Chapitre 16 : Une erreur de diagnostic ?

Notes de l’auteur : Merci de vous êtes accrochés et d 'être parvenus jusqu'ici!
Je vous demanderai de veiller à éviter de "spoiler" des informations lors de vos précieux commentaires :-)
Encore merci et bonne lecture!

Une erreur de diagnostic ?

(Camille, Armel, Liliane)

 

 

 

   Camille s’acclimatait tant bien que mal à son nouvel environnement. Les jours se suivaient et se ressemblaient. Romain, l’infirmier, lui devenait de plus en plus familier. Ils conversaient beaucoup ensemble, sur des sujets légers, rien d’intime. Il lui arrivait même de rire.

   Romain était épaté par l’éloquence et les connaissances de son interlocutrice. Elle sortait vraiment de l’ordinaire cette gamine ! Il devait d’ailleurs garder à l’esprit qu’elle était une patiente, sans quoi il l’aurait presque considérée comme une amie ou une petite soeur.

   Diverses activités étaient proposées pour occuper le temps et les pensées des patients mais Camille n’acceptait que le rendez-vous obligatoire avec le psychiatre. Au point où elle en était, elle lui avait tout avoué. D’abord en aparté, ensuite en présence de ses parents.

   Avoué, comme s’il s’agissait de fautes…

   Bien que le psychiatre tentait de ne rien laisser paraître de son incrédulité, Camille se doutait qu’il finirait par prononcer un diagnostic, même provisoire, en sa défaveur.

   Quant à ses parents, quel ne fut pas leur étonnement à l’écoute du résumé de son histoire. Un résumé oui, elle n’était jamais entrée dans les détails. Une sorte de « secret professionnel », en somme.

   Liliane, tout particulièrement, avait dû convoquer ses ressources les plus braves afin d’éviter une crise d’angoisse. Elle s’auto-proclama fautive du sort réservé à son enfant. Son passé était décidément lourd de conséquences. Elle ne cessait de penser aux reproches régulièrement balancés à sa fille.  Elle pensait aussi à l’héritage qu’elle lui laissait : La douleur d’une génération s’inscrit dans le sang et se transmet aux futures tant qu’il n’y a pas réparation.

   Camille eut l’immense joie de recevoir la visite de son frère. Ses parents lui avaient permis de rester avec sa soeur au cours de leur entretien avec le médecin.  Elle avait vu la porte s’ouvrir lentement sur une petite tête blonde délicatement poussée par un père encourageant.

   Il entra avec précaution. Elle se sentit prise d’assaut par une frénésie indomptable et se rua vers lui avec la force d’un attachement sans limites. C’est pour dire, elle l’avait presque effrayé.

   ––  Viens là toi ! Comme je t’aime ! Pardon Armel…

   Elle prit son visage entre ses mains, fixa la lueur de ses yeux de chat pour lui dire: « Je t’ai laissé, mon frère. Me pardonnerais-tu cette déconvenue ? ».

   Elle avait expressément utilisé ce terme « déconvenue », car elle savait comment le toucher.

   Les pommettes d’Armel rougirent et il lui répondit « oui ». Oui ! Oui, avec sa voix ! Cette voix qu’elle connaissait si bien pour l’avoir mille fois entendue dans leurs escapades nocturnes au milieu de leurs songes communs.

   Sa propre voix se serra, c’était elle à présent qui ne pouvait sortir un son. Dans un effort, elle parvint à articuler: Tu parles Armel ?

   Il dodelina de la tête en agitant sa main pour lui signifier: « Un tout petit peu », et il sourit.

   Attrapant tendrement son menton, elle reprit avec cette détermination que l’on a quand on est habité d’une vérité transcendante, ce genre de vérité si viscérale qu’elle nous donne le sentiment que nous ne sommes que ça: cette vérité-là.

   ––  Tu le sais que je t’aime, hein Armel ?

   Et il se jeta dans ses bras, pleurant avec cette capacité tellement humaine et vitale de déverser ses émotions d’une violence à la hauteur de son ressenti. On dit « pleurer comme un enfant » mais Camille savait que c’est toujours l’enfant en nous qui pleure.

   Ils restèrent l’un contre l’autre un moment suspendu dans le temps. Ces moments-là ont un goût d’infini et résonnent dans l’éternité. Cet amour-là nous déifie. Qui dirait le contraire ?

   Liliane et son mari de retour, Camille remarqua de suite que la contenance habituelle de sa mère avait perdu de sa matière. Elle la vit comme jamais auparavant. Les cheveux mal coiffés, maquillée comme une porte, ne pouvant masquer les énormes cernes sous ses paupières, un visage froissé. Elle souffrait.

   Pour la première fois de sa vie, Camille voyait sa mère avoir mal. Le tambour de son coeur se mit à jouer douloureusement. Elles s’observèrent longuement. Cela ressemblait à une rencontre. C’était un peu le cas. Camille plissa les yeux en toute réflexion et les ferma une seconde pour mieux voir.

   Et si c’était elle ? L’âme en perdition, criant, soufflant, hurlant: Lema Sabachtani.

   Du côté de Liliane, la pluie d’informations données par le psychiatre continuait de dégringoler dans son esprit. Se répétaient en boucle des termes comme: observations, symptômes, questionnements, hypothèses… Dans l’ordre qu’elle les avait reçus.

   Il fallait voir l’évolution de l’état de sa fille. Il était trop tôt pour se prononcer sur un diagnostic mais rien dans le comportement de Camille n’était rassurant et le mot « symptômes » portait une éventuelle réalité qui changerait tout. Tout.

   Camille croit entrer dans les rêves des gens et y découvrir leurs plus profondes vérités, Camille croit les aider par une série d’actions au sein même de ces rêves, Camille croit être un sauveur presque angélique… on classe tout cela dans la case des délires et hallucinations, communément appelés, en psychiatrie, les symptômes positifs.

   Ensuite, il y a son absence d’interactions sociales, son isolement infernal, son introversion, ceux-là sont nommés les symptômes négatifs.

   Et puis ce n’est pas fini! Au reste s’ajoute les problèmes d’hygiène rencontrés lorsqu’elle se terrait dans sa chambre et ce qu’ils appelaient un lent suicide en arrêtant toute alimentation.

   Camille avait justement l’âge vers lequel ces troubles ont tendance à se déclarer. Ils pouvaient être passagers ou progresser, à voir…

   Une déferlante de « manifestations» dont l’enchevêtrement portait à penser à cette lourde maladie: la schizophrénie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Etienne Ycart
Posté le 12/03/2022
se peut il que
tout ce que fait ou dit camille n'est en fait qu'une maladie mentale
schyzophrénie ( une trés lourde maladie mentale, terrible pour les proches)
mais aussi l'anorexie, qui à failli tuer camille!
ou est le vrai et le faux
Ella Palace
Posté le 12/03/2022
Anorexie, non. On n'est pas anorexique parce qu'on ne mange pas pendant environ 2 ou 3 semaines...
Ouf! C'est plus complexe et plus long que cela. Aussi, l'anorexie ne signifie pas ne pas manger...

J'apprécie beaucoup que tu te sois autant plongé dans l'histoire!
Merci pour tes commentaires !
Etienne Ycart
Posté le 12/03/2022
ce n'est pas de la lecture que je lis tous les jours
je me suis laissé porter
et...j'aime
je ne comprend pas vraiment tout
si je te disais le contraire
tu ne me croirais pas
je suis peut être trop terre à terre !
Mais ce texte bien écrit, oh qu'il est bien écrit !
on sent tout ce travail !
je me suis pris au jeu
et sans retenues
sans faux semblants
je te dis j'aime !
parfois
je retourne en arriére
cherchant
ce qu'il faut comprendre
en me disant
le chapitre suivant
la phrase suivante
me donnera la clé
Ella Palace
Posté le 12/03/2022
Je ne sais pas quelles clés tu cherches mais j'espère que tu la trouveras!
Et que tu aimes... Comme dirait quelqu'un que je découvre: me comble de joie. 😉
Oriane
Posté le 29/12/2021
Un tout petit peu de calme dans l'enchainement des derniers chapitres, même si, avouons, la fin du chapitre annonce déjà de nouvelles ombres au tableau.
J'aime le passage entre Camille et Armel, tellement doux.
J'aime aussi, d'une toute autre manière, cette phrase là : "La douleur d’une génération s’inscrit dans le sang et se transmet aux futures tant qu’il n’y a pas réparation". Elle n'est pas joyeuse ou lumineuse (pas du tout même) mais elle me parle d'une certaine manière. Surtout, elle m'interroge sur le passé de Liliane (il faudrait que je relise le chapitre où elle est avec le psy, je ne m'en souviens plus tout à fait, du coup, je crois que j'ai raté un truc là).
Le seul "truc" qui me "chiffonne" (c'est pas les bons termes, mais j'arrive pas à le dire autrement, pardon), c'est d'avoir un diagnostic si clinique à ce qu'il se passe pour Camille. Il est logique vu les symptômes de la jeune femme et sur ce qu'on a pu lire depuis le début, mais il enlève d'un coup toute la partie un peu fantastique du roman. Comme si tout n'existait pas, comme si les personnages eux-mêmes ou une partie n'était qu'une invention d'un esprit malade. En même temps, je me dis que du coup, t'as super bien réussi ton coup, parce que, nous, lecteur, on y croit autant que Camille.
Mais je dis ça, il reste quatre chapitres, et tu as déjà prouvé que les rebondissements ne te faisaient pas peur du tout.
Ella Palace
Posté le 04/01/2022
Hello,

j'adore "égarer" comme tu as pu le remarquer lol. Mon but est en effet de semer le doute. Je ne sais pas trop s'il y a des rebondissements par la suite, il y a juste la vérité.
Edouard PArle
Posté le 11/09/2021
Salut !
Un chapitre très sympa, où Camille retrouve son petit frère, découvre sa mère sous son vrai visage, tisse une amitié avec le soigneur.
Tout porte à croire que l'on se dirige vers une heureuse issue mais je suis resté méfiant en me rappelant de certains chapitres antérieurs. La phrase de conclusion m'a donné raison, une chute clinique !
J'imagine que tu as encore quelques petites surprises dans les 4 derniers chapitres, j'ignore où on va finir en tous cas.
Une petite remarque :
"et se transmet aux futures tant" La phrase est parfaitement française mais je ne l'ai pas comprise du premier coup et j'ai dû relire plusieurs fois pour comprendre. Je pense que si tu mets "aux suivantes" ce sera plus clair.
A bientôt !
Ella Palace
Posté le 11/09/2021
Coucou Edouard,


Merci pour ton commentaire !
En effet, la fin est proche et j'ai divisé un chapitre en 2, donc 21 chapitres et le prologue...

A bientôt
Hortense
Posté le 04/09/2021
Bonjour Ella,
Un très beau chapitre, tout en émotion. Encore imprégnée de fantastique, je ne m'attendais pas à cette chute clinique. Mais puis-je penser, sans trahir l'histoire, que cela ne me satisfait pas totalement et que tu détiens encore probablement quelques surprises dans ton "sac" ! Mais ce n'est que mon sentiment personnel !

A très bientôt

Quelques coquilles :
- Bien que le psychiatre tentait : tentât
- et se transmet aux futures : à ses descendants ?
- Me pardonnerais-tu cette déconvenue : me pardonneras-tu
Ella Palace
Posté le 04/09/2021
Coucou Hortense,

merci beaucoup pour ta lecture et ton commentaire! Je suis désolée pour ton insatisfaction... J'espère que la suite ne te décevra pas, du coup :-(.

A bientôt!
Hortense
Posté le 04/09/2021
Absolument pas déçue, surprise dans le bon sens !
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