Chapitre 2

Par C05i

Je me laisse glisser le long du mur de la salle de danse et me remet à pleurer. Les ondes de mes sanglots se répercutent dans les quatre coins de la salle et emplissent tout l'espace, tel la musique lors des cours de danse.

Mon visage déjà rouge de pleurs précédents, enfle de plus en plus. Quand je relève la tête, je vois mon reflet dans le miroir et je suis horrifiée. Je crois voir un petit animal joufflu en face de moi. Je me tâte le visage et remarque que ce que je vois est bien réel. Je me met à pleurer de plus belle sans pouvoir m'arrêter. Quelques temps après, une grosse larme s'écrase sur le sol : " ploc". Mes yeux, déjà si enflés, arrivent tout juste à remarquer que la salle était inondée. Et ce n'est que maintenant que je sens que mes habits étaient totalement trempés. J'étais paralysée. La seule chose qui m'était encore possible, c'était de tourner la tête pour me regarder à nouveau dans la glace. Mes yeux déteignaient petit à petit. Du marron coulait sur ma joue droite tandis que le bleu déviait sur ma lèvre inférieure. Je passe ma langue sur celle ci. Le goût m'était très familier : hibiscus et menthe. Le niveau de l'inondation montait de plus en plus tandis que mes pleurs redoublaient.

Je rassemble toutes mes forces pour me lever mais tous mes gestes sont trop lents, comme au ralenti. L'eau avait pris la couleur de mes yeux et à présent, m'arrivait aux épaules. Je secoue rageusement la poignée en continuant de pleurer. La porte s'ouvre vers l'extérieur. La pression contenue dans la salle se libère et me pousse en avant. Tout à coup, je peux à nouveau me déplacer normalement donc je me mets à courir, les bras en l'air, en hurlant, poursuivie par la vague.

J'arrive dans la cafète, où le pianiste est en plein milieu du passage, son café dans une main et le téléphone dans l'autre. Je n'ai pas le temps de faire un détour, je suis donc obligée de me jeter dans ses bras en renversant son café.

- Mon café !

Nous tombons tous les deux à la renverse, la vague nous submerge, je n'arrive plus à respirer. La dernière chose que je vois, c'est ma mère qui plane au dessus de la surface de l'eau en me faisant coucou.

 

Je me redresse tout à coup, haletante et tremblante. Je reste paralysée, assise sur mon lit pendant quelques minutes, puis je me met à pleurer. Je me laisse retomber sur mon oreiller et tend la main vers ma table de nuit pour y prendre mon smartphone. La lumière m'éblouit. Il était cinq heures cinquante quatre mais j'avais trop peur de me rendormir. Tutu, que j'avais oublié de sortir hier soir, était allongé aux côtés de sa gamelle de lait.

- Tutu, tu dors ? Je chuchote.

J'allume ma guirlande lumineuse. Il lève la tête, saute sur mon lit puis se pelotonne dans mes bras. Je gratouille son pelage gris jusqu'à ce qu'un rayon de soleil s'infiltre à travers mes rideaux.

 

J'ouvre la porte. Une bouffé d'air climatisé envahit mes poumons et un brouhaha mes oreilles. Les stages d'été avaient commencés en début de semaine et les élèves attendaient avec impatience le début de leur cours. En plus des stagiaires, il y avait de jeunes adultes au bar. J'aperçois le dénommé "Bertouille". Il était adossé au comptoir et riait avec une jeune femme. Quelques jours étaient passés depuis notre "rencontre"  mais je ne l'avais pas revu, bien que j'étais venue danser tous les jours.

- Sif ! J'entends que quelqu'un crie mon prénom mais je n'arrive pas à déterminer d'où venait l'appel.

Je regarde d'un côté, puis de l'autre et je vois Félicie, une de mes amies très proches. Elle était  un peu plus grande que moi en taille et dans le même lycée que moi, comme Aristide et Mireille. Félicie avait souvent un chignon décoiffé, comme moi, était très douce envers son entourage et choisissait toujours les bons mots pour ne pas contrarier les gens.

- Ah tiens, salut Féli.

Je n'étais pas d'humeur à discuter depuis vendredi dernier et aujourd'hui n'était pas une exception. Je me contente d'un geste de la main et d'un demi sourire puis me dirige tout droit vers les vestiaires, mais elle me suit et m'attrape par le bras d'un geste si brusque qu'il me fait faire d'un demi tour sur moi même.

- Mon dieu Sif, qu'est ce qu'il t'est arrivée ? pourquoi je ne t'ai pas vue alors que je venais à nos horaires habituelles ? Pourquoi tu ne réponds pas aux messages ?

Je baisse la tête. C'était vrai, je n'avais allumé mon téléphone que pour mettre de la musique ou regarder l'heure. Je n'avais pas pris la peine de regarder mes messages même si je savais qu'elle, Mireille et Aristide m'en avaient sûrement envoyés tellement que je n'aurais bientôt plus de stockage. J'étais également venue en dehors de nos horaires d'entrainement communes car je n'avais aucune envie de leur parler de mes problèmes parce que je savais bien qu'ils ne trouveraient aucune solution.

- Sif.

- Oui quoi ? Je relève la tête.

- Fais pas l'innocente, je viens de te poser des questions.

- Je suis désolée de ne pas vous avoir répondu, mon téléphone est cassé, euhm je dois aller danser je dois être rentrée pour midi.

C'était de loin l'excuse la moins crédible que j'avais inventée.

- Pardon ? Depuis quand tu dois rentrer pour une heure précise ?

Je la laisse plantée là et m'enferme dans les vestiaires. Ils étaient remplis de petits sacs roses et de vêtements éparpillés.

 

Je sors vêtue d'un de mes nombreux justaucorps : le bordeaux à manches courtes avec un grand décolleté dans le dos. Je tourne à droite. Le studio trois, était visiblement déjà occupé. Je passe donc la porte à double battant qui donnait sur un petit hall éclairé par la lumière du jour. En effet, on pouvait se rendre soit dehors, soit dans le studio quatre à partir de celui ci. Je vérifie sur la liste accrochée à la porte quand le prochain danseur, qui avait réservé, viendrait. Onze heures, j'avais mon temps. J'entre dans le studio où j'allume la musique comme à mon habitude. Je prend mon souffle et c'est parti.

 

Heureusement, quand je ressors après une séance intensive, je n'étais pas poursuivie par une vague, mais encore terrorisée par mon rêve de cette nuit, j'accélère le pas. En passant devant les studios où se déroulaient les stages j'aperçois par les longues fenêtres verticales les jeunes danseuses concentrées sur leur tâche. Quand j'arrive à la cafète, Antoine est concentré lui aussi, mais sur son téléphone. En m'entendant arriver, il saute sur ses pieds.

- Une boisson rafraichissante demoiselle ?

- Un seven up s'il te plait, je dis en me laissant tomber sur une chaise en métal pour quelques secondes, en attendant ma boisson.

Quand il me la passe, je lui tend la monnaie en échange puis retourne vers les vestiaires. Là bas, je m'assois sur un banc et ouvre ma canette qui fait comme toujours ce bruit extrêmement satisfaisant. Je la bois dans ma solitude. Normalement, j'étais plutôt une personne sociable mais cette période n'avait rien de normal.

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