Chapitre 17 - 21 mars 2025

Notes de l’auteur : CW : Allusions sexuelles, Masturbation.

"Ben alors les filles, qu'est-ce que vous attendez comme ça ? Vous savez, la sécu va pas tarder à venir ici, hein."

Le groupe de fans se tournent d'un seul homme, ou plutôt d'une seule femme, en ma direction. Accoudé à la fenêtre ouverte du premier étage de Beyond, je leur souris. Leur réaction de surprise et ne plus savoir si elles doivent sortir leur téléphone, me regarder ou regarder leurs amies, ne cessera jamais de m'amuser.

Et là, je sais qu'elles sont là pour moi. Une jolie bannière avec un Janggok plane au milieu du petit groupe. Ke Liang est encore en retard, alors, profitons un peu de la sécurité de mon piédestal pour leur parler un peu.

"Ji ! On ne vous a pas vu rentrer !

- Ji on a adoré mercredi soir !

- Ji vous attendez Zhang Ke Liang, c'est ça ?

- Ji, merci d'être venu !!"

Je rigole et leur fais un signe, qu'elle se calment.

"Pas toutes à la fois, j'entends pas." Rigolé-je. Je soutiens ma joue avec la paume de ma main. "Oui, j'attends Ke Liang, on va enfin répéter la danse du single. Je suis rentré très tôt ce matin en voiture, vous étiez pas encore là.

- Mais nous sommes là depuis 7 heures !" Se plaint l'une d'entre elles.

- Ji, vous pouvez descendre ?!" Quémande une autre jeune femme.

- Et moi je suis là depuis six heures." Dis-je en montrant brièvement six doigts de mes mains. "Si je descends la sécu va pas être très très contente. Vous savez bien qu'à Beyond ils n'aiment pas trop les regroupements de personnes devant les locaux... Même si ça me fait très plaisir que vous passiez dire coucou.

- On a fait attention !" crie une plus jeune.

- Les filles," Essayè-je de demander dans le tumulte : "Vous êtes combien à peu près ?"

Elles se concertent un petit temps et l'une d'entre elles, celle qui porte la bannière, répond en criant : "Une quinzaine, Ji.

- Okay. Enchanté de vous avoir connu. Vous restez ici le temps qu'on vous apporte des boissons chaudes et ensuite vous partez ? Je vais essayer que la sécu soit pas trop brusque avec vous."

Un flot de paroles et de cris me répond. Je crois qu'elles me remercient. Je fais un petit peace avec mes doigts, le temps qu'elles prennent une dernière photo, puis m'en vais en direction de ma manager. Ha-Rin n'a pas l'air surprise pour un sou. Sa concentration ne fléchit pas jusqu'à ce que je vienne à ses côtés :

"Ha-Rin, tu peux commander des cafés au lait, une quinzaine, pour les demoiselles en bas de Beyond ? Je vais demander à la sécu de pas les dégager tout de suite, tout de suite.

- Ça faisait un petit bail que tu n'avais pas fait ça, dis-moi." Observe-t-elle. "T'es de bonne humeur aujourd'hui.

- Plutôt, oui."

Ha-Rin s'exécute et va demander à ce qu'on prépare une petite vingtaine de boissons chaudes, pendant que je calme un petit peu les agents de sécurité à leur vigie. Promis, elles partiront dès qu'elles auront eu leur petite boisson. 

Une employée de Beyond, aidée d'une stagiaire, apporte les deux plateaux de larges gobelets jusqu'à l'extérieur. Je me remets en position à la fenêtre de l'étage, pour voir leur réaction.

Quelque chose me dit qu'elles ne pensaient pas réellement que j'allais leur offrir à boire. Et pourtant, elles s'illuminent en voyant le plateau. Je leur crie :

"J'espère que vous aimez le café au lait !"

Le groupe de fans rient, se chamaillent entre elles, font circuler les petits gobelets en me remerciant chaleureusement. Les agents de sécurité commencent à s'impatienter, je peux le remarquer en les observant de hauteur. Une idée me vient, je disparais (elles s'en plaignent) et réapparait avec mon Tenshi (elles roucoulent).

"Avant que vous partiez ! Regardez comment il a grandi !"

Encore un flot continue de paroles et d'éloges. Tenshi panique un petit peu et suis obligé de le reposer rapidement sur le sol, avant qu'il ne s'échappe en passant par la fenêtre. Je souris une dernière fois aux filles : "Allez, oust. Je crois que c'est moi qu'ils vont étrangler si vous partez pas."

Le groupe aperçoit enfin les molosses qui nous servent d'agent de sécurité s'impatienter du désordre qui ne veut pas se disperser. Les filles me remercient, de larges signes de main et de photos volées, pour enfin disparaitre dans les rues de Séoul. Je reste à les observer partir un long moment. Pour une fois, c'est moi qui les scrute. C'est elles mon petit spectacle et non l'inverse...

On se racle la gorge derrière moi. Je me tourne vers le bruit :

"Qu'est-ce que c'était cet... cette scène ?"

Ke Liang, un sac à dos qui pend par-dessus son épaule, masqué et les cheveux ramenés en arrière (dont la couleur s'est éclaircie depuis notre dernière visite ; le châtain est devenu rose pastel), me fixe, incrédule. Ha-Rin est aux côtés de sa propre manager, les ayant sans doute accueillis lorsque j'avais le dos tourné. Mon agent soupire :

"Sachez que Ji-Hun adore les cadeaux. En recevoir mais aussi en faire. Vous n'imaginez même pas le nombre de fois où je l'ai surprise à faire des cadeaux à des presque inconnus, juste parce qu'il trouvait une bonne excuse pour afficher son affection.

- Héhé..." Rigolè-je un peu. "Yu-Jun m'appelle Sugar Daddy. C'est faux, je ne suis pas papa et je préfère le salé."

Ke Liang soulève du sol la petite boule de poil qui a procédé à une inspection détaillée des odeurs de ses chaussures et de ses mollets. Il le met bien contre lui, fermement positionné, pour ne pas que l'animal panique en se sentant en danger, hors sol. Tenshi me fait encore des infidélités, à se laisser papouiller par un inconnu. Bientôt, tu seras trop grand pour qu'on te porte mon petit père...

"T'es déjà papa de ça." Dit-il en embrassant le chien. "C'est étonnant qu'ils te laissent le garder avec toi dans les locaux.

- Ça fait neuf ans que je travaille ici alors... Même treize si on compte mes années de trainee. Je suppose qu'ils savent que s'il y a un souci, je m'arrangerais pour réparer les dégâts."

Nous nous rapprochons l'un de l'autre. Je suis dans un état d'euphorie assez étrange : si heureux que nos plannings peuvent enfin redevenir à la normale. Qu'après un long mois où tout a été décalé, encore et encore, nous pouvons retravailler sur notre partenariat. Ke Liang a son air froid, distant, où il me décortique du regard. Je ne lui rends que des sourires.

Il murmure quelque chose en mandarin, repose Tenshi sur le sol et me demande, calmement :

"Échauffons-nous, veux-tu ?"

L'entrainement commence par des étirements, des échauffements des membres ainsi qu'une petite course dans le cloitre intérieur de Beyond the Stars. Je nous sais observés mais personne n'ose venir troubler notre travail : aujourd'hui, je compte bien prouver auprès de Ke Liang qu'il n'a pas eu tort de me choisir comme partenaire.

Avec un peu de chance, nous aurons reçu la version et l'instrumentale définitive du single et nous pourrons correctement danser sur la bonne version.

J'espère que les étoiles s'aligneront.

Au septième étage, nous rejoignons Kim Junior pour démarrer notre session de danse. Ke Liang a fait comme moi, il semblerait : apprendre, avec d'autres danseurs, la chorégraphie. Néanmoins, lui n'a pas prévu que j'étais aussi grand et grogne plusieurs fois, alors qu'il est surpris par la longueur de mes jambes. Pourtant, je ne suis pas si grand que ça. C'est lui, qui est petit. Enfin, je crois.

"Pardon, j'ai l'impression d'être rouillé." Se plaint-il, morose.

Kim Junior m'empêche de lui répondre et se rapproche de lui. Elle secoue des bras, sautille sur place, l'intime à faire de même. D'abord confus, il finit par se laisser mener par le petit exercice de ma professeure.

"Tu es crispé. Détends-toi. Allez," ordonne-t-elle.

Heureusement, nous ne sommes que cinq dans la grande salle de répétition. Pour éviter toute fuite du single (car, oui, nous avons reçus les fichiers définitifs finalement) et de quelques images de notre chorégraphie, toute la troupe de Kim travaille ailleurs, personne n'est admis dans la large salle de répétitions. Seules nos managers nous observent, au loin.

Tenshi dort, il ne compte pas.

Kim Junior tente de faire sourire Ke Liang. Ça ne réussit pas vraiment sur le moment mais, après quelques gestes hasardeux et une dégringolade théâtrale, il sourit enfin de nouveau. Dès qu'elle l'aura dans la poche, là, elle pourra lui donner des ordres comme à n'importe quel danseur... En attendant, nous apprenons à connaitre nos corps en faisant des gestes aléatoires, des pas de danse de samba, de tango, de ballet aussi. Tout pour que nous ne soyons plus gênés de ne pas nous connaître assez. Faire les pitres, ça rapproche.

Sous un air de musique espagnole, Kim siffle et je fais tournoyer Ke Liang autour de mon bras, pour venir le faire basculer en arrière. Main fermement accroché à son dos, je le soutiens à quelques dizaines de centimètres du sol, visage proche du sien. Mes yeux sont plissés, le regard taquin. 

"Mademoiselle."

Il grogne un peu, se redresse brusquement et se met derrière moi. Comme s'il cherchait à me dominer. Tch tch, on ne joue pas à ça avec moi.

Comme un jeu du chat et de la souris dansé, claquant régulièrement dans mes mains, nous nous chamaillons. Parfois Ke Liang tente de me rattraper et j'esquive, j'esquive ses tentatives pour m'imposer sa propre danse. Il maugrée en mandarin mais je sais que ce n'est pas méchant. Il sourit enfin sincèrement, dansant aléatoirement sur ces musiques étranges que Kim nous met pour nous décoincer.

C'est une réussite.

D'un coup, je me sens basculer en arrière. Le plafond apparait devant mes yeux et bouge sans cesse. La peur me fige sur place, me tord les boyaux et ramène mon estomac au bord des lèvres. J'ai encore ouvert cette lettre. J'ai encore ouvert une lettre ! Pourquoi ai-je encore fait ça ? Pourquoi j'ai encore la peur au ventre ? La stupeur m'oblige à passer le fil de l'événement une fois de plus. Pourquoi maintenant ?

"Ji-Hun, ça va ?"

Je baisse le regard vers Ke Liang, qui me soutient à bout de bras. Lui qui voulait simplement me ramener en arrière après m'avoir fait chuter, sans me blesser, est bloqué dans son mouvement. Je reste suspendu par-dessus le sol. Puis, mes jambes flageolent tellement que je me laisse tomber et rigole de plus belle.

"T'as gagné, t'as gagné." Dis-je en m'étalant au sol, le cœur tambourinant dans mes tempes.

Kim Junior vient à mes côtés, restant debout, mains sur les hanches : "C'est bon, on peut réviser normalement ?

- Un verre d'eau et on repart. T'en dis quoi, Ke Liang ?"

Il opine. Ses bras sont croisés fermement contre son torse, l'air contrarié. Oh non, l'ai-je inquiété ? 

D'un geste maladroit, je tapote sur son mollet et tends le bras : "Aide-moi à me lever."

Il s'exécute et, alors que je suis enfin de nouveau debout à ses côtés, main dans la sienne... Je le fais tournoyer de nouveau. Il peste et rigole : "Me fais pas repartir : tu vas perdre. 

- OH. On travaille, là !" Crie Kim Junior, qui feint l'agacement alors que nous ne pouvons pas nous empêcher de nous charrier. 

Pause eau.

Entrainement intensif.

Répétitions des mêmes gestes, encore et encore.

Parties par parties, nous apprenons à nous comprendre et à lier ensemble une chorégraphie cohérente. Je sens la chaleur de mon compagnon lorsque nous nous rapprochons, lorsque nos pas s'entre-croisent en miroir. Je vois ses yeux, la petite tache noire à côté de ses pupilles, dans le blanc de l'œil. La transpiration perler à ses tempes. Sa détermination. Sa joie, aussi.

Changeant la version chantée par l'instrumentale uniquement, nous répétons enfin la danse mêlée au chant. Nous nous tournons exprès dos aux miroirs, en direction du fond de la salle, pour que nos managers puissent observer le résultat final. Ainsi, nous ne trichons pas à regarder par-delà les miroirs... 

Soit nous réussissons, soit nous avons besoin d'encore un peu de pratique. Ça alterne. On se rapproche de la perfection.

Pause eau.

Ke Liang se remet en position et éclaircie sa voix. Quelques vocalises.

Sa voix grave fait vibrer quelque chose en moi. 

Il relève les yeux vers moi et me sourit : "Bon, voyons si on est rodés ou non..."

J'opine et me mets également en position. Ha-Rin nous encourage un bref instant, pour se calmer et faire attention à la caméra qu'elle tient dans la main. Régulièrement, elle garde en mémoire de nombreux de mes entrainements. "Ça servira à la postérité," m'a-t-elle souvent dit. 

Kim Junior fait un décompte. L'instrumentale se lance.

Je débute le couplet en coréen. Mes pas glissent sur le sol, je me tourne vers mon compagnon. Un, deux, trois pas. Nos mouvements sont contrôlés, comme une symétrie axiale parfaite. Un point invisible nous sert de repère et nous aide à ne faire qu'un. 

À son tour de chanter.

Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il raconte. Pourtant, je sens comme une émotion vive en l'écoutant ainsi. Sa voix et son souffle sont maitrisés, malgré les mouvements brusques que la danse nous oblige à faire. Nous nous retournons. Éloignons l'un de l'autre. 

Puis, je le vois de nouveau. Il me sourit et se rapproche.

Il n'y a pas que les pas qui nous rapprochent l'un de l'autre. De l'électricité dans l'air m'oblige à être proche, tout proche de lui. Comme si j'allais me blesser à m'éloigner de lui. Comme si je devais être contre lui. 

Les mouvements sensuels du refrain nous attirent l'un contre l'autre. Il passe sa tête sur le côté, chante de pleine gorge. Je faufile la mienne de l'autre, souriant au public imaginaire qui se trouve à cet endroit. Un baiser en l'air. Un mouvement de bassin.

Je sens les cuisses de Ke Liang contre les miennes.

Nos mains se baladent dans le dos de l'autre, je sens ses muscles se mouvoir sous ma main, l'autre portant le micro éteint. Ce que je souhaiterai pouvoir sentir son corps entre mes deux mains. 

Je sens l'odeur de son déodorant et vois les goutes de sueurs perler sur son visage, dégringoler le long de ses joues. Ce que j'aimerai toucher son visage et essuyer les traces de son effort.

Des courants électriques traversent mon échine lorsque nos bassins se redressent, nous languissant l'un de l'autre de nos mouvements répétés. Ce qu'il est excitant avec ses regards langoureux lorsqu'il se meut ainsi devant moi !

Attends, quoi ?

Nous nous éloignons de nous, passant proche de la scène. À lui de débuter le second couplet, en mandarin. 

Mes pensées se bousculent alors que nous continuons notre chorégraphie. Comme par automatisme, comme si j'étais conçu pour faire ça. C'est si simple de danser, c'est si simple de danser. Qu'aurais-je fait de ma vie si je n'avais pas été trainee ? Aurais-je eu un jour l'occasion de danser avec... avec cet... cet homme ?

Je croise le regard de Ke Liang alors que c'est à mon tour de danser. Je sais que cela fait partie de la mise en scène mais... son regard. Son sourire fier, ses yeux doux, comme si j'étais la chose la plus belle au monde. La plus attirante. 

Second refrain.

Pont musical.

Dernier refrain répété.

Nous pouvons de nouveau danser l'un contre l'autre. Le reste de la chanson est passé si vite, comme si je n'attendais que ça : être de nouveau contre lui.

Même s'il est plus petit que moi, je sens le haut de sa cuisse frotter contre mon entrejambe. À droite, à gauche, nous nous balançons. À droit, à gauche, nous faisons un clin d'œil au public. Ha-Rin sourit en nous observant, mais reste sage. Si elle savait ce qui me déconcentrait tant. À droite, à gauche, nos lèvres se frôlent alors que nous chantons en chœurs les derniers vers de la chanson. 

Oh, Ke Liang, arrête de me frôler ainsi.

Mon souffle devient plus irrégulier, comme si j'avais fait un marathon.

Nous nous redressons lentement, main posée sur le bas du dos de l'autre. Il glisse le majeur entre ma ceinture et ma peau, se soutenant fermement à moi. Sa paume presse si fort contre ma peau qu'elle me brûle. Le désir me brûle et j'en perds la tête. 

Dans le même micro, nous chantons le dernier vers.

Tête penchée, j'ai l'impression qu'il est prêt à m'embrasser une fois que nous avons laissé tous les mots au public. Une fois qu'il ne restera que nos présences sur scène, comme si nous n'étions  plus que les seuls au monde.

En ai-je l'impression ou ai-je seulement le désir brûlant qu'il me vole un baiser ?

L'instrumentale se stoppe.

Je sens le souffle de Ke Liang, tout aussi erratique que le mien. Pourtant, j'ai l'intime conviction qu'il est ainsi essoufflé à cause de notre prestation. Nous avons tout donné, comme si nous étions réellement devant un public assoiffé d'énergie et de sensualité.

Il est le premier à se décoller de moi, tourne la tête brusquement vers nos managers et Kim Junior, reprenant un simple air fier, heureux : "On a bien réussi, non ?"

Les trois jeunes femmes nous applaudissent. Kim Junior, satisfaite, opine en décroisant ses bras : "J'ai pas grand-chose à vous reprocher. Faites pareil lors du clip, de la première partie du festival puis du live TV du 19 avril ensuite et... Et vous aurez tout gagné. 

- Cool. Mais... Ça va passer, ça, la censure chinoise ?" M'enquis-je.

La manager de Ke Liang attend qu'on lui traduise, soit en anglais par Ha-Rin, soit en mandarin par Ke Liang. C'est ce dernier qui répond en premier, éclatant de rire : "Avec FAIR on a fait bien pire ! Ohlala, ne t'inquiète pas pour ça. Ce n'est que de la danse."

Clin d'œil. Il parle rapidement avec sa manager. Elle opine et secoue des bras : "Oh non, ne vous inquiétez pas."

Ke Liang tape fermement contre mon épaule, ravi qu'on le complimente ainsi. Il me sourit... amicalement... Et s'écrit : "On a bien mérité une petite pause.

- O-ouais," bégayè-je. "Ça m'a fatigué.

- Ouais, ça se voit. On a un peu tiré sur la corde."

Il me fait un dernier clin d'œil et s'en va auprès de sa manager. 

Je reste planté là, comme un con, excité par un homme, par une danse que j'ai pourtant répétée des dizaines de fois.

Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ?

~

Seul dans mon appartement, étalé sur mon canapé à angle, je me laisse porter par les réminiscences des sensations de la journée. Des fans, des discussions avec les réalisateurs du clip, de la danse et surtout... surtout cet homme.

Les sensations me reviennent en boucle, encore et encore.

Je sens ses frottements contre mon entrejambe pendant que nous dansons. Sa chaleur, ses regards, ses mains contre mon corps, sa putain de cuisse qui m'électrise l'échine quand il me touche involontairement...

Pourquoi n'ai-je jamais trouvé ça excitant avec les autres danseurs et danseuses du groupe ? 

Merde Ji-Hun, t'es gay maintenant ?

Je me redresse dans mon salon et fais les cents pas, tentant de penser à autre chose. Rationalise Ji-Hun. C'est purement physique. La danse est très rapprochée, nos corps se touchent, le corps réagit. Je reste un homme, après tout.

"Mais JJ ne t'a jamais fait bander. Pourtant, elle a tout fait comme lui..." Dit une petite voix dans un coin de ma tête.

Merde, merde, je... Mes propres pensées intrusives me harcèlent.

Et s'il s'en était rendu compte ? Et s'il avait compris que mon souffle n'était pas de l'épuisement mais de l'excitation ? Jamais il ne voudra danser avec moi de nouveau... Ou sera-t-il dégouté par mes envies et pulsions ?

Non, il n'en saura jamais rien. J'ai toujours mis des tenues adaptées pour éviter les moments gênants. Même si nous étions filmés, il n'y a aucune chance que personne ne sache ce qu'il y a dans ma tête. Personne ne lit les pensées des autres, c'est sûr.

"Il a peut-être senti ton érection avec sa cuisse... Il sait ce que ça fait..." Me murmure ma propre conscience, décidément trop bavarde pour moi.

J'ébouriffe mes cheveux et grommelle. Je ne veux pas penser à un homme, je ne suis pas gay, je ne suis pas gay !

Je me laisse tomber sur mon propre lit, à plat ventre. Voilà, plus de moyen de laisser mes propres mains souiller quoi que ce soit. Il est hors de question que je pense à lui.

L'excitation va passer, c'est sûr.

Je réponds à quelques messages sur le serveur discord de notre monde sur Minecraft... Les gens sont peu actifs ces temps-ci. Soit les examens leur prennent du temps, soit leur rentrée a été trop intense, soit leur travail de tous les jours les épuisent. Dans tous les cas, personne n'est là pour m'occuper l'esprit.

Même pas Flora.

Je soupire, laisse tomber mon portable sur le matelas. Mon menton s'enfonce plus profondément encore dans le coussin qui me servait d'appui-tête. 

Les beaux yeux tachetés de Ke Liang lisent en moi comme un livre ouvert. Il se penche vers moi et je ressens le souffle de son chant refroidir la sueur qui perle à mon visage, mais échauffe le bas de mon ventre. 

Je me redresse un petit peu, me mettant plus à l'aise. Allongé sur le ventre, ainsi émoustillé... ce n'est pas ce qu'il y a de plus agréable. Ça m'écrase.

Mais je ne dois pas céder. Je ne suis pas gay. C'est physique. Purement physique.

Je tente de trouver le sommeil en me laissant porter par la fatigue et les rêves. Mes pensées arrêteront de me torturer si je perds ma conscience et pars dans les bras de Morphée.

Oui.

Des images grisâtres et floues passent en dessous de mes paupières. J'observe les formes étranges que mes rétines produisent. Comme les personnes qui comptent les moutons, moi, je suis le petit spectacle qui se déroule devant mes yeux chaque soir. Je n'ai jamais su s'il s'agissait de résidus de... d'influx nerveux ou... je ne sais pas vraiment quoi. Une chose est sûre, ce petit théâtre d'ombre me sert à m'endormir et à occulter les pensées intrusives.

Je sens ma conscience doucement se calmer et partir aux cieux alors que le sommeil me gagne. Mon petit théâtre intérieur se meut en forme abstraite, figurative parfois. Un cheval... Une sirène... Une vague et des formes molles, des courbes. Le mouvement d'une danse, un sourire anonyme. La courbe d'un menton et la tache noire dans le blanc des yeux d'un homme.

Son souffle, son odeur, sa chaleur.

Je me redresse doucement, sens le frottement du matelas et du tissu contre moi. J'expire en silence, sentant ces vagues de plaisir traverser mon corps. 

Ses mains passent dans les cheveux de ma nuque, lorsqu'il chante son couplet en me toisant du regard. Puis, ses mains, ses mains si puissantes, s'appuient en bas de mon dos et titillent le haut de ma ceinture. Pourquoi s'est-il arrêté si tôt ?

Des mouvements de bassins accompagnent mes pensées. 

Si seulement nous étions seuls au monde, aurait-il continué ? Aurait-il caressé mon corps, autant que j'ai envie de caresser le sien ?

Le moindre de ses muscles, le moindre de ses mouvements calculés... Je pouvais les sentir, sous mes mains. Comme si j'avais le droit de découvrir un nouveau corps. Pas un corps fait de courbes, de hanches et de poitrine... Non. Ses épaules carrées d'un corps de danseur, ses larges paumes qui me touchent et... cette pomme d'Adam qui rebondit lorsqu'il susurre les paroles tout proche de mes oreilles.

 Sa voix grave me fait vibrer. Comment peut-il être si hypnotisant ?

J'aimerais qu'il m'appelle.

Les mouvements de mes bassins accélèrent, comme si je me laissais aller à la frénésie d'une nouvelle danse inconnue.

J'aimerais qu'il m'appelle, qu'à mon oreille, il me nomme. Moi, personne d'autre. Je sens la chaleur monter en moi et mettre sens dessus dessous mes nerfs, mon bas-ventre. Mes bras se raidissent et je me surprends à gémir. J'aimerais l'entendre gémir mon nom, j'aimerais qu'il me supplie de prendre soin de lui, de le faire jouir. 

Et je crois, plus que tout, que j'aimerai le supplier. Laisse-moi jouir, Ke Liang, je...

Ah-

Un râle s'échappe du fond de ma gorge, je cligne des yeux en laissant les vagues de plaisir traverser mon corps, de bas en haut. Mon esprit vibre et mes sens s'envolent dans toutes les directions, pour mieux revenir à la normale, quelques longues secondes plus tard...

Ma respiration reprend un rythme normal.

J'entends de nouveau le murmure lointain des voitures, à l'extérieur des baies vitrées de mon salon, à travers la fenêtre ouverte de ma chambre.

Eh merde...

J'allais enfin m'endormir, et maintenant je dois me doucher...

Quel crétin tu es, Ji-Hun.

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EnzoDaumier
Posté le 03/10/2021
Voilà un chapitre très intéressant. D'un côté, amour tendre et platonique avec Flora et de l'autre, fantasmes et passion physique avec Ke Liang. Ce roman cultive les possibles. Pas le choix, on doit continuer la lecture ! 감사합니다
AuroreGrosjean
Posté le 03/10/2021
ㅋㅋㅋㅋ 고맙습니다 !
En espérant que la suite du roman te plaise autant et réponde à tes attentes...
Je ne commenterai pas davantage cette partie avec Flora et Ke Liang... À suivre ᵔᴥᵔ
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