Chapitre 2

Notes de l’auteur : Salut à toi qui lit cette histoire !
Si tu vois des choses qui ne vont pas - et des choses qui vont bien, d'ailleurs - n'hésite pas à m'en faire part ! ;)
Et surtout, bonne lecture !

Après m'être servi généreusement au buffet, je rejoins mes amis, attablés pas très loin. Je mange de bon cœur : les mauvais rêves, ça creuse.

Ici, nous sommes très bien nourris, nous ne manquons de rien. Nous ne savons pas vraiment d'où vient ce que l'on ingurgite, mais je crois que personne ne se pose la question. Alors, pourquoi s'en soucier ?

Soudain, toutes les conversations cessent. Même Liago s'est tu, c'est pour dire l'importance de la situation. Je ne comprends pas, jusqu'à ce que j'aperçoive l'homme qui se tient debout sur une chaise au milieu de l'immense réfectoire.

Il est âgé, ses cheveux et sa longue barbe sont blancs, et, dans ses yeux, on peut voir briller une intelligence hors-normes, presque effrayante.

C'est le Sage, celui qui gère et dirige la zone. Il est extrêmement respecté, ici.

Il se racle la gorge, même s'il n'en avait pas besoin pour attirer l'attention, et s'apprête à faire un discours.

- Ce matin, commence t-il de sa voix grave, vous vous êtes levés.

Jusqu'ici, rien d'exceptionnel.

- ... Tous avez pu noter le changement qui est en train d'avoir lieu. Les jours rallongent, l'air devient plus chaud, les pluies cessent... Tant de détails pour expliquer une chose très simple, l'arrivée de Floréal. Pour souhaiter la bienvenue à cette nouvelle saison, les directeurs du stade, de la piscine et moi-même avons eu l'idée d'organiser un concours, une course en 10 tours. Une seule course, lors de laquelle se jouera l'avenir de vos enfants, parce qu'une chance incroyable se présente à eux. Et elle ne se présentera pas deux fois.

Un sourire satisfait se dessine sur son visage. Ceux des gens qui m'entourent sont empreints d'un mélange entre inquiétude et curiosité. Je vois l'excitation briller dans les yeux de mes deux amis. Quelques murmures se font entendre.

- Car oui, reprend le Sage en faisant taire les bavards, le vainqueur chez les filles et les garçons, un et une par catégorie, seront emmenés dans une base d'entraînement spécialement conçue pour eux, située à l'Extérieur.

Cette fois-ci, les questions fusent dans tous les sens.

- Mais, demande Sloane, l'Extérieur n'est pas censé être dangereux ?

- Ouais, confirme Liago, avec des bêtes sauvages à tous les coins de rue !

Pour toute réponse, j'hausse les épaules. Mes amis se mettent à débattre vigoureusement, ce qui est devenu une habitude depuis qu'ils ont découvert qu'il leur arrivait d'être d'accord.

- Moi, je n'ai pas peur, j'interviens.

Tous les deux me regardent avec des yeux ronds.

- Non, poursuis-je, pourquoi avoir peur ? Si le Sage nous permet de sortir, c'est qu'il n'y a aucun danger. Il ne nous ferait jamais rien de mal. Et puis, de toute façon, ce n'est pas dans son intérêt de nous envoyer mourir.

Sloane et Liago échangent un regard, visiblement dubitatifs. La jeune fille semble avoir quelque chose à dire, mais le Sage ne lui en laisse pas le temps :

- Maintenant que vous vous êtes questionnés entre vous, faites-moi part de vos interrogations pour que je vous éclaire.

Immédiatement, la main de Liago se lève.

- Oui, fait le sage en le montrant du doigt, le jeune homme, là-bas. Vous avez été le plus rapide, alors allez-y, posez votre question !

- Alors, voilà, commence mon ami avec un air interrogateur et sérieux qui ne lui va pas du tout, on nous répète depuis toujours que l'Extérieur est dangereux, qu'il ne faut surtout pas sortir. Alors, pourquoi envoyer les meilleurs d'entre nous, dans un espace où ils risquent la mort ?

La foule s'agite, approuvant visiblement les paroles de mon ami. Quant au Sage, je m'attendais à ce qu'il soit embêté, mais, au contraire, il semble plutôt satisfait, comme s'il avait parié trois bonbons que cette question allait être posée.

- Penses-tu, jeune homme, commence t-il, que nous, dirigeants de la zone, qui avons pour devoir de vous protéger, ambitionnons d'envoyer mourir les meilleurs jeunes ? Les plus prometteurs ?

- Honnêtement, répond Liago sans aucune hésitation, oui.

Le silence enveloppe la pièce. Tous attendent la suite et je crois que personne ne sait trop quoi penser. Même le Sage semble stupéfait. Il faut dire que le garçon a beau être stupide, il n'en demeure pas moins courageux et déterminé.

- Voyez-vous, développe mon ami, regardant l'homme droit dans les yeux, nous ne vous connaissons pas vraiment...

Quant à moi, je connais Liago suffisamment pour savoir qu'il improvise totalement. Je peux presque voir les rouages de son cerveau tourner à cent à l'heure.

- Nous ne connaissons pas votre nom, poursuit le jeune homme blond, ni votre âge, ni votre histoire, ni pourquoi vous êtes à la tête de la zone 23 501, notre zone...

Le Sage, irrité par tant d'aplomb, a un petit rire méprisant qui fait taire Liago.

- Ha, ha, ha... Tu es bien drôle, petit, dit-il, la contrariété bien visible dans son regard. Ici, les gens sont plus intelligents que toi, et heureusement...

Je vois la mâchoire de mon ami se contracter et ses joues rougir légèrement.

- ...Ils ne se posent pas ce genre de questions inconsidérées. Vois-tu, on m'appelle le Sage, et si ce n'est pas suffisant pour toi, et bien je vais te dire quelque chose qui va te servir toute ta vie : avoir un esprit de contraction et partager tes idées stupides avec les autres ne va pas faire avancer les choses, tu vas juste embrouiller l'esprit de tout le monde, toi compris. Pour finir, assume tes erreurs et ne va jamais trop loin avec des gens qui ont plus de pouvoir que toi.

Le Sage ouvre grand les bras, théâtralement, s'adressant à la foule, puis, avec colère, s'exclame :

- Alors non, non et non ! Je ne vous enverrai pas mourir à l'Extérieur, que ce soit bien clair pour tout le monde !

Il jette une petit coup d'œil bien perceptible à Liago, l'air de dire : "alors, plus rien à ajouter ?". A ce moment précis, je me dis qu'il a beau être le plus âgé de la zone, je lui jetterai bien mon bol de céréales à la figure. A en juger la tête de mes amis, eux aussi ont de nombreuses idées, comme briser un des pieds de la chaise et voir le Sage s'étaler de tout son long, contre le carrelage. Oui, décidément, ce serait un spectacle très réjouissant.

- Oui, la jeune fille au fond, fait le Sage en désignant Celeritate du doigt.

Celle-là, elle a beau avoir un nom de légume, elle se croit supérieure à tout le monde. Vous aussi, vous en connaissez, des gens comme ça, j'en suis sûr. Excessivement imbus d'eux-mêmes et irrémédiablement insupportables.

- Je me demandais pourquoi avoir besoin d'aller à l'Extérieur, alors que nous avons tout le nécessaire pour nous entraîner ici, dit-elle de sa voix nasillarde.

Elle a beau être stupide, au moins, elle pose les bonnes questions.

- Nous savons très bien que vous avez besoin d'être dépaysés, vous, les jeunes, explique le vieil homme promptement. Vous voulez voir du nouveau, alors, après de nombreuses années de recherches intenses...

- Menées par qui ? questionne Sloane à voix basse, entraînant un soupir exaspéré de Liago.

- ... Nous avons enfin trouvé une solution et vous permettons de vous évader, poursuit-il en mimant les guillemets pour le dernier mot. C'était la dernière question, conclut le Sage, mais je vais quand même préciser quelque chose d'important : plus les jeunes restent longtemps là-bas, mieux ça se passe pour eux. Ils ne partiront que s'ils le souhaitent, ou si nous voyons qu'ils ne sont plus aptes à remplir les compétences physiques qui sont exigées. S'ils rentrent, c'est uniquement pour ces raisons-là.

Il remercie la salle d'un hochement de tête et quitte le réfectoire sans porter attention aux autres mains qui se lèvent et aux adultes qui, vexés de n'avoir pas été interrogés, posent leurs questions à voix haute :

- Ne trouvez-vous pas cela réducteur de n'évaluer que la course à pied ?

- Quel est l'intérêt éducatif de ce projet ? Expliquez-nous !

Seul le claquement de la porte leur répond..

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