Chapitre 2 : le transfert

Par Makara
Notes de l’auteur : Un nouveau chapitre 2, tout beau ! De grands changements avec la précédente version !

À la vue de ces centaines de personnes, le cœur de Rhéane se mit à battre à tout rompre. Ses doigts nerveux ne quittaient pas son vêtement. Elle se força à prendre de profondes respirations devant la constellation de regards qui la surplombait. Elle se sentait minuscule, écrasée par autant d’attention. Elle chassa l’angoisse de son esprit pour ne laisser que l’exaltation l’envahir.  

Des chuchotements montèrent soudain du haut des gradins. Rhéane releva les yeux.Elle croisa ceux d’une femme âgée qui descendait les escaliers de pierres. 

Toute de bleu vêtue, la tête auréolée d’un halo de lumière, les cheveux opalins, la femme portait sur elle la prestance des personnes importantes. Rhéane eut un moment d’arrêt. Il s’agissait bien d’une enchanteresse ! Derrière elle, la jeune servante lui emboitait le pas, la soucoupe toujours en main. 

Quelques murmures montèrent dans la nuit et certains spectateurs s’agitèrent pour mieux voir la nouvelle venue. La mage s’installa au premier rang, lissa sa robe et plaça ses mains sur ses genoux. 

Immédiatement, une douce musique de lyre s’éleva du chœur donnant le signal du début de la représentation.  

Rhéane eut l’impression de sentir la pression de sa mère s’installer sur ses épaules, ainsi que ses rêves, ses aspirations. Le tout formait une enclume d’attentes et d’espoirs. Elle entendait presque ses phrases dans sa tête : la prestation doit être parfaite. Jamais nous n’aurons d’autre chance de briller. Fais bien attention à ta diction. Je compte sur toi, tu es la seule de cette famille qui ne me fasse pas honte.

 

Rhéane prit une grande inspiration, et déclama :

 

Chers habitants de cette belle cité,

nous sommes ici réunis pour vous raconter 

l’illustre histoire de notre Nimbe si singulier

 

Rhéane se mordit la lèvre sous le masque. Cela commençait mal, elle avait piétiné la dernière syllabe. Sa nuque chauffa sous le regard de sa mère. Hippolyte enchaîna rapidement. 

 

Horace ! Mon ami ! Que viens-tu faire aujourd’hui ?

 

Rhéane se rapprocha de son frère.

 

Je viens dans cette ville, adorer nos idoles ; 

Je viens, selon l’usage ancien et solennel 

Célébrer avec vous cette heureuse journée 

Où sur l’acropole, la loi nous fut donnée.

 

Hippolyte posa ses mains sur ses hanches.

 

As-tu apporté des offrandes pour nos mages ? 

 

Rhéane mima la même position.

 

Oui, tout est prévu mon cher ami. 

Tout est prévu pour leur rendre femmage ! 

 

Je souhaite demander à nos Enchanteresses

si ma femme approchant ses soixante ans,

sera de celles touchées par le Nimbe,

je pense qu’elle est prête, je pense qu’il est temps.

Alors je prie ! J’espère! J’acclame nos déesses !

 

Rhéane fit signe à Thamyclès d’intervenir. Celui-ci s’exclama avec une voix chevrotante.

 

Brave homme, je t’ai entendu et je me dois d’intervenir !

Tu sais comme moi que le Nimbe ne touche que

les femmes les plus méritantes ! 

 

Rhéane sentit une vague de soulagement la traverser. Il avait réussi sa première tirade. Hippolyte surenchérit :

 

Messieurs, les plus fortes des femmes  

ne sont pas forcément celles que l’on croit ! 

Le Nimbe a des chemins que la raison ignore !

 

Rhéane joua la frustration. 


 

Ah, oui, c’est évident ! Mais j’ai bon espoir que ma femme sera choisie!

Elle a perdu ! Elle a souffert ! Et surtout,

Elle maîtrise ses émotions !

 

Hippolyte courba l’échine devant les arguments. 

 

Quel âge noble ! Quelle chance !

Je vendrais bien enfants, bêtes et charrue 

pour recevoir ce don ! 

 

Des rires éclatèrent parmi les spectateurs tant l’hypothèse d’Hippolyte paraissait incongrue : jamais un homme n’avait reçu le Nimbe. L’Enchanteresse elle-même émit un mince sourire que son halo lumineux rendit plus éclatant. 

Puis ce fut le tour des parents de Rhéane qui s’accordaient à merveille. Ils enchaînaient les alexandrins avec une aisance musicale digne des plus grands artistes. La jeune femme reprit la parole sur l’histoire du Nimbe en articulant soigneusement chacun des mots. Le public était réceptif, les sourires fleurissaient sur les visages concentrés. Rhéane se sentait libre. Elle adorait être sur scène, elle se sentait importante sur les planches, elle était observée, vue : elle existait. 

 

La voix criarde de Thamycles s’éleva et il prononça correctement ses quatre vers à l’hémistiche. Rhéane ressentit une bouffée de fierté pour lui. Il y arrivait ! Le métier rentrait !

 

Alors qu’Hippolyte déclamait son sonnet, Rhéane remarqua que le halo de la mage prenait une étrange couleur moirée et que ses mains étaient crispées sur ses cuisses, comme pour contenir une douleur. Elle fronça les sourcils. Est-ce la médiocrité de la pièce qui lui faisait cet effet ?  Rhéane s’approcha de quelques pas pour mieux étudier ses réactions.

Le halo de la mage devint de plus en plus sombre et sa peau se pigmenta de points argentés.

Rhéane jeta un coup d'œil autour d’elle. Personne ne semblait le remarquer. Pas même la servante tout à la contemplation de la pièce. Cela devait être normal. Il fallait qu’elle reste concentrée. Lorsque ce fut son tour, Rhéane débita ses vers laconiquement, toujours obnubilée par les phénomènes qui touchaient l’Enchanteresse. 

Alors que, jusqu’à présent, le regard de la mage semblait perdue vers l’horizon, ses yeux rencontrèrent les siens. 

Le bras levé de Rhéane se suspendit, son corps se figea et les vers disparurent de son esprit. Une terreur profonde venait de la saisir comme un écho de ce que ressentait la mage. Tout ce qui l’entourait prit une teinte vaporeuse. Ses frères, ses parents lui parurent être des formes nébuleuses et grisâtres. Elle tenta de retrouver le goût de la parole, mais sa langue devenue pierre resta collée à son palais. Rhéane entendit Hippolyte improviser quelques strophes pour combler son silence. Elle était incapable de se rappeler son texte. Elle était happée par les tourments de la prêtresse. 

Le visage de la mage se tirait sous la souffrance, ses sourcils se fronçaient, ses rides ondulaient comme sous l’emprise d’un mal invisible. 

 

Alors que Rhéane n’était qu’à quelques pas de la prêtresse, celle-ci se leva. Dans les prunelles de l’Enchanteresse, Rhéane vit briller des étincelles sombres puis son visage bascula en arrière et un long hurlement s’échappa de ses lèvres. 

Le public se figea d’un seul tenant et tous cherchèrent l’origine de la plainte. 

Le cri s’arrêta et la femme s’écroula au sol. Sans réfléchir, Rhéane se précipita à son secours. Elle fut la première à arriver à sa hauteur et plaça sa main sous la nuque de la mage dans l’espoir que celle-ci puisse se redresser. Un liquide poisseux s’écoula entre ses doigts. Quelqu’un sembla lui parler, mais ses oreilles n’étaient que bourdonnements.

— Elle est blessée ! s’écria-t-elle.

En hurlant ces mots, elle fit voler les bourdonnements de ses oreilles et le vacarme autour d’elle reprit toute sa dimension. Les cris lui piquèrent les tympans. 

Rhéane se pencha près de la poitrine de la sibylle pour déterminer si elle respirait toujours. 

— Madame ! Madame ! gémit la ménine qui s’agenouilla près du corps de la mage.  S’il vous plaît ! Aidez-la ! Transportez la à l’abri des regards !  

— Son Nimbe ! Regardez son Nimbe ! Il disparaît ! s’exclama un spectateur.

Rhéane constata que la lueur de la couronne dorée s’amincissait de plus en plus. Elle sentit des picotements chauds lui remonter le bras comme des milliers de fourmis. Une vague ardente l’envahit, la tête lui tourna et sa vision devint trouble.

— Oh ! Il a disparu ! s’affola quelqu’un. 

L’étourdissement de Rhéane s’évanouit et l’environnement retrouva sa netteté : elle se rendit compte qu’elle voyait maintenant distinctement la tiare de la mage. Elle semblait dépouillée de sa vie et de son essence, rien de plus qu’un joli ornement. Plus aucune lumière ne couvrait le métal doré.

Deux hommes soulevèrent délicatement l’Enchanteresse dont le souffle se rapprochait plus du chuintement pénible. 

Rhéane se releva sur deux jambes cotonneuses, l’esprit en suspension, le cœur battant à tout rompre.

La servante de la mage s’attacha à ses pas. Des larmes inondaient son visage sombre. Rhéane remarqua que la jeune femme se cramponnait à son collier en forme de demi-lune qui scintillait faiblement. Les hommes déposèrent la mage dans la tente, sur un lit de fortune certainement improvisé par les frères de Rhéane. 

Rhéane entendit au loin son père disperser la foule tandis que sa mère rapportait fiévreusement toutes sortes de médicaments. Elle entassa le tout au chevet de l’Enchanteresse et se dépêcha de faire une révérence. 

— Théodora… 

La mage avait articulé le nom dans un souffle meurtri. Sa servante se précipita à son chevet.

— Madame ! Que puis-je faire ? Comment puis-je faire pour vous aider ? Dites-moi ! Je vous en conjure ! 

La sibylle tendit une main vers la joue de la jeune femme. Celle-ci s’empara des doigts de la mage avec déférence et demeura immobile le front contre son épaule. 

Rhéane fut touchée par la scène, par cette affection qui se dégageait de ces deux femmes, ce lien que les larmes incarnaient. L’une à l’aube de son existence, l’autre au crépuscule de sa vie. 

La tente s’éclaira subitement d’une lumière aveuglante. Un arceau doré se matérialisa derrière l’infortunée et une bourrasque souleva les habits de Rhéane. À l’intérieur du halo, trois enchanteresses apparurent et traversèrent le portail. 

 

Rhéane fut hypnotisée. Les mages étaient encore plus impressionnantes que leur effigie de pierre. De leur personne émanait force et beauté, un sentiment accentué par leurs vêtements chamarrés et coûteux.

 

Rhéane avait imaginé qu'elles devaient toutes se ressembler ; bien au contraire. La première à s'avancer ne possédait pas de tiare, mais un cache-oeil doré en partie dissimulé par une masse de cheveux blancs ondulés, la deuxième, au crâne rasé, portait sur la tête une cotte de mailles ambrée aux ramifications plus fines que de la dentelle et la dernière était couronnée par une tiare de motifs floraux. Rhéane reconnut la mage avec stupéfaction : Isaline. 

 

L’Actoria, dirigeante d’Avénesse.

 

Elle se prosterna immédiatement, ses parents et ses frères l’imitèrent. Son esprit peinait à réaliser la manifestation devant elle. Cette scène lui paraissait irréelle, comme sortie d’un de ses rêves. 

Il y avait quelque chose de divin dans leur silhouette, leur manière de bouger, Rhéane n’arrivait plus à détourner les yeux.

L’Actoria ne leur accorda pas un regard, elle s’approcha de la sibylle mourante et s’agenouilla près d’elle. 

— Lyana, m’entends-tu ? 

Sa voix tenait de la fragrance tant elle était légère et suave. Son regard enveloppait son amie avec une telle chaleur que Rhéane se demanda comment la mage pouvait rester inconsciente. 

L’Actoria posa une main sur le corps gisant et attendit un instant. Ses doigts s’illuminèrent et diffusèrent un halo autour des membres de la mage mourante.  Le Nimbe s’estompa laissant la silhouette dans l’obscurité.

— Elle n’est plus parmi nous, annonça tristement l’Actoria.

Avec grâce, les sibylles courbèrent l’échine et psalmodièrent une prière. 

Le visage de celle qui avait perdu la vie demeurait placide. Elle avait souffert, mais son corps n’en portait aucune séquelle. 

Rhéane pensa que, malgré tout, cette femme rejoignait les déesses avec la plus belle des apparences. Elle comprit pourquoi les gens parlaient de “belle mort” lorsqu’elle arrivait tard. C’était au final rassurant de laisser derrière soi, sa meilleure image.

 

L’Actoria examina le corps de son amie et montra du doigt à ses sibylles une traînée de points argentés qui constellait la peau de la femme. Les regards que s’échangèrent les Aînées furent remplis d’effroi. 

— Le mal étoilé, murmura une des Enchanteresses.

 

Isaline s’adressa à la ménine en génuflexion près de sa maîtresse.

— Théodora, as-tu vu quelque chose ?

— Non, Votre Éminence. Rien, je ne comprends pas, articula la jeune femme.

L’Actoria scruta l’ensemble des personnes rassemblées dans la tente puis se releva délicatement. 

— Rentrons, mes sibylles, donnons à Lyana la cérémonie qu’elle mérite. 

À peine les propos venaient-ils d’être prononcés que des filaments dorés se glissèrent autour du corps sans vie. Comme s’il s’agissait d’une simple poupée de chiffon, les tentacules transparents soulevèrent la morte et l’emportèrent vers l’arceau lumineux. Les mages, une à une, traversèrent le portail. L’Actoria déposa une pièce argentée dans la main du père de Rhéane.

 

— Pour le dédommagement, murmura-t-elle.  

Suite à ces mots, elle franchit l’arceau de lumière et y disparut. Théodora se leva à son tour alors que l’arche devenait plus pâle. Rhéane eut envie de lui adresser des mots de réconfort tant la douleur se peignait sur son visage. La ménine essuya ses larmes d’un geste sec et rejoignit le tunnel de lumière. 

Le portail se referma et l’obscurité envahit alors la tente. 

 

Un silence glacial les enveloppa. 

 

Rhéane demeura figée dans sa révérence au même titre que le reste de sa famille. Tout s’était déroulé si vite. Elle avait eu à peine le temps de comprendre les événements. Avait-elle vraiment assisté à la mort d’une sibylle ? Avait-elle réellement rencontré l’Actoria ? 

Son père se redressa et regagna l’extérieur. Son mutisme n’étonnait pas Rhéane, mais sa mère, a contrario, n’était pas de celles qui restaient silencieuses.

Comme pour lui donner tort, celle-ci suivit son mari avec une indolence qui étonna Rhéane. Thamycles et Hippolyte se mirent à ranger les décors mécaniquement et à nettoyer le sang au sol. Rhéane observa la paume de ses mains. Elle avait  toujours l’impression de tenir la nuque de l’Enchanteresse entre ses doigts, de sentir cette puissance qui se dégageait de la femme avant qu’elle ne rende l’âme. 

Lorsqu’elle releva la tête, elle était seule. Elle se redressa et sortit de la tente.

 

Dehors, la nuit était tombée et les torches n’éclairaient plus que des gradins vides ; seuls quelques badauds erraient encore dans les environs. L’écho lointain des flots répondait aux grincements des arbres, bringuebalés par le vent.

Le regard de Rhéane se perdit sur l’amphithéâtre, puis sur les éléments de décors esseulés et les objets abandonnés dans la précipitation. Elle enleva son masque de théâtre et le laissa choir.  Elle aperçut son père et sa mère qui discutaient un peu plus loin. 

Thamyclès la rejoignit et glissa sa main dans la sienne. 

— Tu as vu, je n’ai manqué que deux vers ! 

Rhéane mit un moment avant de comprendre de quoi il parlait. Elle le dévisagea d’un air sévère.

— Oui, mais nous avons été interrompus. 

Le regard de l’enfant s'obscurcit et Rhéane se rendit compte à quel point sa réponse était sèche. A quel point, par moment, elle reproduisait le comportement de sa mère.

— Mais c’était bien mieux Thamy. Bien mieux que la dernière fois, dit-elle pour se rattraper. 

Un mince sourire creusa des fossettes sur les joues de son frère. A son tour, Hippolyte les rejoignit. Il avait les mains dans les poches et le cou rentré dans les épaules, la mine sombre.

— Qu’est-ce qu’on va faire ? L’Enchanteresse n’a laissé qu’un talent d’argent alors que nous devions en récolter vingt de plus. Les placards sont vides.

— Je sais. 

— Quand est la prochaine représentation ? 

— La semaine prochaine. Mais les gens vont revenir, ils n’ont pas vu la fin… assura Rhéane.

— Tu crois ? insista Hippolyte.

La main de Thamyclès serra plus fortement la sienne. 

— Ils vont me vendre, dit-il d’une voix sourde. 

Un frisson glacé remonta le long de l’échine de Rhéane en entendant les propos de son petit frère. 

— Ils ne vont pas te vendre, Thamy. Arrête avec ça !

Ses doigts l'élancèrent comme si elle s’était prise un coup. Elle se libéra de l’emprise de Thamy et examina ses mains. Il n’y avait aucune trace de bleu ou de blessure, rien qui expliquait les piqûres qu’elle ressentait. Elle se massa les phalanges dans l’espoir de faire disparaître ces maux.

 

Un bruit de pas derrière eux, les fit se retourner. 

Un homme leur faisait face. Tous trois courbèrent l’échine devant l’Aîné. 

— Bonsoir.

— Bonsoir, répondit Rhéane en plaçant immédiatement Thamyclès derrière elle. 

L’homme ressemblait à une javeline, immense et fine, taillée dans un bois noir. Son crâne rasé lui donnait un air jeune, mais les rides de son visage ne trompaient pas : il devait approcher la soixantaine. Des tatouages d’animaux recouvraient ses bras et un collier grossier ornait son cou. Son peplos recouvrait tout son bras gauche. Rhéane se demanda sur quelle île il avait vécu. 

— C’est toi qui as aidé l’enchanteresse n’est-ce pas ? 

Rhéane acquiesça.

— Approche. Laisse-moi te regarder.  

Rhéane hésita, jeta un coup d'œil à ses parents qui poursuivaient leur discussion, puis finit par hocher la tête : elle ne pouvait pas refuser un ordre d’un Aîné. L’étranger posa ses doigts sous son menton et releva son visage à la lumière des torches. Elle ressentit une vive douleur dans ses mains ; son visage se contracta sous la souffrance. 

L’homme la relâcha, leva les yeux au ciel et murmura : 

— Par toutes les déesses, enfin !

Rhéane secoua ses doigts comme si le vent pouvait faire disparaître ses élancements.

Sans un mot de plus, l’étranger fila vers leurs parents. Un mauvais pressentiment naquit dans la poitrine de Rhéane. Hippolyte la dévisagea, partageant certainement ses craintes.  De là, où ils se tenaient, Rhéane n’entendait pas les propos de leurs parents avec leur étrange visiteur. Hippolyte fit un pas dans leur direction.

— Attends, ordonna Rhéane la gorge nouée. 

Il ne fallait pas que son frère intervienne. Il risquait de se faire punir. 

— Qu’est-ce qu’ils disent ? demanda Thamyclès. 

— Ils font un marché si on en juge par la poignée de main qu’ils échangent, annonça Hippolyte.

Le cœur de Rhéane battait à tout rompre. Elle ne pouvait pas mettre en ordre le chaos de son esprit. Quel marché ? Pourquoi l’étranger l’avait-il regardée ? Pourquoi lui avoir demandé si elle était bien celle qui avait aidée l’Enchanteresse ? 

L’homme réalisa une rapide révérence et tourna les talons. Bientôt, il ne fut plus qu’une silhouette dans la nuit. 

Leurs parents demeurèrent quelques minutes encore à discuter. Ils ne semblaient pas d’accord. Le père de Rhéane faisait les cent pas près de la statue puis revenait près de sa compagne et la discussion reprenait de plus belle. Rhéane et ses frères ne percevaient que quelques mots emportés par le vent. Argent. Marché. Matin. Théâtre.

 

Lorsque leurs parents décidèrent enfin de les rejoindre, le temps s’était gâté. Les bourrasques plaquaient leurs vêtements contre leur peau, le ciel se chargeait d’électricité, les vagues en contrebas se jetaient avec force contre les falaises, et eux s’étaient rapprochés les uns des autres, formant comme une petite muraille contre la révélation à venir. 

 

Lorsque leurs parents furent assez près et que Rhéane put voir leurs visages, elle sut qu’ils avaient pris une grande décision. De celle qui transformerait leur existence. 

 

Les bras de Thamy entourèrent son bassin et sa tête se posa sur son ventre. 

— Chers enfants, commença leur père. L’événement de ce soir nous met dans une grande difficulté… Nous…

Sa mère l’arrêta d’un geste.

— Il ne faut pas prendre cela personnellement. Il nous faut penser à notre affaire et à son futur. C’est une décision très difficile que nous avons dû prendre. 

Rhéane restait la bouche ouverte, pendue aux mots de sa mère. 

— Ce monsieur qui vient de partir nous a proposé une belle somme pour l’un d’entre vous. Une somme que jamais nous n’aurions rêvé d’avoir. Une somme qui équivaut à dix années de dur labeur. 

Les doigts de Thamyclès se resserrèrent autour du ventre de Rhéane, ses ongles se plantèrent dans sa chair à travers le tissu. 

— Je sais que vous voulez rester ensemble, mais nous ne pouvons pas faire autrement. 

Sa mère croisa les yeux de Rhéane et celle-ci comprit ce qu’elle allait dire: 

— Rhéane, dès demain, nous irons au marché aux esclaves et nous t’y vendrons à ce monsieur. 

Le monde se mit à tourner brutalement sous la nouvelle. L’horreur s’installa dans les veines de Rhéane et glaça son être. Impossible. 

—  Nous sommes désolés, mais nous n’avons pas d’autres solutions, continua sa mère. 

Les genoux de la jeune femme cédèrent sous son poids. Thamyclès tenta de la soutenir, mais en fut incapable et ils s’effondrèrent tous les deux comme un seul être.

 

Elle avait toujours bien respecté les règles. Elle était une bonne actrice et voilà que ses parents la vendaient ? Non. Elle avait dû les mettre en colère d’une certaine manière. Elle avait dû décevoir sa mère. Elle fit défiler l’ensemble de la pièce dans sa tête. Toutes ses tirades. Toutes ses positions. Toutes ses mimiques. Toutes ses actions.

Elle aurait dû plus accentuer la surprise lors de la première scène, ou alors faire davantage porter sa voix. Oui, cela devait être ça. Sa voix ne portait pas assez loin. Les flots en contrebas couvraient partiellement son timbre. Peut-être qu’elle s’était trompée dans son texte ? Tout à son anxiété pour Thamyclès, avait-elle négligé son propre travail ? C’était peut-être à cause de son retard ? Oui, certainement. Sa mère lui avait dit… Que lui avait-elle dit lorsqu’elle était revenue ? Tu m’as beaucoup déçue.

Cette prise de conscience la bouleversa et la honte étendit son ombre sur son esprit. 

Elle repoussa son petit frère pour pouvoir s’accroupir et posa sa tête au sol, dans une position de prière. 

La meilleure façon d'obtenir le pardon de ses parents était de se faire toute petite, de leur montrer qu’ils avaient raison de la sanctionner. Devant sa soumission, ils se rendraient peut-être compte de leur erreur ? 

— Si je vous ai déçue, je m’excuse. Je vais me reprendre. À l’avenir, je travaillerai encore plus dur, je serai encore plus serviable. Je ne vous ferai plus défaut. Pardonnez-moi, je vous en conjure.

— C’est trop tard. Cela ne changera rien, Rhéane. Notre décision est prise, poursuivit sa mère d’une voix peinée.

Rhéane releva les yeux et noua ses mains l’une contre l’autre. 

—  Mais le théâtre, c’est toute ma vie… Je ne sais faire que ça…

—  Tu es vive, tu apprendras et quand tu seras libre à tes vingt-cinq ans, tu pourras revenir jouer avec nous. 

— Vous ne pouvez pas ! Je vous en prie… Ne faites pas ça !

Son objection fut à peine audible tant sa voix se brisait sous le coup de l’émotion. 

— Vendez-moi à sa place. 

Rhéane leva la tête. Hippolyte avait parlé d’une voix ferme, les poings serrés. Il fixait leurs parents avec détermination. Les yeux de Rhéane s’embuèrent. Pendant toutes ces années, elle avait jugé si sévèrement son frère. Voilà qu’il proposait de prendre sa place. 

— Rhéane est une meilleure actrice que moi. 

— Non. Ce marchand veut seulement Rhéane. Il ne nous donnera pas un centime pour un autre mineur. C’est un opportunité que nous ne retrouverons pas.

Rhéane ne comprenait pas. Qu’avait-elle de particulier ? Que lui voulait cet homme ? Pourquoi la séparer de sa famille ?  

Elle chercha du soutien dans les yeux de son père, mais n’y trouva qu’une peine mâtinée de sa mansuétude habituelle. Sa mère poursuivit.

— C’est décidé. Rentrons avant qu’il pleuve. 

Le chagrin submergea Rhéane, la douleur de sa main se diffusa dans tout son bras et devint de plus en plus forte. On aurait dit que quelque chose rongeait ses membres, voulant s’extirper de son enveloppe corporelle : un petit animal aux dents pointues et aux griffes acérées. Soudain, cela fut trop pour elle. Elle tourna les talons et fila vers la falaise pour cacher sa détresse. 

 

Elle courut à perdre haleine jusqu’à la cloche. La douleur remontait maintenant dans ses bras, paraissait déchirer ses épaules, broyer sa nuque. 

Une déchirure sourde traversa sa tête et Rhéane s’arrêta net dans sa course. Elle s’agenouilla, arquée sous la douleur, et se hissa jusqu’à la cloche. Elle posa ses doigts meurtris contre le dallage, comme si toute la souffrance pouvait rejoindre les entrailles de la falaise. Un grondement monta des profondeurs de la terre et résonna autour de la jeune femme. Le sol se mit à trembler, les pavés se brisèrent, les gravillons s’agitèrent et soudain elle eut l’impression qu’une force immense s’extirpait d’elle-même : la cloche explosa en des milliers de morceaux. 

Elle se protégea avec ses bras pour éviter d’être touchée par les projectiles puis attendit quelques secondes, les paupières fermées. 

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle s’aperçut que les débris de la cloche formaient un immense cercle cuivré autour d’elle. 

Elle se rendit compte aussi d’une chose : la douleur dans ses doigts avait disparu.

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Aramis
Posté le 15/02/2023
Coucouuuu Mak !!! Bon je sais que tu es en phase de BL/retours de lecture mais J'AI QUAND MEME COMMENCE A LIRE, si jamais recevoir des commentaires ici ça te sers absolument à rien tu me dis :') Comme j'étais pas sure d'avoir le temps de te faire une BL complète je préfère quand même t'envoyer des petits retours ici tant que je peux, sachant que je sais pas du tout à quelle fréquence ce sera breeeef

Déjà je suis super contente d'enfin découvrir ce que tu écris, et l'univers de Nimbe ! Je te l'avais déjà dis mais j'aime énormément cet univers où la vieillesse est belle et valorisée, et j'aime beaucoup que tu le notifies très tôt dans ce chapitre. J'aime bien la relation de la fratrie, et la menace qui plane constamment sur les enfants perçus comme des esclaves est super intéressante (bien que fort cruelle hohohoho.) J'espère qu'on va continuer à suivre l'omniprésence d'Hyppolite, je sais pas pourquoi j'ai un petit attachement pour lui et très envie de le voir se développer mais... Peut-être qu'il va disparaître :')

Concernant ce chapitre précisément, je me suis dis que le suspens de la vente de Rhéa aurait pu bénéficier de son arc particulier, dans le sens où ici tu l'inclus dans la même temporalité que le premier chapitre et le début du deuxième, dans lequel on a déjà beaucoup d'informations et de péripéties. Je crois (mais of course ce n'est que mon avis !) que le passage où l'homme discute avec les parents de Rhéa, puis la décision et l'annonce de la vente de Rhéa, mériterait sa propre temporalité. Peut-être même une ellipse ? J'ai eu du mal à comprendre qu'elle relation Rhéa avait avec ses parents, est-ce que culturellement c'est anodin de vendre ses enfants, ou pas, parce qu'ils s'excusent et s'expliquent mais en même temps ils prennent la décision très rapidement, tout en ayant l'air de ne pas être d'accord... Je ne sais pas si je suis claire, si ce n'est pas le cas n'hésite pas, je peux développer !

En tout cas je poursuis j'ai très hâte de voir pleins de vieilles bgs envahir l'histoire hehehehe

Des bisous !
Makara
Posté le 18/02/2023
Coucou Aramis ! Hé ça fait trop plaisir de te voir ici :)
Recevoir des coms me fait toujours plaisir ! Prend ton temps pour lire, sachant que je vais certainement retravailler ce début la semaine prochaine...
Je t'avoue que je suis en grosse phase de doute sur ce texte en ce moment (peut-être car j'ai trop bossé dessus ces derniers temps...). En tout cas tant mieux, si tu aimes ce début et l'univers ! On reverra Hippolyte mais pas tout de suite !
"J'ai eu du mal à comprendre qu'elle relation Rhéa avait avec ses parents, est-ce que culturellement c'est anodin de vendre ses enfants"=> Oui, c'est globalement monnaie courante mais ils avaient toujours eu une relation correct avec eux et Rhéane surtout avait des responsabilités donc elle ne s'attendait vraiment pas à la vente.
=> "ils prennent la décision très rapidement, tout en ayant l'air de ne pas être d'accord... "=> Oui, ce sera expliqué plus tard !
En fait globalement, tu voudrais que je prenne plus le temps pour poser le cadre et les persos ?
Pleins de bisous volants ! <3

Eryn
Posté le 05/01/2023
Coucou ! Même remarque pour ce 2e chapitre que pour le premier : les formulations vont moins vers des évidences, et cela laisse planer le doute pour le lecteur, c’est parfait !
Cette nouvelle version donne plus de profondeur aux personnages, autant à Rhéane qu’à sa famille ! Le fait qu'on la vende tombe de manière inattendue puisque tu fais planer le doute sur son frère au début, et on se demande pour quelle raison cela tombe sur elle. On se doute aussi, qu'il s'est passé quelque chose, déclenché par la mort de l'abesse, vu que sinon on n'aurait pas vendu Rhéane aussi cher. C'est toujours aussi inhumain de la part de sa famille, en tout cas pour le lecteur, mais on n'a pas trop accès aux émotions et ressenti de Rhéane.
Makara
Posté le 07/01/2023
Coucou Eryn ! Merci de a lecture <3 ! Super si tu trouves que cette version a plus de profondeur ! J'ai voulu donner plus de place à la famille de Rhéane et en particulier à ses frères :).
Qu'est-ce qu'il te manque comme éléments par rapport aux émotions et ressentis de Rhéane ? Que je développe plus qu'elle est sous le choc ?
Pleins de bisous volants <3
ClementNobrad
Posté le 29/12/2022
Chapitre aussi captivant que le premier. Et bien, ces parents sont sans pitié pour vendre aussi rapidement leur enfant à un inconnu. Dailleurs, dans ton univers, les enfants sont les esclaves de leurs parents? Tous les parents peuvent vendre leurs propres enfants à qui bon leur semble? Que c'est cruel ! (Mais j'aime beaucoup l'idée :) )
On se doute que Rhéane a acquis les pouvoirs de la Sybille morte. Hâte de voir ce que tout cela implique.

Remarques :

"génuflexion" > tu aimes beaucoup ce terme :) deux fois en deux chapitres, rigolo.

Je crois qu'il faut désormais mettre les accents sur les A majuscules quand besoin. J'en ai vus 2 ou 3 sans.

"Un bruit de pas derrière eux, les firent se retourner. " > Je ne suis pas sûr de l'utilisation de la virgule ici.

"De là, où ils se tenaient, Rhéane n’entendait pas les propos de leurs parents avec leur étrange visiteur" > Idem pour la première virgule qui est en trop.

"Le vente de Thamyclès ne nous rapporterait qu’un dixième de ce que nous propose cet homme. " > La vente

"Si je vous ai déçue, je m’excuse" > déçus (le cod placé avant renvoie aux parents)

A bientôt
Makara
Posté le 30/12/2022
Coucou Clémment ! Merci beaucoup pour ton commentaire ! Cela me fait très plaisir d'avoir ton ressenti sur le chapitre :)

"Dailleurs, dans ton univers, les enfants sont les esclaves de leurs parents? Tous les parents peuvent vendre leurs propres enfants à qui bon leur semble?"=> Oui, tout à fait. Dans cette société, ce sont les enfants mal considérés et délaissés (nous, ce sont nos personnes âgés...).
Pour les accents sur les A, je n'arrive pas à les faire sur la tablette que j'utilise. Je ferai les corrections sur mon autre ordinateur.
Merci pour le relevé des coquilles et des virgules, je vais corriger ça !
je suis contente que ça te plaise :) A bientôt ! Je file répondre à tes autres commentaires :)
Sorryf
Posté le 24/12/2022
Alala... Ca fout la rage! Rheane qui faisait tant d'effort pour ses parents!
J'ai tiqué sur une contradiction, qui n'en est sans doute pas une finalement, entre ces deux phrases:
"Le vente de Thamyclès ne nous rapporterait qu’un dixième de ce que nous propose cet homme. " Et :" — Non. Ce marchand veut seulement Rhéane. Il ne nous donnera pas un centime pour un autre mineur."
la mere dit que vendre sa fille rapporterai 10x plus que vendre son fils, et plus loin tu dis que l'homme n'est intéressé que par le rachat de la fille. J'ai compris en relisant que c'était 10x plus A UN AUTRE ACHETEUR, mais il faudrait peut-être le preciser pour qu'on ait pas l'impression que ça se contredit ? Insister sur le fait que l'acheteur n'est intéressé que par Rheane quitte a y mettre le prix, et c'est pour ça que les parents la vendent. A voir si d'autres ont eu le meme problème ou si c'est que moi.
Sinon c'est toujours top, on sent bien l'injustice de cette scene !
Makara
Posté le 25/12/2022
Coucou Sorryf !
Tu as raison de relever ce passage. Je n'avais pas l'impression que cela faisait contradiction mais en relisant, je comprends ce que tu veux dire. Je vais essayer de voir comment éviter cette contradiction ! Merci de ta lecture et bon Noël à toi <3
Ozskcar
Posté le 23/12/2022
Hello ! Me revoilà. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce deuxième chapitre. J'avais envie de continuer tout de suite vers le chapitre 3 mais... Un retour s'impose, tout de même !
Première scène encore une fois très incisive. On s'immerge dans les perceptions de ton personnage sans pour autant perdre la scène des yeux.
C'est quelque chose que tu continues à faire très bien durant tout le chapitre : les émotions transparaissent toujours avec beaucoup de clarté - désarroi, colère... -, et pour le lecteur qui se laisse embarquer, c'est vraiment efficace.
Ce que j'aime aussi, notamment dans la fin, c'est le côté elliptique de certaines descriptions ; elles mettent l'accent sur le principal, sur l'instant, surtout. On a vraiment le sentiment de voir des images défiler, sans compter que ça crée, dans tes dernières lignes, un côté à la fois révélation, mais aussi suspens qui clôture très bien l'ensemble.

Petite réserve sur ta tendance à souvent revenir à la ligne, à faire de très courts paragraphes, voire à sauter plusieurs lignes. C'est très personnel, mais je trouve que ça donne un côté ampoulé à certaines informations, comme si tu nous les mettais en évidence pour être sûr qu'on les retiennes. Parfois, je trouve que ça brise même la continuité d'une scène : on est à fond, tu saute une ligne, on s'imagine du coup passer à autre chose, mais non, ça continue... Je ne sais pas, c'est peut-être parce que je ne suis pas habitué à cette mise en page, mais elle me perturbe un peu.

Pour tout ce qui est syntaxe ou l'orthographe, j'avoue que, lorsque je lis, je ne pense pas à relever quoi que ce soit (je sais pas faire deux choses à la fois, lire et réfléchir simultanément... ^^'). Globalement, rien ne m'a gêné dans ma lecture. Il y a peut-être quelques expressions telles que ''on aurait dit que'', ou ''comme si'' qui m'ont paru alourdir l'ensemble. En fait, comme on a une narration interne, on se doute que ce que tu décris est une sensation du personnage, et rajouter la précision que c'est comme si, c'est redoubler l'information - en plus avec des expressions répétitives. Après c'est de l'ordre du détail, et c'est de nouveau quelque chose de très personnel.

En tout cas c'était un plaisir de te lire, et j'ai hâte de découvrir la suite !
Makara
Posté le 25/12/2022
Salut Ozskar ! Ton com me fait très plaisir :)
Dans ma première version, on m'avait dit qu'on se sentait un peu éloigné des sensations de l'héroïne donc je suis contente que cela ne soit plus le cas !
Je note pour la tendance à revenir trop souvent à la ligne. j'imaginais que c'était mieux pour le lecteur, en particulier pour la lecture sur ordi ou téléphone, mais c'est vrai que ça peut faire un peu trop. J'ai enlevé quelques espaces et dans la suite des chapitres, c'est moins marqué.
Je note aussi pour les marques un peu lourde de narration interne. Pour l'instant, j'aime bien, à voir si dans la relecture finale, cela me choque :p
Merci en tout cas pour tes précieux retours ! J'espère que la suite va te plaire !!!
filoutem
Posté le 21/12/2022
Bonsoir Makara,

Et bien c’est avec beaucoup de plaisir que je continue la lecture !
Je trouve tout ton passage avec les sibylles très bien écrit, très imagé, je les visualise très divines, j’avais même une petite musique lyrique en tête qui accompagnait la lecture. Pareil avec l’Aîné, ça marche très bien. Par contre, après j’ai l’impression qu’on accélère x10 ! Voici ce qu’il me manque et que j’aurais bien aimé lire en plus : après la discussion avec l’Aîné, une séquence où tu vois toute la famille dans le même lieu (soit en train de ranger le décors, soit à la maison au diner… etc) en grande tension : les parents ne veulent pas dire ce dont ils ont discuté avec le Sibylle, on sent que c’est grave, eux-même doutent, discutent, se disputent. Et tout ce temps là Rhéane continue à avoir mal aux mains. Et peut-être que Rhéane apprend qu’elle va être vendue au marché aux esclaves au dernier moment le lendemain matin quand ses parents l’y emmènent, et là elle s’enfuie puis la scène avec la cloche. Aussi, j’ai besoin avant que tu me dises que les parents ont vraiment beaucoup besoin d’argent (s’il y a la scène de diner chez eux c’est un bon moyen de décrire la précarité des lieux aussi). Parce que jusque là je n’ai ni le sentiment qu’ils détestent assez leur fille ni l’impression qu’ils ont autant besoin d’argent pour que ça justifie de la vendre, je trouve que ça tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Peut-être aussi rajouter dans le premier chapitre que Rhéane et Hyppolite ont la pression parce qu’ils ont vraiment besoin que la pièce marche pour être produits ailleurs et réparer le fiasco financier de la pièce qu’ils ont jouée précédemment ?
La scène avec la cloche je trouve ça très cool, qu’elle découvre son pouvoir lorsqu’elle libère sa colère. C’est hyper intense ce passage, et j’ai l’impression que tu nous annonces quelque chose qui va bouleverser le récit. c’est pour ça que je suis en gros manque de « tension dans la durée » qui m’amène à ça, là vu qu’entre l’Aîné et la cloche il n’y a que quelques lignes j’ai l’impression que tu résous un problème qui n’a pas réellement eu le temps d ‘exister (même en termes de temporalité, si rien qu’une nuit passe entre les deux événements ça m’aiderait à digérer les informations).
Je t’ai écrit un bon pavé désolée ! Et j’espère que ça ne t’embête pas que je fasse autant de remarques ! Mais j’étais tellement accrochée à ce chapitre et je trouve l’histoire tellement chouette et ton écriture tellement belle que je préfère te dire tout mon ressenti plutôt qu’une petite phrase qui ne dit rien, comme je l’attends et l’espère des commentaires sur Ostrion.
Autre chose : c’est vraiment chouette ce concept de la « beauté ridée ». Je suis une grande adepte de la beauté à tous les âges, et que tu en aies fait quelque chose de vénéré je trouve ça vraiment superbe.
Autre chose : « Le regard de l’enfant s'obscurcit et Rhéane se rendit compte à quel point sa réponse était sèche. À quel point, par moment, elle reproduisait le comportement de sa mère. » => j’aime beaucoup ce que tu sous-entends dans ces deux phrases, la complexité du lien avec la mère et en même temps le mimétisme involontaire


Remarques sur la forme :

« Madame ! Madame ! gémit une jeune femme qui s’agenouilla près du corps de la mage.  S’il vous plaît ! Aidez-la ! Transportez-la à l’abri des regards ! »
=> s’il-vous-plaît

« La servante de la mage s’attacha à ses pas. »
=> je ne comprends pas cette phrase

« Le Nimbe s’estompa laissant la silhouette dans l’obscurité. » => mettre une virgule entre estompa et laissant

« La douleur dans ses mains fut ravivée ; son visage se contracta sous la souffrance. « 
=> là j’ai l’impression que c’est l’Aîné qui souffre, pas Rhéane, je ne comprends que par la suite quand elle secoue ses doigts

J’aurais envie qu’on donne aux sibylles un autre nom que « Madame » quand on s’adresse à elles (comme Théodora le fait), quelque chose de plus noble, comme on pourrait dire Monseigneur ou Messire, Sa Seigneurie, Docteur… etc. Bref, un titre honorifique lié à leur rang. (Pourquoi pas « Mage » ou « Enchanteresse » par exemple ?)


À très vite et n’hésite pas à me le dire si tu souhaites des retours différents.
Makara
Posté le 25/12/2022
Coucou filoutem ! Oh merci, merci pour ce long commentaire constructif ! Il m'a d'ailleurs fait réfléchir. La scène du chapitre du suivant se passe autour d'un repas donc cela répond à une de tes observations.
Les parents ne détestent pas du tout leur fille. Ils ont surtout de gros problèmes financiers et l'offre du marchand est trop alléchante pour qu'il la décline. Dans ma nouvelle version, j'ai un peu plus insisté sur ces éléments, dis moi si tu trouves ça mieux :p
Ne t'inquiète pas, je ne prends pas mal les remarques, je suis sur PA depuis quelques années maintenant et je sais à quel point un regard extérieur bienveillant est nécessaire !
En ce qui concerne le nom des Sibylles, ta remarque est intéressante, je vais y réfléchir !
En tout cas, ce qui ressort de tes remarques, c'est que cela va un peu trop vite, ce dont j'avais conscience. J'ai retravaillé le chapitre hier et je l'ai mis à jour. J'espère que c'est mieux. Après, je souhaite instaurer un rythme assez dynamique au récit donc je ne veux pas non plus trop trop m'attarder.
Bref ! Merci encore ! J'espère que la suite va te plaire ! A bientôt :)
Ayunna
Posté le 18/12/2022
Hello Makara !

Ahh, super cette nouvelle version, très différente de la précédente en effet, si mes souvenirs sont bons.
Chic !! Tu introduis dès le départ Théodora, j’adore. Et bravo parce que tu tisses déjà un lien entre Rhéane et Théodora : Rhéane se montre pleine d’empathie pour elle. C’est très bien fait, cela présage leur relation future (mais ça je peux le voir parce que j’avais lu la précédente version)
C’est beaucoup plus précis, trépident. La scène se déroule plus lentement que dans la première version, et naturellement, avec plein de nouveaux détails, plus de clarté. C’est d’ailleurs plus plausible ainsi, avec tout ce passage sur les médicaments, la famille qui fait son maximum pour ranimer la Mage
Les descriptions sont toujours aussi poétiques, j’adore !
J’ai vraiment adoré cette phrase, très poétique : « Sa voix tenait de la fragrance tant elle était légère et suave. Son regard enveloppait son amie avec une telle chaleur que Rhéane se demanda comment la mage pouvait rester inconsciente. »
Bravo, on ressent tellement bien toute l’admiration que le peuple a pour les sibylles.
Très bien aussi d’introduire dès le départ Aleksander
Et aussi la manifestation de ses pouvoirs. Vraiment chouette cette nouvelle version

Côté relecture,
Ici « La servante de la mage s’attacha à ses pas. Des larmes inondaient son visage sombre. Rhéane remarqua que la servante »
j’éviterai la répétition de « servante »
Et aussi dans le même paragraphe, on peut éviter les répétitions de « Rhéane »
«certainement improvisé par les frères de Rhéane » ici avec « improvisé par ses frères » par exemple
Dans cette même phrase, à la place du certainement j’aurais peut-être mis « probablement », d’autant plus que tu répètes certainement juste après, ici : «ignorant certainement l’état dans lequel se trouvait la vieille femme. »
c’est un détail et juste une suggestion, à toi de voir si ça te convient.

Ici : « par une masse de cheveux blancs ondulés, la deuxième, au crâne rasé, portait sur la tête »
J’aurais mis un point-virgule entre ondulés et la deuxième
Et ici : « Il y avait quelque chose de divin dans leur silhouette, leur manière de bouger, Rhéane n’arrivait plus à détourner les yeux. »
Entre bouger et Rhéane, il faudrait plutôt un point, ou un point-virgule

Ici pour moi il manque une virgule : « Le Nimbe s’estompa laissant la silhouette dans l’obscurité. »
Je la mettrai après s’estompa
Dans cette phrase : « — Le mal étoilé, murmura une des Enchanteresses. » pourquoi pas mettre « l’une des », pour éviter côté prononciation les deux voyelles à la suite (as you wish, c’est du détail)

Ici , je changerai la ponctuation « — Non, Votre Éminence. Rien, je ne comprends pas, articula la jeune femme entre deux sanglots. » pourquoi pas des points de suspensions après rien, ou juste un point, ou alors je reformulerai.

Là encore, pour moi il faut modifier ta ponctuation, un peu mise à l’envers : « À peine les propos venaient-ils d’être prononcés que des filaments dorés se glissèrent autour du corps sans vie. Comme s’il s’agissait d’une simple poupée de chiffon, les tentacules transparents soulevèrent la morte et l’emportèrent vers l’arceau lumineux. »
Voici comment je ferai : » À peine les propos venaient-ils d’être prononcés que des filaments dorés se glissèrent autour du corps sans vie ; comme s’il s’agissait d’une simple poupée de chiffon. Les tentacules transparents soulevèrent la morte et l’emportèrent vers l’arceau lumineux. »
Je trouve ça plus clair et plus logique ainsi, mais encore une fois c’est juste mon avis.

Ici : « — La semaine prochaine. Mais les gens vont revenir, ils n’ont pas vu la fin… assura Rhéane. »
Il manque une virgule après les « … » je pense

Ici, pour alléger la phrase : « elle ne pouvait pas refuser un ordre d’un Aîné. » «au lieu de « un ordre d’un », je mettrai « l’ordre d’un Aîné », cela rendrait mieux

Pour l’orthographe : « Pourquoi l’étranger l’avait-il regardé » regardée

Je reformulerais cette phrase : «Chaque pas qu’ils réalisaient faisait se cristalliser la peur de Rhéane : pas Thamy. S’il vous plaît, pas Thamy. » « réalisaient + faisait se cristalliser » on peut alléger ici.

Encore un immense commentaire, désolée, mais voilà j’ai fait une lecture vraiiimmeent détaillée dans l’espoir de t’aider du mieux que je puisse
A très vite !
Makara
Posté le 25/12/2022
Coucou Ayunna ! Merci beaucoup pour ta relecture, cela m'est très précieux ! Surtout que tu es l'une de celles qui suit le plus l'histoire et qui se rappelle l'ancienne version donc tu peux me dire si mes changements mettent en avant l'histoire. Je note précieusement toutes tes remarques sur le style. Je suis ravie que mes changements, jusqu'à présent, te plaisent :)
A bientôt sur ton histoire ou la mienne ! Joyeux Noël <3
A bientôt !
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