Chapitre 2 — Charlie

— Je dois vous avouer la vérité !

Je venais à peine d'entrer dans le salon et d'énoncer ces mots que mes parents et mon cousin se tournèrent vers moi, l'air surpris.

Pendant quelques instants, j'envisageai l'idée de fuir et de ne rien leur dire. Mon cœur s'emballait et je sentais mes mains trembler. Heureusement, leur sourire me rassura quelque peu. C'était suffisant pour que je me sente en confiance, au moins pour me lancer.

— Je sors avec Blaine. Blaine Van Rossem. Et ce week-end... On a fait quelque chose pour protéger une amie en commun et lui aussi. On s'est mariés. Je suis tellement désolée...

Immédiatement, je baissai mon regard et laissai quelques larmes couler sur mes joues. J'avais osé tout dire et désormais, je craignais les violentes représailles. Je savais qu'ils ne me foutraient pas à la rue, mais je savais qu'ils ne me regarderaient plus jamais de la même manière.

Lentement, je relevai ma tête et au lieu de tomber sur leur mine furieuse, je voyais de l'inquiétude sur leur visage.

Mon père, Ryan, se leva immédiatement pour me prendre dans ses bras.

— On le savait.

Je m'attendais à tout sauf à cette réaction. Il me fallut de longues secondes avant de retrouver ma voix.

— Pardon ? Comment ça ? On a été super discret... On se voyait assez rarement...

— Ma puce, nous aussi on a appris à garder des secrets, me rassura-t-il. On sait ce que c'est d'être amoureux et de devoir cacher une relation.

— Mais... Vous le détestez... Vous devriez m'engueuler.

— Jamais on ne fera ça Charlie. Jamais. Et je préférerais qu'on en parle calmement... Surtout qu'avec Ryan, on a bien remarqué que tu étais très heureuse ces derniers temps... Même si nos familles ont un passif, on doit reconnaître qu'il t'apporte du bon.

De nouveau, des larmes coulèrent sur mes joues et je le pris dans mes bras.

— Je suis désolée...

— Non, ne le sois pas. Ne t'excuse jamais pour tes sentiments.

Frank avait le même air que Ryan sur son visage, il approuvait silencieusement chacune de ses paroles. Quant à mon cousin, Clint, il était étonnamment dans le même état. Heureusement, je savais qu'il serait conciliant quoi qu'il arrive étant donné notre dernière discussion.

Alors que je peinais à supporter cette situation, mon téléphone vibra dans ma poche et je lus le message que m'avait envoyé Blaine.

— C'est Blaine... Il a été viré de chez lui, annonçai-je à demi-voix. Il est devant la maison...

— Invite-le à rentrer.

Je ne pus m'empêcher de vérifier le sérieux de cette proposition sur le visage de mon père. Je n'arrivais pas à croire que les choses se déroulent ainsi. C'était peut-être un peu trop idyllique. Mais, en même temps, je devais juste profiter de leur ouverture d'esprit.

Je pris une longue inspiration puis courus vers l'entrée. J'ouvris la porte, les mains fébriles, et dès que mon regard croisa celui de Blaine, je me jetai dans ses bras. Il me serra fermement, comme s'il avait parcouru l'enfer pour me retrouver. Et moi, je pleurais simplement sur son épaule.

— C'est la merde, me murmura-t-il, faiblement.

— Peut-être pas tant que ça... Mes parents sont au courant. Ils m'ont proposé de t'inviter.

Lui aussi fut aussi perturbé que moi quelques minutes auparavant. Son air dubitatif était incroyablement adorable sur son visage et je ne pus m'empêcher de sourire, et même de lâcher un petit rire nerveux.

— Ils le savaient pour nous deux. Je ne sais pas depuis combien de temps... Mais ils l'ont su.

— Mais comment ils ont fait ?

— Je ne saurais pas trop dire comment... Mais au moins, ils se sont faits à l'idée depuis longtemps pour nous deux.

Un sourire se dessina sur son visage. Un sourire soulagé. Un sourire que j'embrassai à pleine bouche. Je n'avais aucune peur d'y aller franchement, de me coller à son corps et de le serrer fermement contre moi. Ce fut aussi réciproque de son côté. Et nos bouches s'embrassèrent jusqu'à ce qu'on en perde le souffle. Juste un instant.

De nouveau, je le serrai fermement contre moi. Étrangement, nous étions enfin réunis, mais j'avais l'amère sensation que ce n'était que le début de nos problèmes.

— On ferait mieux de rentrer avant d'attraper froid, lui proposai-je dans un murmure.

Son regard fixait un point derrière moi et en me retournant, j'aperçus mon père Ryan sur le perron. Même si celui-ci essayait d'afficher une mine rassurante, ce n'était clairement pas suffisant pour mon petit-ami. Alors, je lui pris la main et lui adressai un timide regard pour lui donner confiance. Il accepta de me suivre et Ryan nous fit entrer.

— Tu veux que je te débarrasse de ton manteau ? proposa mon père à Blaine.

Blaine eut un moment d'hésitation puis lui tendit son manteau en le remerciant. Il ne pouvait pas cacher ses tremblements. Mon père avait bien perçu son angoisse et il lui sourit.

— La situation est assez étrange pour nous tous, lança-t-il d'un air déterminé. C'est aussi très angoissant... Mais peut-être que pour ce soir, vous feriez mieux de vous reposer...

— Euh... Très bien, on va aller dans ma chambre, rétorquai-je, la voix enrouée.

Mon père se tourna de nouveau vers Blaine, ce qui ne rassurait toujours pas ce dernier.

— On va te trouver un matelas gonflable, comme ça tu pourras dormir avec Charlie.

— On peut dormir à deux dans mon lit sans problème.

C'était assez impulsif comme remarque et je n'avais pas pensé une seconde aux sous-entendus qu'il pourrait en tirer. Certes, nous étions tous les deux adultes — et désormais mariés —, mais ce n'était pas comme si Blaine était n'importe qui. Néanmoins, malgré nos familles ennemies, mes parents l'accueillaient comme si ça n'avait jamais été le cas.

— Si vous voulez... Mais si jamais vous changez d'avis, on peut trouver une solution.

— Je ne voudrais pas vous déranger, lâcha Blaine, timidement.

— Tu ne nous déranges pas. Sois le bienvenu ici.

Blaine lui adressa un sourire reconnaissant, mais à moitié masqué par ses angoisses qu'il n'arrivait pas à taire.

Ryan nous laissa rejoindre ma chambre. Blaine posa immédiatement sa valise par terre et respira lourdement en fixant d'un air vide un point à l'horizon. Je m'assis sur le rebord du lit et il s'installa rapidement à mes côtés. Nos bras s'entrelacèrent et silencieusement, on s'allongea l'un à côté de l'autre.

— J'ai l'impression que c'est un rêve, souffla-t-il.

— Moi aussi...

Ma tête était posée sur son torse et je relevai légèrement mes yeux pour capter son regard.

— Avec quel genre de merde on va se réveiller demain ?

— J'en sais rien... Et je n'ai pas trop envie d'y penser pour le moment, avouai-je en baissant mon regard. J'ai juste envie qu'on profite un peu de ce moment... Pour l'instant, tout va bien. Enfin, presque. Ç'aurait pu être tellement pire...

— J'espère juste que ma sœur s'en sortira. Je regrette de l'abandonner aussi lâchement...

— Tu ne l'abandonnes pas.

— Je n'ai pas pensé à elle à ce moment-là. Je crois que j'ai juste laissé ma haine pour mon père m'emporter... Et le dommage collatéral, c'est ma sœur. Elle va se retrouver seule dans cet environnement avec une saloperie d'addiction.

Je sentais les battements de son cœur s'emballer et son souffle s'accélérer. Je dessinai alors des cercles sur son torse en espérant pour le calmer.

— Mon père va essayer de trouver un moyen de m'empêcher de contacter ma famille...

— Je doute que Kayla se laissera faire. Après tout, elle a bien communiqué avec moi alors qu'elle n'avait aucune raison de le faire. Ce ne serait pas la première fois qu'elle désobéit. Sauf que cette fois-ci, elle ne sera pas seule pour désobéir...

Il déposa un bref baiser dans mes cheveux puis laissa son nez dans ma chevelure.

— Charlie... Je ne sais pas comment tu fais pour avoir autant d'espoir même dans les pires situations. Mais c'est probablement ça que je préfère chez toi. Tu apportes tant de couleurs et de nuances partout...

— Parce que je sais ce que c'est d'être au fond et de n'avoir rien pour se raccrocher. Quand on a l'impression qu'une part de soi est cassée et qu'on ne pourra jamais la réparer... Et étonnamment, j'ai toujours eu plus l'impression d'avoir été une méchante dans plein de situations. Peut-être un peu trop de fois.

— Mais tu es loin de l'être... T'es rien de tout ça.

Je pris une longue inspiration et plaquai davantage ma tête contre son torse. Je retins un sanglot dans un bref gémissement.

— Et toi tu as un grand cœur Blaine. Ce que tu fais pour ta sœur... C'est extrêmement noble. Et tu vois ce qu'il y a de bon en moi... C'est toi qui me donnes de l'espoir au final.

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