CHAPITRE 2

Par Taranee
Notes de l’auteur : Je crois que ce chapitre est le plus long de mon histoire. J'espère qu'il vous plaira !!
Bonne lecture, n'hésitez pas à commenter.

PRESENT : JIO

 

            Le crépuscule étendait ses couleurs sanglantes sur le monde. Les gens désertaient le port pour aller manger dans quelque restaurant huppé de Poralguar. Les corsaires remontaient sur leurs navires, les promeneurs se lassaient des balades sur les quais. Les docs étaient presque déserts. Il allait falloir attendre encire une heure pour que tout le monde se soit rabattu vers le centre de la citée. Jio ne savait toujours pas si cette personne qui lui avait donné rendez-vous n’était qu’un mirage, une hallucination due à sa convalescence. Et si cette invitation était bien réelle, que lui voulait ce mystérieux inconnu ? Il n’était pas rassuré, depuis qu’il était de retour sur la face magique. Il avait l’impression d’être suivi, épié, où qu’il aille, et que la moindre de ses actions était rapportée à Soö ou bien au Duc.  Le Duc… Il devait être en colère. Grâce à Samaër, il savait enfin qui l’avait empêché de s’en prendre à Nethan. Et c’était cette même personne qu’il avait envoyé pour la ramener jusqu’au manoir. Jio sourit avec arrogance. Nethan ne verrait jamais l’intérieur du domaine Nowise. Le Duc pouvait toujours courir pour venir capturer la fillette. Jio serait là pour l’en empêcher. Cependant, l’adolescent était en mauvaise posture. Désormais, Erlein tout comme Soö avaient découvert ses secrets. Maz avait certainement parlé. Il ne doutait pas que les mercenaires allaient rappliquer bientôt pour le convaincre de revenir. Il ne se laisserait pas faire. Mais ce dont il devait s’occuper, maintenant, c’était de l’heure de la convocation qui approchait. La nuit venait de tomber, la lune illuminait faiblement le ciel d’encre. Les restaurateurs et les vendeurs avaient enfin quitté leurs commerces. Le port se couchait de bonne heure. Jio se leva et intima à ses compagnons d’en faire de même.

- Pourquoi ? demanda Elijah.

- Je ne veux pas risquer votre sécurité. Attendons de voir à quoi ressemble cette personne qui veut me rencontrer.

Attendons de voir si c’est un ami ou un ennemi.

Jio ne pouvait pas se permettre de faire aveuglément confiance à un inconnu. Il devait au moins vérifier si on ne lui tendait pas une embuscade. Il dut insister un peu mais Nethane et Elijah finirent par se lever pour le suivre jusqu’à une ruelle où ils se cachèrent dans l’ombre d’un mur.

            Deux heures. C’est le temps qu’il fallut attendre avant de voir une silhouette arriver sur le port. Durant ces deux heures, les trois jeunes gens ne firent rien d’autre que discuter à voix basse et surveiller le quai. Lorsque l’inconnu fit son apparition, Jio se crispa. De loin il n’arrivait pas à deviner autre chose que sa taille moyenne et sa corpulence assez frêle. Il dégageait une énergie instable, comme si sa magie disparaissait, par moments, pour revenir avec beaucoup de force. Il y avait quelque chose d’étrange. Il fallait qu’il en ait le cœur net. Jio ferma les yeux, prit une inspiration, et se concentra pleinement sur le sort qu’il essayait de réaliser. Il n’avait encore jamais essayé de faire une telle chose, et pourtant, cette façon d’utiliser sa magie lui paraissait comme familière. Ce qu’il construisit avec son pouvoir était assez maladroit, mais cela suffirait. Il avait créé une ombre de forme vaguement humaine. Sur les ténèbres de son visage brillaient deux yeux rouges qui dardaient leur regard sur le jeune mage d’ombres. Il se concentra encore plus invoqua le plus de ressource magique qu’il put et, ignorant la douleur qui s’installait sournoisement en lui, insuffla la vie à sa création. L’ombre était maintenant dotée d’une conscience, d’une capacité à communiquer, à bouger. Jio avait réussi. Il avait croisé ses deux pouvoirs de sorte à créer un être capable de voir, d’entendre et de lui relater mentalement ce qu’il avait vu. Lorsque l’ombre apparut à côté de lui, Nethan parut surprise, Elijah eut un mouvement de recul.

- Qu’est-ce que c’est que ça ? chuchota-t-il : Depuis quand est-ce que tu peux faire ce genre de choses avec ta magie ?

- Je ne sais pas.

Il arrêta bien vite cette conversation et ordonna à sa création d’aller voir la silhouette. La forme s’en alla rapidement, rampant sur le sol, se fondant parmi les ombres de la nuit. Jio se laissa tomber contre le mur. Cette opération l’avait épuisé. Il ne s’était pas encore tout à fait remis de la maladie et espérait ne pas avoir à se battre contre cet inconnu, s’il s’avérait être quelqu’un de dangereux. Bientôt, l’ombre revint faire son rapport. Elle ne parlait pas réellement. C’était un mélange entre un sifflement mélodieux et un grognement sourd.

            La silhouette était celle d’un homme. Ses mouvements n’étaient ni plus agiles, ni plus discrets que ceux d’une personne lambda. Ce n’était donc ni un combattant, ni un assassin. Impossible de savoir quel était son type de pouvoir tant qu’il ne l’avait pas utilisé. Jio allait devoir se contenter de ces informations. Après une courte inspiration, Jio se leva et sortit de sa cachette tout en faisant signe à Elijah et Nethan d’y rester. L’ombre qu’il avait créée était toujours là et le suivait. Il sentait qu’il pouvait la faire disparaître à tout moment, mais du reste, c’était comme si elle était devenue une entité à part entière et non plus un produit de la magie d’un adolescent. Dès qu’il sortit de derrière le mur, la silhouette, qui observait le ciel, tourna la tête vers lui. L’homme était trop loin pour pouvoir l’avoir vu. L’avait-il entendu ? Ou son pouvoir lui permettait-il de sentir une personne approcher ? Jio continua de s’avancer, aux aguets et, enfin, il arriva à un peu plus d’un mètre de l’inconnu. Avec la lumière que diffusaient la lune et les étoiles, il put voir son visage.

C’était effectivement un homme qui devait avoir trente ans ou un peu plus. Ses yeux brillaient d’un éclat bleu-violet tout à fait fascinant. Sa peau était pâle, elle aurait pu paraître transparente, sous la lumière blafarde de la lune. Ses vêtements étaient simples, faits pour le voyage. Une chemise à col inversé, un pantalon épais, taillé pour la marche, un vieux manteau que la poussière avait rendu gris. Jio prit parole.

- Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? Et comment avez-vous su que j’arrivais ?

L’homme poussa un rire gentil et avisa l’ombre qui se tenait aux côtés de Jio.

- C’est toi qui l’as créée ? Joli travail. Mais un peu maladroit, si je puis me permettre. Je l’ai vue repartir pour te rejoindre. C’est comme ça que j’ai su où tu étais.

Il essaya de s’approcher mais Jio recula, aux aguets.

- On dirait bien que tu ne fais confiance à personne.

- Peut-on imprudemment accorder sa confiance dans ce monde malhonnête ?

- Tu te trompes. Le monde n’est pas malhonnête. Tu as juste rencontré les mauvaises personnes.

- Par mon expérience personnelle de la vie, je ne peux pas te croire.

- Tu me rappelles quelqu’un. fit l’homme dans un sourire nostalgique. ;

- Qui êtes-vous ? redemanda Jio, cette fois avec plus de dureté dans le ton.

- Moi ? Tu me connais déjà un peu. Je suis l’associé de Jake McDorsey aux commandes des Libellules. Mais peut-être que ça te parlera mieux si je te dis que je suis Nilt Nowise.

 

PRESENT : NILT

 

            Le garçon ne cilla pas. Mais Nilt se doutait bien qu’un flot de pensées et de questions devait se déverser dans sa tête. Jio croisa les bras.

- Vous êtes le frère de Soö.

- Exact.

Il était intelligent. Il n’avait as perdu son calme après cette annonce, du moins en apparence, et avait analysé la situation pour en tirer une hypothèse logique. Nilt ne s’était donc pas trompé dans son jugement lorsqu’il l’avait vu devant la bouche du TMIZ, le jour où Jake et trois de ses compagnons étaient partis en mission au LERM.

- Qu’est-ce que vous voulez ? demanda le jeune homme d’un ton hostile.

Il s’était reculé d’un pas, se préparant à se défendre si on l’attaquait. Quelle tristesse de voir un enfant si prompt à se protéger d’un éventuel péril.

- Je veux discuter. Je ne vais rien te faire.

Pourtant, il ne baissa pas sa garde. Alors Nilt continua.

- Soö te cherche. Il ne va pas tarder à savoir que tu es ici, à Poralguar.

- Comment le savez-vous ? Vous ne faites pas partie de la guilde.

- Moi non. Mais Addal, oui.

Lorsqu’il entendit ce nom, les yeux noirs de Jio semblèrent traversés par une lueur de stupeur. Il fronça les sourcils.

- Addal travaille pour vous ? Je me rappelle, maintenant. Il m’avait dit qu’il ne faisait pas partie de la guilde.

- Je ne dirais pas qu’il travaille pour moi. Il me rend un service parce que nous sommes amis et que je ne peux pas aller voir Soö moi-même.

- Pourquoi ?

- C’est compliqué.

Il ne parut pas satisfait de cette réponse. Évidemment. Il était le genre de personne à vouloir comprendre les choses, leur fonctionnement. Jio émit un claquement de langue et examina son interlocuteur de bas en haut puis de haut en bas.

- Vous n’êtes pas mort.

- Il me semble que non.

Quelle était cette question ? Savait-il quelque chose ?

- Le Duc Nowise avait envoyé des assassins à vos trousses. Pourquoi vous êtes encore en vie ? Et pourquoi votre père vous déteste au point de vouloir vous tuer ?

- Je suis en vie grâce à la chance que j’ai d’avoir une magie instable et de savoir me cacher. Quant à ta deuxième question, tu l’as peut-être remarqué quand tu étais aux côtés de Soö, mais l’amour ne règne pas au sein de notre famille. Je suis devenu une gêne pour mon père, alors il a décidé de m’éliminer. Je ne suis pas bon en magie, de toute façon.

Il y eut un temps de silence. Jio assimilait. Il reprit parole.

- Soö sait que vous êtes en vie ?

- Non.

- Est-ce que, vous, vous savez que son pouvoir a été scellé par le Duc Nowise ?

- Oui. Et Soö t’a « engagé », toi, pour le libérer de ce sceau. Mais tu as rompu votre marché.

- Soö est un salaud.

- Il faut être téméraire, pour insulter mon frère devant moi.

- Ce n’est pas une insulte. C’est un fait. Soö est une ordure de manipulateur perfide.

Il le testait. Pour voir sa réaction. Et visiblement, cette réaction le déçut car il soupira, croisa ses bras, et planta son regard dans celui de Nilt. Cela fit rire le grand frère de Soö. Ce gamin était fascinant. D’une certaine manière, il comprenait l’attirance de Soö pour Jio. Il croisa les bras à son tour, jeta un regard amusé au jeune homme et dit :

- Tu ne le portes pas dans ton cœur, on dirait. Mais je peux comprendre. Il a tellement changé… Ce n’est plus le petit frère que je connaissais.

Jio garda le silence, alors Nilt continua.

- Toi et tes amis, vous n’avez nulle-part où aller, pas vrai ?

- Mes am…

- Ho, Jio, tu sais très bien de quoi je parle. Je ne vais pas te mentir : Je t’ai suivi toute la journée, alors je sais que tu te promènes avec deux camarades. Je suis sûr qu’ils sont en train d’écouter notre conversation, en ce moment.

Le garçon lui adressa un regard noir.

- Vous m’avez espionné ?

Nilt ne s’en cacha pas.

- Oui, dès que je t’ai vu sur le port, ce matin. Mais là n’est pas la question. As-tu un endroit où aller, oui ou non ? Tu ne peux pas rester à Poralguar. Mon père finira par te trouver. Surtout que l’auberge que tu as choisie n’est pas loin de chez lui.

- Je le sais. Mais à part la guilde des mercenaires, je ne connais aucun autre endroit. Je serais incapable de retourner dans le Psal, même si ça me chantait.

- Et tu n’aurais aucune chance d’y parvenir vivant, avec les criminels qui errent sur les routes. ajouta Nilt : Mais vous pouvez venir avec moi.

- Pourquoi je ferais ça ?

La méfiance revenait. Ce garçon avait beaucoup de mal à accorder sa confiance. Nilt doutait qu’il eût pu donner sa confiance à quiconque, après avoir vécu avec des mercenaires, aux côtés de Soö.

- Parce que je suis à la tête d’un foyer de mages non répertorié, loin d’ici. Dans un endroit où les chances de te trouver sont infimes. Je ne dis pas qu’elles sont nulles, mais je te garantis que là-bas, au moins, il n’y aura pas de rafles. Qu’est-ce que tu en dis ?

- Je me suis beaucoup fait embobiner, ces derniers mois.

Nilt n’allait pas se démonter comme ça.

- Mais moi je ne te mens pas. Et Jio… Je sais que tu cherches qui a envoyé la maladie sur l’autre face. Et je suis sûr que tu as déjà une idée.

- Et si jamais vous aviez raison, en quoi cela vous regarderait-il ?

- Tu as un suspect, j’ai des preuves. Je peux t’aider à l’arrêter.

- Le Duc Nowise est inviolable. C’est un membre du conseil des neuf mages.

- N’importe qui devient vulnérable lorsqu’on a un plan bien préparé pour le faire tomber.

- Je ne veux pas faire tomber le Duc. Je veux juste être tranquille.

Il avait dit ça avec une voix dépitée, comme s’il n’attendait rien d’autre de la part du monde que du mépris. Nilt soupira. Jio n’était pas un héros. D’ailleurs, il n’en avait pas l’étoffe. On aurait plutôt pu le qualifier d’anti-héros. Mais au final, ce n’était qu’un gamin. Un gamin qu’on avait transformé trop tôt en machine à tuer et qui, aujourd’hui, devait vivre avec le poids de toutes les vies qu’il avait détruites.

- Très bien. fit Nilt en se détournant du garçon : Fais comme tu veux. Je serais ici une heure avant l’aube, si vous voulez vous joindre à moi.

Et sur ces mots, il commença à partir. Alors qu’il allait prendre une rue adjacente au port, il entendit la voix de l’adolescent derrière lui.

- On sera là deux heures avant l’aube !

Nilt sourit et disparut dans la nuit.

PRESENT : JIO

 

            Comme annoncé la veille, ils arrivèrent au rendez-vous deux heures avant l’aube. La nuit avait été courte. Supporter les plaintes d’Elijah et les bâillements de Nethan avait épuisé la patience de Jio qui s’efforçait de rester calme malgré son état de fatigue dû à la fin de sa convalescence et à ses nuits trop courtes, parsemées de cauchemars. Il était d’une humeur massacrante et scrutait les rues qui débouchaient sur les docs avec impatience, espérant voir arriver la silhouette filiforme de Nilt. Il n’avait pas confiance en cet homme. Qui aurait pu faire confiance à un parfait inconnu ? Néanmoins, cet homme connaissait Soö, connaissait le Duc, et connaissait même Jio. Et même s’il n’arrivait pas encore à lui accorder sa confiance, le jeune homme sentait que Nilt était quelqu’un de fiable. Quelqu’un de gentil. Après tout, n’avait-il pas fondé un foyer de jeunes mages ? N’était-il pas à l’origine des Libellules ? L’adolescent avait tout de suite contacté Jake pour confirmer la véracité de ces propos. Le leader des Libellules avait confirmé l’identité de cet homme et avait demandé de ses nouvelles. Jio lui avait alors transmis un message de la part de Nilt : « Je vais bien. Je n’ai pas abandonné les Libellules, mais j’ai beaucoup d’affaires à régler. Je reviendrais, prend soin de toi. ». Jake avait simplement acquiescé, demandant au mage d’ombre de dire à Nilt que tout le monde attendait son retour avec impatience. Il s’était ensuite empressé de lui demander comment allait Elijah. Il semblait s’inquiéter pour lui et assaillait Jio de questions. Quand le garçon eut répondu que le mage de soins était en bonne forme, Jake sembla un peu s’apaiser et, finalement, Jio avait coupé la communication. Après ça, ils étaient retournés à l’auberge, où l’homme au bar les regardait toujours d’un mauvais œil, et avaient essayé de profiter des maigres heures qui leur restaient à dormir. Peine perdue. Jio s’était réveillé après un cauchemar et n’avait pas pu se rendormir. Il avait revu Nethan, dans ce rêve terrifiant, et cela le laissait perplexe. Il avait la conviction qu’il y avait un message derrière ce désastre qu’il voyait chaque nuit dans ses songes. Ce n’était pas un simple rêve. Il sentait que cet enfant qu’il voyait, ce petit garçon de cinq ou six ans, avait existé. Il était l’enfant des ombres. Mais il y avait quelque chose d’anormal chez lui, à ce moment. Ce gosse avait comme… perdu l’esprit.

            Et après une nuit agitée, les quatre voyageurs s’étaient rendus au point de rendez-vous. Au moment où Jio repensait à ces dernières heures mouvementées, Nilt arriva depuis le bout des quais. Lorsqu’il les eut rejoint, les trois jeunes gens purent voir l’excitation qui brillait dans ses yeux.

- En route, dit l’homme, on n’a pas de temps à perdre pour aller jusqu’au foyer !

Il se détourna sur ces mots, invitant les trois autres à le suivre.

- Tu penses qu’on peut lui faire confiance ? demanda Elijah alors qu’ils traversaient Poralguar.

- Honnêtement, je ne sais pas trop. Répondit Jio : J’étais en train d’y réfléchir. Je ne pense pas qu’il nous veuille du mal.

- Il est bon. intervint Nethan avec un regard lointain : Je sens la bonté en lui.

Ils marchèrent ensuite en silence jusqu’à la porte secondaire de la ville où les attendait une carriole miteuse attelée d’un cheval qui, lui au moins, semblait en bonne santé. Le véhicule ne paraissait pas très fiable, on pouvait voir que le bois se craquelait. Les rennes qui permettaient de diriger le canasson s’étiraient, s’effritaient. Jio jeta un regard circonspect à Nilt qui répondit par un haussement d’épaules et une expression qui pouvait vouloir dire « On fait ce qu’on peu avec ce qu’on a… ». Néanmoins, les quatre voyageurs embarquèrent dans la charrette. Alors que Nilt faisait claquer les rennes et que la carriole se mettait en mouvement, Jio crut voir du mouvement dans la foule des visiteurs et, pendant un instant, il fut persuadé qu’on les avait suivis et ce depuis plus longtemps qu’ils ne le pensaient. Il se tourna vers Elijah.

- Tu as vu ?

- Quoi ?

- Je crois que quelqu’un nous regardait.

- Ce n’est pas impossible. Ce « Duc Nowise » que tu redoutes pourrait bien t’avoir retrouvé. L’auberge n’était pas loin de chez lui, d’après ce que vous avez dit, avec Nilt.

Jio fronça les sourcils. Elijah était calme. Vraiment calme. Ce n’était pas un homme agité, par nature, mais lorsqu’il parlait à Jio, il avait tendance à prendre un ton sec, voire agressif, selon son humeur. À cet instant, il restait simplement pensif, observant la ville qui s’éloignait et qui rapetissait.

- Est-ce que ça va, Elijah ?

- Hein ?

Il se tourna vers Jio.

- Oui, ça va très bien. Je n’ai jamais été aussi bien, je crois.

- Vraiment ?

- La face magique de Sambremonde est merveilleuse. Même si vous êtes du côté sombre, les gens gardent de l’espoir. Les gens sont solidaires. La magie est acceptée, acclamée.

- Peut-être, fit le jeune mage d’ombre en haussant les épaules, mais il reste des inégalités. Des discriminations. Ne te fie pas aux premières apparences, Eli. Chaque face à ses problèmes.

- Eli ?

Elijah affichait une expression stupéfaite. Le rose monta aux joues de Jio. Le surnom lui était venu naturellement. Comme si ça avait été une évidence, comme si Elijah aurait toujours dû se surnommer Eli. Comme si Jio avait été son plus vieil ami, comme s’il avait eu le droit de lui donner un surnom. Mais en avait-il le droit ? Après l’avoir abandonné, après l’avoir menacé, insulté, après lui avoir crié dessus…

- C’est bien, Eli.

- Hein ?

- J’aime bien. continua Elijah : Continue de m’appeler comme ça, si tu veux.

Il sourit. Et son sourire fut si éclatant, si sincère, qu’il aurait pu faire pâlir de jalousie le soleil. Elijah avait un don. Elijah savait sourire même quand la situation était désespérée. Pas Elijah. Eli. Alors Jio leva la tête, lui rendit son sourire, bien que le sien fut moins étincelant. Jio n’avait jamais appris à sourire comme ça. Il répondit tout de même, car cela marquait un véritable début dans leur réconciliation.

- Bien sûr. On va faire ça.

 

***

 

            Quand la mi-journée arriva, ils étaient déjà loin de Poralguar. Nilt avait dû, lui aussi, remarquer qu’on les épier, car il avait soudainement mis le cheval au galop et ce sur deux kilomètres. Après quoi, ils avaient repris le pas, s’arrêtant un moment pour que la bête se repose. À midi, donc, ils avaient déjà parcouru quinze à vingt kilomètres et voyaient se dessiner la prochaine ville où ils s’arrêteraient.

- Où se trouve le foyer, Nilt ? demanda Nethan qui s’était prise d’affection pour lui et avait passé la matinée à côté de lui.

- Dans une région reculée du Keruen, vers la ville de Kerron.

- Kerron est une ville de la nuit. nota Jio : C’est un pari risqué d’installer un foyer là-bas.

-  Qu’est-ce que c’est, une ville de la nuit ? intervint Elijah.

Jio expliqua alors.

- Ce sont des villes réputées pour leurs activités criminelles. Souvent des trafics, des marchés noirs, de la prostitution. Des villes aux apparences normales, le jour, mais c’est la nuit qu’elles vivent vraiment. Kerron fait partie des villes de la nuit les plus dangereuses. Meurtres, drogue, prostitution, trafic d’organes et d’êtres humains. Tout y passe. Tu trouveras pas d’orphelinat, là-bas. Les orphelins y sont vendus comme esclaves, comme choses. Les gens évitent de s’approcher des villes de la nuit. C’est pour ça que je dis qu’établir un foyer à proximité d’une de ces villes est un véritable défi.

- Les mages qui ont le plus besoin d’un foyer se trouvent justement dans ces villes. dit Nilt d’une voix sombre :  Et puis je ne suis pas trop proche non plus. Le foyer ne peut pas être trouvé par hasard. Mais tu sembles savoir beaucoup de choses à propos de ces villes, Jio. Tu en as déjà visité une ?

- Ouais. Il y a longtemps, dans le cadre d’une mission pour la guilde.

 

PASSE :

 

            La femme lui lança un regard aguicheur tandis que, de l’autre côté, un groupe d’adultes l’observaient pensivement. Jio crispa la main sur le poignard qu’il cachait sous son t-shirt. Au même moment, quelqu’un lui attrapait le bras. Il se dégagea brusquement avant de se rendre compte que c’était le chef de mission. Un homme doux et juste qui n’avait pas le profil pour être un mercenaire. Il se pencha vers Jio.

- Reste près de moi, petit. Un gosse de 8 ans, ici, c’est comme une fleur qui attise les abeilles.

- Je suis venu pour faire l’appât, de toute façon.

- Oui. Mais si tu venais à te faire capturer par un de ces marchands d’esclaves avant l’heure prévue, il se pourrait bien qu’on ne te revoie plus.

Qu’on ne le revoie plus, hein ? Et qu’est-ce que ça aurait changé au juste, qu’il soit vendu comme esclave ou qu’il reste à la guilde des mercenaires ? Il s’apprêtait à avancer cet argument lorsque le chef de mission s’arrêta net. Il jura. Un groupe de personnes s’avançait vers eux.

- On est mal.

- Qui sont-ils ? demanda l’enfant, sans avoir vraiment conscience du danger qui les guettait.

- Ce sont les pires de tous. Jio, écoute-moi, gamin. S’ils viennent nous parler et que le ton monte, je ferai diversion. Toi, tu t’enfuiras. Tu iras le plus loin possible de la ville. Dirige-toi vers l’endroit où on nous a déposés ce matin. Les autres membres de l’équipe t’y retrouveront.

- Et la mission ?

- Je me fiche de cette foutue mission ! La vie d’un enfant compte plus qu’une mission d’assassinat !

Le chef était une bonne personne. Ce monde manquait cruellement de bonnes personnes. Jio ne savait pas comment réagir face à de telles paroles. Et il n’en eut d’ailleurs pas le temps car, déjà le groupe était devant eux. Celle qui semblait être leur chef était une femme d’une trentaine d’années. Sacrément grande et baraquée, elle s’était plantée devant le chef de mission avec un sourire de mauvaise-augure. Ses compagnons lorgnaient sur Jio, comme s’ils n’attendaient qu’un mot pour se jeter sur lui.

- Dis-moi… C’est un sacré morceau que tu as là. Tu l’as déniché où ?

Le chef de mission se plaça devant Jio, faisant barrière de son corps.

- Je n’ai pas vraiment le temps de bavarder, tu vois. Nous sommes pressés.

- Quoi, tu veux pas partager ? Allez, je veux juste le regarder d’un peu plus près, le vieux. Pas besoin de faire cette tête-là. Les Psaliens en bonne santé comme lui, ça vaut cher.

- Désolé, mais il n’est pas à vendre.

- Vraiment ?

Elle se pencha pour s’adresser directement à Jio. Elle lui parla d’une voix douce, comme elle aurait parlé à un gamin idiot, et Jio n’aima pas ce ton.

- Petit garçon, tu es très mignon, dis-donc. Tu es sûr de vouloir rester avec ce monsieur grincheux ?

- Et vous, vous êtes sûre de vouloir prendre le risque de mettre « ce monsieur grincheux » en colère ?

Sous la pression que Jio lui transmettait avec son regard noir corbeau, la femme resta un instant interloquée. Puis elle sourit.

- Tu ne manques pas d’air, pour t’adresser à un adulte de cette façon, petit garçon.

Le petit garçon en question la fusilla du regard. Il analysa la situation du mieux qu’il put.

En face d’eux, le groupe d’adultes devait compter dix ou douze membres. Hommes et femmes confondus. Tous taillés comme des rocs. Ils ne cachaient pas leurs regards hostiles ni leur envie de faire la peau au vieux pour récupérer le gamin. La femme qui était en train de lui parler était la seule à avoir une aura magique menaçante. Mais elle n’avait visiblement pas remarqué que Jio était un mage, sinon elle aurait été plus prudente avant de l’approcher. Le chef de mission avait le teint pâle. Il ne pensait pas être en mesure de combattre cette troupe à lui tout seul. Jio, lui pensait en être capable. Mais ce n’était pas encore le moment de passer à l’action. Pas tant qu’il n’y était pas obligé.

- Tu as perdu ta langue, petit garçon ?

- Ma langue va bien. J’essayais de déterminer qui vous étiez.

Une lueur amusée apparut dans le regard de la femme.

- On dirait que tu n’es pas né de la dernière pluie. Je ne vais pas pouvoir te berner si facilement, hein ?

- Non, en effet.

Le ton montait. La femme s’apprêtait à répliquer. Le chef de mission posa sa main sur l’épaule de Jio.

- Il va falloir y aller. L’équipe doit nous attendre.

Il amorça un pas en arrière mais le bras de la femme s’abattit sur lui, le maintenant à l’endroit où il était.

- Restez donc, chers amis. Je crois que nous avons beaucoup de choses à nous dire.

Cette fois c’en était trop. Ils avaient assez perdu de temps comme ça. L’enfant sourit avec froideur. Ses yeux étaient devenus entièrement noirs, à tel point qu’on ne voyait plus ses pupilles. Il laissait voir son aura qu’il savait intimidante. Il parla d’une voix posée qui laissait deviner un brin de menace.

- Excusez-nous, madame, mais nous sommes pressés. Vous n’aimeriez pas que cette conversation dure plus longtemps.

L’intéressée plissa les yeux, hésitante. Ce garçon, elle le voyait, était dangereux. Après un intense duel de regards, elle baissa le sien, s’écarta, fit signe à ses comparses de se reculer.

- Gare à vous. Cette ville est sans pitié. fit-elle avant de partir d’un pas un peu trop rapide pour être naturelle.

Les deux mercenaires passèrent leur chemin. Plus tard, alors qu’ils allaient bientôt commencer la mission, le chef de mission posa un regard sur Jio, pensif.

- Gamin. Pourquoi tu as rattrapé la situation ? C’était l’occasion parfaite pour t’enfuir de la guilde.

- Je n’aurais pas survécu dix minutes dans cette ville. Les gens qui y vivent ont bien plus traîné dans les affaires criminelles que moi. Je ne peux pas tous les tuer tout seul.

Il avait dit ça simplement, sans hésitation, à la manière d’un assassin aussi cruel qu’impitoyable. Ce n’était qu’un gosse de 8 ans, et pourtant, ce même gosse avait envisagé de tuer tous les habitants du village, s’il le fallait, pour sa propre survie.

 

PRESENT :

 

- Mais ça fait longtemps, reprit Jio, je ne me souviens plus des détails.

Il sentait le regard de Nilt peser sur lui et n’osait pas le lui rendre. Il n’avait pas particulièrement envie de faire face à ces souvenirs. Savoir qu’il ne fallait pas s’approcher des villes de la nuit lui suffisait. Il voulait en entendre parler le moins possible. Il s’enferma donc dans un silence obstiné jusqu’à ce que ses compagnons cessent de poser des questions et se concentra sur le paysage qui défilait tout en essayant d’ignorer le regard perçant de Nethan, dans son dos, et celui d’Elijah, compatissant.

            Le Keruen était un pays au climat changeant. Parfois ensoleillé, parfois humide, la végétation y était extravagante et étonnante de verdure. Les endroits sauvages ne manquaient pas mais les habitants du pays avaient pris soin de construire de larges routes qui reliaient chaque région du Keruen entre elles. De tous les pays de la face magique, le Keruen était le plus riche, le plus développé, et certainement le plus urbain. C’est dans ce pays qu’on pouvait trouver l’AME : L’Académie des Mages Erudits, qui regroupait les meilleurs mages de toute la face. C’était une institution exclusivement réservée aux mages blancs, bien que des débats fussent menés quant au droit d’étude des mages noirs qui, pour l’instant, ne possédaient aucune structure scolaire appropriée où apprendre à maîtriser leurs dons. Comme quoi… L’assemblée des neuf mages avait beau le nier, il existait encore de la ségrégation entre mages noirs et mages blancs ici, sur la face magique. Même après des milliers et des milliers d’années, les gens continuaient à avoir peur de l’enfant des ombres et des mages noirs. L’humanité avait toujours eu peur du noir, la nuit était son ennemie. Le monde avait toujours fonctionné comme ça. Jio continua d’observer le paysage avec mélancolie jusqu’à ce que Nilt arrête la carriole pour manger. Les passagers descendirent. Le soleil était encore absent, aujourd’hui. À en croire les nuages, il allait bientôt pleuvoir. Jio espérait qu’ils arriveraient au foyer avant le début de l’averse.

            Il se laissa tomber dans l’herbe verte et grasse tandis que, plus loin, Nethan aidait Nilt à préparer un repas rapide et qu’Elijah se découvrait une passion pour les étalons. Le vent soufflait. Ce n’était pas un temps à voyager. Mais cette traversée du pays donnait à l’adolescent un sentiment d’exaltation et de liberté que jamais encore il n’avait ressenti. La liberté tient à bien peu de choses. se dit-il. Tout-à-coup, sa mine s’assombrit. Il porta son regard sur sa jeune amie, assise plus loin, qui riait. Elle avait l’air heureuse. Mais Jio venait de se le rappeler : il fallait qu’ils aient une conversation. Il se leva donc, et d’un pas lent et résigné, rejoignit Nethan auprès du frère de Soö. Il l’interpella à voix basse.

- Nethan ? Tu veux bien qu’on aille discuter un peu plus loin ?

La fillette lui renvoya un regard curieux. Elle les observa tour à tour, lui et Nilt, et finalement, se leva. Jio l’emmena à quelques pas de la carriole et, vérifiant d’abord que personne ne les écoutait, il commença.

- Tu m’as menti.

- C’est-à-dire ? répondit-elle sans ciller.

- Tu ne m’avais pas dit que tu étais l’enfant de la lumière.

- …

- Pourquoi tu ne l’as pas dit ? Tu ne le savais pas, toi non plus ?

- Si, je le savais.

- Et les autres, ils le savaient ? Elijah, Abigail, tout le monde.

- Non. Ils ne sont pas au courant.

Jio soupira.

- Pourquoi, Nethan ? Pourquoi cacher quelque chose de si important ?

L’enfant eut une moue boudeuse.

- Je croyais que tu t’en fichais. Je croyais que c’était avec Nethan que tu voulais être ami. Pas avec l’enfant de la lumière. Mais l’enfant de la lumière aussi, il a le droit d’avoir un ami.

- Bien sûr que oui. Nethan. Que tu sois l’enfant de la lumière, ce n’est pas ça qui est grave. Parce que je voudrais être ton ami, peu importe qui tu étais. Mais je pensais que tu me ferais assez confiance pour me révéler au moins ça. C’est quand même pour cette raison que le Duc Nowise te poursuit. Je suis sûr que tu savais que c’était pour cette raison.

- Je m’en doutais, oui. Mais si tu l’avais su avant, tu aurais fait quoi ? Jio, regarde-moi.

Il la regarda. Elle semblait mature. Elle semblait vieille, même. Elle était loin d’être une enfant, à cet instant.

- Qu’est-ce que tu aurais fait, Jio, dans la situation où tu étais ? Tu étais dans une impasse. Tu aurais pu révéler ce secret sans le faire exprès. Surtout avec ce Soö qui m’a l’air redoutablement intelligent.

- Tu ne me fais pas confiance, alors ?! Tu penses que je vais te balancer à la première occasion ?

- Personne ne doit connaître mon identité. Les légendes ne sont pas faites pour se dévoiler devant tout le monde.

- Et moi alors ?! Et le Duc ? Et Samaër ? Et tous les amis du Duc ?! Toutes ces personnes qui savent qui tu es… Ce n’est pas dérangeant ? Comment ont-ils su ?

-  Je ne pourrais pas te répondre, Jio. Certaines personnes savent retrouver ce qu’elles cherchent.

- Nethan. Je croyais que je devais te protéger. Je croyais que tu étais trop faible pour te défendre seule, mais toi, tu es l’enfant de la lumière. Tu es à l’origine de l’entièreté de la magie blanche ! Je me sens… Je me sens tellement pitoyable, tellement humilié d’avoir pensé que tu avais besoin de ma protection… Alors qu’en vérité, c’est moi qui aurais besoin de ta protection.

- Arrête. Ne dis pas ça. Tu m’as sauvée. Deux fois. Tu m’as soutenue. J’ai aussi besoin de protection. Même moi, je ne pouvais rien faire quand j’étais au LERM. Tu sais, je reste une mageresse comme une autre. J’ai plus de pouvoirs, oui. Mais je ne suis pas plus puissante qu’un haut-mage ou qu’un archi-mage. Je peux retourner le monde, je peux voyager librement entre les deux mondes, et j’ai un pouvoir de la lumière en plus. Mais au final, je suis un peu comme toi : Une retourneuse et une mageresse. Tu vois ? Je ne suis pas différente.

Un silence s’installa. Un silence qui voulait dire beaucoup plus de choses que des paroles. Un silence plein d’émotions, de tristesse, de colère, de lassitude. Un silence gonflé, assourdissant. Un silence que Jio rompit.

- Nethan.

- Oui ?

- Quel âge as-tu réellement ?

- Je suis aussi vieille que ce monde.

- Pourquoi tu es une fillette alors ?

- Je pourrais être une amie. Mais c’est quand même plus pratique d’être une petite fille. Et plus amusant. Tu as encore une question.

C’était une affirmation. Jio hocha la tête.

- Nethan… Est-ce que… L’omniscient existe vraiment ?

- Oui. Mais même moi, je ne l’ai presque jamais vu.

L’omniscient existait réellement. Cette divinité que chérissaient les habitants de Sambremonde sur chacune des deux faces… Elle était là, quelque part. Elle les observait, elle savait ce qu’il se passait. Elle savait tout. Elle ne faisait rien. Pourquoi ? Pourquoi laisser les mages à leur sort ? Pourquoi avoir permis au LERM de se développer ? Pourquoi avoir permis à la guilde des mercenaires d’exister ? Pourquoi avoir laissé le malheur se répandre alors que cette divinité avait créé ce monde ? Jio aurait voulu poser toutes ces questions. Il aurait voulu les hurler et attendre une réponse. Il aurait voulu jeter sa colère à la figure de Nethan. Mais ses réponses, il ne les aurait jamais. Et Nethan n’avait pas à subir la colère d’un adolescent de bientôt 18 ans qui se sentait assez perdu pour poser des questions au ciel. Il sentit une main se glisser dans la sienne, baissa la tête. Nethan lui sourit calmement.

- Viens. Allons manger.

Jio hocha la tête et la suivit. Après tout, il finirait bien par découvrir ce qu’on lui cachait.

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