Chapitre 18 - Les cinq reliques

Dans Les Lendemains Sans Peur.

 

Gaultier se concentra sur ses gestes qui permettaient d’alimenter le four sans cesse sous le regard des miliciens haineux. Il était pressé que sa journée se termine, une réunion en petit comité l’attendait à la fin de son travail harassant. Si les surveillants se méfiaient de sa carrure, ils ne faisaient plus vraiment attention à lui. Ils n’avaient jamais cherché à savoir pourquoi les Hylés avec qui il partageait ses tâches le respectés tant. Ses muscles surement pensaient-ils naïvement. Personne parmi les miliciens ne savait qu’il était vraiment. Il était toujours un anonyme dans cette foule de pyjamas rouge, on le croyait encore humain dans son ensemble blanc. Pourtant, derrière lui, son peuple s’activait à construire des armes, mais aussi des objets et vêtements en tout genre. Eux qui savaient manier la matière que ce soit les métaux, les roches, les pierres, la céramique ou le verre, le plastique ou les fibres étaient utilisés comme des façonneurs. De leurs mains naissaient des objets en tout genre et des combustions maitrisées, pour le plus grand bonheur des responsables d’usine des camps. Pour le plus grand malheur de leur Élu.

La dernière trouvaille du conseil ministériel était une commande spéciale d’uniforme de guerre. Cousus de fil d’or, ils étaient destinés à la nouvelle armée kalokas. Garnel n’avait pas trouvé mieux que de les faire fabriquer dans les Lendemains Sans Peur. Confiées aux mains expertes des Hylés pouvant maitriser les fibres textiles, leurs créations seraient résistantes et rapides. Le peuple de Gaultier avait été choisi pour créer les vêtements de ceux qui s’en prendraient à leurs alliés, la résistance.

 

Belle ironie, songea Gaultier en examinant les tenues qu’on disposait dans les camions à l’entrée des usines.

 

Il savait comment elles avaient été conçues, on avait fait mélanger de la laine de mérinos avec des fils d’or. Ainsi, les uniformes étaient thermo régulant, mais aussi très résistant et malléable, pouvant donc s’adapter aux pouvoirs physiques des Kalokas ainsi qu’aux terrains désertiques de la région de Yacuiba. Une prouesse technique, réalisée en seulement quelques jours par des doigts très doués.

 

La sonnerie qui retentit à plusieurs reprises dans l’usine et celles aux alentours tira Gaultier de sa rêverie. Il avait rendez-vous avec les autres prisonniers qui croyaient en son idée de rébellion. Achot, Vikthor, Arthur, Bernard, Tania, Solenne, Manon, Lombard, mais aussi les nouvelles recrues Krÿ et Zorina devaient se retrouver dans une des latrines. Proche des cabanes A et B, la pire de toute. La puanteur y était nauséabonde, mais elle avait le mérite de faire fuir les miliciens. Ils ne s’y approchaient jamais. Gaultier avait donné l’ordre à Manon d’entretenir la puanteur de ce bloc plutôt que de le nettoyer comme les autres. Elle s’appliquait donc à simplement remuer les excréments pour amplifier les odeurs, tenant ainsi leur surveillant à bonne distance. Pensant la punir, ces mêmes hommes s’amusaient à lui faire visiter le lieu deux fois par jour.

 

_Je ne m’y habituerais jamais, râla Tania en arrivant la première aux côtés de Bernard.

_Et pourtant tu tiens toujours à t’y présenter en avance !

 

Sous les plaisanteries de ce duo mal assorti, Achot fit son apparition aux bras de Solenne. Habituellement Manon arrivait toujours avec eux, pas ce jour-là. Au fur et à mesure, les latrines se replissèrent de toute la bande, ou presque. Un nom manquait toujours à l’appel.

 

_Où es Manon ? s’inquiéta Vikthor à peine il eût passé le pas de la porte.

_Je ne sais pas, je l’ai vu partir avec des miliciens quelques minutes avant la sonnerie, expliqua Solenne impuissante.

_Elle ne répond pas à mes appels.

_Moi non plus, mais elle va bien. Je le sais, le rassura Solenne.

_Oui, elle sera bientôt là ! ajouta Tania tout sourire.

_Bien alors en attendant on a qu’à leur raconter son épisode d’hystérie. Ça la fera peut être venir plus vite, les interrompus Krÿ malgré le regard menaçant de Vikthor.

_Pour une première fois les Oripeaux, je vous demande de rester à l’écart plus tôt que de vous mettre au centre de l’attention, intervenu Gaultier en désignant du doigt autant Zorina que Krÿ. Pour le reste, laissez-moi vous expliquer. Nous craignons que Manon ne soit pas toujours seule aux commandes de son corps.

 

L’Élu des rouges prit alors le soin de raconter ce qu’ils avaient vu il y a quelques jours à l’arrivée des Oripeaux dans les camps. Il détailla comment Manon s’était énervée à la mention de l’épée mythique de Zro, mais surtout comment son ombre avait réagi.

 

_On voyait une haine dans ses yeux qui ne lui appartenait pas. Elle avait peur aussi, peur de cette épée qui semble autant être une arme fatale pour nous que pour la Déesse. Son aura bleu jaillissait de toute part, semblables à des flammes, et elle ne régissait pas à la sonnerie ou à nos voix. Seule Solenne a su la ramener parmi nous. Son regard semblait être parti sur un champ de bataille, bien loin d’ici, bien loin de nous. Je veux bien croire que les agissements de son père lui retournent l’estomac, mais il y avait autre chose. Elle avait la rage, relata Gaultier en regardant une à une les personnes qui n’avaient pas assisté à la scène.

_Faudrait peut-être également leur parler de son ombre qui bougeait toute seule et qui contrairement à elle portait une couronne, une cape et un spectre, non ? À moins que ce ne soit que le détail de l’histoire, dis-moi si je me trompe ! gronda Krÿ qui fulminait seul dans son coin.

_Une ombre ? répéta Vikthor inquiété par ce qu’il venait d’apprendre.

_Oui joli cœur, son ombre s’étirait sur le sol tel un monstre ! Ses bras s’activaient sur le plancher tandis que Manon ne bougeait pas. L’ombre semblait avoir une conscience propre, le temps d’un instant ta dulcinée n’était pas elle-même et en plus elle avait le fantôme d’une Déesse pour la guider ! s’énerva de plus belle Krÿ en recoiffant son Iroquoise nerveusement.

Gaultier acquiesça au grand dam d’Arthur et Vikthor. L’Hylé continua son explication en reprenant les mots de l’oripeau.

_Manon semblait être habitée par elle, comme guidée et l’ombre en était la preuve. Elle traduisait ce lien aux yeux de tous.

_Il existe un lien entre Namon et Manon, ajouta Solenne tremblante.

 

Elle qui s’était toujours tenue à l’écart jusque-là prit place au centre du cercle. Sous les yeux surpris de ses camarades, elle raconta ce que Manon avait vécu lors de sa résurrection.  Du moins, ce que sa sœur lui avait dit.

 

_Elle entendait ses amis, sa famille l’appelait, mais son âme semblait vouloir quitter son corps à tout prix. Et au-dessus d’elle, Namon était là. Elle l’attendait, flottant dans les airs. Elles se sont parlés, Manon m’a récité mots pour mots tout ce dont elle se souvenait. Aujourd’hui encore ce discours est gravé dans ma mémoire.  Dans la sienne aussi, je le crois. Je le sais, expliqua timidement Solenne la main sur son telsman pour se donner du courage.

Elle avait l’impression de trahir sa sœur en répétant ces confidences, mais elle était également intimement convaincue que c’était le bon moment et le bon public. Manon lui avait faire voir par la pensée toute la scène qu’elle avait vécue avant de reprendre vie, tout ce qu’elle avait vu, entendu ou dit. Alors soigneusement, elle répéta ce qu’elle savait.

 

_Elle avait son visage et sa voix, mots pour mots elle lui a dit : ‘‘je t’attendais, je suis ton destin, le reflet dans ton miroir, la seconde face de ta pièce. Pour devenir qui tu dois être, il te faudra souffrir. Certains s’opposeront à toi, d’autres te soutiendront. Tu es autant le canon d’une arme que la tempe innocente sur laquelle on la presse’’, récita Solenne avec dureté.

_Tu devras te montrer forte quand ils te voudront faible, mais fragile quand ils chercheront ta puissance. C’est ainsi et seulement ainsi que tu vaincras le maléfique Garnel Asage et tous ceux qui ont voulu ta perte. Il te faudra patienter pour cela, mais il viendra un jour où tu les balayeras tous. Sois patiente. Ce n’est pas le moment, laisse passer l’instant. Gardienne des nouveaux enfants, tu dois te plier pour relever ton peuple. Laisse venir la vague, ce n’est pas le moment, ce n’est pas le moment. Aie confiance en ceux qui croisent ton chemin. Bientôt tu en sauras plus sur l’erreur que tu dois réparer, continua Manon en rejoignant sa sœur au centre de la pièce.

 

Tous envouté par la retranscription de Solenne, aucun d’eux n’avait entendu l’arrivée de Manon. Gênés de parler sur elle dans son dos, ils détournèrent tous le regard. Sauf Arthur et Vikthor qui soutenaient pleinement son regard, comme s’ils cherchaient à savoir qui de la déesse ou de l’adolescente leur faisait face. 

 

_Pourquoi ne pas nous en avoir parlé ? lui demanda Arthur mettant ainsi fin à un silence pesant.

_Je ne savais pas vraiment ce que ça implique ni ce qu’elle voulait dire avant d’arriver ici, répondit Manon en prenant Solenne dans ses bras.

_Et à présent, tu le sais ? intervenu Achot alors qu’il essuyait ses grosses lunettes avec le haut de son uniforme.

_Je viens de m’entretenir avec le ministre Asage, répondit simplement Manon en essayant de se montrer le plus détaché possible.

_Quoi ? s’insurgea Vikthor en l’attrapant par les épaules pour s’assurer qu’elle allait bien.

_Tout va bien, il voulait prendre des nouvelles et discuter afin de lui faire passer le temps, comme avant, précisa la télépathe consciente du jugement des autres.

_Et c’est tout ? l’interrogea Gaultier avec inquiétude.

 

Manon s’employa alors à lui raconter ce qu’il lui avait dit sur les Olympiades, le triomphe de sa sœur et l’absence de sa mère. Comme elle, Solenne s’inquiéta de cette dernière information. La jeune femme tut volontairement les aveux de Garnel sur le meurtre de la ministre de la Justice et son plan pour accuser la résistance. Elle ne voulait pas l’accabler plus. Sa réputation le précédait déjà, elle n’avait pas besoin d’en rajouter auprès d’Arthur, de Vikthor, des Oripeaux ou de Gaultier. Ces confessions, elle les garderait pour elle sans savoir pourquoi. En revanche, elle détailla avec minutie tout ce qu’elle venait d’apprendre sur les reliques de Namon.

 

_Ensuite, j’ai pu m’entretenir avec l’historien. Il m’a expliqué pourquoi il m’avait offert une cape pour mes dix-sept ans. Celle que je portais en arrivant ici. Il a tenu à la faire rapatrier à la capitale. Je ne sais pas vraiment pourquoi il me l’a offert, ni même pourquoi il m’a laissé partir avec au vu de ce qu’elle représente pour lui, pour nous tous.

_Tu parles de la cape que tu avais en arrivant ici, celle que les miliciens t’ont arrachée de force pour te déshabiller ? lui demanda Bernard après s’être remémoré leur première rencontre, au bureau des admissions.

_Oui, celle-là même, reprit Manon sans tenir compte de l’agacement certain de Vikthor face à cette anecdote. D’après lui, et je le crois, elle appartenait à Namon. Elle l’aurait laissé sur terre en partant avec son sceptre à tête de loup.

_Une tête de loup ? Comme le médaillon de Garnel, la coupa Solenne en repensant à sa rencontre avec le ministre quand elle habitait encore Eyburre, bien loin des complots politiques.

Manon acquiesça et expliqua que cet objet faisait lui aussi partie des restes de la Déesse. Elle détailla les pouvoirs de l’amulette qui permettait de couper les interactions d’un telsman auprès d’autres Siréliens. Elle revint ensuite sur les particularités de la cape et ce qu’elle avait ressenti en la portant.

 

_Et les autres reliques ? la questionna Vikthor en prenant Manon par la main pour lui témoigner de son soutien.

_La couronne de bois de cerf et le triangle de sélénite. Celui que Namon porte sur son front, lui répondit Achot en redressant ses lunettes rondes sur son nez aquilin. L’une est symbole de longévité, protection et de naissance, l’autre de contrôle, de télépathie et d’avenir.

_Achot a étudié de près notre civilisation et ses fondements pour pouvoir être prof d’histoire, expliqua Gaultier à l’intention de tous. Si vous avez des questions sur les Élus, les reliques, les emblèmes, ou même l’épée de Zro, n’hésitez pas à lui demander directement. Pas besoin de passer un appel radio à ce foutu ministre ! ajouta-t-il avec d’une fois ferme trahissant son agacement.

_Que sais-tu sur ce triangle en particulier ? demanda Manon, préférant ignorer la remarque de son ami.

_Je dirais qu’il traduit les pouvoirs propres à la Déesse, ses autres dons lui étant donnés par les reliques. Le triangle de Sélénite lui permet de connaitre et d’agir sur les pensées de chacun, d’intervenir sur nos souvenirs, nos envies ou nos peurs. Il peut également lui permettre de voir un certain avenir, qui reste toutefois malléable. Grâce à lui, elle aurait convaincu tous ceux qui s’opposaient aux frères Sirel de la suivre et donc de les écouter.

_Et les autres reliques ?

_Sans sa couronne elle n’a pas de bulle protectrice qui la mettra à l’abri des attaques. Avec elle, elle peut également transmettre la vie et impacter sur la fertilité de son peuple. Heureusement, elle ne l’a pas laissé sur terre, plaisanta Achot avant de poursuivre. Pour la cape, c’est pareil. Elle permettrait de voler et insuffle un courage sans faille. Et le sceptre quant à lui, décuple sa force, mais il sert aussi de catalyseur. Si Namon s’en servait comme canne, c’est une arme redoutable qui absorberait l’énergie d’une attaque pour la renvoyer à son assaillant.

À la fin de l’explication du maitre d’école, personne ne pipa mot. Tous conscient que deux des reliques de la Déesse étaient détenus par leur ennemi commun, Garnel Asage. L’heure n’avait jamais été aussi grave. Tous en prenaient pleinement conscience.

 

_OK, donc tu es en train de nous dire que notre gentille mère créatrice est venue au monde avec des armes de destructions massives. Et tout ça dans le but de simplement fonder le Nouveau Monde et une ère prospère. Moi à sa place, je serais venu avec du pain, des fleurs et un peu d’eau, mais la Déesse avait surement ses propres raisons ! Ne paniquons pas, après tout c’est pas comme si elle avait été inconsciente et que maintenant un putain de ministre dictateur avait deux reliques en sa possession ! ironisa Krÿ dans un amas de gestes théâtraux et mélodramatiques.

_À ce propos… le repris Manon timidement. Nous en détenons un aussi, avoua-t-elle enfin.

À ses mots, l’assembla se tourna d’un seul homme vers elle. Ils étaient tous pendus à ses lèvres. Solenne, la seule dans la confidence, lui fit signe de continuer. C’était le moment, elle le savait. Elle le présentait du moins.

 

_Lors de ma rencontre, si je puis dire, avec Namon, elle a accolé son front contre le mien. J’ai ressenti le contact de ce triangle, telle une bénédiction. Et quand j’ai eu besoin de communiquer avec les Yéghes pour tenter de sauver Sonfà, il est mystérieusement apparut sur mon front, lâcha-t-elle d’une traite comme si avait ressenti de soulager sa conscience depuis longtemps.

_Attends… Tu détiens le triangle ? s’exclama Achot en se dirigeant droit sur elle comme si sa vie en dépendait.

Le professeur ne fit même pas attention à Vikthor qui se plaça devant elle et il percuta son torse de plein fouet. Gaultier dû intervenir pour le rappeler à l’ordre et détendre le jeune Élu.

_Doucement, tout doux mon ami. Personne s’en prend à la bien-aimée de l’autre, OK ? Achot veut juste en savoir plus. J’ai moi-même vu ce triangle sur ton front quand tu t’es présenté à moi alors que je voulais mettre fin à mes jours. Mais je n’avoue de pas avoir faire le lien. Je n’étais pas sure de ce que j’avais vu, ressenti ou compris. C’était déjà irréel de t’avoir en face de moi, de sentir ta main à cet instant alors je n’y ai pas prêté attention, intervint Gaultier d’une voix douce, espérant apaiser les tensions.

_Oui, elle s’est la seconde et dernière fois qu’il est apparu. Je ne maitrise pas ses va et viens, c’est comme s’il avait sa propre conscience. Avec lui, j’ai également entendu la voix de la Déesse. Des fois, elle me parle. Je l’écoute. Des fois, j’essaye de lui répondre, elle ne m’entend pas.

_Ou elle ne veut pas t’entendre, intervint Tania pour la première fois.

 

Sa remarque fit frissonner toute l’assemblée. Tout le monde savait que les paroles de l’extralucide n’étaient jamais dénouées de sens. Si on ne la comprenait pas toujours, elle avait souvent raison. Elle ne s’en souvenait pas, jamais, mais elle disait toujours la vérité. La vérité nue.

_Dans ce cas, il va falloir que tu apprennes à maitriser ce joyau et cette voix. Ton entrainement doit reprendre, acta Arthur en serrant Manon de toutes ses forces pour lui rappeler qu’il serait toujours là pour elle.

_Merci, répondit simplement Manon dans son telsman.

_Et qui d’autres qu’un professeur d’histoire bien renseigné et deux Élus pour te guider ? Tu seras bien entouré. Ils seront là pour toi, avec moi.

_Nous serons tous là, affirma Zorina en attrapant la main de Krÿ à sa gauche puis de Tania à sa droite.

Comme un accord secret, chacun prit à son tour la main de son voisin jusqu’à former un cercle autour de Solenne, Vikthor, Manon et Arthur. Émus par ce geste, ils se prirent à leur tour la main et tombèrent dans les bras l’un de l’autre dans une accolade amicale. Malgré l’odeur nauséabonde de souffre qui émanait autour d’eux, ils ne prêtèrent attention qu’a la chaleur qu’y émanait de leur amitié. Rien d’autre n’avait d’importance. Parce qu’ils étaient sincères, se battant pour une cause juste, rien ne les décourageait. À ce moment précis, ils en étaient certains.

 

_Donc nous détenons un joyau sur les quatre, contre deux pour le ministre Asage. Ce n’est pas si mal. De plus si on compte vraiment la conscience de la Déesse parmi nous,  nous avons peut-être toutes nos chances finalement, ajouta Krÿ avec ironie pour rompre cet élan d’amour qui ne pouvait supporter plus longtemps.

_En réalité, il y a cinq reliques. Mais oui, nous ne partons pas perdant ! le repris Achot en nettoyant une énième fois ses lunettes rondes.

_Cinq ? répéta d’une même voix le groupe de détenus.

_L’épée de Zro est elle aussi un objet qui détient un pouvoir unique, au même titre que les reliques de la Déesse. Elle ne lui appartenait pas, contrairement aux autres, mais elle est faite du sang des trois frères Sirel et donc de leurs dons divins. Les plus purs jamais transmis, venant de Namon elle-même. À ce titre, je la compte comme le cinquième joyau, mais n’étant pas réellement divins, certains ne partagent pas mon avis. Apparemment le ministre en fait partie.  

_Ma petite sœur détient cette épée à présent. Elle l’a remporté aux Olympiades, précisa Manon la boule au ventre.

_Peut-être qu’elle sera bientôt de notre côté ! C’est notre sœur après tout, s’exclama Solenne avec l’enthousiasme d’une enfant.

_J’en doute ! la coupa Tania avec une mine dépitée. Hum hum, non… Hum. Je me tais, chuchota l’extralucide face aux regards courroucés qui se posaient sur elle.

_Namon a peur de cette épée, je le sais au plus profond de moi, ajouta Manon comme si tout le monde n’avait pas déjà saisi la dangerosité de cette situation.

_Dans ce cas, raison de plus pour nous montrer unis. Nous devons parler à la résistance, acheva Gaultier.

 

L’assemblée qui ne payait pas de mine se sépara sur cette dernière décision. Il était temps de rejoindre leurs différents baraquements. Ils ne pouvaient pas se permettre de rater le souper. On aurait pu remarquer leur absence. Chacun rentra silencieusement, groupe par groupe selon son numéro de cabane. Personne n’avait envie de parler, comme si c’était déjà trop difficile d’assimiler tout ce qu’ils venaient d’apprendre. Mais Gaultier savait qu’il fallait mettre des mots sur les maux de Manon. Elle n’avait pas l’âge pour porter tout cela seule sur ces épaules.

 

_Manon, tu m’as guidé jusqu’ici pour me sauver la vie. Je te rendrais la pareille, en t’éloignant loin d’ici. Ensemble nous les combattrons, Déesse, Père haineux et ministre avide de pouvoir. Ensemble, nous y arriverons, chuchota L’Élu des rouges tirant une larme à sa protégée.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez