Chapitre 16 : Espionne

Cath marchait à grands pas dans les sombres couloirs du manoir de son maître. Celui-ci l'avait réveillée en pleine nuit pour lui parler d'un "sujet important". Elle était maintenant en train de le suivre, se dépêchant pour ne pas le perdre de vue au premier carrefour.

Ils passèrent devant des portes d'où s'échappaient des éclats de rires et des bruits de verre brisé. À cette heure-ci, tous les invités du comte Arthur étaient retournés dans leur suite pour boire de l'alcool fort et -hem !- parfois faire d'autres choses plus intimes.

Enfin, ce n'était pas du tout le sujet du jour (ou plutôt, de la nuit). Cath se doutait que le comte ne l'avait pas réveillée pour lui parler des débauches de ses invités mais plutôt de la jeune esclave aux yeux bleus amnésique qu'il avait laissée à sa soeur et qui avait créé une tornade dans son bureau, Clave. D'ailleurs, Cath ne savait toujours pas ce que son maître avait vu sur l'épaule de cette esclave.

De toute façon, la domestique ne comprenait plus rien à rien. Et puis, même dans le cas contraire, elle n'aurait pas pu faire grand-chose, de n'importe quelle manière, quelle qu'elle soit. Elle n'était qu'une petite domestique sans pouvoir.

Le comte Arthur s'arrêta devant son ancien bureau, qu'il avait quitté après la tornade dorée, non pas parce qu'il avait été endommagé (ce qui n'était pas le cas) mais parce qu'il y avait ici une grande concentration de mana royal qui interférait avec le sien.

-Bon, pas ici, murmura-t-il.

Il continua son chemin, la petite domestique rousse sur les talons.

"Elle et la princesse Sirienne semblaient proches. Assez pour ce que je veux faire d'elle. Elle ça enfin servir à quelque chose ! Elle est très discrète, elle sera parfaite pour cette mission," réfléchit Arthur.

Cette fois, il s'arrêta devant un petit boudoir enfumé et vide, assez éloigné des chambres des invités pour qu'ils puissent être tranquilles. Arthur laissa passer la domestique et ferma la porte à clé derrière lui.

-De quoi vouliez-vous me parler, maître Arthur ? demanda Cath, inquiète, même si elle tenait à ne pas le laisser paraître.

-Tu te souviens sûrement de cette esclave qui a créé une tornade dans mon ancien bureau ?

Cath hésita un instant avant de hocher discrètement la tête.

-Très bien. Je ne vais pas tourner autour du pot, je veux que tu l'espionnes pour moi.

Cath essaya tant bien que mal de dissimuler sa surprise et laissa son maître continuer.

-Je l'ai confiée à ma sœur, mais je ne voudrais pas qu'elle l'abîme. J'ai besoin d'elle pour un projet très important.

Cath réfléchit longtemps. D'un côté, elle allait revoir la seule personne qu'elle appréciait vraiment dans ce manoir, mais de l'autre, elle allait en quelque sorte la trahir.

-Et si je refuse ? tenta-t-elle.

-Oh, mais tu n'as pas le choix ! Sauf si tu ne veux jamais revoir ton petit frère malade, Tomy ?

Cath écarquilla les yeux, horrifiée.

-Non… Non ! Que lui avez-vous fait ?!

-Rien, pour le moment…

La domestique semblait vouloir étrangler le comte Arthur de ses propres mains. Celui-ci s'assit tranquillement sur un canapé d'angle fait de cuir noir.

-J'ai intégré une fonction enregistreur à ton collier de domestique. Pour l'activer, tu as juste à taper trois fois dessus, explique-t-il. Compris ?

Cath hocha lentement la tête, aussi tendue et droite qu'un bâton de fer.

Le comte se releva pour quitter la pièce et en sortant, il posa la main sur l'épaule de la domestique.

-Je compte sur toi Catherine. Pense à ton frère, je suis sûr qu'il aimerait te revoir vivante et en un seul morceau.