Chapitre 2 : liens du sang

Par Drak

Demande de modification :

Au vu des récents évènements, l’A-G va certainement marquer l’histoire sous une nouvelle appellation. Il semble alors de rigueur de modifier son nom de code.

Proposons d’utiliser le nouveau nom de l’arme.

 

Demande approuvée. A-G renommé en A-E.

Archives de l’Apsû, branche Anglaise, 420

 

 

Je n’arrive en vue de la maison de mon oncle, qu’alors que les premiers rayons du soleil pointent.

Encore sous le choc, j’ai effectué tout le trajet à pied et je ne rêve que de deux choses : m’allonger et avaler un truc ! N’importe quoi, du moment que ça se mange !

Pourtant, malgré tout le temps que j’ai eu pour y réfléchir et le dernier ordre de mon père… J’hésite toujours à savoir si oui ou non je dois me rendre chez mon oncle.

Mon père et lui avaient uniquement des différends, alors que moi, je ne me suis juste jamais entendue avec lui !

Qui plus est, si mon père s’est voué à l’étude bien concrète de la Terre ainsi que de ses trésors minérales, mon oncle s’est quant à lui tourné vers celle bien plus alambiquée, flou et imprécise qu’est l’étude des mythes et légendes. Un domaine d’expertise fascinant en apparence… mais qui a le don de devenir horripilant et assommant d’ennui dans sa bouche !

Et ce n’est certainement pas la vue de sa maison au style d’un autre âge qui va me donner davantage envie de le revoir !

Pourtant, mon père m’a expressément demandé de me rendre chez mon oncle, juste avant de mourir…

Non, non ! Il n’est pas mort ! Il a forcément dû survivre !

Planté à dix mètres de la vieille maison, je tourne et retourne mes hésitations, avec l’obstination d’un hamster qui court inlassablement dans la roue de sa cage…

« Diane ? »

Je reviens sur terre, sous le regard interloqué de mon oncle, qui se tient sur le pas de sa porte.

La ressemblance physique entre mon père et son frère aîné me frappe avec douleur.

Le même faciès anguleux, les mêmes épaules larges, jusqu’à leurs cheveux roux rebelles qui pointent toujours vers le ciel… Seules leurs postures, plus énergiques chez mon père, ainsi que la tenue, plus guindée chez mon oncle, sans oublier les lunettes à écailles de ce dernier, permettent de réellement les différencier.

« Salut… Hector… Je… »

« Rentre. Vite. »

Il s’efface pour me laisser la place de passer.

Trop surprise pour répondre, j’obtempère.

Il referme prestement derrière moi, après avoir jeté un regard à la ronde, teinté de… peur ? 

Difficile à dire.

Hector m’escorte jusqu’à son salon, où il libère une table basse de la pile de documents qui s’y amoncellent.

Dès que nous avons chacun pris place de part et d’autre du meuble, mon oncle m’interroge sans attendre :

« Tu as mauvaise mine… Que se passe-t-il ? Pourquoi Arthur n’est pas avec toi ? »

« Il y a un homme qui est venu à la maison cette nuit. Un ami de papa, apparemment… »

Mon oncle pâli immédiatement et pour une raison que je ne comprends pas, baisse un instant la tête vers mes mains, avant de revenir à mon visage.

« …je sais qu’il ne faut pas écouter aux portes, mais je l’ai fait… Son soi-disant ami… l’a menacé, il voulait quelque chose, mais mon père a refusé. Ensuite, j’ignore ce qui s’est passé exactement, mais je suis certaine que l’homme a mis le feu… »

Mon oncle vire carrément couleur craie à ces mots.

« Oh sainte mère de Dieu… »

Je demande : « Tu le connais aussi ? »

« S’il s’agit bien de celui à qui je pense… Uniquement de par le peu que m’en a raconté ton père. Cet homme… disons que ce n’est pas une bonne personne. Je te crois complètement quand tu dis qu’il a mis le feu chez toi. »

Oh joie ! Un pyromane.

Mais au fond de moi, je me rappelle encore la manière irréaliste avec laquelle l’homme avait traité les flammes sur son gilet… Plus j’y pense, plus je me dis que ça ressemble moins à un fou, amateur de feu, qu’à de la magie… Sauf que la magie, ça n’existe pas !

« Diane ? Tu es encore là ? »

Mon oncle me fixe, son front arborant la même ride soucieuse que pouvait parfois présenter mon père quand il s’inquiétait.

« Oui, excuse-moi. Je… je suis fatigué. »

Il hoche gravement la tête.

« C’est compréhensible, désolé de t’avoir brusqué. Tu veux peut-être te reposer un peu ? J’ai la chambre d’ami… »

Je me lève, mes jambes flageolent sous l’effort, mais je tiens le coup.

« Oui, merci… Ne t’embête pas pour moi : je me souviens où c’est. »

Je traîne les pieds jusqu’à la chambre dans laquelle je dormais, à l’époque où il nous arrivait encore à mon père et moi de passer un peu de temps dans cette maison.

Je ne prends même pas la peine de me déchausser : je m’effondre littéralement sur le lit, accueilli sans attendre par Morphée !

 

*

Je suis de retour dans la prairie. Mais celle-ci est désormais morte. Incendiée.

Dans le ciel, j’aperçois l’oiseau qui tourne au-dessus d’un immense amas de cendre.

Mais je ne ressens aucune inquiétude : l’épée est à l’abri, dans ma main.

Brusquement, un papillon de nuit vient voleter devant mon nez…

« Trouve le serpent bicéphale et celui qui maniait la vie ! Trouve-les ! »

Je me réveille en sursaut, avec cet étrange ordre qui résonne encore dans mes oreilles.

 

Mon corps proteste contre ce soudain effort, tandis que j’entreprends de sortir de la chambre d’ami.

Dans le salon, je trouve Hector dans un canapé, un sac ouvert devant lui, rempli de…

« Mais ce sont les pierres de mon père ! »

Mon cri surprend mon oncle, qui lâche le caillou qu’il était en train d’inspecter.

« Diane ! Mon Dieu, tu m’as fait peur ! Par pitié, préviens à l’avenir ! »

Je l’ignore. Encore trop atterrée.

« Qu’est-ce que tu fais avec tout ça ? Tu… Tu es allé les prendre dans les restes de la maison ? Mais pourquoi ? »

« Je voulais y aller avec toi… mais tu as dormi toute la matinée… »

Il se lève soudainement et m’attrape par le bras pour me rapprocher du sac.

« Est-ce que tu ressens quelque chose ? Une pierre qui t’attire ? Ou une impression ? …Pourquoi a-t-il fallu qu’Arthur soit si secret là-dessus… ? »

Il a ajouté cette dernière question à voix basse, pour lui-même.

« Mais de quoi tu parles ? Lâche-moi ! »

Il obéit, mais le regard qu’il m’adresse demeure implorant. Quelle qu’en soit la raison, il veut vraiment que je fasse… ce qu’il veut que je fasse. Quoi que ce soit exactement.

Délicatement, je prends l’un des trésors de mon père dans mes mains.

Mon oncle suit mes mouvements avec une attention religieuse, sans rien dire, malgré son évidente impatience.

Je continue ainsi plusieurs longues minutes, je trie les pierres par matières et tailles, comme il me semble l’avoir déjà vu mon père faire.

Arrivé à la toute dernière, mon oncle se risque à demander :

« Alors ? »

Je grogne, excédé : « Alors quoi ? À quoi t’attendais-tu ? »

Il m’énerve, il m’énerve… En plus, le voilà qui se triture les mains, ce qui me rappelle douloureusement le tic nerveux de mon père.

« La police m’a permis de récupérer les affaires d’Arthur, mais tout n’est pas ici… Nous devons aller les chercher au commissariat ! »

Il se précipite aussitôt dans l’entrée où il enfile son manteau, avant de se tourner vers moi, dans l’attente.

Il est fou, ce n’est pas possible autrement.

Mais il n’a pas tout à fait tort : il faut aller reprendre toutes les affaires restantes de mon père.

Dans un soupir, j’enfile mon sweat à capuche bleu marine, seul vêtement chaud que j’ai emporté.

 

Même sa voiture, une Aston martin, m’énerve. Trop propre. Trop lisse. Trop confortable… Trop cher !

Mon oncle conduit à travers les rues de Bordeaux. Ses doigts martèlent d’impatience le volant à chaque fois qu’il doit s’arrêter.

Assise sur le siège passager, je ronge mon frein.

Vivement qu’on en ait fini avec tout ça.

Enfin, il gare sa voiture à proximité du commissariat, vers lequel je m’élance sans attendre.

À l’intérieur, une réceptionniste nous accueille depuis son bureau :

« Bonjour, que voulez-vous ? »

Mon oncle s’avance et déclare avec un calme, bien différent de l’agitation qu’il avait jusqu’alors témoignée :

« Je suis monsieur Pangredon. Je suis déjà passé ce matin pour récupérer une partie des affaires de mon frère. Je viens chercher le reste. »

Elle tape rapidement sur le clavier de son ordinateur avant d’annoncer :

« Aucun souci. Cependant, monsieur l’inspecteur a demandé à vous voir quand vous repasseriez. »

« J’ai ma nièce, Diane, qui est là… L’inspecteur voudra probablement lui parler aussi : elle était dans la maison de mon frère… avant qu’elle ne brûle. »

La réceptionniste se contente de hausser les épaules, ignorante.

« Vous lui en parlerez vous-même. Vous pouvez patienter dans la salle d’attente, monsieur l’inspecteur ne devrait pas tarder. »

Nous prenons donc place chacun sur un des vieux sièges. Mon oncle dégaine un livre de l’intérieur d’une de ses poches, alors que moi je prends mon téléphone pour surfer un peu sur facebook… mais l’éteint rapidement, incapable de me concentrer.

Par curiosité, je jette alors un œil aux autres personnes présentes.

Une vieille dame, accompagnée de ce qui est vraisemblablement son fils.

Un homme plongé dans un journal, dont la jambe tressaute nerveusement.

Et deux jeunes, probablement lycéens… Le plus envelopé a un étrange regard perdu dans le vide. Tandis que son ami, penché en avant, est agité par un visible énervement.

Après plusieurs minutes, un homme revêtu d’un imperméable digne d’un inspecteur d’émission télévisée et muni d’une l’impressionnante moustache en brosse, fait son apparition, demandant à la ronde :

« Monsieur et mademoiselle Pângrebon ? »

« Pangredon. » Corrige mon oncle.

« Oui, voilà. Voulez-vous bien me suivre ? »

Il nous précède jusqu’à une salle meublée uniquement d’une table simple et de deux chaises, mais où surtout s’entassent tous les objets qui ont pu être sauvés de l’incendie… ou alors plus ou moins, comme me l’indiquent de tristes marques de brûlures sur la majorité.

L’inspecteur se tourne vers moi.

« Vous êtes la fille de monsieur Pangredon Arthur, c’est ça ? »

« Oui, c’est moi. »

« Votre oncle dit que vous étiez sur les lieux. Vous pouvez me raconter ? »

« Un homme s’est présenté chez nous cette nuit, mon père le connaissait, mais il en avait visiblement peur. Assez en tout cas pour me réveiller et m’ordonner de partir rapidement. Je me suis juste suffisamment attardé pour entendre que l’homme voulait quelque chose que mon père refusait de lui donner. Il y a eu dispute… et l’homme a mis le feu. Je l’ai même entendu le dire au téléphone, alors qu’il ignorait que j’étais là. »

« Vous sauriez me décrire le suspect ? »

« Je ne l’ai qu’entrevu, alors qu’il avait la lumière de l’incendie dans le dos… Je n’ai donc pas trop vu ses traits… Mais je peux vous dire que c’était un homme de taille moyenne, avec un gilet rouge et des cheveux bruns en pics… »

« C’est tout ? Vous êtes certaine ? Pas le moindre détail supplémentaire ? Bon, c’est déjà mieux que rien… On vous rappellera, si besoin, ou si l’on a du nouveau. Vous logez bien chez votre oncle ? »

Hector confirme, sans me laisser le temps de répondre.

Il m’énerve, il m’énerve…

Les deux adultes commencent à discuter de paperasses administratives, concernant les affaires de mon père, alors je décide de fureter dans les restes de mon ancien chez-moi.

Je ne tarde pas à trouver ce que je cherche : trois gros cartons où ont été jetées, pêle-mêle, toutes les pierres, rochers et géodes de mon père. Je suis, d’un côté, outrée par un tel traitement et d’un autre soulagée qu’elles aient été sauvées.

Je fourrage tendrement dedans, jusqu’à dégoter, avec bonheur, celle que m’avait montrée mon père ce fameux soir tragique.

Je ne sais pas pourquoi je cherchais celle-là plus qu’une autre…

Je pose ma main dessus… et se passe alors un truc inexplicable : la géode luit doucement et je vois mes doigts s’y enfoncer !

C’est chaud…

Mais plus que ça, je sens quelque chose de dur et froid à l’intérieur…

« Diane ? Ah ! Tu as retrouvé les sujets de travaux de ton père ! »

Sans réfléchir, je referme ma main sur l’objet, l’extirpe de sa prison minérale et le cache dans ma poche.

Je me redresse pour faire face à mon oncle, qui se rapproche, les bras déjà chargés par un carton d’affaires. De toute évidence, l’inspecteur et lui en ont fini avec la paperasse.

« C’est bon ? On peut tout récupérer ? » je demande innocemment.

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Myzel
Posté le 18/04/2022
J'ai une théorie !! Ou un bout de théorie... Pangredon si on mélange les lettres ça fait Pendragon, et le père de Diane s'appelle Arthur, ça peut pas être une coïncidence !!!
Drak
Posté le 18/04/2022
Développe ta pensée, j'adore les théories ! (oui c'est effectivement un anagrame)
Myzel
Posté le 18/04/2022
je me dit, peut être le père de Diane c'est LE Arthur Pendragon, et il a fait un saut dans le temps par erreur, ou il a acquit quelque chose qui lui a permit d'être immortel, et du coup son frère aussi. Du coup peut-être que Diane est aussi immortelle mais qu'elle a des pouvoirs en plus et le soi disant ami était venu la kidnapper
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