses vingt-six ans, elle avait mis un terme à sa carrière et était devenue coach à son tour. Elle faisait chaque jour des efforts pour rendre fiers ses parents et espérait qu’ils l’étaient. Le plus lointain souvenir d’eux qu’elle avait était l’accident de voiture qui les avait tués. Ils revenaient de la dernière représentation de la reine de la glace, la plus connue de l’histoire du patinage. Sur la route du retour, un camion en face d’eux avait eu un problème de freins. Le chauffeur du poids lourd avait compris trop tard le souci de son véhicule et avait percuté en frontal la famille Brennan. La voiture abîmée avait brutalement foncé contre un arbre et les airbags n’avaient pas fonctionné. Les parents s’étaient retrouvés dans un état critique, le pare-brise en mille morceaux et des gros bouts de verre sur leurs têtes. Le soir de leur mort, Joyce avait fait une drôle de rencontre. Une voix l’avait interpellée alors qu’elle était à l'arrière, choquée et sonnée. À l’extérieur, accroupie, une grande femme à la tignasse azur, aux yeux bleu paon - tenant un sceptre qui brillait -, la regardait avec bienveillance. Joyce avait décidé de lui parler. Avec une voix douce, la Joyce d’alors, âgée de dix-huit ans, avait demandé à cette inconnue de la sortir de là. Celle-ci avait accepté sans rien demander en retour, avec l’un des plus beaux sourires que Joyce ait pu voir de sa vie. Depuis ce jour, Joyce souhaitait revoir son ange gardien qui l’avait sauvée.

 

— On se concentre, Joyce, murmura-t-elle en sortant de ses pensées.

 

À Le paradis, Jeanne et Pedro se trouvaient encore là. Ils restaient toute la matinée à attendre, mais attendre quoi ou qui ? Ils tripotaient des objets, essayaient des vêtements vintage. Les cousins faisaient juste du lèche-vitrine pour tuer le temps. May observa la boutique par-dessus l’épaule de la cliente. Peu de monde, à peine huit ou neuf personnes, dont Jeanne et Pedro. La gérante demanda à la cliente de patienter, ce qu’elle fit pendant dix minutes environ. Durant ce laps de temps, May sortit de son bureau un carton peint en blanc, avec du papier bulle à l’intérieur. À l’aide d’un ciseau, elle découpa sur le papier rouge des cœurs en deux dimensions. Elle plaça le vase à l’intérieur avant de coller le papier sur le paquet de taille moyenne. May finit avant de voir l’impatience dans les yeux de sa cliente.

 

— C’est parfait ! s'exclama cette dernière.

— Madame, carte ou espèces ? demanda May.

— Euh... hésita-t-elle un instant. Espèces.

— Trente dollars, s’il vous plaît, l’emballage est offert par la maison, communiqua May.

— C’est vraiment sympa ! signala la cliente en donnant la somme exacte.

— Merci pour votre achat, et à bientôt, madame, informa May.

 

La cliente bombarda May de compliments, visiblement elle adorait discuter. Cela lui rappelait quelqu'un. Les cousins s’étaient posés dans un rayon pour regarder la scène de loin. Ils étaient étranges depuis longtemps, puisqu’elle les connaissait. D’accord, c’était peut-être un bien grand mot, mais ils étaient des clients récurrents. Ils s'intéressaient aux articles sur les étagères et achetaient, parfois, des articles pas chers à cinq dollars. Le foulard de la magnifique femme descendit un peu sous le coup du vent à l'extérieur, découvrant sa chevelure ondulée. Le bruit de ses talons indiqua à May que sa cliente bavarde était en train de partir. Elle eut tout d’un coup un pressentiment au sujet de la sublime femme. Bon ou mauvais, May ne savait pas trop. Jeanne et Pedro quittèrent leur poste d'observation pour rentrer probablement chez eux. Personne ne savait où ils habitaient, ni qui étaient leurs parents. Ils étaient un vrai mystère pour la ville et ses habitants. 

May se changea et prit la direction d’une des patinoires de San Francisco. Elle arriva à temps pour voir l’élève de Joyce essayer de décrocher sa place pour la deuxième partie d’une compétition qui se déroulerait à New York. La patinoire était bondée. Par chance, May avait la meilleure place pour voir le spectacle. Le show débuta, et les yeux de toute la foule se concentrèrent alors sur la glace, qui accueillit la première participante. Les participantes se succédèrent les unes après les autres, puis se fut enfin le tour de Tatiana. La musique se lança, et Tatiana commença à patiner. Les murmures, les petits bruits s’envolèrent, un calme jamais vu jusqu’ici survint dans la patinoire. Elle avait captivé la salle toute entière, même les juges avaient le souffle coupé par tant de fraîcheur. Ses concurrentes, malgré la jalousie, ne pouvaient qu'être d’accord avec l’ambiance de la salle. Elle avait étonné et rendu bouche bée le jury et les spectateurs. Même ses parents, présents dans la salle, n’arrivaient pas à contrôler leurs applaudissements. À la fin de la performance, les panneaux au-dessus de la tête de Tatiana clignotèrent et un score s'afficha. Tatiana n’en revenait pas, Joyce non plus. Joyce sauta de joie dans les bras de May, qui rougit instantanément. La patineuse enlaça ses parents, de retour sur le sol, et ne put se défaire de leurs bras. 

Tatiana salua Joyce de la main et s’en alla pour fêter sa victoire chez elle. Durant la semaine, durant tout le mois, même, la cliente bavarde réapparut à plusieurs reprises à Le Paradis. Elle vint une fois avec du thé glacé pour May, qui accepta alors de discuter avec elle. May s’entendait bien avec elle et découvrit son identité assez rapidement. C’était Shannon Gordon, la célèbre actrice qui avait joué dans plusieurs séries et films à succès, et qui avait le premier rôle dans une nouvelle série, Mystère à San Francisco, d’où sa présence ici. Shannon commença à se lier d'amitié avec elle. Tous les lundis, elle venait déguisée. Elle était meilleure actrice que costumière. Quand midi sonna, May l’invita à l’étage et lui offrit le déjeuner. Les jours passèrent et May se fit une autre amie que Joyce, Shannon. Toutes les deux avaient réussi à créer un lien, May était plus radieuse que par le passé. Un jour, Shannon lui rendit visite après avoir tourné une scène dans la matinée. May l'installa dans son bureau pour qu’elle enlève son déguisement, qui lui donnait chaud.

 

— Tu voudrais du thé ? chuchota May.

— Oui, mais ne te dérange pas pour moi, répondit Shannon sur le même ton.

 

May s'occupait d’encaisser un client dont le panier était rempli. À la suite de son départ, elle ferma la caisse et regarda Shannon boire.Elle sourit, s’approcha, se versa du thé dans une tasse puis s’assit face à son amie et vérifia les comptes de Le Paradis avant de s’en excuser auprès de son invitée.

 

— Je suis désolée, Shannon. C’est un rituel après le dernier client de la journée .

— Oh, t'excuse pas, May. C’est normal de faire ça.

 

May accompagna Shannon à l’extérieur de la boutique après avoir vérifié cinq fois au moins que tout était éteint. Au dehors, des fans reconnurent Shannon et poursuivirent leur star pour obtenir autographes et photos. Sans réfléchir, May fonça donner un coup de main à Shannon. Elle sentit ses éclairs parcourir toutes les cellules de son corps, et ses yeux se mirent à briller. Elle ne pensa pas une seule seconde aux conséquences, enfin pas sur le coup. Tout ce qu’elle voulait, c’était aider sa nouvelle amie.

 

{Mais où sont les gardes du corps ?!}

pensa May, les sourcils froncés, avec une petite ride au milieu

 

L'actrice ne comprit pas de tout suite ce qui s’était passé. Elle ne se trouvait plus à quelques mètres de Le Paradis mais à l’autre bout de la ville, près de la baie qui dormait déjà. Shannon mit sa paire de lunettes sur ses cheveux et crut halluciner en voyant une femme atypique devant elle. Tout son corps vibrait, comme une onde, une chose indescriptible.

 

— Tout va bien, à présent ? demanda May avec une voix modifiée.

— Euh… oui, répondit Shannon, encore sous le choc de la course.

— Tu as mal quelque part ? Des vertiges ?

— Euh… non.

 

{Quoi ? Non, ce n’est pas possible. Normalement, elle doit avoir envie de vomir, étant humaine. Sauf si... non, c’est rare !} pensa May

 

L’image n’était pas très nette, sa sauveuse s’apprêtait à partir. Shannon la retint et s’adressa à elle en lumia, la langue des Lumiros : “ Merci, ma sœur “. May reprit forme humaine et comprit alors que Shannon était une alien, une Lumiros, comme elle. Les deux femmes échangèrent autour d’un bon repas au restaurant Toyose, situé à Outer Sunset. L’une promit à l’autre que son secret ne fuiterait pas. Les aliens se cachaient derrière un masque, une apparence humaine qui les protégeait des critiques et des regards noirs des Terriens. Une fois terminé, elles se dirigèrent vers la caisse pour payer, Shannon marchant avec l’allure d’une star dans sa tenue qui se fondait bien dans le décor. Après avoir payé, elles marchèrent vers la sortie. May ramena Shannon à son hôtel grâce à son pouvoir de vitesse, après avoir échangé leurs numéros de téléphone. Chez les Lumiros, une amitié se construit pas à pas. 

Ils prennent le temps, vu leur longévité, de passer le plus de temps possible à faire diverses activités. Ce n’est qu’ensuite qu’ils passent de connaissance à amis. May espérait ne pas avoir de problèmes à l’avenir, ni avec les autorités lumiros, ni avec l'impératrice en personne. La moitié de la ville avait dû voir la séquence de la femme extrêmement rapide. May se coucha mais n’arriva pas à trouver le sommeil. Elle semblait inquiète, elle aimait sa vie ici. Elle avait peur d’avoir fait quelque chose de mal. Le lendemain, elle en parla à Shannon autour d’une infusion à la menthe dans son bureau, à une heure très tardive. Celle-ci la regarda silencieusement, avec un sourire compatissant.

 

— Il ne faut pas s'inquiéter comme ça, May. Tu ne l’as fait qu'une seule fois, et c’était pour moi.

— Je le sais très bien, Shannon. Mais je ne peux pas m’empêcher de… C’est plus fort que moi. Tu as raison, en fait.

— Bien sûr, tu peux dormir tranquille.

— D'après les règles établies par la famille impériale, on peut le faire, peu importe notre apparence, mais on ne doit pas montrer notre visage.

— C’est l’une des phrases de la loi, tu la connais par cœur, on dirait.

— Plus que tu ne le penses, Shannon

 

May finit sa tasse, et Shannon également. Toutes les deux montèrent à l’étage pour se détendre un peu. Comme dans la dimension de lumière, les Lumiros savent s’amuser, à plusieurs niveaux. Des jeux de société, à danser sur la place centrale de chaque petite ville. Alors quand deux Lumiros se trouvent et jouent ensemble, ils sont remplis de passion. May refit du thé et le déposa face à Shannon. Shannon patienta sur le canapé en regardant à l'extérieur, par la fenêtre. May fouilla dans le placard de la chambre et ramena des cartes aux motifs simples.

 

— Une partie d’hanafuda  ?

— Avec plaisir !

 

May lut les règles du jeu tout en distribuant les cartes, sous les yeux impatients de Shannon. 

Sur la table basse du salon, un combat fit rage. Des neurones lumiros tournaient à plein régime. Les amies étaient devenues des adversaires. Seul le tic-tac de l’horloge résonnait dans la pièce.

 

— Fin de la partie, annonça Shannon avec un petit sourire en coin.

— Bien joué, Shannon.

— Je te remercie et te renvoie le compliment.

 

De chaque côté de la table, les cartes formaient un carré. May compta les points à la fin des six manches. Sur une feuille, elle marqua les yaku.

 

— Tu as encore gagné, May. Tu es une incroyable joueuse d’hanafuda !

— Ma mémoire est infaillible, c’est tout.

— C’est donc ça, ton secret.

 

Shannon éclata de rire, et May également, ayant compris l’humour de sa nouvelle amie. Comme les fois précédentes, May ramena Shannon à son hôtel à vitesse grand V. Aucun paparazzi ne put les voir, et Shannon avait enfin la paix. May rentra chez elle et Joyce la vit encore une fois d'excellente humeur. Elle siffla d’un air joyeux en préparant le dîner du soir. Joyce fit un câlin à May, qui en laissa tomber ses ustensiles. Elle cacha à Joyce qu’elle rougissait en prétendant avoir mal à la tête. Joyce recula, mit la table et s’assit sur un tabouret derrière May. Celle-ci savait que Joyce était en adoration de Shannon depuis ses débuts sur les écrans. Elle l’était aussi, mais sans l'accord de Shannon, elle ne pouvait lui dire qu’elle avait rencontré leur idole. Cela faisait un mois, jour pour jour, que May s’était fait une amie de la même espèce qu’elle. Elle voulait encore garder Shannon pour elle seule, ça n’arrivait que très rarement de tomber sur une autre Lumiros. Alors May espérait que le plaisir resterait encore secret. May était au fourneaux et Joyce brûlait d’envie de savoir ce qui la rendait aussi brillante, littéralement. Son sourire éblouissait tout sur son passage. Dernièrement, hommes comme femmes se prenaient le tronc des arbres en apercevant May dans la rue. Joyce en riait à chaque fois. May était, inévitablement, une belle femme. 

Grande, mince, au sourire sublime, aux yeux bleu égyptien envoûtants et à la chevelure citrouille atteignant presque la moitié de son dos. Une fois à table, May et Joyce commencèrent à se servir.

 

— Alors, tu vas me dire ce qui te rend aussi rayonnante ?

— Je suis rayonnante ?

— C’est le seul mot que j’ai trouvé.

 

May se retourna brièvement vers Joyce et lui sourit. Elle haussa les épaules, dos à sa colocataire, et laissa échapper un petit rire. Joyce était de plus en plus curieuse et impatiente de savoir. May soupira, plaça les plats sur la table de la salle à manger et avoua à Joyce qu’elle s'était fait une amie.

 

— Ah mais c’est pour ça ! C’est super !

— Oui, à part toi et mon associée, je n’ai pas beaucoup d’amis.

— Au moins tu en as, May !

— C’est vrai…

 

Le repas terminé, May fit la vaisselle avec Joyce, qui était heureuse pour elle. Elle voulait savoir de qui il s’agissait, et comment elle était. May insista gentiment pour ne plus en parler. Joyce laissa tomber, mais au fond elle mourait d’envie de savoir. Avant d’aller dormir, elles regardèrent ensemble une série à la télé. Un jour, Shannon passa de nouveau incognito à Le Paradis. May s’occupait de nettoyer les rayons après le passage des clients. Shannon se permit d'aller dans le bureau, avec la clef ouvrant la porte derrière le comptoir. Elle posa la commande prise au restaurant japonais pas très loin de la boutique et l’attendit en faisant du thé. Quand May en eut fini avec le balai, elle le rangea et passa à table.

 

— Une question m’a traversé l’esprit depuis notre rencontre. Enfin plus précisément après que tu m’as sauvée de mes fans en délire.

— Laquelle ?

— Quel type de Lumiros es-tu ? Moi, je suis une Lumiros humaine.

— Je suis une Lumiros métaz, et comme tu peux t’en douter, je suis une supersonique.

— J’ai attendu, comme le veut la tradition chez nous. Pour tout t’avouer, j’ai dû relire certaines de nos coutumes.

L’espèce Lumiros est composée de plusieurs types. Huit en tout, en comptant les déesses et les dieux. Chacun a sa particularité, qui fait de lui ou d’elle ce qu’il ou elle est, pouvoir ou pas. Chaque Lumiros est spécial à sa façon. May afficha un air encore plus lumineux, ce qui plut à Shannon. Elle n’arrivait pas à regarder ailleurs. En rentrant chez elle, Joyce sauta sur elle. May sentit ses joues devenir chaudes, et les papillons dans son ventre réapparurent. Elle se racla la gorge, toussa et monta à l’étage pour se faire du thé avec du miel. Les jambes de Joyce faisaient des va-et-vient sur le siège de la cuisine. Elle regarda May et demanda une tasse de thé.

 

— Tu veux du thé, vraiment ?

— C’est si étonnant que ça ?

— Honnêtement... un peu, oui. Mais, je vais t’en faire si c’est ce que tu veux.

— Super. Merci, May !

 

May décida de siroter le thé à la terrasse du rez-de-chaussée, et Joyce aima l’idée. Une légère brise fit danser les cheveux de May quand elle posa le plateau sur la table base. Collées l’une à l’autre, May et Joyce restèrent silencieuses et admirèrent le ciel, dans lequel peu d’étoiles se trouvaient. Leurs épaules se touchaient, leur souffle caressait la peau de l’autre. Leurs regards se croisèrent. May se mit à saigner du nez et sentit ses cœurs battre plus que d’habitude. Les Lumiros ont trois cœurs, trois petits cœurs, un sur les deux autres, dans leur poitrine. Ils battent en même temps, ce qui forme un seul et même cœur sur les électrocardiogrammes des hôpitaux.

 

— May, ça va ?

— Oui, ce n'est rien. C’est sûrement à cause d'aujourd'hui, c’était une dure journée.

— J’pensais pas que les objets vintage étaient aussi célèbres.

— Et moi, je ne pensais pas qu’il existait une femme aussi belle que celle qui est à côté de moi, chuchota May.

— Hein ?

— J’ai… je n'ai rien dit.

 

Joyce partit chercher un mouchoir et le tendit à May. Elle passa quelques secondes à regarder ses mains. May sourit, rougit et le bloqua contre ses narines. Elle prétendit un coup de fatigue et monta à l’étage. Sur le bord du lit, elle soupira et s’allongea. Elle se mit sur le côté, approcha ses bras de sa poitrine et baissa la tête. Elle souffla et vit la lumière émanant du salon. May s’endormit avec le son de la télé de l’autre côté de la porte. Elle se réveilla, s’étira et se frotta les paumes à l’idée de déjeuner encore une fois avec Joyce. Elle sifflota joyeusement. Vers huit heures quarante, Joyce se leva enfin. La table de la cuisine était remplie de bons plats tout juste prêts. Un vrai festin de roi. Joyce n’était plus étonnée d’un tel effort de la part de May. Au moins, la cuisine ne ressemblait plus à un champ de bataille depuis qu’elle était là. La pièce était devenue un endroit de la maison où on avait envie de passer du temps le matin.

 

— Le petit-déjeuner est prêt !

— Je vois ça, May.

— À table, alors !

Sur sa gauche, un assortiment de bagels au fromage frais, aux tomates-cerises et à la ciboulette. Devant Joyce, une assiette d’œufs au bacon et un verre de jus d’orange pressée. Face à May, des galettes de pommes de terre et la même boisson que Joyce. À côté, deux milkshake aux biscuits Oreo et un panier de cookies au cheddar. May faisait tout son possible pour cuisiner ce qu’il fallait - chaque matin, chaque jour - pour elle et Joyce.

 

— Tu vas faire ton sport, après ?

— Oui, pourquoi ?

— Je voudrais le faire avec toi.

— Aussi tôt dans la journée ?

— Oui.

— D’accord…

— Alors, je peux ?

— Oui, bien sûr. Je ne vois pas pourquoi, tu ne pourrais pas, Joyce.

— Tu crois que ta nouvelle amie va venir te voir, aujourd'hui ?

— Hum… Sûrement, peut-être. Elle a un emploi du temps chargé à cause de… Oups, tu m’as eue, cette fois-ci.

— Ouais, je t’ai eue !

 

May sourit et la guida vers la terrasse en toiture, là où elle faisait son sport d’habitude. Elle dégagea de l’espace, plaça des tapis de yoga et des altères, alluma la radio, mit sa station préférée puis commença l’entraînement. 

 

(1)  Le Hanafuda - 花札, traduit comme le "Jeu des fleurs", est un jeu de cartes traditionnelles japonais. Il se compose de 48 cartes réparties sur les 12 mois du calendrier japonais. Chaque mois comporte un thème floral et des symboles propres à la nature japonaise à travers les saisons d'une année. Ce jeu de cartes est aussi présent en Corée (Hwatu) et à Hawaï.

(2)  Lien du site où j’ai trouvé les plats : https://www.cuisineaz.com/diaporamas/brunch-americain-2361/interne/1.aspx

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