Chapitre 17

Par tiyphe

Alexie entendit un bruit sourd suivi d’un fracas, comme si quelqu’un venait de tomber. Elle se précipita sur la porte et essaya de l’ouvrir par la force.

_ Mathéo ? 

Aucune réponse ne lui parvint. Elle frappa la porte de ses poings.

_ Mathéo ? Que lui avez-vous fait ?

Elle entendit alors le bruit d’une clé qui tourne dans la serrure. Elle s’éloigna de la porte rapidement. La poignée s’abaissa puis la porte s’ouvrit doucement. Un homme entra dans la pièce. Alexie resta bouche bée. Son interlocuteur ferma la porte derrière lui et mit la clé dans la poche intérieure de son costume. Il indiqua deux sièges près de la fenêtre.

_ Asseyons-nous Alexie, tu veux bien ?

La jeune fille, trop abasourdie pour refuser, se laissa tomber dans un fauteuil. L’homme s’installa en face d’elle. Avec un sourire bienveillant, il rompit le silence.

_ Comment vas-tu Alexie ? Est-ce que Viktor te traite bien ? Il m’a dit que tu ne mangeais pas beaucoup. Pourtant sa mère est l’une des meilleures cuisinières que je connaisse.

Elle le regarda avec des yeux ronds avant de secouer la tête et de se reconcentrer.

_ Où est Mathéo ?

L’homme fut surpris l’espace d’une seconde.

_ Il est avec son frère.

_ Que lui avez-vous fait ?

_ Je l’ai assommé.

Le visage d’Alexie se tordit en une expression d’effroi. Des images de ses amis torturés par sa faute lui venaient à l’esprit. L’homme ne fit pas attention à sa réaction et continua sur un ton dénué d’émotions.

_ Viktor s’occupera d’eux. Ton père arrive ce soir. Tu seras bientôt libre, Alexandra.

_ Je ne comprends rien de ce qu’il se passe. Quel est le rapport entre vous et mon père ? Et pourquoi je suis mêlée à ça ? Pourquoi Caroline est mêlée à ça ? Pourquoi Mathéo et Tyméo sont mêlés à ça ?

_ Eh bien, dans ton cas, c’est à cause de ton père. Je ne connais pas de Caroline. Et, pour les jumeaux, disons qu’ils se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment.

Il fit une pause avant de continuer.

_ J’aimerai que tu te reposes et que tu manges Alexie. Ce soir tout sera fini, ne t’en fais pas.

L’homme se leva et, mettant la main dans sa poche intérieure, sortit la clé pour ouvrir la porte. Il allait sortir quand Alexie se leva et avança jusqu’à lui.

_ Et pour mes amis.

Surpris, l’homme se retourna, la main sur la poignée.

_ Comment ça ?

_ Mathéo et Tyméo. Laissez-les partir, monsieur Kermin. S’il vous plaît.

La jeune fille avait fini sa phrase dans un murmure, avec un regard suppliant. Carl Kermin sortit dans le couloir sans ajouter un mot, refermant la porte derrière lui. Alexie se retrouva à nouveau seule. Elle s’assit sur le bord de son lit et laissa les larmes couler sur ses joues. 

Depuis presque deux jours elle était retenue ici. L’homme au tatouage dans le cou, s’étant présenté comme étant Viktor, s’était occupé d’elle. Il lui amenait à manger, des livres, il lui avait même proposé de faire un jeu de société le matin. Mais elle refusait tout ce qu’il lui amenait. Elle voulait voir sa famille, retourner en France auprès de ses parents. Elle était d’autant plus effrayée par la présence de son tuteur. Il était de mèche avec Viktor. Et pour couronner le tout, ces deux là en voulaient à son père. Tant de questions s’imposaient à elle. Des regrets aussi. Elle aurait dû rester en France, elle aurait dû écouter ses parents. Tout cela ne serait jamais arrivé si elle avait continué ses études dans le commerce. Elle se coucha en boule sur son lit. Elle était à la fois inquiète et effrayée. Elle finit par s’endormir d’épuisement.

Lorsqu’elle se réveilla, elle était dans les draps de son lit. Elle se frotta les yeux. Elle regarda par la fenêtre de sa chambre. Le soleil l’aveugla. Il était déjà bien bas. Elle avait dormi jusqu’au soir. Quelqu’un frappa à sa porte avant d’entrer. C’était Viktor. Il déposa un plateau avec une assiette sur la table basse.

_ Mange. Ton père arrive dans une heure.

Alexie lui lança un regard noir. Il était hors de question qu’elle touche à la nourriture. Son ventre grogna. Cela faisait deux jours qu’elle se privait de manger. L’Allemand dû l’entendre car il prit le plateau et l’amena jusqu’au lit.

_ Ça fait deux jours que tu n’as pas mangé Alexie.

Il tenta un sourire maladroit. La jeune fille, affamée, s’empara de l’assiette et des couverts. Après avoir regardé la nourriture sous tous ses angles et reniflé la viande, elle coupa son steak et prit une bouchée. Ses yeux se fermèrent tout seul. La viande était tendre et les épices donnaient un goût étonnant. Quand elle ouvrit ses paupières, l’Allemand se tenait devant elle, avec un vrai sourire cette fois. Il se leva.

_ Bon appétit. Je reviens dans une heure.

Il allait sortir quand Alexie l’appela.

_ Attendez !

Il fit volte face. L’étonnement se lisait sur son visage. La jeune fille lui fit un sourire timide.

_ Merci.

L’homme hocha la tête. Elle tenta alors une question.

_ Qu’allez-vous faire à mon père ?

Les traits de l’Allemand se durcirent instantanément. Il sortit sans répondre. Alexie se laissa tomber contre ses coussins. Elle finit son repas lentement, embuée par les émotions. 

Une heure plus tard, comme prévu, Viktor revint dans la chambre de la jeune fille. Celle-ci était devant la fenêtre et regardait le soleil se coucher. Elle se retourna vers lui. Son regard avait changé. Elle ne semblait plus avoir peur. Elle voulait en finir avec tout cela. Viktor lui indiqua la porte. Elle le suivit silencieusement dans le couloir jusqu’à la porte du fond. Carl Kermin était installé dans un canapé. Une mallette était posée devant lui sur la table. En face de lui se trouvait un homme assit. Lorsqu’il vit la jeune fille entrer dans la pièce il se leva.

_ Alexandra !

Cette dernière se jeta dans ses bras.

_ Papa.

Pendant ce temps, Carl s’était levé. Il fit un signe de tête à Viktor qui sépara le père et sa fille. Il tint Alexie fermement à l’écart des deux autres hommes.

_ Carl ! Elle n’a rien à voir avec cette histoire qui date d’il y a vingt ans. Laisse-la partir.

_ Assis-toi, Paul.

Carl attendit que l’homme s’exécute avant de faire de même. Alexie ne reconnaissait plus son mentor. Il avait perdu son sourire bienveillant, son regard était à présent froid et haineux. 

_ Papa ? Que se passe-t-il ?

La peur était revenue dans le regard d’Alexie. Elle essayait d’échapper à l’étreinte de l’Allemand mais l’homme serrait ses bras de plus en plus fort autour d’elle.

_ Viktor, tu lui fais mal.

Paul se retourna vers l’homme assis en face de lui.

_ Carl, mon vieil ami, laisse ma fille en dehors de ça. 

L’intéressé se contenta de lancer un sourire dénué de sentiment avant de répondre le plus froidement possible.

_ Ta fille est impliquée à cause de toi, et seulement à cause de toi.

Puis à l’intention de Viktor, il indiqua la porte en lui tendant ses clés.

_ Emmène-la avec les deux autres, nous n’avons pas besoin d’elle pour le moment.

Alexie s’était tue jusque là, elle observait l’échange, abasourdie et plongée dans l’incompréhension. Elle voulut parler, poser des questions, comprendre se qu’il se passait, mais le regard implorant de son père la fit taire. Elle baissa la tête et se laissa entraîner dans le couloir. L’Allemand ouvrit une porte et poussa la jeune fille à l’intérieur de la pièce. Il referma derrière elle. Quelque chose s’était accroché au bracelet d’Alexie lorsque Viktor l’avait jetée dans la chambre mais elle n’y fit pas attention. Elle frappa la porte de ses poings avant de se retourner le dos contre la porte.

Ses yeux parcoururent la pièce avant de s’arrêter sur des pieds qui dépassaient de l’autre côté du lit. Elle entendait comme des reniflements. Elle se rapprocha doucement en contournant le lit. Elle aperçut alors une tignasse brune, elle accourut. 

_ Mathéo ?

Elle s’arrêta, la main sur la bouche. Les pieds qu’elle avait vus étaient ceux de Tyméo, allongé sur le sol. Mathéo était assis à ses côtés, la tête baissée sur son frère. Son corps était parcouru de soubresauts, il tenait les mains de son frère près de son visage noyé de larmes.

Tyméo était secoué de spasmes. Un filet de sang s’écoulait de sa bouche. Lorsqu’il vit Alexie, il sourit. Ce simple geste lui valut une grimace de douleur. Mathéo sentit la tension de son frère et releva la tête. Alexie s’agenouilla auprès de Mathéo.

_ Oh Tyméo ! Que s’est-il passé ?

Le regard de la jeune fille allait d’un frère à l’autre, du visage triste de Mathéo à celui tordu par la douleur de Tyméo. Ce dernier cracha du liquide écarlate provoquant une nouvelle douleur. Il retira ses mains de celles de son frère afin de les porter à son ventre. C’est alors qu’Alexie remarqua le tee shirt imbibé de rouge. Elle s’approcha plus près pour voir la blessure béante causé par un couteau, un gros couteau.

_ Tim…

Avec un sourire, le garçon approcha sa main tachée de sang jusqu’au visage de la jeune fille. Elle se laissa faire, des larmes commençaient à couler sur ses joues.

_ Princesse… La dernière fois que tu m’as appelé comme ça…

_ Je sais.

Alexie prit le visage du jeune homme dans ses mains et déposa un baiser sur son front. Tyméo la remercia d’un regard avant de se tourner vers son frère, son jumeau. Ses yeux se voilèrent et sa main glissa sur le visage de la jeune fille avant de tomber sur son torse. Mathéo poussa un cri déchirant. Alexie savait qu’il venait de perdre une partie de lui-même. Elle posa ses doigts sur les paupières de Tyméo et prit Mathéo dans ses bras. Il se laissa faire, posant sa tête contre l’épaule de la jeune fille, et il pleurèrent tous les deux.

***

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