Chapitre 18 : Imprévisible

Posé dos contre un mur à l'extérieur, je me délectais de ma cigarette. Une si vieille habitude qui me collait à la peau désormais, comme n'importe laquelle de mes habitudes. J'avais beau savoir que ce n'était pas bon, je m'en fichais. Je n'étais pas du genre à avoir une vie très saine.

Heather s'approcha de moi. Finalement, elle était venue me voir. Quelque chose la tracassait, je le voyais bien. Je comprenais toujours la moindre de ses pensées.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Tu n'as vraiment présenté personne d'autre à tes proches ? s'enquit-elle avec une légère pointe d'inquiétude.

— Non, jamais, répliquai-je fermement.

Ça semblait vraiment l'étonner. Je n'étais pas obligé de présenter tout le monde. Après tout, je n'avais jamais vraiment eu de relation sérieuse. Mais pouvait-on appeler ça comme une relation sérieuse ? Non, certainement pas.

— Alors je suis la seule ? insista-t-elle d'un air presque triste.

— On peut dire ça comme ça, marmonnai-je.

Elle laissa échapper un bref sourire, assez sincère tout en étant timide. Puis elle dériva rapidement sur un autre sujet, un sujet qui l'intéressait et qui l'intriguait bien plus depuis notre rencontre.

— J'ai rencontré tes amis... mais je n'ai jamais rencontré tes parents, poursuivit-elle, presque mal à l'aise.

Je ne répondis pas. Elle ignorait tout de mes parents et elle ne pourrait jamais en savoir davantage à leur sujet étant donné où ils étaient.

— Qu'est-ce qu'il y a ? me demanda-t-elle.

— Ils sont morts, avouai-je dans un soupir.

— Je suis désolée...

— Ne le sois pas, ils le méritaient.

Je tirai une rapide bouffée de ma cigarette tandis qu'elle se tut pendant quelques secondes, choquée par ce que je venais de lui dire. Non, je ne regrettais pas la mort de mes parents. Je n'étais pas proche d'eux contrairement à elle qui tenait énormément à sa famille.

— Comment tu peux oser dire ça ? s'étonna-t-elle. Des fois je déteste mon père, ma mère... Ça arrive à tout gosse un jour ou l'autre... mais ce sont mes parents... Peu importe qui ils sont, je les aime.

— Tant mieux pour toi, mais je ne peux plus les considérer comme mes parents.

Ça lui déplaisait de plus en plus. Elle ne supportait vraiment pas quand je lui disais ce genre de choses, mais je n'allais pas transformer ma vie en un conte de fées, c'était complètement impossible.

— Comment ça ? C'est horrible... On a tous des parents, même s'ils ne sont pas parfaits.

— Ils ne sont pas parfaits, ils sont imparfaits, rétorquai-je d'un ton assez dur.

Elle s'attrista. Elle n'aimait pas l'idée que quelqu'un puisse dénigrer à ce point ses parents. Elle faisait partie de ceux qui appréciaient leurs parents. J'avais cru le comprendre. Elle m'avait quand même obligé à avoir l'accord de son père, ce n'était pas anodin.

— Qu'est-ce qu'ils t'ont fait pour que tu oses dire ce genre de choses ? m'interrogea-t-elle.

— Peu importe...

— Tu refuses toujours d'en parler... Et pour la première fois, j'entends que tu en as, qu'ils sont morts et que tu ne les aimes pas... Tu ne peux pas me laisser avec ça...

— Fais avec, lançai-je pour éviter la discussion.

Je jetai ma cigarette au sol puis l'écrasai. Heather me regardait avec insistance. Elle n'était pas près d'abandonner, à mon plus grand malheur. Elle pouvait être très têtue quand elle le voulait.

— Je ne le prendrai pas mal, lâcha-t-elle comme pour me convaincre.

— Tu ne le prendras pas mal, je le sais... Tu auras pitié... et je préfère t'inspirer de la haine plutôt que de la pitié, déclarai-je, commençant à perdre le contrôle.

— Mais c'est bien la pitié... C'est de la compassion...

— Non... Pas du tout...

Parmi tous les sentiments qui puissent exister, la pitié était celui qui me dégoûtait le plus. La plupart des gens considéraient ce genre de choses comme humaines. Ils avaient tort, ça nous conduisait seulement à des problèmes.

— Cole... Cesse de te renfermer... Ça ne te fera que du mal... Je n'ai pas peur d'entendre ce que tu as à me dire.

— Seulement si tu m'épouses, l'avertis-je.

— J'aimerais te connaître avant de t'épouser... alors pourquoi veux-tu faire les choses dans le mauvais sens ?

— Parce que pour l'instant, tu me sembles être une femme comme les autres. Désolé Heather.

Je commençais vraiment à en avoir marre qu'elle remette toujours le même sujet sur le tapis. Je n'avais pas envie d'en parler. Qu'est-ce qu'elle ne comprenait pas ? Ça n'allait rien changer à sa vie.

Je m'apprêtais à partir, mais elle me retint en me prenant par le bras. Elle était vraiment acharnée et je ne comprenais pas pourquoi. Elle s'attachait bien trop à moi, mais j'ignorais si c'était un avantage ou non, surtout en ce moment.

Elle finit par prendre la parole, très déterminée :

— Tu crois pouvoir t'enfuir aussi facilement ? Prends-moi pour une femme comme les autres si tu veux. Je m'en fiche. Mais je sais et tu sais très bien aussi que tu te mens à toi-même. Tu veux prétendre que tu ne m'aimes pas vraiment parce que c'est plus simple comme ça... Moi aussi je ne voulais pas le reconnaître... Reconnaître que je t'aimais. Parce que c'était plus simple en effet ! Plus simple de prétendre que tu n'étais qu'un homme comme un autre, mais j'ai eu tort tout comme tu as tort...

Elle reprit son souffle pour continuer de plus belle :

— On n'épouse pas une femme qu'on n'aime pas. On ne se bat pas avec le père d'une femme qu'on n'aime pas. On ne pourrit pas la vie d'une femme qu'on n'aime pas si elle a le malheur de te quitter. On ne présente pas une femme qu'on n'aime pas à ses proches pour la première fois.

J'aurais tellement voulu lui dire qu'elle avait tort, mais dans le fond, son raisonnement était cohérent. Elle ne comprenait juste pas tout.

— Tu interprètes mal les choses, rétorquai-je comme pour esquiver.

— Non. Je n'interprète pas mal les choses, s'opposa-t-elle. Je ne fais qu'observer les choses ! Alors je veux que tu me dises tout et je te jure que je t'épouse immédiatement.

Je la dévisageai. Elle était vicieuse pour une gentille petite fille. Elle voulait absolument savoir la vérité, elle était prête à tout. J'aimais son acharnement. On pouvait se ressembler sur ce point.

— Tu dis ça sérieusement ou c'est une technique de manipulation ? lui demandai-je, dubitatif.

— Non. Je veux que tu me dises tout. Parce que je peux sérieusement envisager l'idée de t'épouser.

— Tu veux vraiment que je te dise tout ? m'enquis-je pour en être sûr.

— Oui.

Je ne voulais vraiment pas tout lui dire. J'imaginais déjà sa réaction horrifiée avec tellement de simplicité. Elle m'en voudrait, me détesterait puis partirait. Non, elle n'était pas prête pour ce genre de choses.

— Ok... Mais pas ici... pas maintenant... En rentrant, je te dis tout ce que tu veux savoir...

Certainement pas.

— Vraiment ?

— Oui.

Non.

— Seulement si tu me promets de m'épouser, ajoutai-je.

— Je te le promets.

Elle acceptait aussi facilement simplement en l'échange de la vérité. C'était sûrement ça le plus gros problème d'avoir un passé, les gens voulaient tout savoir, les gens étaient curieux. Quand on avait un passé, on ne voulait rien savoir des autres.

Elle me prit fermement dans ses bras, souriante. Comment pouvait-elle s'en réjouir ? Elle n'avait absolument rien entendu de ma vie.

— Tu le regretteras bien vite quand je te dirai tout, murmurai-je avec hésitation.

Elle colla sa tête contre mon épaule. Elle se sentait en sécurité. Elle ne devait pas. Elle ne pouvait pas.

— Ne fais pas comme si tu avais vécu les pires horreurs de la Terre...

— Pourtant... c'est le cas... J'aurais voulu que les choses se passent autrement...

Je caressai sa chevelure si douce, si soyeuse. Comment pouvait-elle être aussi confiante ?... aussi innocente ?

— Tu veux vraiment que je te dise tout ? lui demandai-je une énième fois. Je ne parle jamais de ça à personne.

— Il est temps que ça change alors.

— Mais si jamais tu me laisses tomber et que tu comptes en parler...

— Je ne le ferai pas, m'affirma-t-elle, sûre d'elle.

Comment pouvais-je la croire ? Elle était comme tout le monde. Déjà qu'elle ne supportait pas le fait que je n'aime pas mes parents, que j'aie pu tuer des gens... Comment le prendrait-elle ? J'étais persuadé qu'elle me quitterait sur-le-champ.

Je la serrai fermement contre moi. Je tenais à elle, que je le veuille ou non. Je ne voulais pas la voir partir et j'étais incapable d'expliquer pourquoi.

— Je veux en être sûr. Je veux un engagement papier, ordonnai-je, craignant déjà sa réaction.

— Non, me dit-elle fermement.

— Si c'est non, je ne dis rien.

— Le seul papier que je pourrais signer, ce sera lors de notre mariage... À la condition que tu me dises tout...

— Ce soir... On verra...

Je redoutais déjà ce moment. Je ne voulais rien lui dire et je n'allais absolument rien lui dire.

 

*

 

Le reste du mariage se déroula sans le moindre problème. Les invités avaient apprécié. Mitt et Dolly étaient désormais liés par les liens sacrés du mariage. Une seule chose me dérangeait. Le fait de devoir tout dire à Heather. Non, il en était hors de question. Cette boîte n'avait pas besoin d'être ouverte.

Quand nous rentrâmes chez moi, l'angoisse montait de plus en plus en moi, pourtant ce n'était pas mon genre. Je ne cédais pas facilement à ce genre de sentiment. Alors pourquoi maintenant ?

— C'est la première fois que j'allais à un mariage, me confia Heather. C'était plutôt sympa, j'ai vraiment apprécié.

C'était une bonne chose, ou du moins, en théorie. Les cérémonies de mariage ne semblaient pas la dégoûter. Cependant, je n'étais pas rassuré pour autant. Le mauvais sujet allait revenir sur le tapis.

Elle s'approcha de moi et posa les mains sur mon torse. Elle pencha sa tête. Elle était adorable, j'étais complètement en train de me faire avoir, mais je tentais de garder mon sérieux. Je savais à quel point elle pouvait me manipuler.

— Tu avais promis de tout me dire, me dit-elle d'une voix des plus sensuelles.

Elle avait beau avoir l'apparence d'une gentille petite fille tout innocente, elle était capable de se servir de moi à son gré. Je détestais ça, me faire avoir par mes désirs, mes pulsions.

— Tu en es vraiment sûre ? insistai-je, dubitatif.

— Oui. Tu veux vraiment que je t'épouse oui ou non ? me défia-t-elle.

— Assis-toi alors, lui conseillai-je d'une voix faiblarde.

Elle ne bougea pas, elle me fixait. Elle ne me prenait pas au sérieux. Elle devait sûrement penser que j'en faisais des tonnes. Non, pas du tout. C'était bien là le problème.

— Assis-toi, répétai-je.

Elle finit par m'écouter, s'installant dans le canapé. Je fis de même, restant près d'elle. Je ne voulais pas lui dire. Elle ne pouvait pas savoir la vérité. Je savais comment les choses se dérouleraient, et ça me faisait peur.

— C'est une très mauvaise idée, murmurai-je d'une voix tremblante.

— Dis-moi tout au lieu de me faire patienter, m'ordonna-t-elle tendrement.

Elle me prit les mains et les caressa délicatement. Elle tentait de me rassurer. Elle était tellement adorable. J'avais de plus en plus de mal à résister face à elle.

— Je ne comprends pas comment tu fais pour t'attacher autant à moi, lâchai-je en regardant ses mains.

— Je t'aime.

Je levai ma tête pour la regarder dans les yeux. Elle était capable de me le répéter à tout bout de champ. Elle m'aimait. J'étais incapable de le lui dire, même en prétendant que ceci était un mensonge. Je ne pouvais pas. Aucun son ne sortait de ma bouche.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Non, rien.

— Je t'aime vraiment. Tu n'es pas ma vision de l'homme idéal... Mais des fois... tu as su me montrer un de tes nombreux visages qui était très charmant... je l'ai même revu aujourd'hui. Mon père m'avait parlé de toi, comme tous les autres... Tout ce que je voyais en toi... c'était un connard, un enfoiré, complètement cruel et sans cœur... Aux premiers abords, c'est ce que tu es... mais dans le fond, tu ne l'es pas.

Elle posa sa tête sur le canapé. Elle n'aimait qu'une illusion, c'était bien ce que je craignais. Elle ne m'aimait pas vraiment. Je ne pouvais rien lui dire.

— Je n'en ai jamais parlé à personne, admis-je avec difficulté.

— Pourquoi donc ? s'enquit-elle en fronçant des sourcils.

— Parce que ça ne mérite pas d'être entendu, répliquai-je faiblement.

— Je t'écoute, dit-elle en souriant pour me donner confiance.

— Non, laisse tomber cette idée.

Elle semblait surprise. Elle s'attendait vraiment à ce que je lui dise tout. Elle pouvait vraiment être naïve des fois.

— Oublie, ajoutai-je.

— Mais je veux savoir, tenta-t-elle de me retenir.

— Ce n'est pas le genre de choses que l'on dit facilement...

Elle continuait de caresser mes mains. Elle tenait vraiment à savoir. Je ne voulais pas. On ne se connaissait que depuis si peu de temps et il y avait tellement peu de gens qui le savaient, quasiment personne autant dire.

— Tu peux tout me dire... Je ne signerai pas de contrats, mais fais comme si je l'avais fait, me rassura-t-elle. Je veux juste te connaître.

— On n'a pas à en parler dans le fond. Ça n'a aucune importance...

— Donc tu ne veux rien me dire ? conclut-elle.

— Désolé.

— Ce n'est pas grave, je comprends, lâcha-t-elle d'une douce voix.

Elle comprenait ? Je croyais qu'elle n'abandonnerait pas et qu'elle insisterait. Ça me surprenait.

— Tu me le diras quand tu voudras me le dire.

Elle acceptait vraiment de ne pas savoir. Tentait-elle de me comprendre ou avait-elle pris peur ? Je n'en avais aucune idée. La deuxième possibilité semblait tellement probable, mais mon instinct me disait que la première semblait correspondre à la situation, même si j'en doutais.

— Tu n'es pas obligée de vouloir m'épouser, annonçai-je.

— Mais je veux bien t'épouser.

— C'est ce que je rêve d'entendre depuis des semaines... mais laisse-moi te faire la demande en mariage que tu mérites...

— Donc je ne sais pas quand tu vas m'épouser ? lança-t-elle, les sourcils froncés.

— C'est un peu ça...

Encore une fois, l'imprévisible était de retour, pour le meilleur et le pire...

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ManonSeguin
Posté le 28/02/2021
Dire qu'hier j'ai revu "5O nuances plus sombre" et y'avait presque le même genre de scène entre Anna et Christian ahaha j'ai ris :') Mais bon, tout est cliché ou déjà fait de nos jours alors autant se faire kiffer. Par contre, quelqu'un qui force à vous faire "cracher le morceau" c'est CHIANT ! Donc Heather m'énerve un peu au fil des chapitres :') Mais hé, c'est comme ça tout les personnages ne sont pas nos amis donc j'ai hâte de voir comment tu vas tourner tout ça entre Heather et Cole !!! :D Force et honneur à toi :D
MissRedInHell
Posté le 30/03/2021
En même temps, je m'en suis inspirée pour totalement déformer certains éléments par la suite. x')

En effet, c'est totalement malsain ce comportement même. Et c'est vrai que Heather n'est pas pour le plus sympathique pour le moment, j'espère que ça changera par la suite hehe :')
limapearl
Posté le 25/02/2021
J'ai lu jusqu'ici mais je suis un peu déçu, en effet, je retrouve les mêmes clichés de la romance. Le bad boy avec la fille douce, timide et naïve qui veux le transformer, lui qui résiste et finalement elle réussi, il devient un agneau et ils vécurent heureux ensemble. J'ai l'impression de retrouver les mêmes thèmes dans ton roman, est-ce que tu va me donner tort? J'espère...
MissRedInHell
Posté le 30/03/2021
Hey ! ^3^
J'assume totalement avoir repris beaucoup de clichés, surtout pour le premier tome, surtout que ce genre d'histoires était beaucoup plus populaires lors de l'écriture. J'ai essayé de dériver, surtout à la fin du tome 1, mais je comprends totalement qu'on puisse décrocher avant ^^
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