Chapitre 18

Le soir, Pierre et ses compagnons, libérés du Darfont, s'endormirent très vite, après un repas des plus goûteux (velouté de légumes, fruits... Tout ce qu'il y avait de bon et de simple).

Le lendemain, cependant, Pierre s’étira, se référant au soleil pour trouver une heure globalement juste, sa montre n'étant plus très en état, puis se retourna : Gwendal n'était plus là. Il secoua Rose.

« Tu penses que c'est encore une de ses blagues ?

- Oh, tu sais, soupira vaguement Rose. Au bout d'un moment, je ne fais plus la différence... »

Ils entendirent alors un cri qui leur glaça le sang.

Guidés par les borborygmes qui s’ensuivirent, ils se mirent à courir. Et ils comprirent très vite qu'ils avaient de la chance. Beaucoup de chance... d’être arrivés à temps. Car Gwendal venait d'être kidnappé par une tribu sauvage d'Alaakrïpé, aux mœurs cannibales : les Hobbogs. Ceux-ci, nyctalopes, avaient un visage vert et un long corps que prolongeait encore une queue vert noir... Leur gueule n’était que tentacules, au milieu desquels se devinaient des dents de requin. Ces dents, toutes jaunes, ne devaient pas être brossées très souvent… Mais ce n'était sûrement pas la seule chose expliquant la puanteur…

Le seul problème avec cette espèce, ou plutôt, le problème principal restait que les Hobbogs étaient carnivores et qu'ils mangeaient en particulier quantité de kobolds…

« Jack, ce kobold m'a mordu. Il n'est vraiment pas civilisé…

- Alors que nous, nous le sommes vraiment beaucoup. Après tout, il faut manger pour vivre ! C'est normal, mince… De plus, c'est très bon, le kobold farci… »

Rose réprima un hurlement de dégoût. Quelle horreur ! Gwendal, attaché tout près d'un feu, n'allait plus tarder à être garni, puis cuit…

*

« Que faire ? » soupira Pierre.

Rose maugréa. Ils réfléchirent encore une dizaine de minutes. Gwendal, garni de toutes sortes de fruits inconnus de Pierre le cerclant comme une ceinture, était déjà sur le feu, car les Hobbogs commençaient à avoir faim.

L'homme rétréci eut alors une idée toute bête :

« Rose, tu sais lancer des sorts. Tu n'en connaitrais pas un pour calmer ces personnages d'une laideur...

- Oui, je vois ce que tu veux dire, c'est bon. Mais après, si Gwendal a des effets secondaires, ou même ces brutes...

- Qu'est-ce que ça peut nous faire ? » répondit Pierre en haussant les épaules. 

Rose soupira. Puis elle fit une chose tout à fait simple à laquelle ils auraient dû penser depuis longtemps : « Rapetitempus ! »

Les ogres cessèrent de bouger. Ils s'étaient figés. Rose se dépêcha de détacher Gwendal, et ils s'enfuirent. Ils avaient d'ailleurs bien raison car les effets secondaires étaient bien présents, tout comme l'avait prédit Rose...

En effet, peu après l’arrêt du sortilège, et après deux heures de marche, tandis que les Hobbogs étaient en train de saccager la forêt, ne pouvant plus contrôler leurs jambes, Gwendal, de son côté, ne put lâcher un mot pendant une bonne bonne demi-heure, comme l’indiqua le soleil à Pierre qui surveillait toujours le ciel.

*

Quand Gwendal se remit à parler, aux alentours de midi, il ne prononça aucune parole bienveillante :

« Eh bien bravo, Rose ! Je me lève, je fais quelques pas, et pouf ! Me voilà enlevé par des brutes décorées de ventouses. Et en plus, quand on me sauve, c’est pour m’interdire de parler ! Et on trouve ça normal ? Non mais vraiment... Tu n’est qu’une...

- Je te signale que sans nous, tu serais mort, alors tu ferais mieux de te calmer, espèce de kobold sans scrupule !

- S'il-vous-plait, tenta Pierre.

- Kobold sans scrupules ? Kobold sans scrupules ?

- Je te conseille de te calmer immédiatement si tu veux que...

- S'il-vous-plait ! » hurla Pierre.

Les deux compagnons poursuivirent leur dispute jusqu'au pied d'une bâtisse que le cerveau de Pierre étiqueta aussitôt :  une "auberge", assurément.

« C'est notre dernier arrêt. », déclara Rose.

Ils se turent enfin...

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Papy
Posté le 15/11/2020
Quelle horreur ces Hobbogs. Ce sont des sauvages qui mangent plusieurs variétés de créature, comme les hommes. En plus des cannibales c'est à dire ils mangent leur propre espèce.
Papy
Posté le 15/11/2020
Kobold est un peu ingrat. Mieux vaut ne pas parler qu'être bouffé par les Hobbogs.
LilouMimi
Posté le 01/11/2020
On ne se lasse pas des péripéties que subit le trio atypique. Mais le plus étonnant est la sagacité de l'auteur (onze ans) à disséquer les sentiments et les émotions, à affiner le caractère de chaque personnage.
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