CHAPITRE 2 : L’Angastab 1/2

Par arno_01

A l’arrière du pinson mes camarades dormaient encore. Le hasard d’une paille trop courte m’ayant désigné comme le conducteur pour le retour, je tentais de deviner les contours de l’ile et de la grotte aux seules faibles lumière du pinson. Le ciel était encore bien noir, et je n’osais allumer les projecteurs de peur de prévenir la capitaine de notre sortie non autorisée.

L’absence d’enregistrement de la base dans les données officielles n’arrangeait rien, je ne pouvais m’en remettre sur un pilotage entièrement automatisé. Les détecteurs sub-luminiques étaient activés et me renvoyaient la position des murs de la grotte. Je savais que je n’avais qu’un mètre ou deux de marge de manœuvre, et n’ayant jamais été doué pour le pilotage, la conduite fut houleuse. Je réussis même à réveiller mes passagers à force des saccades. Mais nous atterrîmes à bon port.

A peine débarqué, que je remarquais l’absence de notre cormoran, le second véhicule de la base. Pourtant aucune mission n’avait été prévue ce jour. Je m’en étais assuré auprès de chacun – ne pouvant me fier à notre capitaine Etron – avant de prévoir la sortie de cette nuit. Xian me fit un geste vers la place de notre avion submersible, pour m’assurer que j’avais remarqué son absence. Il me fit signe deux fois – m’indiquant clairement son inquiétude.

Je demandais à mon term de m’indiquer qui était bien présent dans la base. Sa première réponse fut tout le monde – je n’en étais pas du tout convaincus. Je tentais donc de joindre chacun de mes membres un à un, quand la lumière de la cave s’alluma et que la voix de notre capitaine retentit.

« Mille milliard de millions de tonnerre de … » Elle s’était arrêtée faisant semblant de ne pas d’arriver à reprendre le contrôle sur elle-même. Mais je l’avais trop souvent vu faire cela – avec ses jurons trop bien étudiés – pour y croire encore. Je savais qu’elle avait réfléchi et voulu ce juron – qui devait sortir de je ne sais quel passé poussiéreux – et qu’elle avait choisi de l’arrêter en plein milieu.

« Ou étiez-vous donc passé M. LOPAN ? Je n’avais pas souvenirs vous avoir donné de mission ? Vous êtes pourtant au courant qu’il ne faut en aucun cas sortir de cette base en dehors des missions, n’est-ce pas ? Qu’avez-vous fait ce soir ? »

Derrière moi, mon équipe – et cette nuit c’était bien la mienne – s’était amassée derrière moi. Ils savaient que nous n’avions le droit de sortir. Tous ceux présents avaient voulu prendre les risques.

Mais la capitaine aussi le savait. Elle donnait l’impression d’une personne un peu bourrue, prêt à foncer dans le tas, mais c’était un rôle qu’elle surjouait légèrement. Wearek lui avait donné tous nos dossiers, elle savait pour nos sorties en boite – de l’époque de l’ENOS. Elle savait que ce soir, comme trois autres depuis un mois, il n’y avait aucune mission de prévu, et que nous sortirions tous ou presque. Je mettais ma main à couper qu’elle avait dans le pinson un détecteur – que nous n’avions pas encore trouvé – pour savoir où nous allions.

Mon term me renvoya les réponses aux tentatives de message que j’avais fait aux membres de la brigade qui étaient restés sur place ce soir-là. Aucun n’était présent dans la base. Avant qu’elle ne puisse remettre une nouvelle charge contre moi, je contre-attaquais.

« Où sont partis Brunach, Paul et Maro ?! lui demandais-je, tentant de singer une voix de commandement, en citant le nom de mes trois camarades manquants.

– C’est moi votre capitaine et non l’inverse. C’est moi qui pose les questions. Pour l’instant vous êtes tous à l’arrêt dans mes bureaux. Vous pourrez les voir après. »

Elle s’attendait à ce qu’on la suive. Je ne bougeai pas un pied. Derrière moi, tous m’imitèrent. Je devais me rappeler que derrière Etron, il y avait Wearek. Et ce dernier avait forcément mis quelqu’un de presque aussi retors que lui-même à ce poste. Tout comme il nous avait retrouvé la veille de notre infiltration dans le bâtiment informatique, Wearek aurait su à l’avance que j’allais sortir ce soir.

Je ne pouvais que penser qu’Etron aussi. Elle savait également que toutes les opérations qu’elle prévoyait sans moi m’étaient répétées. Plus j’y réfléchissait plus la réponse s’éclairait. Notre capitaine avait prévu ma sortie, et dès mon départ organisé une opération – un entrainement selon sa version officielle – avec ceux qui étaient restés. Une mission pour laquelle elle n’avait pas voulu me mettre au courant. Peut-être une que j’aurais refusé.

Nous avions pris notre temps au Major. Et nous n’étions pas rentré tôt. Si la capitaine avait organisé une opération dans mon dos, elle devait avoir prévu que tout soit revenu à la normale à mon retour. Or Brunach, Paul et Maro n’étaient pas là. Pas plus que le cormoran.

Dans les couloirs, j’attrapa notre capitaine par le bras, et la plaqua contre le mur. Elle se laissa faire – malgré les muscles que j’avais gagné en un an, elle restait bien plus forte que moi et aurait pu me mettre à terre. La présence à mes côtés de cinq membres de mon équipe – qui m’étaient totalement dévoués – l’avait peut-être calmé, à moins qu’elle fût plus perturbée qu’elle ne souhaitait le montrer.

« Où les avez-vous envoyés ? lui demandais-je sans détour
- De qui parlez-vous ? elle tentait encore de jouer l’ignorance.
- Vous aviez prévu que je sortirais danser ce soir, – je décidais de faire taire toutes les prétentions de ses secrets. Vous avez organisé une opération d’espionnage – car les entrainements sont finis depuis longtemps – que vous avez donné au dernier moment à ceux qui ne sont partis avec moi.
 

J’avais conquis d’un seul coup toute son attention – elle semblait découvrir que je comprenais comment Wearek fonctionnait.

«  Vous espériez qu’ils soient de retour avant moi. De sorte que je n’ai pas vent de l’opération de cette nuit. Mais ils ne sont pas encore rentrés.
- Ecoutez,

Je ne lui laissai pas le temps de continuer.

- S’ils ne sont pas revenus c’est qu’il y a un problème. Où les avez-vous envoyés ?
- A l’angastab, lâcha-t-elle après avoir dégluti. »

C’était le centre de regroupement des informations, avant qu’elles ne soient analysées et envoyées au Haut Etat Major. C’était la seule place, en plus du Haut Etat Major, qui avait une vision complète de la guerre. Ils connaissaient combien d’hommes, de vaisseaux, d’astéroïdes nous possédions. La rumeur prétendait que certaines informations étaient tellement sensibles qu’elles ne transitaient jamais par le réseau planétaire, mais toujours d’humain à humain.

Je n’eus pas à insister pour obtenir de notre capitaine les détails de l’opération. Je savais que déjà Lou préparait ses dispositifs de piratage pour quand nous serions revenus sur le continent. J’avais entendu Xian, dans un léger déplacement d’air, partir chercher des armes, avec Matt.

* * *

Xian me réveilla un quart d’heure avant d’arriver. Mes yeux piquaient, ma tête se faisait lourde. Et mes pensées me donnaient l’impression d’être molles, pâteuses – pour être clair je n’avais qu’une seule envie : dormir.

Lou s’activait sur son term, à balancer à une vitesse incroyable je ne savais combien de vers à la minute. Swann, aidée d’Adam étudiait une carte en hologramme – qui constituait je l’appris une petite partie de l’angastab. Cicé venait de se réveiller, et Matt vérifiait l’état des armes et leurs minutions.

« Tu prends une dose ? me demanda Xian, en me proposant un étui avec une seringues. Lou et Swann en ont utilisés. »

Je n’avais jamais aimé ces produits – chacun avec un nom plus compliqué et plus m’as-tu-vu que les autres. Ils avaient tous leurs effets secondaires, et une durée d’action très limitée. L’armée nous avait appris bien d’autres méthodes pour remobiliser nos corps et nos muscles, même en cas de très grande fatigue. Mais en ce qui concernait le manque de sommeil pour l’esprit, c’était autre chose.

Je fis signe d’un oui, à Xian. Quand il approcha la seringue de mon bras, je repensais furtivement à une autre seringue, lors de mon dernier jour de lycéen. Une éternité plus tôt.

Il ne fallut pas deux minutes au produit pour agir. Mes pensées se fluidifièrent d’elles-mêmes –sous l’action d’un ingrédient magique. L’épais brouillard contre lequel je me débattais se leva. Je regardai Lou et vit qu’elle n’avait pas besoin d’aide. Je la savais plongée dans des structures dont je n’avais pas idées. J’allai voir Swann, pour qu’il me fasse un bilan.

« On sait qu’ils devaient s’infiltrer dans cette zone de l’angastab. C’est un récepteur pour les infos en provenance de la pointe de l’aigle. »

La pointe de l’aigle – nommé ainsi d’après le dessin que faisait quelques étoiles avec les gaz vu de notre vielle Terre – était une des zones d’intense activité militaires ces dernières semaines. Je n’avais réussi à obtenir de plus amples informations auprès de notre capitaine. Il semblait qu’elle n’en savait donc pas plus, et cherchait à se renseigner – ou à renseigner Wearek.

« Chaque zone de l’angastab est surveillé par des régiments de sections et d’armées différentes, continua-t-il. Autant dire qu’il y a une forte méfiance entre les groupes. Ce qui est entretenu par le Haut Etat Major, pour s’assurer que tout le monde surveille tout le monde.
- Donc des chances que nos trois soient encore détenu dans la zone ?
- Oui. Lou a vérifié aucune communication ne fait état de prisonniers. »

S’ils n’avaient pas été transmis au central de l’angastab, nous pouvions avoir des chances de les libérer. S’ils avaient été remis au central, il valait mieux pirater le Haut Etat Major – ou se pendre directement. Ce qui serait un sort plus enviable à ce qui serait réservé à nos amis une fois condamné en tant qu’espion.

« J’ai oublié de te dire, me coupa de mes pensées Xian. La capitaine t’a envoyé 10 messages codés à ton intention. Nous lui avions dit que tu dormais, mais elle semble pressée.

- Dis-lui que je les lirais, à notre retour. »

A l’énoncé de ma réponse, je vis son sourire illuminer le visage inquiet qu’il avait depuis mon réveil. Tous comme moi, il s’amusait de ne pas répondre à la hiérarchie. Pour ma part, je savais aussi, que jusqu’à présent je n’avais désobéi à aucun ordre direct. Quand je lui avais demandé si elle avait une meilleure idée, avant que nous ne partions, elle s’était contentée d’un « euh … je ne sais pas ».

J’avais donc considéré avoir son accord. Mais je ne doutais pas qu’elle m’ait envoyé un contrordre très explicite.

Je mis Swann, Lou, Adam et moi-même autour de la petite table du pinson, tandis qu’elle m’expliquait tout le fonctionnement de la zone. Les différents lieux ou pouvaient être enfermés nos amis. Les chemins les plus sûrs. Les systèmes de surveillance. Tandis que j’engrangeais toutes ces informations un plan se dessina dans ma tête. Il se complexifiait au fur et à mesure de ma compréhension du problème qui nous faisait face. Mais surtout des solutions que Lou me refusât une à une :

« On pourrait refaire le coup de l’alarme-pour-rien? Lui demandais-je en reprenant le terme officieux que tout le monde utilisait pour notre petite démonstration lors du défilé il y a trois mois.
- Ils ont changé toutes les procédures depuis notre réussite, nous informa-t-elle sans quitter son term des yeux.
- Tu peux nous avoir une coupure générale de courant ?
- Dans une semaine peut-être.
- Leur faire croire qu’ils sont tous mutés ailleurs, à prise d’effet immédiat ?
-Tu as les codes d’affectation de tous les gardes ? donc non. »

Elle m’accorda uniquement qu’elle devrait pouvoir pirater la vidéo surveillance une fois à l’intérieure pour y effacer nos images. Je lui demandai de me fournir le programme. Je surpris une lueur d’interrogation dans ces yeux tandis qu’elle me donnait le vers informatique.

« Toi et Cicé, vous allez au câble de réception des informations. Vous terminez la mission que Brunach avait. Par contre, le piratage des données, tu le rediriges vers moi. Pas vers Etron. »

Elle voulut dire quelque chose, mais je ne lui laissai pas le temps. Nous arriverions dans trois minutes. Et je me mis à ouvrir les armoires de rangement notre pinson, à la recherche des stocks d’uniformes que nous possédions pour nos différentes missions. Adam avait suivi mon manège, et m’aida à sortir les bonnes tailles.

« Alors c’est quoi le plan ? me demanda-t-il »

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