Chapitre 17 : Enora

Par Maric

Sira

Yaël est sorti et m’a fermé la porte de son esprit, je sais que je l’ai blessé, mais lorsque je regarde Laure, je ne peux m’empêcher de leur en vouloir à tous et… à moi-même.

Je voudrais n’être jamais venue ici, j’ai l’intuition que ce lieu, la Bretagne est le berceau de tout. J’ai le souvenir de Laure me disant que ma mère a changé après son premier séjour dans la maison. J’ai ressenti une énergie dès mon arrivée dans la région et elle est encore plus prégnante au manoir.

Je caresse la main de Laure, je surveille sa respiration calme à présent. Erik a raison elle dort profondément. Qu’elle se remette est ma principale préoccupation.

Mes pensées divaguent à nouveau vers Yaël, j’ignore ce qu’il représente pour moi, pourtant je me sens irrémédiablement attiré par lui. En vérité tout mon être aspire à être proche de lui. Je ressens cet homme dans mon corps, dans mon ventre, comme je ressens ce fil bleu nuit sur la toile dans mon cœur, dans mon âme. J’ai de plus en plus de mal à les dissocier tous les deux. Ce qui est parfaitement ridicule. Je projette sur Yaël les sentiments que le fil me fait ressentir, un fil que je rêve, des émotions que je rêve.

Je soupire d’agacement car le souvenir d’un regard noir au reflet bleu ne cesse de me hanter depuis que je suis dans cette chambre. Je sens poindre une autre révélation que j’éloigne volontairement, j’en ai eu assez aujourd’hui !

L’image des loups s’impose à moi subitement. Un malaise me submerge quand je me remémore les paroles cruelles que j’ai diffusées en Yaël. J’ai honte. Les loups se sont battus comme des lions, pour nous, pour moi.

Je décide de sonder l’esprit de Yaël pour m’excuser. Sa psyché est à nouveau entrouverte. Je frappe avant de faire amende honorable et de lui demander des nouvelles des loups. Je suis bouleversée d’apprendre que Sira est mal. Je dois faire quelque chose, elle a pris l’initiative de me montrer son amitié lors de notre rencontre. Et ce à l’encontre de Yaël qui les a dressés à ne se laisser approcher par personne.

Je suis perplexe par la réponse de Yaël à ma proposition. Est-ce que je suis prête à en découvrir plus ? J’ai pourtant l’impression d’avoir eu ma dose ces derniers temps. D’autre part, je sais que d’autres révélations m’attendent dans les réponses qu’ils ne manqueront pas de me donner. Alors ! un peu plus tôt, un peu tard, quelle importance. La priorité est la louve. J’accepte ce risque et suis les instructions visuelles pour me rendre à l’infirmerie. De toute façon Laure se repose et je ne suis d’aucune utilité ici.

J’entre dans la pièce où je vois Yaël caresser Sira qui semble plutôt en bonne forme. Roland et Erik attendent appuyés à un meuble sur lequel sont posés des instruments d’auscultations et de nombreuses fioles.

Je croise immédiatement le regard noir d’obsidienne, profond, perçant, qui semble me sonder jusqu’au fond de l’âme. Mon cœur bat plus vite, je découvre choquée, que j’aime ce regard intrusif.

Je me secoue mentalement et me dirige vers Sira et Yaël qui se redresse à mon approche.

  • Coucou Sira, dis-je en avançant doucement ma main devant son museau pour qu’elle me flaire. Elle est sur le qui-vive et se tend, le poil hérissé., Mon odeur semble la rassurer car elle passe un coup de langue sur mes doigts, ce qui me fait sourire.

Je regarde Yaël, haussant les sourcils interrogateurs. Sira va bien apparemment.

  • Enora, je te présente le loup de Sira.

Il me fixe intensément après ces mots que je me répète intérieurement « le loup de Sira » J’ai peur de comprendre.

  • Qu’est-ce que tu veux dire, ce n’est pas Sira ?
  • Non !... C’est…

Je le trouve précautionneux et hésitant, c’est bien la première fois. Il se tourne vers Roland qui lève les mains en signe de défense du genre « c’est toi le chef ! » mes lèvres s’étirent, malgré elles, en un sourire moqueur. Mais je redeviens sérieuse en attendant qu’il m’explique plus clairement le problème.

  • L’esprit du loup a pris les commandes, on ne sait pas dans quelles circonstance et je ne trouve aucun signe de notre camarade, sa psyché nous est fermée.

Là, je prends un coup sur la tête. Tout mon corps se tétanise de fureur, j’ai encore la vision des lueurs grises qui quittent le corps des hommes… déjà morts.

Je foudroie les hommes de mon regard, de l’électricité parcourt mon corps, mes cheveux se dressent ainsi que mes poils.

  • Stop Enora, ce n’est pas ce que tu crois, tu vois bien que le loup est vivant !

Yaël vient de s’interposer entre les autres, le loup et moi. Il tend sa paume en avant en signe de paix et ses yeux sont plongés dans les miens, francs, sincères.

Il ramène un peu de raison dans ma caboche qui s’apprêtait à faire… quoi d’ailleurs ? Je me fais peur tout-à-coup. Je dois blêmir car il fait un pas vers moi, mais je l’arrête d’un geste.

  • Explique-moi ! Les hommes sont morts…

Ma voix est rauque et ma gorge serrée, je me détends peu à peu, mes muscles se relâchent tandis que j’essuis du dos de ma main la sueur qui perle à mon front.

  • Oui, je sais ce que tu veux dire. Ceux qui ont fait ça n’avaient aucune expérience et ils ont fait un carnage. Comme tu as pu le constater, les loups sont bien vivants. Il faut que tu nous fasses confiance. Plus nous attendons et plus nous aurons de mal à ramener Sira.

Yaël est tendu et je devine son anxiété. Le temps presse. Son visage habituellement impassible, est crispé dans l’attente de ma réponse. Mes yeux se dirigent vers le loup de Sira et je la vois avec Orion sauter sur les hommes malgré le danger des éclairs.

  • Ok, dis-je, j’ai des tonnes de questions, mais l’urgence est de ramener Sira. Alors comment fait-on ?

Un soupir de soulagement à peine contenu sort de la poitrine des hommes présents. Ce n’est pas seulement une histoire de confiance mais plutôt de conviction, celle que ce groupe, meute incluse, n’a rien à voir avec ceux qui m’ont agressée.

Je hoche la tête attendant les instructions de Yaël. Il prend à nouveau ma main qui est moite de nervosité et d’angoisse à l’idée d’échouer. Roland et Erik mettent chacun une main sur l’épaule du jeune homme. Yaël me dit de me concentrer sur mon énergie et de la diffuser dans son corps.

Comment on fait ça ? Je n’en sais rien ! Je me concentre… à fond ! j’attends que quelque chose se passe mais… rien !

Yaël me lâche et frotte ses cheveux. Je devine que ça carbure dans sa tête. Roland semble suivre les réflexions de son ami, mais moi je ne m’immisce pas. Je n’en ai pas vraiment l’envie, je suis déçue et perturbée, j’ai peur que mon incapacité à maitriser mon énergie ne la condamne.

  • Bien ! J’ai étudié les moments où ton pouvoir s’est manifesté, à chaque fois ce sont tes émotions qui sont entrées en jeu, la peur et la colère. Il faut donc que tu revives un de ces moments pour générer un de ces sentiments.

Génial ! Rien de plus simple ai-je envie de dire avec un petit rire sarcastique. Néanmoins, je me concentre sur mes récents souvenirs et quelle que soit l’horreur que j’ai ressentie, la colère ou la peur n’ont plus le même effet sur moi.

Je suis désespérée ! J’en veux à Yaël de me mettre dans une telle situation, mais ça ne m’étonne pas vraiment de lui. Lui, il sait maîtriser ses pouvoirs, facile pour lui ! mais moi, je les découvre et il faudrait que je sois déjà une championne toute catégorie.

Je m’’énerve à ne rien pouvoir faire et je pense à Sira, je l’imagine prisonnière de son loup, voire pire mourir ! Mes dents se serrent sur un gémissement d’impuissance, la sueur coule de sur mon visage contracté par ma concentration. J’en pleurerai de rage… Une chaleur se diffuse dans mon corps que je dirige inconsciemment dans la main qui serre la mienne. Je halète de soulagement. Ça y est ! j’ai réussi ! Je reste concentrée sur cette rage. Mon cœur s’affole, mon corps est tétanisé. J’ai mal, mais je tiens bon.

Nous sommes tous connectés à Yaël et je suis sa progression dans l’esprit du loup dont les instincts basiques nous surprennent néanmoins par sa possessivité envers sa maîtresse. Yaël plonge plus avant à la recherche de son amie. Tout est sombre, pas même une petite lueur vacillante. J’entends Yaël l’appeler et tendre son esprit comme une main pour rattraper celle qu’il cherche.

Je sens le désespoir poindre en lui et sans l’avoir vraiment voulu, par instinct, je romps le lien qui nous unit et pose mes mains sur le loup sans prêter attention aux insultes et aux récriminations mêlées d’angoisse qui déferlent autour de moi. J’ai juste le temps de voir Erik arrêter Yaël et Roland, avant de plonger comme une fusée dans le brouillard sombre qui se trouve derrière l’esprit du loup.

Je pénètre dans une nasse boueuse qui tente de m’engluer mais je suis une flèche enflammée et véloce qui désintègre cette tourbe au fur et à mesure de mon avancée. Je scrute ces ténèbres à la recherche du plus infime indice de sa présence. Je suis terrorisée par l’échec, mais je reste lucide et attentive… et enfin, je la vois ! une faible lueur à peine clignotante qui faiblit de plus en plus.

Soulagée, j’approche en douceur, je l’enveloppe de ma clarté tout en continuant a détruire ce marécage qui se reforme à peine l’ai-je explosé. Je n’ai pas le choix, il faut que je fonce ! je l’enveloppe dans mon énergie et reforme ma flèche pour filer à toute vitesse à la surface. Je ralentis lorsque je sens le loup et les pensées des autres. Je ne sais que faire maintenant. Je la maintiens avec moi et appelle Yaël au secours. Il se trouve maintenant près de moi avec Sira. Je suis soulagée, je lui laisse les commandes. Il se sert de mon énergie comme un tremplin et l’envoie avec force en dehors du loup.

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Laure Imésio
Posté le 09/08/2022
Coucou,
Tu es vraiment très inspirée. Très bon chapitre encore une fois. On se croit au cœur de ce sauvetage dans les brumes de la conscience. On se doutait qu' Enora allait déployer des capacités exceptionnelles. Toujours autant hâte de lire la suite.
Quelques petites remarques:
mes lèvre (s) , quelle(s) circonstance (s) ,des lueurs grises qui quitte (ent), ses pouvoir (s) , au (x) récriminations,
A bientôt !
Maric
Posté le 10/08/2022
Coucou
Merci pour ta lecture et ton commentaire qui me touchent. Tes annotations m'aident beaucoup il faut que je passe un correcteur plus performant car je ne vois pas toutes les fautes en relisant :)
A bientôt
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