Chapitre 16

Dès que je constatai l'absence de Ben dans le lit, un brin d'inquiétude me prit. Je m'attendais à ce qu'il ait fui et qu'on recommence à s'éviter, mais il y avait peu de chances que ça arrive vu que j'étais chez lui.

Je quittai lentement le lit pour rejoindre la cuisine et je le vis, concentré sur son téléphone. Il prit quelque temps à considérer ma présence :

— Oh salut ! Désolé ! Je ne t'ai pas entendu te réveiller...

— Ne t'inquiète pas pour ça, le rassurai-je en m'asseyant en face de lui.

Nos regards se croisèrent pendant un long moment, sans dire un mot. Nous allions vraiment devoir échanger sur les évènements de la veille et même si je n'avais rien à craindre, je ne pouvais m'empêcher de m'angoisser à ce sujet.

— Si tu veux, tu peux prendre un petit-déjeuner ou utiliser ma salle de bains... Fais comme chez toi.

Sa voix était désormais un peu tremblante et son angoisse était perceptible. Il n'était pas le seul à redouter notre prochaine discussion. En même temps, nous risquions vraiment de tout bousculer...

— Je vais me faire un café, annonçai-je.

Il m'arrêta aussitôt pour prendre les devants et me servit une tasse. Je l'entamai pendant de longues secondes silencieuses. Il fallait vraiment que nous abordions ce sujet, mais aucun d'entre nous n'était réellement prêt.

— T'as quelque chose de prévu aujourd'hui ? me demanda-t-il à demi-voix, le nez plongé dans le fond de sa tasse.

— A priori... Pas du tout...

Je pris une grande gorgée et une longue inspiration avant de rentrer enfin dans le tas :

— Est-ce qu'on peut discuter de ce qu'il s'est passé la veille ?

— Bien sûr... Mais je comprendrais ta décision, quelconque soit-elle.

— En fait... Je ne suis même pas sûre de ce que je veux vraiment. Je pense que ce serait totalement stupide de continuer un faux couple... Mais en même temps, je ne sais pas si je veux vraiment être en couple. Je m'étais fait à l'idée que ce n'était pas pour moi et que je n'en voudrais jamais...

Son regard se leva immédiatement vers moi et c'était exactement la même expression que j'avais aperçue dans ses yeux. Cette expression d'un gamin un peu perdu.

— Il y a probablement une solution qui te convient le mieux, lâcha-t-il presque à contrecœur.

— Je ne pense pas être amoureuse de toi... Mais j'ai aimé ce qu'il s'est passé hier. C'était peut-être un petit dur au début... Puis c'est devenu tout doux... On a ri ensemble, sans la moindre gêne. Il y avait quelque chose entre nous que je n'ai pas envie de perdre...

Il n'osait pas dire un mot pendant que je me cherchais encore. Dire les choses à voix haute me faisait réellement avancer dans ma réflexion. J'avais l'impression d'y voir enfin plus clair.

— On peut continuer de partager ce genre de moments, j'ai grave envie de ça. On peut continuer de prétendre qu'on est en couple... Mais je suis pas sûre qu'on soit réellement un couple.

— Si tu veux, on peut très bien tester ce que ça donne vraiment quand on arrête de se mentir entre nous... Mais si tu veux quand même mentir à tout ton entourage juste pour être sûre de ce que tu veux vraiment, ça peut se faire.

Dans le fond, ce que nous réservait le futur était assez flou et imprécis. Ça n'avait plus rien à voir avec le cadre qu'on avait vu et revu ensemble pour notre faux couple. Peut-être que ce lâcher-prise nous ferait un peu de bien...

— J'aurais quand même l'impression de jouer avec tes sentiments, rétorquai-je, assez coupable.

— Ce n'est pas jouer avec mes sentiments... Tu veux tenter quelque chose et t'as le droit de ne pas être amoureuse. Ce n'est pas un drame, mais on reste quand même un couple.

Ses paroles me rassuraient un peu et je me sentais un peu moins comme la pire personne du monde.

Je n'y connaissais rien à l'amour et encore moins à cette notion de couple. Au cours des années, j'en étais même venue à détester tout ça, j'avais tout rejeté en bloc. Et maintenant, je considérais l'idée que, peut-être, ça pourrait aussi me correspondre.

J'allais prendre mon temps et voir ce qui me plairait. Peut-être qu'à la fin de tout ça, je me rendrais compte que je ne serais jamais amoureuse et encore moins vraiment en couple. Mais si cette fin arrivait réellement, j'allais malheureusement lui briser le cœur...

— Un couple, ça se construit et on peut expérimenter plein de trucs, y compris juste le fait d'être en couple. Prends ton temps Rey, j'ai aucun souci avec ça...

Il m'adressa un simple sourire, comme pour essayer de me rassurer. Il se leva d'un bond pour poser sa tasse à côté du lavabo. Puis il prit appui contre le comptoir.

— D'ailleurs, notre liste, on devrait peut-être la reprendre... Il y a probablement des choses que tu ne veux pas qu'on fasse et encore moins devant les autres. Ça peut totalement inclure de s'embrasser.

— Tu crois vraiment que je vais refuser de t'embrasser ?

— Tu pourrais...

Je me levai à mon tour et m'approchai dangereusement de lui. Mes lèvres étaient extrêmement proches des siennes, prêtes à l'embrasser de toutes les manières possibles. Mais je savourais la petite tension que je venais d'instaurer.

Mon index se posa sur sa lèvre inférieure et dessina délicatement les contours de sa bouche que je mourrais d'envie d'embrasser. Alors, je cédai à mes désirs ardents et j'en conclus que lui aussi était dans la même position que la mienne. Il prit avec vigueur mon visage et maintenait fermement ce contact tandis que je plaquai mon corps au sien, mes mains collées à son torse.

— Et là, pour la question du sexe... Tu vas l'éviter ou tu vas avoir une réponse ? me lança-t-il pour me taquiner alors que mes lèvres étaient prêtes à se sceller de nouveau aux siennes.

— Ce serait mentir de dire que je ne suis pas attirée par toi... Et encore plus de te dire que l'idée ne m'a pas déjà effleuré l'esprit, répondis-je, entrecoupée par quelques expirations. Mais j'ai pas beaucoup d'expérience...

— Moi non plus et on s'en fiche de ça. C'est seulement si tu en as envie...

— Je crois qu'il faut que je me fasse à cette idée petit à petit...

— Comme tu le sens...

Il était étrangement doux et attentionné. Il n'avait vraiment rien à voir avec son air de connard presque habituel et, dans le fond, ce n'était pas cette facette que j'avais vue le plus de lui après tout ce temps.

— Je m'étais habituée à l'idée que le sexe, même si j'en avais envie, j'allais probablement devoir faire sans... Parce que je ne voulais pas être en couple. Et je me retrouve dans une des situations les plus absurdes au monde. On est un couple sans être un couple...

— Ça te laisse juste du temps.

— Mais combien de temps ? On ne va quand même pas faire ça éternellement !

— Donne-toi une date alors si c'est ce que tu veux.

En combien de temps pourrais-je vraiment me rendre compte si une relation me convenait ou pas ? En combien de temps pourrais-je aller au-delà des blocages ? J'aurais terriblement voulu en avoir toutes ces réponses en un claquement de doigts.

Et je ne pouvais me fier aux expériences de mes proches. Pour eux, être en couple, ça semblait si simple et c'était même une évidence. Ça n'avait jamais été un problème pour eux. La preuve, Finn s'était immédiatement mis à sortir avec Poe. Ils se connaissaient à peine depuis quelques jours et ils s'étaient engagés dans une relation amoureuse.

Ben avait bien compris que quelque chose coinçait chez moi. Probablement à cause de ma famille inexistante. Dans le fond, on ne m'avait jamais appris à aimer sur plein de domaines différents.

Et le comble était que je passais une grande partie de mon temps libre à écrire des romances pour les publier en ligne. Je m'étais toujours senti comme une hypocrite. Mais peut-être que, au final, je voulais juste comprendre et l'écriture pouvait être un bon moyen...

— Ça va ? s'enquit-il en prenant mon visage entre ses mains.

— Euh... Ouais... Je m'étais un peu perdue dans mes pensées. J'y connais vraiment rien à tout ça...

— Moi non plus, ne t'en fais pas, me rassura-t-il en passant une main dans ma chevelure.

— Pourtant, tu as dit que tu m'aimais...

Il s'arrêta brusquement sa main en mouvement dans mes cheveux et son regard devint immédiatement désemparé. Peut-être que je n'aurais pas dû avancer ça de cette manière, mais il le fallait bien, au moins pour m'aider à avancer.

— Et tu me disais ne rien comprendre à la notion de couple, d'amour...

— En effet. C'est toujours le cas à vrai dire... Et je crois que ça m'arrange bien cette situation. Parce que c'est trop soudain pour moi tout ça...

— Toi aussi tu veux tester ce que ça pourrait donner ?

— Totalement, affirma-t-il en caressant mon épaule tout en me dévorant du regard.

— Au final... On va plus avoir un faux couple pour nous-mêmes que pour les autres.

— Est-ce que ça pose vraiment un moment ?

— On est désormais au clair... Absolument pas.

J'avais encore une fois envie de l'embrasser, de goûter ses lèvres et de les sentir vigoureusement sur les miennes, mais cette fois-ci, je me contentai de le regarder, simplement. Et je me sentais apaisée, ce qui m'étonnait la première. Parce que cette situation était complètement absurde...