Chapitre 2

Pierre Stanline était dans sa maison de vacances. Ou plutôt, il était dans sa cabane de vacances, car le bâtiment ne faisait que huit mètres carrés, tout au plus. Comme mentionné plus tôt, il y avait une radio. Il l’alluma.

…et maintenant, la météo avec monsieur Jim Castel. Après, nous retrouverons Jean-Hughes Delavoye pour parler et débattre de la réforme... 

Cela ne l’intéressait guère, il changea donc de chaîne. 

...Monsieur Xan Chang, qui vient de nous interpréter, en direct de Hambourg, un extrait de Casse-Noisette…

Pierre Stanline aimait la musique classique, il ne zappa pas. Cette émission était intitulée « Classiques de la musique ».

Notre homme méditait. Il aurait aimé, parfois, ne pas être directeur d’entreprise, mais, par exemple... Quoi, au juste ? Monsieur Stanline se voyait comme un grand homme, à tous les sens du terme. Pourtant, il était très revendicatif et se disait prêt à faire tout et n’importe quoi pour que le monde autour de lui soit comme lui. Il était très spécial. Il vivait seul (sa femme de ménage ne comptait pas vraiment), coupé de sa famille, de toute relation. Seul son travail le faisait connaître des gens. Il avait d’ailleurs déjà rencontré des personnes qu’il qualifiait d’ "importantes" ou de "grandes", à son image, telles que le Monarque de St Louis-Des-Cubains, pour une grosse commande papier (le monarque voulant écrire et auto-éditer son autobiographie). Il avait aussi rencontré la duchesse Yin d’Alighieri-De-Purgatoire, qui souhaitait acheter des cuvettes de toilettes pour les quatre-vingts WC de son manoir. Bref, monsieur Stanline se pensait lui-même « important » : un homme qui avait réussi dans la vie (quoique vendre des cuvettes ne soit pas le rêve de tous). Pourtant... Il manquait quelque chose...

Soudain, il entendit qu’on toquait à la porte (car la maison était si vieille, si branlante qu’il n’y avait pas d’interphone ou de sonnette). Il ouvrit : à sa grande surprise, personne ne se tenait devant la porte. Un gamin, si, qui s’enfuyait, tenant un lance-pierres à la main, un sac sur le dos. Un pétard posé devant la cabane. Pan ! Le pétard explosa. Pif ! L’enfant tira, à l’aide de son lance-pierres. Bam !

Monsieur Stanline claqua la porte. Derrière lui, on poussait un extrait de Carmina Burana (« Oh Fortuna », par l’Orchestre National de France). Mais la radio se mit à grésiller. Elle s’éteignit. Bien entendu ! Une coupure d’électricité, en prime ! Pierre tenta de se calmer. Vive la campagne !


*

 

Rien de mieux qu’une balade matinale pour se réveiller, suivie d’un bon petit déjeuner ! vociféra le présentateur de « Chic ! Musique classique ».

Pierre Stanline se réveilla. La veille, dans l’après-midi, il était parti à Flamant de St Ambroise acheter une radio à piles (et deux paquets de piles : un acheté, un offert) dans l’unique supermarché du village : une Biocoop de trente mètres carrés tout au plus. Il l’avait programmée pour qu’elle s’allume tous les matins à sept heures et quart, sans trop savoir pourquoi. Trouvant l’idée de la balade intéressante, il s’habilla, prit un sac et sortit de sa cabane, peu habitable, en réalité. Il se mit à marcher tranquillement, calmement, en réfléchissant à son entreprise. Mais mince ! Il était en vacances !

Il souffla un instant. Au bout d’une quinzaine de minutes de marche dans la forêt, il entendit une voix derrière les arbres : « Aïe ! Mais tu ne peux pas faire attention ! » Et une autre voix (« Dis, donc ! On est pressés, je te rappelle, monsieur… »). Les voix d’une dispute. Perturbé, il se prit les pieds dans une branche, trébucha, et s’aplatit… le nez sous les jambes de deux personnages…

Il perçut un cri de stupeur, se demanda ce qu’il se passait.

Un jet de lumière et de peur, et il s’évanouit.

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Belisade
Posté le 16/11/2020
Bonjour Hugo,
Même impression que pour le chapitre précédent.
J'aime toujours bien le côté absurde, la petite maison de 8 mètres carrés, la radio, les préoccupations tellement décalées du personnage qui semble complètement à l'ouest ! Une seule constante dans sa vie, la musique classique, on sent que c'est ce qui pourrait le rattacher à une certaine normalité.
Enfin le voilà partir pour explorer ! L'aventure se poursuit.
Isapass
Posté le 15/11/2020
Décidément, ton récit est original. Je ne vois toujours pas bien où on va, mais peu importe : les divagations de Pierre Stanline, qui semble beaucoup réfléchir sur lui-même, sont très drôles. Et j'aime beaucoup les petits détails décalés dont tu émailles, le récit, comme l'absence d'interphone ou la promo sur les piles !
Bravo pour ce ton ironique : ce n'est pas facile à manier !
LilouMimi
Posté le 01/11/2020
Les contours psychologiques du héros s'affinent. Assez lugubre, le héros, dont l'auteur s'amuse à tourner en dérision la vision pompeuse de sa réussite professionnelle.
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