Chapitre 2.2

Notes de l’auteur : Je te remercie de continuer à me lire ! Cette partie est un peu plus longue, je ne voyais pas trop où je pouvais la couper pour que ce ne soit pas trop brutal -_- Pour autant, je ne pense pas qu'elle excède les 10 min de lecture.

Pour cette 2e partie de chapitre, quelques nouveaux mots drekis :

--> sevalƾ : se prononce tel quel. Le ƾ est muet et indique simplement le pluriel en drekis.
--> cerilaƾ : se prononce tel quel.
--> parča : se prononce partcha
--> tevâs : tévars
--> bĕƾ : bai

Je sursaute, réveillée par le bruit d’une porte qui claque, et ouvre péniblement les paupières. Mon père me fait face et on se défie du regard un moment.

Dans ce village, tout se sait. Alors, j’attends sa réaction quant à mes nouvelles frasques. Il demeure impassible pendant un temps qui me semble long. Il le fait exprès et me taquine souvent ainsi, avant de me faire un clin d’œil très théâtral. Mes péripéties lui inspirent de la bonne humeur, c’est toujours ça de gagné.

Il ne parle pas. D’aussi loin que je me souvienne, je ne l’ai jamais entendu prononcer le moindre son. Ce qui explique sans doute mon manque de discussion. Je suis habituée au silence. Sa réaction ne me surprend pas. Aarhen n’est pas le genre de père à se complaire dans l’éducation de son enfant. Et si je dois me montrer honnête, nous n’avons jamais eu ce lien père-fille. Il m’a toujours paru comme un vieil ami bienveillant qui passe de temps à autre pour prendre de mes nouvelles. C’est comme si nous avions conclu un pacte silencieux ; je ne m’occupe pas de sa vie et lui de la mienne.

Il dépose un plateau, contenant mon repas du soir, sur la table du séjour. Lui s'est déjà sustenté dans la salle à manger commune attenante aux cuisines en compagnie de tout le village. J’enrage de ne pas pouvoir entendre les éclats de rire de mes deux amis ni m’amuser de leurs chamailleries. Je le remercie malgré tout d’un sourire, par pure politesse. Je suis certaine que ma mauvaise humeur doit se voir comme le nez au milieu de la figure.

Dépitée, j’ôte le couvercle et découvre mon dîner encore chaud. La fine assiette de bois poli se compose de tendres tubercules. Je salive devant les sevalƾ, racines à la peau violette, à la chair immaculée et sucrée. Puis, des cerilaƾ, que j’ai appris à apprécier. Quand j’étais petite, cette longue racine, velue et boursouflée, couleur de boue, me rebutait et je refusais de les manger. Mais une fois pelée et cuite, elle révèle une pulpe crémeuse et perd son amertume. La parča grillée, un poisson à la chair blanche, m’invite à y piquer ma fourchette. Mon repas répand une bonne odeur d’épice qui fait gronder mon estomac de plus belle.

Pourtant, je picore, jouant de mes couverts avec les morceaux de légumes. L’ennui est atroce et le temps s’écoule avec une indolence horripilante. Je m’aperçois à quel point l’absence de mes amis me pèse, plus que je ne l’aurais imaginé.

Mon dîner terminé, je laisse le plateau sur la table. Aarhen se chargera de le rapporter en cuisine. N'ayant rien à faire, je tourne en rond et remarque dans la foulée que mon père a disparu, sans même me faire un signe. Même si c’est habituel, ma punition accroît un sentiment de solitude dont je ne suis pas familière. J’ai l’impression qu’une énorme pierre m’oppresse la poitrine.

Bien décidée d’ignorer ce sentiment grotesque, je me rue vers l’âtre de la cheminée où se trouve mon attirail pour tester certains remèdes. Je suis l’une des rares personnes à posséder un chaudron et peux donc profiter de boisson chaude à n’importe quel moment de la journée. Les Jithosiens, eux, sont obligés de se rendre aux cuisines pour savourer ce plaisir. Sur le tabouret placé devant le foyer éteint, j’attrape l’un des bouts de chiffon qui me permet de toucher mes ustensiles sans me brûler. Aucun tissu ne demeure dans nos maisons, mis à part nos vêtements hebdomadaires. Grâce à ce traitement de faveur, je me mets dans l’idée de débarrasser nos meubles de sa poussière. Les tevâs, personnes assignées à l’entretien de nos chalets, ne sont pas encore passés chez nous et seront sans doute soulagés d’une partie de leur travail. Je n’ai jamais fait le ménage de ma vie, mais me dis que cela ne doit pas être compliqué, sachant que le seul bibelot que j'ai à soulever est le portrait de l’usoȍ de mes parents. J’époussette les meubles ainsi que mon matériel d’herboriste. Ça ne me prend pas trop de temps, mais garde mon esprit occupé jusqu’à ce que l’on frappe à ma porte.

Quand je l'ouvre, mon cœur tressaille de joie, mais aussi de peur.

— Jφh ! Tu ne peux pas me rendre visite…

— Je suis au courant, mais le vénérable n'est pas cruel au point de t'interdire toutes formes d'hygiène.

Je me sens idiote de ne pas avoir pensé à ce détail et un large sourire s’étale sur mes lèvres.

— Tu n’auras cependant pas le droit de profiter des bains, rajoute-t-elle avec un air désolé.

Elle sait à quel point j’adore me baigner dans ses eaux chaudes à souhait. Un des rares moments où je ne rechigne pas à me mêler aux autres.

— Allons-y, l’invité-je à nous mettre en route.

Je claque la porte derrière moi, heureuse de cette distraction, et nous partons. Les bĕƾ, nos lieux d’ablutions où nous pouvons nous détendre, sont très prisés des villageois.

— Retha a subi les foudres de Sarahos ! Je suis passée devant chez lui tout à l’heure et ils se disputaient avec ardeur. Je n’aime pas faire ma curieuse, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’écouter. Je n’ai pas vraiment compris leurs paroles, mais Retha a fini par capituler et se calmer.

— Tu es sérieuse ? Rethâna ? Cette vieille peau qui critique tout et tout le monde ? On dirait qu’elle voue une haine sans borne à la vie !

Jφha me détaille, gênée.

— Ne le prend pas mal, mais tu lui ressembles beaucoup sur ce point !

Décidément, ils se sont tous passé le mot.

— Quoi, comm…

— Laisse-moi finir avant de t’emporter ! me somme-t-elle d’un ton compréhensif. Tu dois admettre que tu n’accordes de chance à personne et tu rejettes chaque main tendue. Depuis que l’on se connait, je t’ai toujours vue refuser avec virulence la moindre attention ou gentillesse. Si je n’avais pas autant insisté pour devenir ton amie, même Cesȍ n’aurait pas eu la patience de te convaincre, tu aurais été seule… Rien que de l’imaginer, j’ai envie de pleurer.

Je ne trouve rien à dire et sais qu’elle a raison sur toute la ligne. Avec mes vingt-deux cycles, on pourrait s’attendre à ce que je profite de la vie, que je copine à tout va et m’ouvre au monde. Mais non…

— Ce n’est pas parce qu’on se montre gentil envers toi qu’on a forcément une arrière-pensée.

Elle met le doigt sur ma plus grosse crainte, alors que je ne lui en ai jamais parlé. Je me sens soudainement vulnérable. Même si je lui accorde la plus grande confiance, j’ai l’impression que je dois me protéger de ce sentiment, par tous les moyens.

 Je me mure dans le silence et Jφh comprend que je n’ai pas envie de m’étendre sur le sujet. Elle lâche parfois quelques soupirs de déception. Je me rends bien compte que je ne suis pas des plus faciles à vivre. C’est aussi un aspect de ma personnalité que j’ai du mal à supporter, car même si je ne leur montre pas, Jφha et Cesȍ sont comme ma famille. Et en y réfléchissant bien, ils sont à mes yeux plus importants qu’Aarhen. Malgré ça, j'ai le sentiment constant que l'on m'écrasera si je baisse ma garde.

Sur le chemin, beaucoup de villageois nous saluent avec entrain. Je les ignore. Ce n’est pas comme si je leur devais quoi que soit. Le soleil se couche et ils regagnent, au compte-gouttes, leur demeure. Personne ne crapahute dehors à la nuit tombée, préférant la sécurité de leur misérable petite tanière.

Les bĕƾ se trouvent à l’extrémité de Jitho, chevauchant la rivière dont l’eau pénètre le bâtiment par ses fondations. Quand nous entrons à l’intérieur, la forte température nous agresse le visage. Les différentes salles d’ablutions sont toujours chauffées plus que la normale pour nous offrir un certain confort. Jφh et moi nous dépêchons de nous rendre à l’accueil.

— Bonsoir, les filles ! Comment ça va ?

La mère de Cesȍ est adorable, comme son fils d’ailleurs. On ne peut pas nier qu’ils sont parentés. Le même caractère jovial, parfois taquin. Le même physique. Tout dans leur apparence fait qu’ils rayonnent. Des cheveux lumineux comme le soleil, un visage aux traits fins et délicats, de magnifiques yeux couleur noisette, un sourire à faire tomber n’importe qui en pâmoison. Leur seule différence est que sa mère est petite, fluette, alors que son grand dadais de fils est bien bâti.

— Comme d’habitude, répond Jφh pour nous deux.

Puis, la gérante des bĕƾ me détaille avec compassion.

Eh mince, elle va aborder le sujet…

— J’ai appris pour ton altercation avec Retha. Ce qu’elle a osé te dire… c’est ignoble. Je ne trouve pas les mots pour te réconforter. Ma pauvre petite… comme si tu n’avais pas assez souffert.

Qu’est-ce que je disais !

Sa pitié m’écœure.  

— Ça va, haussé-je les épaules. Mais si tu n’y vois pas d’inconvénient, pourrais-tu nous donner notre nécessaire ? Je n’ai pas le droit de m’attarder…

— Oui, oui, bien sûr !

Elle s’exécute et attrape deux baquets contenant une grande serviette de bain et une coupelle de savon liquide fabriqué à l’officine grâce à la récupération de cendre de cheminée et d’huile usagée.

Jφha la remercie d’un sourire chaleureux. On lui tourne le dos et nous nous faufilons derrière les hauts paravents un peu plus loin, en face de l’accueil, pour nous déshabiller. Je prends soin de plier mes vêtements et les dépose dans l’un des petits casiers de l’étagère prévue à cet effet et noue la serviette autour de ma poitrine. À l’aide d’un ruban, j'attache mon épaisse tignasse. Quelques carrés de miroir, en métal poli recouvert d’une fine couche de verre, m’obligent à les éviter du regard. Je n’aime pas trop le reflet qu’il me renvoie, celui de ma mère.

Il fallait que je lui ressemble. 

Mes longs cheveux auburn et bouclés, mes yeux verts, sertis d’un halo doré, mon nez retroussé, mes lèvres charnues, rappellent le souvenir de Vélandrah. Ce n’est pas moi qu’on voit réellement… c’est elle.

— Ne traînons pas…

Jφha s’interroge un instant, avant de comprendre l’origine de mon trouble, et elle pose une main réconfortante sur mon épaule. D’habitude, cela ne m’atteint pas autant, mais la succession des derniers évènements me fait ruminer davantage.

 — Tu n’es pas responsable, Isyh, tente-t-elle de me rassurer de son ton le plus doux. Ne te torture plus ainsi…

— Pourtant, elle s’est donné la mort parce qu’elle m’attendait. Avant ça, elle était heureuse, saine d’esprit. Elle avait une belle vie.

Jφha me regarde, des larmes plein les yeux, la seule personne à qui j’ai confié ce sentiment. 

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Cocochoup
Posté le 31/05/2023
Le papa ne parle pas? Du coup, comment communique-t-il avec les autres? Utilise-t-il la langue des signes?

"Bien décidée d’ignorer ce sentiment grotesque"
Je pense que qu'il serait intéressant d'expliquer pourquoi Isyh trouve ce sentiment grotesque. Parce qu'elle refuse de ressentir quoique se soit? Parce qu'elle ne veut avoir besoin de personne? Parce qu'elle se rend compte que la punition n'est pas si horrible?

"Si je n’avais pas autant insisté pour devenir ton ami"
Pourquoi Joh tenait tant à être son ami?

"Ce n’est pas parce qu’on se montre gentil envers toi qu’on a forcément une arrière-pensée."
Quel genre d'arriere pensé? Par rapport à sa mère?

"beaucoup de villageois nous saluent avec entrain"
Je me demande ce qui incite les villageois à se montrer si amicale avec Isyh qui ne semble pas se montrer particulièrement aimable avec les autres. À moins que cela soit une caractéristique des habitants de ce village d'être toujours gentil? Et que Retha et Isyh font exception?

"la forte température nous agresse le visage. Les différentes salles d’ablutions sont toujours chauffées plus que la normale pour nous offrir un certain confort"
Pour moi, il y a contradiction entre la chaleur qui agresse et la chaleur qui apporte du confort. Qu'en penses-tu?

Oh ça y est on comprends comment la maman est décédée!
Ce qui me fait poser la question sur l'avortement. Ca n'existe pas chez eux? A moins que la maman ait eu un début de grossesse normal et que son malaise ne se soit installé et amplifié au fur et à mesure?
Hummm beaucoup de questions tournent dans ma tête, et je fais mille hypothèses 🤣
Isahorah Torys
Posté le 31/05/2023
Je vois ça mdr j'aime distiller toutes ces réponses dans mon histoire. Certaines viendront assez vite, il faudra patienter pour d'autres ^^

Pour la question de la température, quand tu viens de l'extérieur qui est frais, un endroit chauffer plus que la normal agresse forcément dans les premières secondes. Après les personnes s'y habituent.
Peridotite
Posté le 21/11/2022
Coucou Isahorah,

Un joli extrait poétique où on apprend plus sur ta perso, qui elle est et pourquoi elle a tous ces ressentiments.

Mes petites notes :

"je ne m’occupe pas de sa vie et lui de la mienne."
> Il manque un verbe dans la seconde partie de la phrase non ? "Et lui reste loin de la mienne" ou un truc du genre ?

"Je salive devant les sevalƾ, racines à la peau violette, à la chair immaculée et sucrée."
> Miam ! :-)

"Ce qui explique sans doute mon manque de discussion."
> Je reviens sur cette phrase qui m'interpelle par après. Car ta perso semble plutôt sociale : elle se languit de ses amis : "J’enrage de ne pas pouvoir entendre les éclats de rire de mes deux amis ni m’amuser de leurs chamailleries." et "Je m’aperçois à quel point l’absence de mes amis me pèse". Du coup, pourquoi dis-tu qu'elle n'a pas de discussion ?

"Je n’ai jamais fait le ménage de ma vie"
> Elle en a de la chance. Je déteste faire le ménage. Ce week-end j'ai lavé l'intérieur des placards et c'était trop chiant (le commentaire qui ne sert à rien haha 😄)

"me baigner dans ses eaux chaudes à souhait."
> Une eau chaude à souhait ? Qu'est-ce que c'est ? Une fontaine magique ?

"Je me mure dans le silence et Jφh comprend que je n’ai pas envie de m’étendre sur le sujet. Elle lâche parfois quelques soupirs de déception."
> Je me demande si rester dans le pur show ne serait pas suffisant ici, voire plus percutant : "Je me mure dans le silence et Jφh lâche un soupir las." Je trouve qu'on n'a pas besoin de l'explication "comprend que je n’ai pas envie de m’étendre sur le sujet." À voir quoi.

"beaucoup de villageois nous saluent avec entrain"
Ils sont tous sympas avec elle (sauf la vieille Retha). J'ai donc l'impression que c'est bien ta perso qui est en cause, comme sa copine le lui laisse entendre.

"salles d’ablutions sont toujours chauffées plus que la normale"
C'est-à-dire ? c'est quoi la température normale ? Tu peux juste dire bien chaudes ou fumantes, là on se pose la question, mais ce n'est pas si important

"Mes longs cheveux auburn et bouclés, mes yeux verts, sertis d’un halo doré, mon nez retroussé, mes lèvres charnues, rappellent le souvenir de Vélandrah. Ce n’est pas moi qu’on voit réellement… c’est elle."
> Une bonne description je trouve. On comprend bien l'idée, son rejet de sa mère et par extension le rejet de soi

"Pourtant, elle s’est donné la mort parce qu’elle m’attendait."
> Arg, sa mère s'est suicidée, c'est donc pour ça qu'elle est si mal vue et son père si taciturne. La pauvre :-(

J'ai hâte de savoir la suite :-)
Isahorah Torys
Posté le 21/11/2022
> Je reviens sur cette phrase qui m'interpelle par après. Car ta perso semble plutôt sociale : elle se languit de ses amis. Du coup, pourquoi dis-tu qu'elle n'a pas de discussion ?
Eh bien, je ne sais pas si tu as remarqué, mais elle ne parle pas des masses, même à ces amis. même si elle aime leur compagnie, si on ne l'oblige pas à ouvrir la bouche, elle se tait... ^^ Je pensais avoir réussi à le faire comprendre. Mais si ce n'est pas le cas, devrais-je peut-être insister plus sur ce détail ^^

Ah, mais ne te gêne pas pour faire des commentaires inutiles, mdr C'est toujours marrant !

> Une eau chaude à souhait ? Qu'est-ce que c'est ? Une fontaine magique ? (Je pensais que tu connaissais l'expression à souhait) ça veut dire : selon ses désirs. Par exemple : Elle avait pris avec elle son baisenville, le tenant fermement sous le bras, bourré à souhait et elle ricanait, peut-être d'elle-même
ou encore : Ce chat est doué pour nous mettre à l’aise. Il ne sort jamais ses griffes, ronronne à souhait.

Oui, tu as raison, le problème vient belle et bien de mon PP.

Je suis contente. La psychologie de mon personnage principal ressort bien puisque tu as décelé immédiatement les points sensibles. Et si tu as envie de connaître la suite, c'est que je ne suis pas si nulle que ça mdr !
Peridotite
Posté le 22/11/2022
Je n'ai pas cerné qu'elle tentait de couper court aux discussions, mais ne change rien pour l'instant. Au pire, cette phrase de tell peut être éventuellement supprimée, car je pense qu'on comprendra qu'elle n'est pas très bavarde par la suite.

Ah oui je vois ce que tu veux dire avec le "à souhait". Je suis bête, je sais pas pourquoi j'ai cherché midi à 14h !

Je pense que j'ai bien cerné ta perso, on comprend son malaise et qu'elle en veuille à sa mère (et indirectement à elle-même, même si je pense que ce n'est pas de sa faute).

Mais non tu n'es pas nulle. Arrête de dire ça ou je viendrai te tirer les oreilles 😁
Isahorah Torys
Posté le 22/11/2022
Eh oh, non hein ! J'y tiens à mes oreilles mdr
Peridotite
Posté le 22/11/2022
Hihi 😁
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