Chapitre 2 - Le chant des échos

Notes de l’auteur : Hello les plumes,

Le second chapitre est maintenant en ligne.

Pour celles et ceux qui liront, j'aimerais savoir si vous voyez la nécessité de mettre des avertissements (les fameux trigger warnings) quelque part avant un chapitre, ou dans le résumé général de l'histoire.

Personnellement, je ne suis pas une adepte de la chose mais je peux comprendre que d'autres personnes plus sensibles préfèrent savoir à quoi s'en tenir.

Merci d'avance et bonne lecture !

Célinours

Quand sur le chemin de la ferme des Colby Teresa avait expliqué à Wes qu’il devait se préparer à découvrir une scène particulièrement gore, il l’avait écoutée d’une oreille à moitié attentive. À présent sur les lieux du crime, il comprenait mieux la mise en garde.

Teresa et Wes se tenaient côte à côte, tous deux la tête penchée sur la droite, essayant de donner un sens à ce qu’ils voyaient. Il faut dire que c’était un vrai casse-tête. Certes de sang, de boyaux, de chairs et dos, mais un casse-tête tout de même. Et cette odeur épouvantable ! Ne parlons même pas de l’escadron de mouches qui tournoyait dans un vrombissement furieux, dérangé par la présence soudaine d’êtres humains vivants.  

Le jeune Wyatt Oakley, l’adjoint de Teresa, qui venait d’arriver sur place, laissa échapper un gémissement étranglé avant de remettre l’entièreté de son petit déjeuner sur le sol. Cela n’améliora pas l’atmosphère pestilentielle.

— Wyatt, par le Grand Vautour, fiche le camp si tu ne supportes pas la vue de quelques gouttes de sang.

— Désolé, madame, balbutia-t-il avant d’être secoué d’une nouvelle vague de nausée et de se précipiter à l’extérieur en se plaquant les mains sur la bouche.

— à sa décharge, j’admets que c’est particulièrement dégueulasse, dit Wes en penchant la tête sur la gauche cette fois, dans l’espoir de comprendre ce qu’il avait sous les yeux. Et c’est quel Colby exactement ? Colton ?

— Non, Colton est à Rattleridge pour négocier sa récolte de lyrre. Celui-ci, c’est Royce… normalement.

Wes s’approcha un peu plus pour tenter de mieux discerner les traits de la victime. Wyatt Oakley qui semblait avoir retrouvé le contrôle de son estomac revenait justement dans la pièce et en voyant l’Undertaker pencher son visage vers celui du cadavre, il fut saisi d’un nouveau haut-le-coeur et dégobilla ses haricots blancs.

— Wyatt, sérieusement ? Rouspéta Teresa en chassant son adjoint.

Wes n’en voulait pas au gamin. Le morceau de barbaque qui pendait devant eux n’avait presque plus rien d’humain. Quelqu’un, ou quelque chose, l’avait ouvert du nombril au menton, et avait pris soin de sortir ses intestins, les dérouler avec minutie, les lui passer autour du cou et des pieds et le pendre la tête en bas au garde-fou qui courait le long du palier de l’étage. Comme le tableau n’était pas assez répugnant, le meurtrier lui avait arraché les yeux, le nez, les oreilles et... les dents, nota aussi Wes en s’approchant davantage. Sa bouche s’ouvrait en une cavité béante dépourvue de dents et de langue.

— Je serais bien en peine de dire s’il s’agit bien de Royce, dit-il en ôtant son chapeau pour se gratter la tête d’un air dubitatif en se tournant vers Teresa.

La jeune femme semblait garder son sang-froid. Cependant, la fine pellicule de sueur qui recouvrait son visage et son teint cireux trahissaient une certaine forme de malaise. L’Undertaker remercia son incapacité à s’émouvoir de ce genre de chose. Bénie soit cette apathie qu’il s’était donnée en s’explosant le crâne contre un mur. Ce n’est pas qu’il ne ressentait rien pour le pauvre bougre qui pendait ridiculement par les boyaux – enfin non, en réalité, dans le cas de Royce Colby, il ne ressentait rien du tout – mais en fait il ne le faisait pas exprès. Il n’avait rien contre Royce - hormis le fait que c’était un gros connard qui tapait sur sa femme après avoir un peu trop bu – cependant sa mort ne lui faisait ni chaud ni froid. Disons que ce n’était pas une généralité, mais quand il n’appréciait pas une personne, son sort lui importait peu.

Se rappelant qu’il était là dans un but bien précis – et que s’il continuait sur cette trajectoire, son cerveau l’entrainerait dans une spirale sans fin d’idées sans queue ni tête – Wes se tourna de nouveau vers le cadavre. Il l’inspecta, fit danser ses mains à une distance honorable de ses chairs suintante et en vint à la conclusion que :

— Non, rien de surnaturel ici. Ce bon vieux Royce – que le Grand Corbeau emporte son âme et surtout la garde bien au chaud près de lui – n’a pas été transformé en pudding humain par un rémanent.

— Wesley, grogna Teresa, certainement pour lui reprocher son manque de respect pour la victime. D’ailleurs, elle ne l’appelait Wesley que quand elle se fâchait contre lui.

— Tu n’as plus besoin de moi ici, Tessa, conclut-il en tournant le dos au carnage.

Il se trouvait à deux pas de la porte quand il remarqua le journal de la veille, étalé sur une petite table ronde, disposée près d’un fauteuil à l’air plutôt confortable. Il n’avait pas eu l'occasion de lire les infos hier, trop occupé qu’il était à jouer aux cartes au Blind Vulture et à passer du bon temps avec Sofia. Du coup, séduit, il s’assit donc dans le fauteuil en velours ocre et déplia le journal sous le regard ébahi de Wyatt qui faisait une troisième tentative de contrôle d’estomac en revenant vaillamment auprès de sa supérieure. Wes vit Teresa faire un signe de la main au jeune adjoint, lui conseillant de laisser tomber. Le comportement de Wes était incompréhensible pour la plupart des gens. Il ne s’en offusquait pas. Il avait perdu cette capacité de toute façon.

Alors qu’il lisait avec une certaine lenteur les pages du journal, Wes vit passer le médecin de Dead End. Le pauvre officiait en tant que médecin, chirurgien, dentiste, rebouteux et occasionnellement coroner. On l’appelait Doc et Wes ne s’était jamais donné la peine de lui demander son vrai nom.

L’ennui avec Doc, c’est qu’il parlait beaucoup. Wes avait déjà un mal de chien à se concentrer sur les mots qui s’alignaient sous ses yeux alors avec le bourdonnement incessant de Doc dans les oreilles, c’était pratiquement impossible.

— Tu penses que c’est lié aux meurtres de Tombcreak ?

— J’en sais rien, Doc. Les gens de la Bordure ne sont pas des anges, mais c’est la première fois en six ans que j’occupe ce poste que je me retrouve avec trois meurtres aussi violents sur les bras, à quelques jours d’intervalle en plus.

— Ça ne pourrait pas être un coup des Enfants de la Lune ?

— Nope, sinon ils l’auraient rongé jusqu’à l’os, intervint Wes en faisant claquer ses dents.

— Par le Grand Vautour, je vais me sentir mal… encore, geignit Wyatt.

— Wes, lis ton journal ! Alors Doc, qu’est-ce que tu as pour moi ?

— D’après mes premières constations, ce pauvre homme a été torturé. Toutes ces blessures lui ont été infligées avant la mort.

— Personne ne l’a entendu crier ? couina Wyatt qui montrait une bravoure farouche, bien décidé à ne plus dégobiller partout.

— Son frère Colton est à Rattleridge depuis deux jours et la femme de Royce l’a accompagné avec les gosses, répondit Teresa. Il n’y avait personne pour l’entendre beugler.

— Je pense qu’il était encore vivant quand on l’a éventré.

— Je crois que je vais gerber, murmura Wyatt.

— ça alors ! s’écria Wes quand enfin son cerveau se mit suffisamment en branle pour déchiffrer un paragraphe entier de la première page du journal.

— Tu as trouvé quelque chose d’intéressant ? demanda Teresa en venant se planter derrière son fauteuil.

— Tessa, tu savais que le Haut Juge Nash allait se marier ?

— Wesley Blackburn ! On est sur une scène de crime ! Qu’est-ce que j’ai fait au Grand Vautour pour mériter ça ?

Il y avait pire que Teresa utilisant son prénom complet. Quand elle employait le prénom et le nom de famille, c’est qu’elle était vraiment en pétard.

— C’est pas étonnant, interrompit Doc, visiblement avide d’échanger des potins. Il brigue le poste de Gouverneur de West Creek. Marié, ça lui donne l’image d’un gars propre sur lui, bien rangé. Ça marche à tous les coups avec les électeurs.

— Y en a pas un pour rattraper l’autre, gémit la shérif en se massant les tempes.

Doc lui lança un petit regard désolé.

— Il se marie avec sa pupille. Je trouve ça dérangeant, continua l’Undertaker.

— Et parler de la pluie et du beau temps avec un macchabée pendu comme une carcasse de bidoche les tripes à l’air, ça, c’est pas dérangeant ? grogna Teresa.

Wes l’observa placidement, cligna plusieurs fois des paupières sans vraiment comprendre ce qu’elle entendait par là, et revint donc à son journal en haussant les épaules.

— C’est un peu comme de l’inceste tout de même... murmura Wes.

— Non, puisque c’est sa fille adoptive, répondit doctement le médecin. D’ailleurs, il me semble bien qu’elle avait un frère. Nash les a adoptés tous les deux, mais on n’en entend plus parler depuis des années.

— Ben, à ce qu’on dit, Nash aime bien jouer avec les petits garçons,  allez savoir ce qu’il lui a fait.

— Ferme-la, Wyatt. T’es complètement taré ou quoi ? gronda Teresa. Personne ne calomnie un Haut Juge, et surtout pas Gideon Nash.

— Je ne fais que répéter ce que tout le monde dit.

— Alors tout le monde devrait fermer sa grande gueule.

— Du calme, Tessa, souffla Doc. On est à Dead End ici. La dernière fois qu’on a vu passer un Marshall, tu n’étais pas encore née.

— J’aimerais que cela reste ainsi. Et au boulot, vous deux, ce meurtre ne va pas se résoudre tout seul. Wes fiche le camp de ma scène de crime. Tu perturbes tout le monde.

L’intéressé leva les mains en signe de reddition et sauta sur ses pieds.

— C’est toi qui m’as demandé de venir, je te rappelle.

— Oui, je t’en remercie. Et maintenant je n’ai plus besoin de toi. Allez, dégage et ne retourne pas au Blind Vulture te bourrer la gueule. J’ai un accord avec Oliver.

Cette fois, Wes se renfrogna. Teresa l’attrapa alors par le col de la chemise amenant son visage tout contre le sien. Elle chuchota :

— N’essaie pas d’aller dans un autre saloon ou je te flingue, tu m’entends ? Et je te conseille aussi de mettre un terme à tes parties de jambes en l’air avec la fille de l’épicier ! Elle se marie dans un mois. Elle va bientôt partir pour retrouver son fiancé. Tu crées des problèmes inutilement. Et tu viendras encore te plaindre quand son rapace de père refusera de te vendre de la bouffe. Sofia, c’est pas une fille pour toi. Si tu as besoin de souffler, va voir madame Zhu, elle pourra t’aider.

Elle le relâcha et le poussa vers la porte.

***

Wes n’écoutait jamais Teresa. En fait, il n’écoutait jamais personne. Ou alors, il ne se souvenait plus des conseils qu’il recevait à peine avait-il tourné les talons. Il savait bien que sa relation avec Sofia n’avait aucun avenir. C’était même l’intérêt de leur commun accord. Du plaisir sans prise de tête pour elle, de l’abandon pour lui. Et de l’abandon, Wes en avait un besoin vital.

Cependant, Wes devait bien admettre que Teresa avait raison sur un point. Cette petite aventure créait quelques problèmes. Sofia était la fille unique d’Eugene Roberts, l’épicier le mieux nanti de Dead End et s’était fiancée à un marchand d’Oatspring, une ville plutôt paisible et prospère. Là il y avait de l’eau, de la technologie qui ne fonctionnait pas que tous les 36 du mois, de la nourriture variée… Oatspring n’était pas une ville de la Bordure. Une véritable ascension sociale pour la famille. Alors, évidemment l’entendre prendre son pied avec l’Undertaker de Dead End avait tendance à hérisser le poil de l’épicier. Parce que oui, ils faisaient ça dans la chambre de la jeune femme, au-dessus de l’épicerie. Si bien que tout Dead End était au courant de leurs parties de jambes en l’air.

En ce moment même, Eugene devait ronger son frein à entendre les grincements rythmés du lit et les gémissements enthousiastes de Sofia. En fait, il ne pouvait pas ignorer que sa fille n’avait pas ferré son marchand d’Oatspring avec son esprit vif et ses manières délicates, alors de quoi se plaignait-il ? Sofia était probablement une des plus belles femmes de Dead End. Pas farouche, elle était parfaitement consciente de l’effet qu’elle faisait aux hommes et aux femmes et en jouait quand elle en voyait l’intérêt.

Wes décida qu’emmerder l’épicier, qui refusait toujours de lui faire crédit quand la paie de la Citadelle se faisait attendre, valait bien un peu plus d’effort. Il fit basculer Sofia qui le chevauchait afin qu’elle se retrouve sur le dos et prit le contrôle de leurs activités avec une motivation revigorée. La tête de lit cognait contre le mur, le sommier grinçait, le plancher craquait. Leurs corps luisants de sueur glissaient l’un sur l’autre avec aisance alors que leurs cris de plaisir se mélangeaient. Wes jouit si fort qu’il vit des étoiles. Il se laissa tomber lourdement sur la jeune femme alanguie qui riait en reprenant son souffle.

— Il y a des chances pour que mon père ait fait un arrêt cardiaque, dit-elle hors d’haleine.

— C’était le but, grogna Wes en basculant sur le côté. Ton père est un enfoiré de première.

— Il protège son investissement. Il craint de louper une collaboration juteuse avec les marchands d’Oatspring.

— Il est fort probable, en effet, que ton fiancé friqué nous ait entendus depuis Oatspring.

Sofia lui administra une petite tape dans le bras et Wes se laissa aller au sentiment d’abandon post-coïtal qu’il recherchait quand il couchait avec elle. Le même que quand il s’abrutissait de lyrre. Grâce à ça, il ne le percevait plus. Le chant des échos.

Il s’agissait là de la « malédiction » de tous les Undertakers. Les résidus des âmes des défunts – communément appelés échos – qui avaient envahi West Creek en s’échappant du Puits des Âmes des dizaines d’années auparavant murmuraient en chœur leur désespoir. Leur chant mélancolique n’était perceptible que pour ceux en mesure de les entendre. Leur complainte funeste appelait l’âme des Undertakers qui, s’ils n’y prenaient pas garde, s’abandonnaient à la Dérive, devenant alors des réceptacles vides dont les pouvoirs étaient libérés de toute entrave, risquant d’emporter dans les limbes les âmes des vivants aux alentours. On ne revenait pas de la Dérive. Jamais. La Citadelle préférait enfermer les Undertakers montrant des signes de Dérive dans la prison de Dry Point, une geôle souterraine creusée en plein désert, truffée de cristaux d’anima, où le lien entre le prisonnier et le monde des esprits était brisé. Il devenait le captif de son propre corps.

En l’absence de son pilier, les amis de Wes, comme Teresa et Gilbert, l’aidaient à s’ancrer artificiellement. Mais ils ne savaient pas. Ils ne savaient pas à quel point il était proche de la Dérive.

Ses mornes pensées en étaient arrivées à ce niveau particulièrement déprimant quand soudain :

— Tu crois que quelqu’un pourrait épouser un mec comme moi ?

Honnêtement, il ne savait pas trop d’où ça sortait. Encore un coup de son cerveau dérangé. Peut-être le subtil mélange du départ prochain de Sofia et de cette solitude qu’il trainait depuis des années, depuis ce jour où il s’était réveillé dans une ruelle de la capitale, en sang avec un trou béant – au sens propre comme au figuré – à la place de son passé et un autre, quelque part dans la poitrine, qui lui faisait plus mal que son crâne ouvert, mais qu’il refusait d’essayer de comprendre.  

Sofia l’observa un moment, interdite. Puis elle éclata de rire. Cela aurait probablement dû blesser son amour propre, mais de nouveau, c’était un sentiment qu’il n’avait plus ressenti depuis un paquet d’années. Il se prépara à ce que Sofia encoche métaphoriquement une flèche particulièrement vicieuse.

— Oh, Wes. Toi, tu n’es pas des mecs qu’on épouse ! Tu te vois en mari aux petits soins pour sa petite femme ? Non. Tu es fait pour papillonner, pour donner du plaisir. On ne peut pas vraiment s’attacher à une personne qui ne ressent rien.

Ah… Cible atteinte, en plein dans le mille !

Il y avait un certain nombre de choses vraiment dérangeantes dans cette réplique. Tout d’abord, il ne papillonnait pas. Sofia cherchait et trouvait son plaisir auprès de multiples partenaires, même si l’Undertaker jouait un rôle permanent dans cette quête. Wes ne couchait pas avec elle pour les mêmes raisons. Il n’avait pas besoin de personne d’autre.

Mais ce qui fit réagir cette petite partie de lui, cet infime résidu de ce qu’il pensait avoir été avant, ce fut : « On ne peut pas vraiment s’attacher à une personne qui ne ressent rien ». Une phrase prononcée avec la désinvolture convaincue qu’elle n’aurait aucun impact. Juste quelques mots qui le renvoyaient inexorablement vers l’oppressante absence de son pilier. Aucun des candidats-assistants que la Citadelle avait dépêchés sur place n’était resté plus que quelques mois. Bien sûr, il gardait en mémoire la note serrée dans sa main crispée, couverte de sang et de crasse. Bien sûr, il ferait en sorte de ne jamais avoir de pilier. Mais aucun des quatorze candidats – aucun d’eux ! – n’avait réussi à nouer un lien avec Wes. Et tous lui avaient reproché de ne rien ressentir, de ne rien prendre au sérieux, de ne jamais s’impliquer… ce qui était inexact, mais demandait hélas trop d’énergie à expliquer. Wes avait des amis et les appréciait. Il ne parvenait simplement pas – ou plus, allez savoir – à toujours comprendre et exprimer ce qu’il ressentait. Comme en ce moment précis.

Inconsciente de la tempête menaçant de griller ce qui lui restait de cellules cérébrales intactes, Sofia se redressa et caressa ses épaules et son dos, là où s’étendait l’immense tatouage de corbeau aux ailes éployées. Une véritable œuvre d’art que Wes devait aux Crows. Une superstition encrée de noir et teintée de magie anima, la même qui coulait dans ses veines et faisait de lui un Undertaker. Une tentative de l’ancrer artificiellement au monde des vivants puisqu’il n’avait pas de pilier pour remplir ce rôle. Bien sûr, Sofia ignorait tout cela. Elle trouvait juste le tatouage extrêmement sexy.

Interprétant son silence comme une confirmation de son hypothèse, Sofia renchérit :

— Si tu te trouves une épouse, elle aura besoin que tu lui témoignes de l’attention, que tu l’écoutes. Elle aura besoin d’un peu d’empathie… Peut-être que tu trouveras ton bonheur avec cette petite Crow qui te suit partout.

S’amusant de sa propre plaisanterie, Sofia se mit à rire en sortant du lit. Elle glana ses vêtements éparpillés sur le plancher et commença à se rhabiller.  

Face au ridicule de cette nouvelle affirmation, Wes choisit de rester muet. Le dédain et l’animosité que la plupart des habitants de Dead End nourrissaient envers les peuples des terres sauvages ne pouvaient être guéris. Il préféra se complaire dans le silence, débarrassé pour quelques heures du chant des échos.

— Wes ?

Son nom claqua comme un coup de tonnerre. Le retour fut brutal. Totalement habillée, Sofia se tenait devant lui, la contrariété et l’impatience déformaient ses traits délicats. L’intéressé cligna lentement des yeux plusieurs fois, s’attirant un soupir courroucé de la jeune femme.

— Où étais-tu ? Il faut que tu y ailles. Je dois passer chez la couturière pour une nouvelle robe.

Wes embarqua ses vêtements et sa résignation avec lui. En passant devant la porte de la boutique, il ne manqua pas de s’arrêter quelques instants, puis après avoir accroché l’attention du père de Sofia, il posa l’index le majeur contre son couvre-chef dans un salut moqueur et s’éloigna.

La journée touchait à sa fin. Fatigué d’avoir tout brûlé dans sa course quotidienne, le soleil ardent du désert descendait sur l’horizon, donnant au ciel une teinte rougeoyante, comme s’il s’était embrasé. Les températures allaient enfin descendre, l’air devenir respirable, et Wes entamer une énième nuit sans rêve avec le vide pour seule compagnie.

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MrOriendo
Posté le 09/06/2023
Je dois dire que le trash, le gore, ça n'a jamais été mon truc. En fait, ça a plutôt tendance à m’écœurer. Cette scène de crime n'a pas fait exception à la règle, forcément je me suis représenté la chose dans un coin de ma tête et forcément, j'ai ressenti l'envie de dégobiller. Team Wyatt au rapport !

Bon, passé le dégoût inspiré par ce cadavre répugnant par contre, ce deuxième chapitre entérine ma première impression.
J'adore Wes.

Sérieusement, le mec trouve un macchabée abominable au milieu d'une grange, et tout ce qu'il trouve à faire c'est de s'installer confortablement pour lire le journal et discuter ragots mondains avec le Doc ? Il y a du génie dans la construction de ce personnage. Il est tellement décalé que ça en devient amusant, et même attachant.
Et cette scène avec Sofia, quand il redouble d'efforts juste pour énerver son père ! Tout simplement excellent.

Et puis il y a cette histoire d'échos et de Dérive, cet état d'égarement constant dans lequel se trouve Wes. On a presque envie de le plaindre, lui qui recherche désespérément une vie normale sans vraiment la vouloir, lui qui semble un peu paumé dans ce monde qui ne le comprend pas, lui qui est si seul au milieu de tous ces gens sans en avoir conscience...
Curieux paradoxe que ce soit finalement ce détachement affectif qui le rende si attachant.
JeannieC.
Posté le 12/11/2022
Ah lala, décidément ce que j'aime ce genre d'ambiance ! De la noirceur, du trash, et étonnamment au milieu de tout ça quelque chose d'attendrissant voir un petit "décalage". Ton style est vif et précis - la scène de crime, les intestins, brrrrr - et les dialogues ont cette force de nous faire comprendre rien qu'avec les répliques qui dit quoi. Super caractérisation des personnages.
Quant à Wes, moi qui aime les cabossés - aussi bien physiquement que dans leur tête - il me parle fort et je le trouve très attachant. Oui ça peut surprendre, parce que c'est vrai qu'à première vue il a l'air froid et insensible. Mais il y a une fragilité patente dans certaines de ses interventions, de ses répliques. Un genre d'égarement. Ce genre de protagonistes me touche <3
Je pense un peu aux univers de Steinbeck ou encore de Robert Penn Waren en te lisant - l'Amérique, l'univers du crime, le monde far west ou monde rural.

Alley je poursuis ! =D
Liné
Posté le 11/11/2022
Je dois dire que je suis déjà assez marquée par le personnage de Wes, et surtout son incapacité à ressentir suffisamment de choses aux yeux des autres - et de lui-même ? Ça me parle beaucoup. Il y a une grande cohérence entre ce trait de caractère, ou plutôt ce comportement involontaire et subi, et cette histoire de crâne fracassé (idem pour ses problèmes de mémoire et son incapacité à se concentrer sur une lecture).

D'ailleurs, on a commencé l'histoire avec Wes se révéillant et se souvenant de rien, et depuis, plus rien à propos de cet énorme pan d'intrigue et de personnage. Es-ce qu'il y a une forme de déni de sa part, dans lequel les lecteurices plongent aussi ? Ou bien les prochains chapitres creuseront un peu plus cet élément ?

Pour répondre à ta question de début de chapitre, je ne ressens pas l'utilité de mettre des TW - quand bien même je suis généralement partisane d'en mettre. Ici, l'ambiance est annoncée dès les premiers paragraphes. Si on passe le cap du premier chapitre, on continue naturellement sur notre lancée avec ce deuxième chapitre.

Et sinon, j'ai oublié de l'évoquer dans mon commentaire pour le premier chapitre, mais : j'adore l'idée du corbeau qui parle ! Tout comme Elka, je ne sais pas encore s'il est réel ou s'il sort de l'imagination de Wes.

A très vite !

quid cerveau frcassé, déni ?

corbeau
Liné
Posté le 11/11/2022
* Hahaaaa j'ai oublié de retirer les petites notes que j'écris ici pendant ma lecture pour ne rien zapper en commentaire xD D'où le très étrange "quid cerveau frcassé, déni ? / corbeau"

(ou alors j'aime beaucoup laisser des commentaires emprunts de mystères...)
celineb84
Posté le 12/11/2022
Ahah j’avais compris ! C’est cool. J’aime les gens investis dans leur lecture. Ça fait plaisir <3

De toi à moi : j’aime aussi énormément Wes (heureusement tu vas me dire lol)

Pour une fois j’avais envie de faire un personnage fracassé de l’extérieur comme de l’intérieur. Mais à un autre niveau qu’un trauma dû à son passé. J’avais envie d’une truc tangible. Alors je ne suis pas médecin lol donc je ne sais pas si c’est très très cohérent. Je ne peux que l’espérer ^^

Vu ton enthousiasme, j’ai hâte que tu fasses la connaissance de Kai ^^ c’est ma petite boule de colère et de mauvaise humeur lol

Ton point sur le fait qu’on ne fait plus référence à ce qu’il s’est passé dans la vie de Wes avant la rencontre de son crâne avec de la matière concrète est très judicieux. A la base je m’étais dit que j’allais laisser ça de côté car son cerveau spirale sur son absence de pilier en majorité mais en fait, c’est un point à explorer. Alpha lecture, n’oublions pas. Je trouve d’ailleurs que le rythme est un chouya trop soutenu donc je vais tenter d’améliorer ça !

Encore mille mercis !

Célinours
Edouard PArle
Posté le 04/11/2022
Coucou !
J'ai davantage accroché à ce chapitre-ci qui m'a permis d'identifier les personnages importants. Ma première bonne impression sur Wes se confirme, c'est un personnage hyper intéressant. Le passage où il reçoit mal la remarque de Sofia est très réussi. On comprend sa souffrance, sa maladresse.
Pour les Tw, les mettre une fois en début de roman me paraît suffisant mais je n'en ai jamais eu trop besoin en tant que lecteur donc je ne suis peut-être pas le plus légitime à te répondre.
Le mystère autour des Crow est intéressant, je suis curieux d'en apprendre plus sur eux.
La scène de meurtre était très bien décrite, avec suffisamment de détails pour qu'on puisse s'imaginer la boucherie.
Une petite remarque :
"D’après mes premières constations," -> constatations
Je poursuis ma lecture !
itchane
Posté le 29/08/2022
Hello !

Mon dieu cette scène de crime... eurk, l'image est réussie.
Je suis assez d'accord avec Elka sur le fait que le personnage exprime déjà bien son caractère par son comportement, j'ai aussi ressenti un peu de "je veux être sûre que les lecteurices auront bien compris" dans certains aspects de la narration concernant sa psychologie alors qu'elle est déjà assez finement amenée par l'action et les dialogues je trouve : )

Et par ailleurs j'avoue que le paragraphe sur l'explication des échos, de la prison, des piliers, etc je l'ai trouvé peut-être un peu difficile à appréhender, il y a beaucoup d'infos en peu de lignes et j'ai du relire certaines phrases pour tenter de bien comprendre tenants et aboutissants. Je ne sais pas s'il faudrait tout expliquer d'un coup ou plutôt chercher à distiller au fil du récit... à voir ce que les autres plumes diront ^^"

Ha c'est drôle pour moi les "Crows" c'étaient les indiens, présentés comme dangereux par les blancs... mais maintenant je me demande, car je ne vois pas qui pourrait être "la petite Crow", à moins qu'on ne l'ait pas encore rencontrée ? (ce n'est tout de même pas le corbeau ? x'D)
Me voilà pleine de questions, j'ai très hâte de découvrir la suite : D

En tout cas le personnage de Wes est vraiment hyper attachant, je ne suis pas d'accord avec Sofia, c'est plutôt elle qui est sans cœur si elle ne voit pas toutes ses faiblesses et ses ressentis...

Pour les TW j'avoue ne pas en avoir besoin en général, donc je ne saurais que dire. Il faudrait attendre la lecture d'une plume avec des sensibilités nécessitant des TW pour savoir ce qu'elle en dit : )

Coquilles :
• il manquerait une virgule je pense entre "Colby" et "Teresa" dans la première phrase
• "Du coup, séduit, il s’assit donc..." > 'du coup' et 'donc' se répètent je trouve
• "Il n’avait pas besoin de personne d’autre" > double négation, "il n'avait besoin de personne d'autre" plutôt ?

Bravo pour ce chapitre ! : )
celineb84
Posté le 30/08/2022
Hello Itchane, ‎
Merci d'après repassée ici :)‎
Alors, je suis totalement d'accord avec toi ^^ On m'avait déjà fait la remarque pour la fiancée de ‎papier. Je pense que c'est parce que j'utilise la troisième personne du singulier, mais aussi le point de ‎vue de Wes. Du coup, parfois, je pars dans des délires introspectifs qui ne sont pas nécessaires et qui ‎seraient peut-être plus appropriés à un récit à la première personne du singulier (?). ‎
Je vois ce que tu veux dire pour le bloc d’explication – encore un de mes défauts à corriger ‎impérativement. Ça casse un peu le rythme du récit en plus. Je pense que je veux aller plus vite que la ‎musique. Il faudrait que je pose plus mon récit. Soit en faisant des chapitres plus courts mais avec ‎moins d’événements, soit en incluant des interchapitres... je vais réfléchir à ça.‎
C'est une alpha-lecture, donc j'aurai encore un gros travail de correction après (ne serait-ce que pour ‎ajouter quelques détails par-ci par-là qui selon moi amélioreraient le compréhension et la visualisation ‎de l'univers). ‎
Les Crows sont à cette histoire ce que les amérindiens étaient au western ^^ On les verra plus tard et ‎on verra aussi qui est la petite Crow dont il est question. Il y a effectivement une histoire entre Wes et ‎cette tribu puisqu'ils lui ont tatoué le corbeau :)‎
En tout cas, merci pour ton retour ! ‎
Célinours
Taranee
Posté le 26/08/2022
Le personnage de Wes a quelque chose de comique dans ses réactions qui contraste avec la découverte du cadavre.
On trouve l'undertaker de plus en plus attachant et on en apprend plus sur lui, ce qui le rend encore plus intrigant.
J'ai bien aimé l'adjoint du shérif, ce brave petit... :) Dommage pour lui qu'il soit "sensible" à la vue du sang, ça n'a pas du être agréable...

Concernant le trigger-warning, je dirais
Taranee
Posté le 26/08/2022
concernant le trigger-warning, je dirais qu'il n'y en a pas vraiment besoin (mais comme ce genre de scènes ne me choque pas spécialement, je ne suis pas la mieux placée pour le dire...). Quand j'écris mes histoires, j'ai tendance à en mettre "au cas-où".

En tout cas, l'histoire est toujours aussi prenante ! J'ai hâte de lire la suite !!
celineb84
Posté le 30/08/2022
Hello Taranee,

Merci pour ton commentaire :)

Je suis contente que tu apprécies Wes. Je n'étais pas sure que les lecteurs le trouveraient attachants vu son comportement ^^

J'espère que la suite te plaira tout autant.

Célinours
Elka
Posté le 26/08/2022
Hmm un grand artiste, ce meurtrier. J'ai une pensée émue pour le courageux adjoint. Wes a vraiment quelque chose d'attachant ♥ Et ce dialogue hyper dynamique au milieu marchait très bien. Tu as réussi à y faire passer le caractère des personnages sans forcément avoir recours aux incises.
Je suis intriguée par les piliers, maintenant ♥ Est-ce qu'ils doivent établir un lien "magique" avec les Undertakers ? Ou en tout cas quelque chose de plus profond qu'un simple partenariat professionnel ? Et je pensais les Crows dangereux et tenus à l'écart, mais Wes aurait un lien avec eux (au point qu'ils lui auraient fait un tatouage pour l'aider à ne pas tomber dans la Dérive)
Jolie et terrifiant idée que cette Dérive, d'ailleurs.

Si j'avais une remarque (à prendre ou à jeter) ce serait que tu essayes parfois d'expliquer trop fort. Je ne suis pas certaine que tu aies besoin de répéter que Wes se déconnecte des gens à cause de son coup sur le crâne. Tu l'as expliqué très clairement au chapitre 1, je pense que tu n'as plus besoin de le dire.
Idem pour des moments comme "Bien sûr, Sofia ignorait tout cela.". La formulation est très directe et ressemble davantage à une information que toi, autrice, tu nous souffles en complément.
Pareil pour son détachement affectif. Je me demande si ce serait pas encore plus efficace de jamais dire qu'il ne ressent rien, et nous laisser avec un Wes indifférent au cadavre, sans considération pour le mariage d'une fille qu'il désire ou son père, peu intéressé par ses amis... On le croira froid jusqu'à l'innocente question "tu crois que quelqu'un voudra de moi ?". Parce qu'il n'a pas l'air de rien ressentir. Tu lui fais exprimer de la colère face à une forme d'injustice : la femme battue par son mari, l'épicier qui ne lui fait pas crédit.
Dans le fond, Wes est surtout fragile. Et y a pleins de points qui nous le montre sans forcément les dire en toutes lettres.

Voilà voilà... finalement j'ai fait un beau pavé xD
Je vais guetter la suite ♥ Bisous !
celineb84
Posté le 30/08/2022
Hello Elka 😊
Merci pour le commentaire !‎
Ahah, j’aime le gentil gore (gentil parce que je pense que la description du point de vue de Wes ‎est tout de même un peu comique – enfin c’est le but et j’espère que ça marche ^^).‎
Comme je le disais à Itchane en répondant à son commentaire, les Crows sont à cette histoire ce ‎que les amerindiens étaient au western 😊 Mais on les découvre plus tard dans l’histoire ainsi ‎que la relation qu’ils ont avec Wes et la raison pour laquelle ils lui ont tatoué le corbeau.‎
Je prends tout à fait la remarque ^^ On peut considérer la publication sur PA comme une alpha ‎lecture. Donc je prévois encore beaucoup d’ajutements sur ce récit. Et c’est un commentaire que ‎j’avais déjà reçu sur une autre histoire *___* ça m’embête un peu de ne pas avoir progressé sur ‎ce point. Mon problème c’est qu’en écrivant du point de vue de Wes, je pars dans des ‎intropections pas toujours très utiles et je pulverise le principe du “show don’t tell” ☹‎
Je vais essayer de me rattraper sur les prochains chapitres et puis quand j’aurai fini la première ‎partie, je ramanerai le tout !‎
Sinon, je suis contente que tu trouves Wes attachant. Je n’étais pas sure que ça fonctionnerait, ‎vu qu’il est un peu zarbi ^^ ‎
Encore merci ! ‎
Célinours
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