CHAPITRE 17

Par Taranee
Notes de l’auteur : Et voilà ! C'est le dernier chapitre de la troisième partie !
Nous allons donc attaquer la quatrième et dernière partie !

N'hésitez pas à commenter, vraiment. Les critiques constructives m'aideront à progresser dans mon écriture, quant aux commentaires pour me dire que l'histoire est bien, ils sont très motivants ! ;P

PRESENT : JIO

 

            Les cris, le feu, la destruction, encore et encore. Et ce petit garçon au rire dément qui erre parmi les décombres, accompagné de ses ombres, satisfait de son travail d’annihilation du monde. Et puis une voix qui appelle son nom. Quel est ce nom ? Il n’arrive pas à le comprendre ! Il se retourne, voit la fillette. Petite, blonde, de grands yeux qui regardent jusqu’au fond de votre âme. Nethan ?

Noir. Tout n’est plus que ténèbres profondes, il se perd. Et d’un coup, un bruit de cloche, une voix d’homme, chaleureuse, qui lui souffle une phrase.

« Rendez-vous sur les docs de Poralguar. Je t’attendrai chaque soir. »

Noir. Le rêve s’était estompé. Il entendit des rires, des conversations enjouées, mais aussi le « tap-tap » régulier d’un pied sur le sol. L’atmosphère était à la fois tendue et guillerette. Il se sentait faible, mais au fond de lui, il était sûr d’une chose : la maladie n’était plus dans son corps. La magie circulait librement, sans être grignotée et, d’une certaine manière, ça le soulageait. Les voix devenaient plus audibles. Il y avait celle d’Elijah. Il se disputait avec quelqu’un. Avec Jake. Abigail jouait les médiateurs. Une autre personne lui tenait la main. Certainement Nethan. Il y avait aussi d’autres voies. Celle de Joanna Khantson, celle de la petite Evvy, d’Ethan, d’Aya, et celle de l’infirmière. Il était à l’infirmerie ? Il aurait bien voulu dormir encore mais c’était impossible, avec tout ce bruit qui l’entourait. Alors doucement, tout doucement, il ouvrit un œil, puis deux. Le monde était lumineux, ou était-ce juste la lumière des tubes lumineux du repère ? Non. Il y avait une fenêtre. Il n’était pas au repère. On continuait à se disputer à côté de lui. Alors il ouvrit tout à fait les yeux et, d’une voix faible qu’il ne se connaissait pas, dit :

- Vous avez pas bientôt fini de vous disputer ? Il y en a qui se reposent, ici.

La conversation cessa immédiatement. Il vit les têtes se tourner vers lui. Nethan fut la première à se jeter dans ses bras. Il caressa ses cheveux. Un geste qui le surprit. Il ne savait pas qu’il était capable de montrer son affection. Elijah le toisa avec un étonnement mêlé de fausse nonchalance.

- Hé bien c’est pas trop tôt. Quatre jours qu’on se demande si tu allais te réveiller un jour ou pas.

Quatre jours ? Tant que ça ? Il se tourna vers l’infirmière, Alyna, qui confirma les dires d’Elijah d’un hochement de tête et ajouta :

- Ce n’était pas joué. Tu es tombé inconscient devant la brigade de rapatriement. Ils ont bien cru que t’étais mort. Heureusement qu’on a fabriqué le remède à temps.

Ils avaient donc réussi la mission ? Jio avait mal à la tête.

- Et le laboratoire ? demanda-t-il : Que s’est-il passé, finalement ?

Jake poussa un rire joyeux :

- Le laboratoire ? Quel laboratoire ? Le LERM n’existe plus !

- Tu n’imagines même pas à quel point ces derniers jours ont pu être mouvementés, à Nirim. Intervint Ethan : Beaucoup de médecins sont morts dans l’incendie, on a retrouvé le corps du directeur du LERM.  Certains médecins se sont enfuis on ne sait où et d’autres ont rallié la cause de Joanna pour l’aider à fabriquer le remède. Ils ont carrément annexé un hôpital en urgence !

- Qu’est-il arrivé aux chasseurs de primes ? Et aux mages en fuite ?

- Le deuxième jours après l’incendie, continua Ethan, des centaines et des centaines de mages se sont rassemblés devant les locaux du gouvernement de Nirim : Ils ont manifesté leur mécontentement et ils ont bien failli détruire plusieurs quartiers, avec leurs pouvoirs. Comme le remède était en cours de fabrication, le maire a consenti à rendre illégale la traque des mages. Une loi va bientôt passer. Mais en attendant, c’est toujours autorisé. Certains scientifiques et surveillants du LERM vont paraître en justice. Voilà le topo. Oh, et le repère a été détruit. Pendant l’incendie, des chasseurs l’ont pris d’assaut. Tout s’est écroulé.

- Merveilleux.

- Il y a autre chose. dit Elijah d’une voix grave : La maladie n’est pas naturelle.

- C’est-à-dire ?

- Avec la préparation du remède, Joanna a continué d’étudier la maladie à l’aide d’une équipe de mages. Ils en ont déduit qu’elle n’était pas apparue simplement comme ça. C’est l’œuvre d’une personne très puissante. Une personne dont la magie pourrait voyager d’un monde à l’autre. Pas un simple retourneur. Quelqu’un a créé cette maladie. Quelqu’un a voulu qu’elle devienne dangereuse. La maladie vient de la face magique.

            Quelqu’un aurait donc transporté cette maladie ? Et quelqu’un d’autre l’aurait créée ? Mais qui ? Et soudain, Jio se rappela la phrase qu’il avait entendue dans son rêve. Rendez-vous sur les docs de Poralguar. Poralguar. La face magique. Il était donc destiné à y retourner… Pour ce qui était de transporter la maladie d’une face à l’autre, Jio avait sa petite idée. Mais il ne voyait pas qui pouait avoir créé cette maladie. IL fallait qu’il retourne chez lui, il fallait qu’il rejoigne la face magique ! Mais comment faire ? Sa réflexion s’arrêta net. Il tourna la tête, avisa Nethan qui, assise sur son lit, semblait au comble du bonheur. Nethan était l’enfant de la lumière. Le Duc le savait. Nethan pouvait passer d’un monde à l’autre ! D’un geste brusque, il attrapa les épaules de la fillette qui sursauta.

- Nethan. J’ai besoin de toi, là, maintenant.

- Hein ? Qu’est-ce que… commença la fillette.

- J’ai besoin que tu m’emmènes sur la face magique. Je sais que tu peux le faire. Je ne sais pas comment t’expliquer ça, j’ai des choses à régler là-bas, avec la personne qui t’a attaquée, et avec quelqu’un d’autre, je ne sais pas encore qui.

- Comment sais-tu que…

- J’ai appris beaucoup de choses à ton sujet, dernièrement. Il faudra qu’on en parle. Alors ? Tu veux bien m’emmener ?

Nethan pencha la tête sur le côté, plissant les yeux. Elle semblait en pleine réflexion et, finalement, hocha la tête.

- Mais je resterai avec toi une fois là-bas. Ça pourrait être dangereux.

Jio n’y voyait pas d’inconvénient. C’était peut-être même mieux pour chacun d’eux qu’ils restent ensemble. Ainsi, il pourrait garder un œil sur la petite et s’assurer qu’elle resterait saine et sauve.

- Quand penses-tu pouvoir être prête ?

- Le temps de préparer le sort, de rassembler mon énergie et de dire au revoir à tout le monde, je dirais ce soir.

- Alors nous partirons ce soir.

- Attends un peu ! Si tu crois pouvoir t’en tirer comme ça, tu te fourres le doigt dans l’œil, mon cher Jio !

L’adolescent porta ses yeux sur Elijah qui, les bras croisés, les sourcils froncés, le foudroyait du regard.

- Je viens avec vous.

- Tu vas nous gêner. répondit Jio avec froideur.

- Ça a le mérite d’être franc. Mais, tu vois Jio, je ne peux pas te laisser seul avec Nethan. Tu attires les ennuis et, ne me mens pas, tu serais prêt à vendre Nethan pour peu qu’on te promette d’avoir une vie tranquille.

- Je suis venu sur votre face juste pour elle ! s’exclama l’intéressé en serrant les poings.

- Permet-moi d’en douter.

- Espèce de…

- Je vais vous amener tous les deux. coupa Nethan : Mais, s’il vous plaît cessez vos disputes, c’est insupportable !

Les deux garçons se turent non sans s’échanger des regards assassins. Elijah ne lui avait toujours pas pardonné. Le temps était passé, ils avaient fait équiper pour sauver Nethan, mais même après ça, il n’avait toujours pas confiance. Il continuait de lui rabâcher ses erreurs, encore et encore. Il n’allait peut-être jamais le pardonner. Peu importait. Ce n’était pas son problème. Il continuerait à se battre pour vivre, pour garder la tête haute. Ce que les gens pensaient de lui, de son attitude, il n’en aurait rien à faire, désormais. Il se leva rapidement. Un peu trop, peut-être, car il fut prit d’un vertige qui le déséquilibra. Il se reprit, s’appuya sur le lit. Il se râcla la gorge, observa tous ces gens qui avaient attendu qu’il se réveille, ces gens qui, pendant ces derniers jours, étaient devenus ses camarades.

- Merci de m’avoir accueilli au repère. dit-il : Je vous revaudrais ça. Et il sortit de la pièce sous le silence des Libellules.

 

***

 

            Le soir arriva très vite et, bientôt, il fut l’heure de partir. Jio, qui était resté seul sur le toit du nouveau repère, descendit rejoindre ses compagnons de voyage. Nethan et Elijah étaient déjà dans le salon de la grande demeure, au rez-de-chaussée, et ceux qui avaient côtoyé Jio ces derniers jours commençaient à arriver. Le jeune homme n’aimait pas spécialement l’idée de partir en grandes pompes, sous les regards larmoyants des membres de Libellules, mais c’était Nethan qui avait insisté pour que tout le monde soit là, histoire de se voir une dernière fois. Ils attendirent donc que tout le monde fut arrivé et là, Nethan prit la parole. On entendit quelques « Oh ! » étonnés : la fillette ne parlait pas beaucoup, puis le silence s’installa et on put entendre la voix claire et fragile de l’enfant :

- J’ai été très heureuse de faire votre connaissance, à vous et à tous les autres membres de l’organisation. J’ai eu très peur quand vous êtes venus me chercher dans notre planque, à Elijah et à moi, mais j’ai vite compris que vous ne me vouliez pas de mal. Bref. C’était amusant de vivre dans les souterrains. Et je voulais vous remercier, vous tous et tous les autres, pour m’avoir porté secours, il y a quatre jours. J’ai eu peur d’être condamnée à passer le restant de ma vie au LERM. Donc merci pour tout. Je pense qu’on se reverra.

Abigail applaudit, suivie d’Evvy, puis de tous les autres. Puis Nethan se tourna vers Jake, son regard, tout-à-coup, était devenu sérieux.

- Et toi, Jake : Tu as intérêt à prendre soin de l’organisation. Il faut qu’elle persiste. Ton associé ne l’avait pas créée pour rien : il faut que tu continues à la diriger jusqu’à ce qu’il revienne, au moins. D’accord ?

- D’accord. Fit l’intéressé avec un sourire attendri qu’on ne lui avait jamais vu.

Enfin, la petite fille prit une inspiration. Elle tendit ses mains vers les deux jeunes hommes qu’elle allait escorter.

- Il est temps de partir.

Jio prit la main de sa jeune camarade avec un soulagement mêlé d’anxiété. Après de longs jours, il allait enfin retourner sur la face magique, chez lui. Et même s’il allait devoir faire face aux problèmes qu’il avait laissés là-bas, même s’il allait devoir découvrir qui avait créé cette maladie et qui l’avait envoyé sur la face sciento-magique, il était heureux de retrouver sa terre natale. Petit, il avait toujours rêvé d’aller sur la face sciento-magique. Mais maintenant qu’il avait découvert le LERM, la maladie, le manque de verdure, il avait le mal du pays. Poralguar lui manquait. Le Keruen lui manquait. Le Psal, son pays d’origine, lui manquait. Il prit une inspiration, serra la main de Nethan. La fillette lui rendit cette étreinte. Elle prit deux inspirations, sa mâchoire se contracta, une goutte de sueur perla sur sa tempe.

- Concentrez-vous sur la face magique. dit-elle.

Jio ferma les yeux à son tour, imagina les paysages qu’on y trouvait, les monts escarpés de l’Ygalroy, les paysages vallonnés du Psal, les forêts d’Eüïl, le désert, à côté du pays de Näm, et enfin le port de poralguar, les citées fortifiées du Keruen. Et soudain, il ne sentit plus le sol sous ses pieds. Un vent lui fouetta les joues, il avait peur d’ouvrir les yeux. Il ne savait pas dans quel sens il était. Il sentait la main de Nethan dans la sienne, entendait Elijah pousser des cris de peur et de surprise. Il y eut un grand « Crac », comme s’ils venaient de casser une barrière en bois, puis plus rien. Un silence absolu, comme une absence de monde. Cela rappelait un peu les téléportations d’Addal, mais ça ne faisait pas mal. Et finalement, le sol fut de nouveau sous leurs pieds. Jio manqua de tomber, se rattrapa tout juste. Il lâcha la main de Nethan, ouvrit les yeux.

            Autour des trois voyageurs s’étendaient des champs. Ils étaient perchés sur une petite colline et, quelques mètres en aval, il y avait un chemin. Jio le suivit des yeux. La route serpentait en pleine nature, il voyait au loin une carriole tirée par deux chevaux. Et là, à l’horizon, il y avait Poralguar.

CHAPITRE 17 :

PRESENT : JIO

 

            Les cris, le feu, la destruction, encore et encore. Et ce petit garçon au rire dément qui erre parmi les décombres, accompagné de ses ombres, satisfait de son travail d’annihilation du monde. Et puis une voix qui appelle son nom. Quel est ce nom ? Il n’arrive pas à le comprendre ! Il se retourne, voit la fillette. Petite, blonde, de grands yeux qui regardent jusqu’au fond de votre âme. Nethan ?

Noir. Tout n’est plus que ténèbres profondes, il se perd. Et d’un coup, un bruit de cloche, une voix d’homme, chaleureuse, qui lui souffle une phrase.

« Rendez-vous sur les docs de Poralguar. Je t’attendrai chaque soir. »

Noir. Le rêve s’était estompé. Il entendit des rires, des conversations enjouées, mais aussi le « tap-tap » régulier d’un pied sur le sol. L’atmosphère était à la fois tendue et guillerette. Il se sentait faible, mais au fond de lui, il était sûr d’une chose : la maladie n’était plus dans son corps. La magie circulait librement, sans être grignotée et, d’une certaine manière, ça le soulageait. Les voix devenaient plus audibles. Il y avait celle d’Elijah. Il se disputait avec quelqu’un. Avec Jake. Abigail jouait les médiateurs. Une autre personne lui tenait la main. Certainement Nethan. Il y avait aussi d’autres voies. Celle de Joanna Khantson, celle de la petite Evvy, d’Ethan, d’Aya, et celle de l’infirmière. Il était à l’infirmerie ? Il aurait bien voulu dormir encore mais c’était impossible, avec tout ce bruit qui l’entourait. Alors doucement, tout doucement, il ouvrit un œil, puis deux. Le monde était lumineux, ou était-ce juste la lumière des tubes lumineux du repère ? Non. Il y avait une fenêtre. Il n’était pas au repère. On continuait à se disputer à côté de lui. Alors il ouvrit tout à fait les yeux et, d’une voix faible qu’il ne se connaissait pas, dit :

- Vous avez pas bientôt fini de vous disputer ? Il y en a qui se reposent, ici.

La conversation cessa immédiatement. Il vit les têtes se tourner vers lui. Nethan fut la première à se jeter dans ses bras. Il caressa ses cheveux. Un geste qui le surprit. Il ne savait pas qu’il était capable de montrer son affection. Elijah le toisa avec un étonnement mêlé de fausse nonchalance.

- Hé bien c’est pas trop tôt. Quatre jours qu’on se demande si tu allais te réveiller un jour ou pas.

Quatre jours ? Tant que ça ? Il se tourna vers l’infirmière, Alyna, qui confirma les dires d’Elijah d’un hochement de tête et ajouta :

- Ce n’était pas joué. Tu es tombé inconscient devant la brigade de rapatriement. Ils ont bien cru que t’étais mort. Heureusement qu’on a fabriqué le remède à temps.

Ils avaient donc réussi la mission ? Jio avait mal à la tête.

- Et le laboratoire ? demanda-t-il : Que s’est-il passé, finalement ?

Jake poussa un rire joyeux :

- Le laboratoire ? Quel laboratoire ? Le LERM n’existe plus !

- Tu n’imagines même pas à quel point ces derniers jours ont pu être mouvementés, à Nirim. Intervint Ethan : Beaucoup de médecins sont morts dans l’incendie, on a retrouvé le corps du directeur du LERM.  Certains médecins se sont enfuis on ne sait où et d’autres ont rallié la cause de Joanna pour l’aider à fabriquer le remède. Ils ont carrément annexé un hôpital en urgence !

- Qu’est-il arrivé aux chasseurs de primes ? Et aux mages en fuite ?

- Le deuxième jours après l’incendie, continua Ethan, des centaines et des centaines de mages se sont rassemblés devant les locaux du gouvernement de Nirim : Ils ont manifesté leur mécontentement et ils ont bien failli détruire plusieurs quartiers, avec leurs pouvoirs. Comme le remède était en cours de fabrication, le maire a consenti à rendre illégale la traque des mages. Une loi va bientôt passer. Mais en attendant, c’est toujours autorisé. Certains scientifiques et surveillants du LERM vont paraître en justice. Voilà le topo. Oh, et le repère a été détruit. Pendant l’incendie, des chasseurs l’ont pris d’assaut. Tout s’est écroulé.

- Merveilleux.

- Il y a autre chose. dit Elijah d’une voix grave : La maladie n’est pas naturelle.

- C’est-à-dire ?

- Avec la préparation du remède, Joanna a continué d’étudier la maladie à l’aide d’une équipe de mages. Ils en ont déduit qu’elle n’était pas apparue simplement comme ça. C’est l’œuvre d’une personne très puissante. Une personne dont la magie pourrait voyager d’un monde à l’autre. Pas un simple retourneur. Quelqu’un a créé cette maladie. Quelqu’un a voulu qu’elle devienne dangereuse. La maladie vient de la face magique.

            Quelqu’un aurait donc transporté cette maladie ? Et quelqu’un d’autre l’aurait créée ? Mais qui ? Et soudain, Jio se rappela la phrase qu’il avait entendue dans son rêve. Rendez-vous sur les docs de Poralguar. Poralguar. La face magique. Il était donc destiné à y retourner… Pour ce qui était de transporter la maladie d’une face à l’autre, Jio avait sa petite idée. Mais il ne voyait pas qui pouait avoir créé cette maladie. IL fallait qu’il retourne chez lui, il fallait qu’il rejoigne la face magique ! Mais comment faire ? Sa réflexion s’arrêta net. Il tourna la tête, avisa Nethan qui, assise sur son lit, semblait au comble du bonheur. Nethan était l’enfant de la lumière. Le Duc le savait. Nethan pouvait passer d’un monde à l’autre ! D’un geste brusque, il attrapa les épaules de la fillette qui sursauta.

- Nethan. J’ai besoin de toi, là, maintenant.

- Hein ? Qu’est-ce que… commença la fillette.

- J’ai besoin que tu m’emmènes sur la face magique. Je sais que tu peux le faire. Je ne sais pas comment t’expliquer ça, j’ai des choses à régler là-bas, avec la personne qui t’a attaquée, et avec quelqu’un d’autre, je ne sais pas encore qui.

- Comment sais-tu que…

- J’ai appris beaucoup de choses à ton sujet, dernièrement. Il faudra qu’on en parle. Alors ? Tu veux bien m’emmener ?

Nethan pencha la tête sur le côté, plissant les yeux. Elle semblait en pleine réflexion et, finalement, hocha la tête.

- Mais je resterai avec toi une fois là-bas. Ça pourrait être dangereux.

Jio n’y voyait pas d’inconvénient. C’était peut-être même mieux pour chacun d’eux qu’ils restent ensemble. Ainsi, il pourrait garder un œil sur la petite et s’assurer qu’elle resterait saine et sauve.

- Quand penses-tu pouvoir être prête ?

- Le temps de préparer le sort, de rassembler mon énergie et de dire au revoir à tout le monde, je dirais ce soir.

- Alors nous partirons ce soir.

- Attends un peu ! Si tu crois pouvoir t’en tirer comme ça, tu te fourres le doigt dans l’œil, mon cher Jio !

L’adolescent porta ses yeux sur Elijah qui, les bras croisés, les sourcils froncés, le foudroyait du regard.

- Je viens avec vous.

- Tu vas nous gêner. répondit Jio avec froideur.

- Ça a le mérite d’être franc. Mais, tu vois Jio, je ne peux pas te laisser seul avec Nethan. Tu attires les ennuis et, ne me mens pas, tu serais prêt à vendre Nethan pour peu qu’on te promette d’avoir une vie tranquille.

- Je suis venu sur votre face juste pour elle ! s’exclama l’intéressé en serrant les poings.

- Permet-moi d’en douter.

- Espèce de…

- Je vais vous amener tous les deux. coupa Nethan : Mais, s’il vous plaît cessez vos disputes, c’est insupportable !

Les deux garçons se turent non sans s’échanger des regards assassins. Elijah ne lui avait toujours pas pardonné. Le temps était passé, ils avaient fait équiper pour sauver Nethan, mais même après ça, il n’avait toujours pas confiance. Il continuait de lui rabâcher ses erreurs, encore et encore. Il n’allait peut-être jamais le pardonner. Peu importait. Ce n’était pas son problème. Il continuerait à se battre pour vivre, pour garder la tête haute. Ce que les gens pensaient de lui, de son attitude, il n’en aurait rien à faire, désormais. Il se leva rapidement. Un peu trop, peut-être, car il fut prit d’un vertige qui le déséquilibra. Il se reprit, s’appuya sur le lit. Il se râcla la gorge, observa tous ces gens qui avaient attendu qu’il se réveille, ces gens qui, pendant ces derniers jours, étaient devenus ses camarades.

- Merci de m’avoir accueilli au repère. dit-il : Je vous revaudrais ça. Et il sortit de la pièce sous le silence des Libellules.

 

***

 

            Le soir arriva très vite et, bientôt, il fut l’heure de partir. Jio, qui était resté seul sur le toit du nouveau repère, descendit rejoindre ses compagnons de voyage. Nethan et Elijah étaient déjà dans le salon de la grande demeure, au rez-de-chaussée, et ceux qui avaient côtoyé Jio ces derniers jours commençaient à arriver. Le jeune homme n’aimait pas spécialement l’idée de partir en grandes pompes, sous les regards larmoyants des membres de Libellules, mais c’était Nethan qui avait insisté pour que tout le monde soit là, histoire de se voir une dernière fois. Ils attendirent donc que tout le monde fut arrivé et là, Nethan prit la parole. On entendit quelques « Oh ! » étonnés : la fillette ne parlait pas beaucoup, puis le silence s’installa et on put entendre la voix claire et fragile de l’enfant :

- J’ai été très heureuse de faire votre connaissance, à vous et à tous les autres membres de l’organisation. J’ai eu très peur quand vous êtes venus me chercher dans notre planque, à Elijah et à moi, mais j’ai vite compris que vous ne me vouliez pas de mal. Bref. C’était amusant de vivre dans les souterrains. Et je voulais vous remercier, vous tous et tous les autres, pour m’avoir porté secours, il y a quatre jours. J’ai eu peur d’être condamnée à passer le restant de ma vie au LERM. Donc merci pour tout. Je pense qu’on se reverra.

Abigail applaudit, suivie d’Evvy, puis de tous les autres. Puis Nethan se tourna vers Jake, son regard, tout-à-coup, était devenu sérieux.

- Et toi, Jake : Tu as intérêt à prendre soin de l’organisation. Il faut qu’elle persiste. Ton associé ne l’avait pas créée pour rien : il faut que tu continues à la diriger jusqu’à ce qu’il revienne, au moins. D’accord ?

- D’accord. Fit l’intéressé avec un sourire attendri qu’on ne lui avait jamais vu.

Enfin, la petite fille prit une inspiration. Elle tendit ses mains vers les deux jeunes hommes qu’elle allait escorter.

- Il est temps de partir.

Jio prit la main de sa jeune camarade avec un soulagement mêlé d’anxiété. Après de longs jours, il allait enfin retourner sur la face magique, chez lui. Et même s’il allait devoir faire face aux problèmes qu’il avait laissés là-bas, même s’il allait devoir découvrir qui avait créé cette maladie et qui l’avait envoyé sur la face sciento-magique, il était heureux de retrouver sa terre natale. Petit, il avait toujours rêvé d’aller sur la face sciento-magique. Mais maintenant qu’il avait découvert le LERM, la maladie, le manque de verdure, il avait le mal du pays. Poralguar lui manquait. Le Keruen lui manquait. Le Psal, son pays d’origine, lui manquait. Il prit une inspiration, serra la main de Nethan. La fillette lui rendit cette étreinte. Elle prit deux inspirations, sa mâchoire se contracta, une goutte de sueur perla sur sa tempe.

- Concentrez-vous sur la face magique. dit-elle.

Jio ferma les yeux à son tour, imagina les paysages qu’on y trouvait, les monts escarpés de l’Ygalroy, les paysages vallonnés du Psal, les forêts d’Eüïl, le désert, à côté du pays de Näm, et enfin le port de poralguar, les citées fortifiées du Keruen. Et soudain, il ne sentit plus le sol sous ses pieds. Un vent lui fouetta les joues, il avait peur d’ouvrir les yeux. Il ne savait pas dans quel sens il était. Il sentait la main de Nethan dans la sienne, entendait Elijah pousser des cris de peur et de surprise. Il y eut un grand « Crac », comme s’ils venaient de casser une barrière en bois, puis plus rien. Un silence absolu, comme une absence de monde. Cela rappelait un peu les téléportations d’Addal, mais ça ne faisait pas mal. Et finalement, le sol fut de nouveau sous leurs pieds. Jio manqua de tomber, se rattrapa tout juste. Il lâcha la main de Nethan, ouvrit les yeux.

            Autour des trois voyageurs s’étendaient des champs. Ils étaient perchés sur une petite colline et, quelques mètres en aval, il y avait un chemin. Jio le suivit des yeux. La route serpentait en pleine nature, il voyait au loin une carriole tirée par deux chevaux. Et là, à l’horizon, il y avait Poralguar.

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