Chapitre 16 : Un endroit maudit

Par Ayunna
Notes de l’auteur : Hello les Jolies Plumes argentées !
Dans ce chapitre, on va parler de plumes argentées, justement ^^
J'espère que l'atmosphère particulière de cet endroit vous plaira...
Merci à Feydra pour ses suggestions !! A Makara et Art of You pour le regard avisé !

À l’aube, après une nuit agitée, je sortis du lit d’un bond, désorientée. J’avais une désagréable sensation de vertige. J’enfilai ma robe bleue. J’avais besoin d’aller respirer dehors, de marcher pieds nus dans la nature. Je me sentais profondément seule dans cet univers étranger. Ces nouveaux pouvoirs m’effrayaient. Pourquoi la magie servait-elle avant tout à détruire, à se défendre ? Ce monde paraissait pourtant si beau, si serein ! Comment la contrôler dans mon état ? Mes émotions allaient-elles prendre le dessus, et me transformer en guerrière dévastatrice ? Je désirais tellement me réfugier dans les bras de ma mère ! Et aussi m’adosser contre un arbre pour y pleurer toutes mes larmes, comme je le faisais sur Terre, chez moi. Complètement déboussolée, je passai par les ouvertures aux formes arrondies, sans portes, gardées par une magie surprenante dont j’ignorais tout. Je jetai des coups d’œil autour de moi : aucun signe d’Avorian. Dormait-il encore ?  

Je courus aux abords du ruisseau. Ce monde… ces sensations curieuses dans mon corps… mes pouvoirs… Comment intégrer toutes ces choses en même temps ? Je ressentais un tel poids sur mes épaules. Totalement effondrée, je plongeai la tête dans le torrent, espérant me réveiller de ce cauchemar. Je n’obtins aucun résultat convainquant, sinon une chevelure trempée et quelques frissons supplémentaires.

Je fus tirée de mes pensées par la vue d’un étrange oiseau dans le ciel. Il descendait en piqué, droit sur moi.

Il me semble bien imposant pour un simple volatile, me dis-je.

Je scrutai l’horizon, intriguée. Non, ce n’était pas un oiseau, mais un lion… un lion volant aux ailes d’ange !

Je l’observais, médusée, les yeux agrandis de stupéfaction : quelle majesté dans sa façon de planer, grâce à ses gigantesques plumes argentées !

– Oh ! Incroyable ! laissai-je échapper tout haut.

Le lion ailé se posa délicatement, juste devant moi, repliant ses longues ailes contre son pelage blanc argenté, teinte féérique. J’entrai dans un état de stupeur. L’animal s’ébroua, faisant valser sa crinière. Je reculai d’un bond. Il était vraiment impressionnant avec sa taille plus haute que celle d’un fauve africain. L’animal m’examinait de ses beaux yeux gris. Malgré mon appréhension première, je me sentis soudainement apaisée par sa présence, son regard tendre.

– Fais attention, me dit-il sans préambule. Il arrive.

Il parlait en plus ! Son timbre, doux et agréable à entendre, était comme dédoublé. On aurait dit les voix superposées d’un être masculin, l’autre féminin.

– Que… quoi ? balbutiai-je, bouche-bée.

Mais il disparut, en un clin d’œil, se volatilisant sous mes yeux ébahis.

– Où est-il passé ? m’interrogeai-je, abasourdie.

Je n’eus le temps de le chercher ou d’appeler Avorian. Je fus de nouveau aspirée par le « transgèneur », dans la colonne lumineuse. Je me débattis avec fureur, hurlai, frappai dans le vide – en vain.

Ma conscience s’évadait, au-delà de l’espace-temps. Je ne sentais plus mon corps, apparemment disloqué.

 

Je retombai brutalement sur un sol dur, froid. J’ouvris mes paupières et m’aperçus que je me trouvais… dans une église !

Qu’est-ce qui se passe encore !  râlai-je. Une église ? Sur une autre planète ? Ou bien suis-je rentrée sur Terre ?

En relevant la tête, j’entendis une musique effrayante : un chant religieux déformé, presque éteint, venant du lointain ; une complainte inquiétante fredonnée par des voix fantomatiques. Pourtant, j’étais bien seule.

Je me relevai avec peine, un peu sonnée, m’accrochant à une des colonnes de pierre qui soutenait la voûte de la nef. Je vérifiai l’état de mon crâne, le palpant délicatement. Pas de blessure, ni de bosse. Par contre, le bas de ma robe bleue s’était déchiré, et j’avais mal à la jambe droite.

Je me dirigeai vers l’habituel et logique emplacement de la porte. Horreur. Je ne découvris aucune sortie.

En quête d’une issue, je slalomai entre les bancs en bois verni et les majestueux piliers en pierre, ornés de somptueuses frises. Il faisait très sombre. L’éclairage se composait de bulles de lumières magiques, suspendues dans les airs. Les vitraux aux couleurs chatoyantes constituaient la seule véritable source de lumière. Le plus grand attira mon attention : on y voyait une jeune femme ailée vêtue d’une toge blanche aux côtés d’un ange déchu. Ils se tenaient la main. Un halo flamboyant les entourait.

Le Yin et le Yang, visiblement opposés, mais complémentaires.

À ma gauche, derrière les colonnes, j’aperçus quatre statues de taille humaine sculptées en pierre blanche. Je m’approchai. L’une d’elle représentait une sirène tenant un coquillage dans sa main ; la sculpture d’à côté, un lion ailé, tout comme celui que je venais de rencontrer ; la troisième effigie, une femme souriante avec des cheveux en feuilles, habillée de plantes et de fleurs. La dernière me dérouta au point de me transformer à mon tour en statue : je la fixais les yeux grands ouverts, figée. Et quelle ironie, elle me ressemblait ! On aurait vraiment dit mon portrait, comme si je me tenais face à un miroir. Ma réplique était vêtue d’une magnifique robe blanche taillée à même la pierre. Pour seule différence, la couleur de ses cheveux, peints en bleu. Était-ce un membre de ma famille ? Ma mère biologique, ou une sœur ?

Si c’était bien une femme de ma véritable lignée, cela signifiait que mon ancêtre devait certainement être connue sur Orfianne, au point de la présenter ainsi comme une sainte. Avorian la connaissait-il ?

Je contemplai encore quelques instants la relique, le ventre noué, puis traversai l’allée centrale, entre les deux rangées de gradins. Cette sinistre mélopée devenait insupportable, il fallait que je parte. L’angoisse latente se propagea dans tout mon corps. J’en frissonnai d’effroi.

Prise de vertiges, je décidai de chanter pour me réconforter, et surtout pour couvrir cette ritournelle spectrale. J’entonnai un Kyrie d’une voix cristalline.

Je parcourus le monument en fredonnant. Je m’arrêtai devant l’autel recouvert d’une nappe en soie blanche sur laquelle se reflétait la lueur des vitraux les plus proches. Un vieux livre poussiéreux était posé dessus. Je l’ouvris, constatai que l’écriture manuscrite ne ressemblait à rien de connu sur Terre. Cela confirme que je suis encore sur Orfianne, résonnai-je. Dans ce cas, comment se fait-il qu’une église se trouve ici, dans ce monde ? Jésus n’a quand même pas colonisé d’autres planètes, que je sache !

En observant les arches se rejoignant en pointe au plafond, je compris que je me trouvais dans une église de type gothique – d’un point de vue Terrien, bien-sûr.  Ce qui signifiait que les deux planètes étaient semblables au point de construire les mêmes types d’édifices. La résurrection du Christ se serait-elle faite sur Orfianne ? Cela me paraissait absurde. Il devait y avoir une autre explication. Puisqu’Avorian connaissait bien la Terre, peut-être les Orfiannais reproduisaient-ils les monuments Terriens qu’ils affectionnaient sur leur propre planète ?

Je ne savais pas pourquoi, mais je me sentais observée. Je chantai alors un peu plus fort, clamant mon « Kyrie eleison » à destination des voix fantomatiques. De toute manière, quelqu’un m’avait emmenée de force par transgèneur. Ne connaissant que deux Orfiannais, et au vu de cette mise en scène effrayante, je pouvais aisément deviner de qui il s’agissait.

Je cheminais en psalmodiant mon air, malgré la douleur à ma jambe, longeant chaque colonne. Je ne trouvais aucune sortie. Par ailleurs, même si je parvenais à quitter cet endroit, je devais sans doute me trouver bien loin du charmant jardin d’Avorian.

Je pris conscience du piège qui se refermait sur moi. De nature claustrophobe, je commençais à paniquer, accélérant le pas.

 Pourvu qu’Avorian s’aperçoive vite de mon absence ! m’inquiétai-je.

Alors que je me dirigeais de nouveau vers l’autel, j’aperçus un escalier que je n’avais pas remarqué auparavant. Il descendait sous terre et menait sans doute à une crypte. J’empruntai les marches, non sans frémir dans le noir. Je distinguai une faible lueur en bas, diffusée par quelques bougies disposées en cercle sur une table en granit. La petite taille de la pièce me mit mal à l’aise.

Soudain, je sentis une présence juste derrière moi. Je n’osais me retourner, totalement figée par la peur. Je répétais inlassablement ces mots, comme pour me protéger :

Kyrie elei…

J’interrompis ma dernière syllabe, « son ». Littéralement stupéfiée, je retins mon souffle, la gorge serrée. La présence en question effleura délicatement mon épaule gauche et descendit subrepticement sa main le long de mon bras, frôlant ma peau de manière subtile. Cette fois, je me retournai d’un mouvement vif, la respiration haletante.

Il n’y avait personne derrière moi. La sensation disparut. Effrayée, je remontai l’escalier en tremblant de plus belle. Aucun chant ne put sortir de ma gorge.

Cet endroit me rendait folle. J’avais réellement perçu quelque chose sur mon bras, je n’avais pas rêvé. Était-ce les méfaits d’un esprit ? Apparemment, non : j’entendis des bruits de pas derrière moi. Une démarche lente, mesurée. Je pivotai, l’angoisse au ventre. Une ombre vêtue d’une longue cape noire marchait dans ma direction. L’être portait ce masque si reconnaissable, aux courbes gracieuses, comme un flot de larmes éternelles.

Sèvenoir.

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Art of You
Posté le 09/10/2022
"Dans ce cas, comment se fait-il qu’une église se trouve ici, dans ce monde ? Jésus n’a quand même pas colonisé d’autres planètes, que je sache !" J'étais sur le point de te le demander !
Sèvenoir est de retour... C'est bien il y a de l'action et du mystère. Tu nous tiens en haleine.
J'aime bien cette question à propos de Jesus... C'est un peu comme si tous les mystères de notre histoires s'expliquaient subitement par l'entremise de ce monde connecté au notre !
Ayunna
Posté le 09/10/2022
Merci !
Oui, j'en parlerais de plus en plus de tous ces mystères sur Terre qui s'expliquent par la venue d'être provenant d'Orfianne
Art of You
Posté le 09/10/2022
Ainsi soit-il !
Makara
Posté le 08/10/2022
Recoucou Ayunna ! Un bon chapitre, fluide et efficace.
On ne comprends pas trop au début pourquoi l'héroïne est à ce point bouleversée. Il faudrait d'abord mentionner ses pouvoirs et ses pensées avant de dire qu'elle a envie de pleurer, je pense.
J'avoue que c'est un peu bizarre qu"elle soit à nouveau "appelé" par Avorian. On dirait qu'elle est un objet qui passe de mains en mains. Elle subit tous les événements, je pense que tu pourrais donc jouer davantage sur ce sentiment de ne pas avoir le choix de ses actions. Elle pourrait le formuler sous forme de pensées. Qu'en penses-tu ? Ce serait crédible pour moi, car cette situation m'énerve pour elle 😂
A bientôt !
Ayunna
Posté le 08/10/2022
Coucou, je comprends pour le début, je vais reformuler
Par contre je n'ai pas compris "J'avoue que c'est un peu bizarre qu"elle soit à nouveau "appelé" par Avorian" je ne vois pas où elle est appelée par Avorian ?
Je parle beaucoup de ce sentiment qu'elle éprouve qu'elle n'a le choix de rien dans les chapitres suivants, c'est fait après car là on est en pleine action, qu'en penses-tu ?
Makara
Posté le 08/10/2022
Ah non pas Avorian mais Sevenoir ! Je suis désolée, je me suis trompée de prénom 😔. Si tu le fais après, alors c'est bien :)
Ayunna
Posté le 09/10/2022
D'accord, c'est ce que je supposais, merci !
Voilà, j'ai modifié le début, est-ce mieux ainsi ? (j'ai ajouté un paragraphe au début, c'est pas long à lire)
Makara
Posté le 09/10/2022
Nettement mieux ! Tu es vraiment efficace dans tes réécritures !
Ayunna
Posté le 10/10/2022
ah bon ? Merci ! C'est grâce à ton regard éclairé et à tes suggestions, je vais te mentionner dans les notes du chapitres pour te remercier.
Feydra
Posté le 01/08/2022
Bravo ! Ce chapitre m'a immédiatement accrochée. C'est tellement prenant et évocateur. Comme d'habitude les descriptions sont magnifiques : tu arrives à rendre ce lieu à la fois beau et inquiétant. Et on retrouve vraiment le caractère de ton héroïne. Le retour de Sévenoir est très impressionnant et je trouve qu'il a un comportement assez particulier avec Neryah. La relation entre les deux me semble prometteuse.
Bon il y a quelques maladresses d'expression mais ce sera facile à corriger.
Ayunna
Posté le 01/08/2022
Merci beaucoup Feydra !
Je suis contente que l’atmosphère te plaise, tes retours me touchent !
Côté expressions maladroites là encore j'ai du mal à les voir/corriger, si tu peux me donner un coup de pouce et les relever, ce serait d'une grande aide. Fais comme tu le sens bien-sûr ^^ :)
A bientôt !
Feydra
Posté le 01/08/2022
Pas de souci.
"Je vérifiai l’état de mon crâne en le tâtonnant." => en le tâtant ou en le palpant plutôt
"Cette fois, je me retournai subitement, la respiration haletante." => à la place de subitement, peut-être brutalement, soudain, rapidement ...
"Devant moi, une ombre vêtue d’une longue cape noire." => il manque un verbe
" je slalomai les bancs en bois verni et les majestueux piliers" => je slalomai entre...
"La dernière me déconcerta ..." => déconcerta est un peu léger étant donné l'intensité de sa réaction.
"Ma réplique était accoutrée d’une magnifique robe blanche taillée à même la pierre" => accoutrée a une connotation négative, alors que tu qualifies la robe de "magnifique".
"J’entonnai alors un Kyrie d’une voix cristalline, parcourus le monument en fredonnant." => il manque un mot de liaison entre les deux parties de la phrase
"clamant mon « Kyrie eleison » aux voix fantomatiques ici présentes." ==> à destination/en direction des voix
fantomatiques plutôt
"La petite taille de la pièce me mis mal à l’aise." => mit
Ayunna
Posté le 02/08/2022
Coucou Feydra !
Un grand merci d'avoir pris le temps de relever les maladresses, et même de proposer des termes appropriés, c'est adorable :), je n'en demandais pas tant !! Je te remercierai en début de chapitre, je trouve toutes tes corrections pertinentes. Je constate que tu possèdes un vocabulaire riche, et que tu es très douée en orthographe et en grammaire. As-tu suivie des formations ou études plus dans le domaine littéraire ? Es-tu écrivain dans la vie ?
Je suis contente que tu lises mon histoire, tes remarques m'aident beaucoup, c'est une chance !
Feydra
Posté le 02/08/2022
C'est très gentil.
Non, je ne suis pas écrivain dans la vie, même si j'aimerais bien. J'ai fait des études de littérature. Relever les erreurs grammaticales est un peu une déformation professionnelle. 😉
Ayunna
Posté le 02/08/2022
D'accord, c'est une chance pour moi ! Tu peux relever autant d'erreurs que tu veux dans mes chapitres ^^ haha :D J'aurais aimé faire des études littéraires, cela m'aurait bien aidé, j'ai hésité, mais je me suis dirigée vers des études musicales et d'art-thérapie. Voilà je viens de rééditer le chapitre avec les corrections, merci !
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