Chapitre 19 : Une bouée

Une nuit, alors que j'avais du mal à dormir, je me décidai à faire un tour pour regarder la lune.

J'enfilai ma pelure et, au moment où je posai le pied dehors, je remarquai la Gamine. Elle était sur un rocher et observait les lucioles qui volaient au milieu des étoiles.

On entendait les criquets et le chant de certains oiseaux nocturnes, le tintement des cloches accrochées aux colliers des brebis qui dormaient dans l'étable. Et toute cette chorale était engloutie par le souffle du vent.

Les arbres se penchaient à certains moments et la Gamine suivait leurs mouvements. Elle semblait se perdre dans les ténèbres mais elle suivait les lumières autour d'elle, comme un papillon dans la nuit.

J'aurais très bien pu lui demander à quoi elle pensait mais ce moment de calme ne méritait pas d'être souillé par des questions sans intérêt.

Ça et aussi le fait qu'au final je n'en avais pas grand-chose à faire.

Alors je me dirigeai vers elle et m'installai sur son rocher, seulement dos à elle.

Elle ne répondit pas à ma présence.

Riton faisait souvent cela : il se posait à côté de moi et ne disait rien, il mangeait juste son saucisson en buvant sa piquette. Généralement il m'en proposait sans rien dire.

Moi je n'avais rien pris à manger, alors je ne proposai rien.

On resta comme ça quelques instants. Puis je mis ma veste sur ses épaules et m'éloignai pour marcher un peu.

Ma chienne me rejoignit. Nous fîmes un tour au ruisseau. La nuit était d'un noir d'encre mais le clapotis de l'eau guidait nos pas.

À notre retour, je retrouvai la Gamine endormie, toujours sur le même caillou. Elle se cramponnait à la veste. Elle l'avait toujours avec elle lorsque je la déposai dans son lit. Elle s'y accrochait comme à une bouée.

Comme si elle allait se noyer dans l'obscurité.

L'obscurité de ses pensées.