Chapitre 16

Pendant l’absence de Tizian, ses compagnons de voyage n’étaient pas restés inactifs sur Odysseus. Zeman prospectait les environs le soir à la lumière de la lune, découvrait des plantes et préparait de nouvelles compositions dont il remplissait ses fioles de guérison. Il était accompagné par Clotaire et Ombeline qui s’initiaient à l’herboristerie, récoltaient des oeufs de pluviers pour les repas préparés par Désie et amassaient du fourrage pour les chevaux. Autour d’eux tournait en permanence un ballet de chauves-souris dérangées par leur présence, en nuées rapides, pointant leurs ailes noires sur le bleu sombre du ciel.

 

Girolam et Zilia avaient exploré le delta du Tombo toutes les nuits à la recherche d’un passage vers l’autre rive. Le fleuve à son embouchure se divisait en plusieurs bras, dont les eaux s’écoulaient en sinuant au milieu de marécages et d’étangs. Ils réussirent à se frayer un chemin à travers les bancs de sables, les roseaux et les zones humides couvertes d’oiseaux et d’insectes, et après plusieurs tentatives infructueuses, trouvèrent une voie praticable et sûre pour traverser de bout en bout. Girolam traça le parcours sur son livre de poèmes avec des petits commentaires et des dessins pour ne pas oublier les pièges qu’ils avaient identifiés, vase, sables mouvants, trous d’eau, plantes carnivores, crocodiles qui dormaient les yeux au ras de l’eau, nids de serpents, nuages de moustiques et autres dangers mortels. Pour franchir le bras le plus large du Tombo, ils avaient découvert, cachée dans des bouquets de roseaux et attachée à un anneau, une vieille barque plate qui prenait l’eau, qu’ils pourraient utiliser pour faire plusieurs allers et retours après avoir colmaté la coque. Clotaire avait examiné l’embarcation et avait réparé les brèches suffisamment solidement pour qu’elle se maintienne à flot pendant quelques voyages, même sous le poids des chevaux.

 

Une fois leurs préparatifs terminés, ils attendirent pendant quelques jours le retour de Tizian sans trop oser s’éloigner de la grotte et ne sortant que la nuit. A l’abri de rochers bordant la plage, ils observaient la mer dans la journée et voyaient parfois passer un navire au large ou surgir un banc de cachalots. Quand l’atmosphère d’attente était trop pesante, Girolam lisait quelques poèmes de son petit livre pour s’évader en pensée. Zilia avait ramassé des plumes d’oiseaux dont elle garnissait ses flèches, tandis que Clotaire aiguisait les épées et les dagues, et huilait les bottes et les justaucorps de cuir pour les assouplir. Sous les yeux intéressés de Désie, Zeman écrasait des plantes en poudre avec des pierres rondes, et remplissait des flacons avec ses mystérieux mélanges qui bouillonnaient longtemps sur un petit feu. Les chevaux piaffaient d’impatience et ne supportaient plus d’être enfermés, aussi Ombeline passait-elle de l’un à l’autre en prodiguant des caresses et en murmurant des mots doux pour les calmer.

 

Lorsque le char de Lamar transportant ses passagers depuis l’autre continent aborda enfin la plage à l’extrémité du delta en fin d’après midi, Rose et Tizian remercièrent profusément le roi des mers et sautèrent à bas de l’embarcation avec leurs montures, tandis que leurs compagnons qui les attendaient s’avancèrent pour les accueillir.  

 

Ils étaient si heureux de se retrouver qu’ils parlaient tous en même temps et personne ne s’écoutait ni ne se comprenait. Lamar, debout dans son char, riait dans sa barbe de les voir si excités et il se moquait d’eux. Quand il en eut assez il descendit de son quadrige, s’approcha d’eux et haussa le ton, tous se turent et l’entourèrent pour l’écouter avec déférence. Il rappela qu’il comptait sur eux pour mettre fin aux agissements de Jahangir, qu’il restait à leur écoute par le truchement du coquillage et se mettrait à leur service si nécessaire. Puis les saluant d’un bref hochement de tête et remontant lestement dans son char, il lança d’un coup de fouet son équipage qui partit comme une flèche sur la crête des flots, et le char disparut en quelques instants au milieu d’un nuage d’écume.  

 

Leurs préparatifs étaient terminés et puisqu’ils étaient tous réunis, ils tinrent un rapide conseil, convinrent qu’ils pourraient partir une fois l’obscurité tout à fait venue et traverser le delta du Tombo sans être vus pour gagner l’autre côté du fleuve. 

 

Comme ils avaient tous grand faim, ils décidèrent de se restaurer avant la nuit aventureuse. Ils firent griller des poissons, cuire des oeufs, mélangèrent des légumes variés ramassés au hasard en une sorte de soupe épaisse qu’ils dévorèrent, et burent une décoction d’herbes fabriquée par Zeman. Le guérisseur, avec sa grande connaissance des végétaux et son intuition géniale, trouvait des plantes comestibles et non vénéneuses qui pouvaient être récoltées, et tous lui faisaient confiance. Ils se régalèrent donc sans arrière pensée, puis se reposèrent en attendant le coucher du soleil. Olidon pinçait les cordes de sa guiterne et jouait des airs mélancoliques, Clotaire qui avait taillé une flûte dans un roseau des marais l’accompagnait avec des mélodies simples tandis que Rose et Ombeline harmonisaient leurs voix sur ces refrains improvisés.

 

Quand l’astre magnifique commença sa longue descente vers l’horizon, ils chargèrent les chevaux, fourbirent leurs armes et revêtirent leurs cuirasses. Ayant fini leurs préparatifs, ils vérifièrent qu’ils n’oubliaient rien dans la grotte tandis que l’énorme disque orange disparaissait lentement dans les flots. Peu à peu une brume légère se leva sur la mer, un vent frais se leva et l’obscurité s’installa. Avant de partir, Rose planta une petite graine de l’arbre de paix près de la caverne. Elle ne savait pas si l’arbre pourrait pousser dans le sable aride ou dans l’eau des marécages, mais elle vit poindre avant de s’éloigner une petite pousse verte qui lui donna un immense espoir, la paix commençait à prendre racine dans ce continent perdu.

 

Après le signal du départ, ils se mirent en route et avancèrent silencieusement les uns derrière les autres, Zilia et Girolam ouvrant la marche et Tizian la fermant. De temps à autre, un oiseau de nuit poussait un cri strident ou une chauve souris voletait au-dessus de leurs têtes. L’air était lourd et gorgé d’humidité, les pas résonnaient sourdement dans l’atmosphère pesante, la chaleur de la journée montait du sol, des bruits furtifs de fuite d’animaux sauvages ou des clapotis dans l’eau témoignaient d’une intense vie nocturne autour d’eux.

 

Malgré l’environnement hostile, ils arrivèrent sans encombre à la barque. La caravane stoppa au bord du fleuve et ils commencèrent la traversée du bras du Tombo, entourés de nuées de moustiques agressifs. Le bateau à fond plat était piloté par Girolam qui le manoeuvrait avec une rame rudimentaire. Ils passèrent les chevaux un à un, chaque monture avait les yeux cachés pour la protéger des insectes et était accompagnée par son maître. Le coursier que Tizian avait acheté à Astarax et qu’ils appelèrent Palastin était du voyage, il embarqua avec Olidon, alors que Fleur de Coton passa avec Rose et Désie. Quand ils furent tous sur la rive opposée, ils abandonnèrent la barque sous un buisson de roseaux et d’iris sauvages et reprirent leur itinéraire. Ils mirent plusieurs heures à traverser le delta mais arrivèrent sains et saufs de l’autre côté du fleuve, sans avoir fait de mauvaises rencontres. Il faisait nuit noire, le ciel était étoilé de myriades de points lumineux et la lune réduite à un maigre croissant jetait un rayon blafard sur les derniers filets et flaques d’eau tandis qu’ils sortaient des marais.

 

Ils prirent la direction du Nord Est, et remontèrent d’abord le cours du fleuve, puis s’en éloignèrent, en se guidant avec les points brillants du firmament grâce auxquels Zeman réussissait à se situer. Olidon, avide d’apprendre, ne le quittait pas d’une semelle et écoutait tout ce que le savant guérisseur disait. Zeman était flatté d’avoir fait une émule et pour une fois bavardait volontiers. Ensemble Zeman et Olidon ramassaient en avançant de maigres plantes du désert et échangeaient leurs avis et leurs cueillettes, qu’ils mettaient ensuite précieusement dans leurs besaces. Pour se rassurer, Rose vérifiait souvent leur orientation avec sa boussole, qu’elle regardait discrètement à la faveur du rayon de lune, pour ne pas vexer Zeman, qu’elle trouvait trop distrait.

 

Le paysage, toujours désertique, se composait au départ de dunes et de falaises rocheuses qui dominaient le Tombo et parfois s’y écroulaient, et se poursuivit par un décor accidenté de gorges pierreuses et de vallées ensablées. Ils marchèrent toute la nuit en faisant attention à ne pas se laisser surprendre par des animaux nocturnes, serpents ou scorpions, et quand les premières lueurs de l’aube pointèrent, Zilia chercha une grotte ou une caverne où ils pourraient se réfugier pour échapper à la température torride du jour. Grâce à son instinct, elle repéra une cavité non loin de leur route, dans laquelle il serait possible d’entrer en suivant un souterrain étroit, à condition d’en trouver l’accès. Lorsqu’elle eut identifié l’entrée de la grotte masquée par une épaisse couche de sable, ils durent creuser dans la dune pour pouvoir pénétrer dans le frais couloir et atteindre la caverne. Ils s’occupèrent des chevaux et dînèrent frugalement avant de se reposer jusqu’à la tombée de la nuit.

 

Ils avancèrent ainsi pendant deux jours, passant les journées dans des anfractuosités ou des grottes que Zilia parvenait à trouver, pour ne pas être écrasés par la chaleur suffocante du désert. Dans l’une des cavernes où ils attendirent le retour du coucher du soleil, ils virent à leur grande stupéfaction la carapace d’un scarabée bleu mort depuis des décennies. L’insecte était plus petit que ceux rencontrés dans le pays d’Argent, mais il leur ressemblait à s’y méprendre.

 

  • Oh ces affreuses bêtes, il y en a ici aussi, dit Désie avec une grimace de dégoût.
  • Que signifie cette découverte ? s’inquiéta Girolam
  • J’ai l’impression que Jahangir nous avait précédé au pays d’Argent, et qu’il y avait installé des scarabées pour surveiller les araignées. Avec leur épaisse carapace, ils étaient protégés des arachnides et pouvaient les soumettre, répondit Zilia.
  • Donc Jahangir aurait lui aussi des armures en fil d’argent fabriquées par les araignées ? insista Girolam
  • C’est probable, en déduisit Tizian, maintenant nous savons de source quasiment certaine que les scarabées bleus géants étaient à la solde du magicien. Et Jahangir devait récupérer les toiles d’argent tissées pour son armée.
  • Que nous réserve encore ce sorcier malfaisant comme surprise ? demanda Ombeline
  • Nous allons l’apprendre au fur et à mesure que nous approcherons de son palais ou de la demeure où il réside, dit Tizian. Il a dû implanter ses usines de fabrication de maléfices sur tout le territoire. Voire même sur notre continent.
  • Nous ne savons absolument rien de lui, soupira Zeman.
  • Jahangir est un vrai mystère, on ne sait même pas à quoi il ressemble, ajouta Zilia, nul ne l’a jamais vu.
  • Xénon aurait dû le connaître mais il a préféré l’ignorer et il a été incapable de nous le décrire, dit Girolam.
  • Nous saurons le reconnaître dès que nous le verrons, remarqua Clotaire, il ne doit pas passer inaperçu, j’imagine.
  • Je suis sûr qu’il utilise la magie pour se transformer et espionner ou du moins surveiller ses troupes, répliqua Tizian qui s’attendait à tout de la part de cet être mystérieux, et nous par la même occasion, car je suis convaincu qu’il sait que nous approchons.
  • Alors à quoi ça sert que nous nous cachions ? demanda Ombeline.
  • On ne sait jamais, dit Girolam, il vaut mieux ne pas nous faire voir, et aller le plus loin possible en restant invisibles. Pour l’instant, nous n’avons pas été inquiétés.
  • Comme tout cela est compliqué, soupira Désie que ces conciliabules sans fin sur un magicien invisible semblait lasser.

 

La nuit tomba et ils se remirent en route. Ils traversèrent une gorge modelée par l’eau dans des temps anciens et les roches de couleurs semblaient s’enrouler sur elles-mêmes. Des sculptures sauvages et étranges surgissaient à chaque détour de l’étroit chemin et ils marchaient avec beaucoup de précaution pour ne pas se cogner contre des excroissances rocheuses. Le chemin était si tortueux et labyrinthique qu’ils se trouvèrent face à des impasses et durent faire plusieurs fois demi-tour.

 

  • Cette gorge est très dangereuse, avoua Zilia, si on nous attaque nous mourrons tous. Jahangir pourrait envoyer par magie une trombe d’eau et nous serions noyés.
  • Nous devons vite sortir, dit Olidon qui commençait à prendre peur et estimait qu’ils se trouvaient dans ce canyon depuis trop longtemps.
  • Il nous faut être plus prudents dans le choix de la route, dit Tizian, et ne pas nous mettre en risque comme nous l’avons fait en empruntant cette gorge.
  • Ce n’est vraiment pas malin de passer par des chemins si périlleux, fit Désie.
  • La fin du passage est proche, dit Zilia qui marchait en tête en tenant Breva par les rênes et voulait rassurer ses compagnons. Et nous sommes très discrets, Jahangir ne doit pas avoir connaissance de notre présence.
  • Qu’en savons-nous ? intervint Zeman, c’est un puissant magicien, il nous observe peut-être depuis longtemps.
  • C’est ce que je pense, approuva Tizian.
  • Il peut donc jouer avec nos nerfs, répondit Zilia qui avait envoyé Eostrix en reconnaissance.
  • C’est vous qui jouez avec les miens, murmura Désie dans son coin en baissant la tête.

 

La remarque de Zeman avait jeté un froid dans l’assistance, tous se turent et continuèrent la marche pour sortir le plus vite possible de la gorge. La pente descendit doucement pendant presqu’une lieue et ils débouchèrent à l’issue du passage dangereux, sur une vaste étendue plane couverte de pierres plates et de sel gemme, sans aucun relief et blanchâtre, éclairée par les reflets de la lune. De chaque côté, à distance, s’élevaient de hautes montagnes fantomatiques qui encadraient la vallée de tous côtés, et se resserraient au loin, formant un cirque géant en forme de fer à cheval. Tout était sec, la végétation était sporadique et la faune quasi absente, ils virent quelques scorpions qui dormaient sous des cailloux et quelques serpents furtifs qui fuirent à leur approche.

 

  • Heureusement que nous voyageons de nuit, murmura Zilia, la chaleur doit être torride dans la journée. Même à cette heure-ci, en pleine obscurité, la température est encore élevée. On dirait qu’il ne pleut jamais ici.
  • Mais qu’allons-nous faire au fond de cette vallée ? nous allons être bloqués, demanda Girolam, il y a des montagnes tout autour.
  • Nous allons passer sous la montagne, répondit Zilia, il y a un réseau de galeries, ce sont des mines, et nous serons enfin au frais. Nous devrions atteindre l’entrée un peu après le lever du jour. Nous ne devons pas perdre de temps, pour nous glisser à l’abri sous les roches à temps et éviter les hautes températures.
  • Qu’en sais-tu ? demanda Clotaire, comment peux-tu savoir qu’il y a des mines, tu n’es jamais venue ici ?
  • Les ténèbres et les souterrains sont ma spécialité, répondit Zilia, je peux deviner à distance ce qu’il y a sous ces montagnes, bien sûr cela exige beaucoup de concentration mais j’ai l’impression que mes capacités sont augmentées depuis que nous avons mis les pieds sur Odysseus.
  • Ah ! répondit Clotaire que les pouvoirs de ses compagnons ne cessaient d’étonner et qui réalisait qu’en effet ces compétences croissaient de jour en jour.
  • Il fait si chaud ici, dit Désie qui soufflait fort et transpirait abondamment, c’est pire que la forge de Clotaire.

 

A cause de l’encaissement de la vallée, la chaleur du jour n’était jamais tout à fait évacuée. Même la nuit, il régnait une atmosphère de fournaise dans ces lieux où nul ne pouvait habiter tant l’air était irrespirable. Ils avancèrent rapidement à cheval pour arriver le plus vite possible au fond de la combe et Zilia se dirigea sous les yeux attentifs des autres voyageurs vers une fissure profonde qui semblait s’enfoncer dans la montagne. Après un étroit passage où un seul cheval pouvait avancer à la fois, les parois rocheuses s’écartèrent brusquement et révélèrent une caverne fraîche qui recevait quelques rayons de lumière de l’extérieur et se poursuivait vers les profondeurs de la montagne par un tunnel. Épuisés par la longue course de la nuit et par la chaleur, ils montèrent le campement à l’entrée de la vaste galerie et après un frugal repas, s’endormirent tour à tour pendant quelques heures dans la fraîcheur de la grotte.

 

Une fois tous reposés, ils repartirent et s’enfonçèrent dans l’épaisseur de la montagne, guidés par Zilia qui avançait sans hésiter. Ses pouvoirs de divination étaient sans aucun doute accrus. La galerie était large et sablée, et bien que sombre, pas totalement obscure grâce à la présence de vers bioluminescents sur les parois. Il était donc facile de suivre la jeune femme qui montait Breva.

 

La course dura quelques heures pour permettre de passer sous la montagne, et brusquement le tunnel se mit à décliner en pente rapide et s’étrécit. Ils descendirent des chevaux et poursuivirent en faisant attention à protéger les montures des rochers. Puis la galerie devint humide et glissante, et enfin elle déboucha sur une vaste caverne éclairée faiblement par des lueurs rouges, au milieu de laquelle se trouvait un lac aux eaux calmes et irisées. Des colonnes de concrétions entouraient la surface brillante, la galerie se poursuivait sur l’autre rive et il fallait traverser l’étendue d’eau pour l’atteindre. Ils s’arrêtèrent, et Zilia se mit à parcourir les bords du lac à la recherche d’une solution pour les faire passer tous.

 

Elle explora la caverne de fond en comble et soudain s’exclama.

 

  • J’ai trouvé un chemin ! c’est une galerie creusée par l’homme qui permet de faire le tour du lac, dit-elle.
  • Encore un miracle ! s’exclama Désie d’un ton sec.
  • Cette caverne a donc été visitée, nous devons être prudents, conclut Tizian, ignorant la remarque acerbe de la petite femme.
  • Serait-elle jalouse de Zilia ? pensa Rose qui trouvait que Désie était rarement aimable, elle a toujours des mots désagréables et elle n’est jamais contente.
  • C’est normal, ce sont des mines, ajouta Ombeline, ceux qui ont creusé ces galeries cherchaient probablement du minerai ou des pierres.
  • Allons-y, fit Girolam en suivant la piste montrée par Zilia.

 

L’entrée de la petite galerie était habilement dissimulée par une concrétion mais Zilia n’avait eu aucune difficulté à la découvrir. Ils la suivirent dans le noir absolu et quelques temps plus tard débouchèrent sur l’autre rive du lac.

 

  • A partir de maintenant, essayons de ne pas faire de bruit et soyons vigilants, recommanda Tizian.

 

Ils marchèrent les uns derrière les autres, tenant les rênes des chevaux et de l’âne. Amédée avançait prudemment aux côtés de Tizian et Eostrix avait trouvé son habituel refuge sur l’épaule de Zilia. Désie traînait des pieds à l’arrière.

 

Au bout d’un long moment, ils entendirent au lointain un bruit sourd et répétitif et Zilia s’arrêta pour demander ce qu’ils allaient faire. Tizian se tourna vers Rose qui avait déjà compris ce qu’on attendait d’elle et lança le sort d’invisibilité. Laissant les voyageurs derrière elle, elle s’avança silencieusement le long de la galerie en éclaireur. Lorsqu’elle revint quelques minutes plus tard, elle était toute excitée.

 

  • J’ai eu l’impression de me retrouver au pays d’Argent, chuchota-t-elle, il y a là-bas des araignées qui tissent des toiles sous la surveillance de scarabées bleus ! c’est incroyable.
  • Jahangir a exporté des araignées du pays d’Argent et les fait travailler directement ici, réfléchit Tizian.
  • Elles sont beaucoup plus nombreuses que là-bas, précisa Rose. Le combat va être extrêmement rude.
  • Oh ! fit Désie avec terreur en reculant.
  • Nous ne pouvons pas vaincre par la force, dit Tizian, nous devons utiliser la ruse.
  • Il faut nous allier aux araignées, dit Zilia, c’est grâce à elles que nous avions vaincu les scarabées bleus au Pays d’Argent.
  • Euh, dit Rose, je ne suis pas sûre que les araignées soient hostiles aux scarabées, c’est un peu différent ici.
  • Que veux-tu dire ? questionna Tizian.
  • Les araignées n’avaient pas l’air de subir leurs gardiens, les scarabées semblaient plutôt être des contremaîtres qui organisaient le travail, répondit Rose.
  • Que faire alors ? interrogea Olidon.
  • Il faudrait noyer la grotte, dit Girolam.
  • Mais aucun d’entre nous ne maîtrise ni n’a de pouvoir sur les eaux, intervint Rose.
  • Comment est-ce possible que vous n’ayez pas trouvé une solution magique ? demanda Désie au bord de l’hystérie. Les scarabées bleus ont écrasé Matthiole … il faut les détruire, ce sont des démons.
  • Explorons les abords de la grotte pour voir si une rivière ne coulerait pas au dessus et ne pourrait pas être détournée, poursuivit Zilia sans tenir compte de l’angoisse de Désie. On pourrait aussi provoquer un effondrement rocheux. Rose et moi nous pourrions chercher une solution.
  • C’est hasardeux, mais pourquoi ne pas tenter ? approuva Girolam.
  • Nous y voilà ! dit Désie. On va tous mourir.
  • Pas question que vous y alliez seules, dit Tizian, je viens avec vous et Amédée me suit.

 

Rose lança à nouveau le sort d’invisibilité et partit devant.

 

  • Et si les araignées faisaient semblant d’accepter le joug des scarabées ? chuchota-t-elle en s’approchant de l’atelier souterrain.
  • Nous ne pouvons pas prendre le risque, répondit Tizian, qui la suivait de près.

 

Le bruit des machines couvrait leurs déplacements et ils réussirent à se hisser au milieu des rochers et s’élevèrent jusqu’à une plateforme qui dominait la caverne. Amédée resta en bas, surveillant les alentours, prêt à bondir à la moindre alerte.

 

  • Nous devons faire passer les chevaux au-delà de la caverne pour poursuivre notre course avant de détruire l’usine de fabrication et les ouvrières, reprit Tizian. Zilia, retourne près des autres et trouve une galerie parallèle pour mettre les montures en sécurité. Rose et moi on reste ici et on explore les possibilités. Quand tu les as menés en lieu sûr, reviens par ici et j’espère qu nous aurons trouvé un plan.
  • D’accord, dit Zilia sans discuter et elle s’éloigna aussitôt en redescendant avec précaution le long de la paroi.

 

Rose et Tizian cherchaient une faille ou un filet d’eau qui trahirait une faiblesse de la voûte et qui pourrait permettre de provoquer un éboulement. En rampant sur le sol, ils parvinrent à trouver une galerie étroite qui passait au dessus de la caverne et s’avancèrent. Ils arrivèrent sur un surplomb qui donnait directement au dessus des ateliers de tissage. La voûte s’étrécissait et la galerie n’était plus praticable, la zone était extrêmement dangereuse car ils étaient en à-pic, au dessous d’eux le vide était prodigieux, la caverne était profonde comme un gouffre.

 

  • Que faire pour que ce plafond de pierres s’écroule ? demandait Rose en observant la roche dure et suintante.
  • Regarde ici, dit Tizian en désignant une fissure devant eux. Nous pouvons bourrer ce trou avec des pierres ramassées le long de la galerie, pour le soumettre à un effort. Ce sera très risqué car il faudra se pencher au dessus du vide et puis reculer très vite. Ensuite, je pense que si Zilia parvient à tirer une flèche à distance sur le point de contrainte, elle peut faire éclater la roche, déséquilibrer la faille et provoquer l’éboulement de la voûte.
  • C’est un pari, dit Rose, nous ne savons même pas si cette fissure est fragile.
  • Si elle l’est répondit Tizian, on voit que la roche est un peu arqueboutée, comme si elle était déjà soumise à une force ou un poids au dessus, prête à céder. Nous ne ferions qu’ accélérer les choses.
  • Eh bien allons-y, nous devons agir rapidement désormais, poursuivit Rose en faisant demi-tour. Je commence à ramener des caillasses.

 

Ils coincèrent toutes sortes de pierres qu’ils trouvaient le long de la galerie, forçant l’enfoncement des petits cailloux ou blocs dans la fissure jusqu’à ce que l’ensemble déborde, puis ils reculèrent jusqu’à la plate-forme et se laissèrent glisser jusqu’au sol où les attendait Amédée. Zilia ne tarda pas à les rejoindre, elle avait réussi à mener le reste de l’équipée dans une galerie latérale. Tizian lui expliqua sa stratégie en précisant qu’elle ne pourrait tirer qu’une flèche et qu’ils devraient partir aussitôt car la voûte allait probablement se fissurer et s’écrouler dès l’impact.

 

Zilia se mit en position et banda son arc. Elle visa le petit point au dessus de la caverne où Rose et Tizian avaient accumulé un trop plein de cailloux, et tira. La flèche partit en tournant sur elle-même avec un sifflement et vint se ficher dans l’enchevêtrement de pierres. Ils partirent immédiatement pour rejoindre les autres, et coururent dans les galeries à la suite de Zilia qui montrait le chemin. Ils entendirent d’abord une sorte de craquement, trahissant la roche qui se fendait suite à l’impact de la pointe de flèche, puis un bruit sourd et soudain un déferlement de roches qui roulaient et tombaient, et dans le lointain des hurlements de bêtes sauvages. Un nuage de poussière venu des profondeurs les enveloppa au moment où ils rejoignirent les autres et ils s’éloignèrent tous le plus vite possible, contournant la zone de la caverne.   

 

Un peu plus tard, après avoir fait un long détour par des galeries annexes, ils passèrent le long d’un précipice, au dessus d’un trou béant marquant l’effondrement de la voûte, et virent en dessous d’eux l’usine à toiles d’argent écroulée sous des monceaux de pierres. Ils apercevaient coincés entre des pans de rochers des morceaux de carapaces bleues, des pattes écrasées, des corps mous d’araignées aplatis et dégoulinants. Tout était recouvert d’une fine poussière volatile et l’atmosphère était pesante, avec ici et là des bruits de coulées et de roulements qui marquaient le début du tassement du chaos. Ils restèrent silencieux devant le triste spectacle et poursuivent leur chemin dans les galeries souterraines. Désie ne parlait pas, en passant elle ramassa quelques pierres qu’elle lança dans le gouffre.

 

Malgré leur prudence, ils ne purent empêcher une contre attaque. Ils virent soudain accourir vers eux des gardes alertés par les ondes de choc de l’éboulement.  D’autres sentinelles émergeaient des couloirs annexes, ils furent bientôt encerclés dans une galerie par des hordes de gardiens furieux et prêts à se battre. Ils se lancèrent dans la bagarre pour leur survie.

 

Les attaquants arrivaient de toutes parts et étaient armés de lances. Zeman se démenait comme un fou pour soigner ses compagnons qui se battaient au corps à corps, Tizian et Girolam enfonçaient leurs épées dans les ventres, Clotaire faisait tournoyer son bras, assommait les ennemis au marteau et écrasait les têtes, Ombeline jouait de sa dague pour trancher les jugulaires. Zilia n’avait pas de recul pour envoyer ses flèches meurtrières aussi utilisait-elle un couteau qu’elle plantait dans les poitrines. Olidon jetait des incantations de paralysie tandis que Rose avait lancé le sort d’invisibilité et bombardait de projectiles les assaillants qui ne voyaient pas d’où venaient les coups. Eostrix piquait les yeux et Amédée mordait les bras et les jambes. Désie avait reculé dans l’ombre et fui dans les couloirs. Une odeur de chair à vif et de sang envahit l’espace confiné. Les chevaux, effrayés par la bataille s’enfuirent dans les galeries, c’était une véritable débandade.

 

La bataille dura longtemps, il semblait que de nouveaux assaillants affluaient sans cesse, ils commençaient à être très fatigués quand ils vinrent enfin à bout des derniers gardes. Zeman n’avait presque plus de potions, les armes étaient abîmées et avaient perdu de leur pouvoir de pénétration, Clotaire avait été blessé au pied et ne pouvait faire aucune réparation dans les profondeurs des grottes.

 

Ils pansèrent tant bien que mal leurs blessures, Olidon portant assistance à Zeman. Ils durent rechercher et retrouver Désie et les montures qui s’étaient égarées. Les bêtes étaient complètement affolées dans le noir et par l’odeur de sang. Après les avoir caressées et calmées, ils repartirent lentement en laissant derrière eux un véritable charnier. Clotaire répétait qu’il devrait faire une cuirasse en toile d’argent pour Désie, et Tizian qu’elle devrait porter une arme et savoir s’en servir.

  

La pente s’accentuant, ils comprirent qu’ils remontaient désormais vers la surface et soudain ils aperçurent au loin un petit point de lumière du jour au bout du long tunnel. Rose partit en éclaireur invisible pour repérer d’éventuelles sentinelles. L’entrée de la mine était effectivement dotée d’un poste de garde avec deux vigiles qui n’avaient pas été prévenus de l’effondrement de la voûte ni de la bagarre qui s’ensuivit. Girolam et Tizian s’approchèrent avec Amédée, et neutralisèrent les deux guetteurs qui n’avaient même pas envisagé qu’une attaque puisse venir de la galerie, et n’eurent pas le temps de réagir ni de prévenir d’autres factionnaires.

 

La galerie débouchait dans un décor bien différent, ils se trouvaient désormais dans une sorte de jungle tropicale, où les arbres étaient d’une taille gigantesque, et poussaient anarchiquement au milieu d’un enchevêtrement de buissons, d’arbustes et de fougères géantes. Des plantes à fleurs de couleurs vives émaillaient la végétation luxuriante, et ils pénétrèrent avec les montures sous le couvert de la frondaison pour disparaître au coeur de la forêt. Derrière eux se dressaient les hautes montagnes qu’ils avaient traversées sous terre, avec leurs sommets pointus et enneigés. La vallée qui s’étendait devant eux leur permettrait de passer inaperçus tout en continuant à avancer vers leur but.

 

Tandis que ses compagnons se glissaient rapidement sous la canopée, Rose creusa discrètement un petit trou à la sortie de la grotte et planta une graine de l’arbre de paix qu’elle recouvrit de terre meuble. A peine eut-elle fait quelques pas qu’elle se retourna et vit poindre une petite touche verte à l’emplacement où elle avait déposé la graine. Elle sourit et rejoignit vite ses compagnons qui n’avaient rien remarqué, trop occupés à écarter la végétation pour avancer.

 

Après s’être frayé un chemin au milieu des hampes et des branches, ils entendirent le bruit d’une source et découvrirent un petit ruisseau qui coulait à leurs pieds au milieu des herbes et des fleurs. La zone était humide et presque marécageuse, mais le sol restait suffisamment solide pour qu’ils ne s’enfoncent pas dans la vase, même à cheval. Des oiseaux colorés lançaient des cris stridents et voletaient au-dessus d’eux. Eostrix répondait à leurs appels de sa voix rauque tout en restant sagement sur l’épaule de Zilia.

 

Les chevaux burent l’eau du ruisseau et tous se désaltérèrent après la poussière de la mine, puisant dans leurs mains l’onde pure et fraîche. Zeman profita de la pause pour soigner la cheville de Clotaire avec un onguent à base de pimpiostrelle. Il utilisa quelques potions qui lui restaient pour panser les blessures de ses compagnons. Mais ils ne devaient pas traîner dans cette forêt trompeuse où des soldats aguerris auraient tôt fait de les trouver, d’autant qu’ils étaient encore faibles et que leurs armes étaient abîmées. Ils repartirent dès que possible. 

 

Suivant le cours d’eau, ils débouchèrent dans une clairière où une cascade jaillissait au milieu de la végétation et tombait en éclaboussant la lumière de milliers de gouttes d’eau dans un petit lac frais. Tous eurent envie de se baigner, mais ils avisèrent quelques crocodiles qui somnolaient dans les roseaux et des serpents d’eau qui filaient sous les vaguelettes. Ils durent poursuivre leur marche sans profiter d’un bain.

 

Le ruisseau reprenait sa course en sortant du petit lac et zigzaguait entre les troncs et les souches. Ils longèrent les rives qui parfois se réduisaient à un talus humide et impraticable et d’autres fois se déployaient en une plage de sable. Puis le chemin s’arrêta brusquement au bord d’un gouffre qui s’ouvrit à leurs pieds. Tout en bas de l’abîme, roulaient les eaux d’une rivière tumultueuse, et il leur fallait franchir la gorge profonde et abrupte pour continuer leur voyage.

 

Le ruisseau s’était mué en une cascade qui tombait de toute la hauteur du précipice jusque dans la rivière. Les parois rocheuses de la falaise étaient couvertes d’arbres et d’arbustes qui avaient poussé penchés au dessus du vide.    

 

  • Comment allons-nous passer de l’autre côté de la gorge ? nous ne pouvons pas descendre et remonter, c’est impossible avec les chevaux, constata Girolam en faisant la grimace
  • Existerait-il un pont quelque part ? interrogea Zilia, je peux envoyer Eostrix pour explorer les alentours.
  • Essayons, c’est une idée, répondit Tizian qui ne voyait pas encore comment ils allaient pouvoir passer de l’autre côté, il a montré qu’il était un bon éclaireur.

 

Ils s’interrogeaient encore sur la manière de franchir la gorge quand ils entendirent un bruit mécanique, comme une rame de barque qui allait et venait en rythme. Levant la tête, ils virent passer au dessus d’eux deux oiseaux dragons qui volaient majestueusement, leurs longs becs à dents ouverts et leurs ailes puissantes se déployant avec régularité. Les oiseaux ne les virent pas car la canopée les masquait, et du reste ils reculèrent sous le couvert des arbres pour rester invisibles.

 

  • C’est incroyable, dit Girolam, après les scarabées bleus, les oiseaux dragons ! Décidément Jahangir a pillé le patrimoine de notre continent et se l’est approprié. Si Matabesh voyait ces oiseaux dragons, il aurait une bonne raison de se mettre en colère. Nous allons peut-être trouver des champs de pimpiostrelle, ou d’autres merveilles dont nous n’avons même pas idée !
  • J’aurai bien besoin de retrouver de la pimpiostrelle, grommela Zeman entre ses dents. Il profitait de la marche dans la forêt luxuriante pour cueillir de nouvelles plantes et reconstituer ses potions de guérison, mais il trouvait que ses provisions de fioles étaient bien trop basses à son goût depuis la bataille de la mine.

 

A leur grande surprise, il se mit soudain à tomber une pluie tropicale. Surpris par la violence de l’averse, les voyageurs se réfugièrent sous les arbres à larges feuilles pour se protéger de l’ondée. En quelques instants, tout fut détrempé, la terre devint meuble et glissante. Comme la pluie ne s’arrêtait pas et forcissait, leur position devint instable, ils décidèrent d’avancer le long du gouffre pour trouver un emplacement plus sécurisé sur des rochers. L’averse devenait diluvienne et ils ne pouvaient plus se protéger sous les branches.

 

Alors que rien ne le laissait soupçonner, les eaux se mirent brusquement à monter dans la gorge et se transformèrent en un torrent de boue qui charriait des débris et arrachait tout sur son passage. Ils ne savaient plus s’il fallait avancer ou s’arrêter, mais la situation devenait dramatique. Brutalement, sous la force de la rivière devenue fleuve infernal, les berges ramollies furent disloquées, la falaise se délita et le groupe des voyageurs fut coupé en deux, ceux qui étaient devant furent emportés par la vitesse du courant. Tizian qui était en tête fut entraîné le premier plus vite encore que les autres, et soudain il tomba avec Borée dans ce qui restait du gouffre. Tizian fut accroché comme dans un filet par des branches d’arbres et des lianes qui poussaient sur les flancs, mais le cheval fila porté par la boue sauvage et sombra dans les profondeurs de l’abîme.

 

Tous étaient muets de stupeur devant la soudaineté de l’incident et la disparition brutale de Borée. Emprisonné dans les arbres, Tizian avait le visage couvert de griffes et en sang, il était à moitié assommé sous le choc et il pleurait comme un enfant la perte de son cheval. Il se sentait humilié et malheureux. La pluie diluvienne continuait à tomber et tous étaient trempés jusqu’aux os, les cheveux collaient aux visages et les vêtements alourdis pesaient lourdement.

 

Rose s’était précipitée vers Tizian, aussitôt suivie par Zeman et Zilia, Poil Noir bondissait entre eux en aboyant d’une voix rauque. Avec beaucoup de précautions car le sol était mou et glissant, ils délivrèrent Tizian in extremis avant que les racines de l’arbre ne cèdent sous la pression de la boue. Zeman lui prodigua aussitôt des soins avec le peu de potions qui lui restaient. Poil Noir lui léchait les mains tandis que Rose penchée vers lui lui parlait avec douceur. Zilia maintenait les chevaux et les caressait sur le museau pour les calmer et pour qu’ils ne s’enfuient pas par peur du déluge.

 

Entre les deux groupes, la terre s’était fendue en une faille qui allait en s’élargissant, et il était impossible que les compagnons se rejoignent. Depuis l’autre côté de l’abîme qui se creusait de minutes en minutes, Girolam hurla à Zilia avec de grands gestes qu’ils se reverraient en face, une fois qu’ils auraient trouvé un moyen de traverser la rivière en crue.

 

Zilia hocha la tête en signe d’assentiment. Pour la première fois depuis le début du voyage, elle se sentait découragée, sans la force ni la volonté de poursuivre une aventure si cruelle. Peinée pour son frère et attristée elle aussi par la mort de Borée, elle rassembla les rênes des trois chevaux qui restaient et s’approcha à son tour de Tizian. Eostrix perché sur son épaule lui donna quelques coups de bec dans le cou, lui rappelant à sa manière qu’il fallait tenir coûte que coûte, jusqu’au bout de l’histoire.

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