Chapitre 15 : Nomination

Lydia patientait dans la cour centrale depuis un bon quart d’heure. Trépignant d’un pied sur l’autre, Lydia avait du mal à rester en place depuis qu’elle avait appris que sa famille viendrait ce matin au château pour la promotion de son frère. Si Lydia ne souhaitait désormais plus que ses proches aient un lien avec les anciens, elle devait malgré tout admettre qu’elle était heureuse qu’elle et son frère vivent à nouveau sous le même toit. Le seul problème était que dorénavant son grand-père n’aurait plus aucun de ses petits-enfants à la maison. Elle espérait secrètement que cela lui ferait une excuse pour venir plus souvent lui rendre visite. Le temps continuait inéluctable son chemin et bientôt ils seraient définitivement séparés. Ce fut son grand-père qu’elle aperçut en premier. Dès l’instant où il apparut dans son champ de vision, elle se releva d’un bon et accourut vers lui. À peine, eut-il passé la grille du château qu’elle se jeta dans ses bras manquant de peu de le faire tomber. Il lui rendit son étreinte avec une joie non dissimulée.  

- C’est devenu bien calme sans toi, ma petite Lydia, s’exclama-t-il. J’en viendrais presque à regretter tes acrobaties qui me donnaient des sueurs froides.

- Vraiment, s’enquit l’intéressée espiègle.

- Presque, il a dit, rallia la voix de son frère qui venait de se placer à leurs côtés.

Lydia l’ignora superbement et reporta son attention sur son grand-père.

- Eh bien, papy ! Tu es très élégant, lui fit-elle remarquer.

En effet, le vieil homme avait enfilé ses plus beaux vêtements. Ceux-ci étaient assez sobres avec un pourpoint brun et un pantalon de la même couleur. Ses habits n’égalaient pas ceux luxueux de la noblesse, mais son grand-père n’avait en rien à leur envier. De grande taille, son allure imposait le respect.

- Il faut bien ça pour la nomination de ton frère, répondit-il en donnant une tape sur l’épaule de son petit-fils.

Lydia pouvait entendre dans l’intonation de sa voix, une immense fierté.

- C’est bon, Papy, rétorqua le principal concerné quelque peu gêné en se touchant le lobe d’oreille. Je ne fais que mon devoir.

Il avait beau jouer les modestes, Léo cachait avec peine sa joie d’être là. C’était étrange pour sa sœur qu’il aborde l’uniforme de la garde. Composé d’une tunique bleue d’une couleur légèrement plus foncée que sa robe de cérémonie et d’un pantalon noir, l’ensemble était plutôt simple. Brusquement, le jeune homme se mit au garde-à-vous. Lydia remarqua alors le capitaine Hogg qui se dirigeait vers eux. À sa vue, Lydia se rappela douloureusement l’entrainement de la veille qu’elle avait eu avec lui. De peur d’inquiéter ses proches, elle avait tant bien que mal tenté de cacher les ecchymoses qu’elle avait sur le visage. Hier comme à son habitude, le soldat n’y avait pas été de main morte et Lydia ressentait encore dans son dos, les coups de son instructeur. Ce n’est que lorsqu’il fut à leurs hauteurs qu’elle remarqua le sourire satisfait dessiné sur ses lèvres. Évidemment, il devait être heureux d’avoir une nouvelle recrue qui lui obéissait. Après avoir salué Lydia avec les honneurs dus à son rang, il tendit sa paume vers le vieil homme avec qui il eut une poignée de main franche. Il porta ensuite son attention sur Léo.

- Je suis content que vous soyez là. Nous allons de ce pas, nous rendre auprès du Grand Maitre pour acter votre nomination.

- Bien mon capitaine, répondit aussitôt son futur subordonné.

- Dans ce cas, venez avec moi, les invita-t-il.

Puis sans rajouter quoi que ce soit, il tourna les talons et se dirigea vers la porte pour entrer dans le château. Léo lui emboita directement le pas. Lydia et son grand-père les suivirent avec moins de précipitation. Lydia remarquait bien à la démarche du vieil homme que ses jambes le faisaient souffrir. Elle se retint toutefois de faire le moindre commentaire, car elle savait que son grand-père ne supportait pas de voir ses capacités diminuées au fil des ans. Elle se contenta donc d’attraper sa main et de la serrer. Pour toute réponse, l’homme esquissa un sourire et réaffirma sa prise autour des doigts de sa petite-fille.

Ils arrivèrent rapidement dans la salle du conseil où le Grand Maitre ainsi que maitre Ludovic et maitre Jules patientaient. Lydia lâcha la main de son grand-père pour se ranger aux côtés du chef du conseil. C’était là qu’était sa place. Elle salua son ainé avant de s’installer dans le siège qui lui était destiné. C’était étrange d’assumer son rôle d’héritière face à sa famille. Elle eut un pincement au cœur quand elle vit son grand-père s’assoir à l’écart de la cérémonie. Normalement, il n’aurait pas dû être présent, mais le conseil avait fait une exception pour lui. Hogg installa Léo au centre de la pièce puis monta sur l’estrade où se trouvait déjà Lydia et l’ancien. Le jeune homme posa un genou au sol et baissa la tête en attendant la suite. Le Grand Maitre se leva et déclara d’une voix forte.

- Nous sommes ici présents pour la nomination de Léo Harfang en tant que membre de notre garde rapproché.

Ses yeux s’atterrirent sur le frère de Lydia qui n’avait toujours pas bougé. Il poursuivit :

- Je vais donc vous poser une question, Léo. Désirez-vous, vous mettre à notre service ?

Le jeune homme redressa le menton et déclara sans hésitation :

- Moi, Léo Harfang souhaite me mettre à votre service.

- Relevez-vous et approchez, ordonna l’ancien.

Lydia observa son frère s’exécuter. Il s’arrêta à un mètre du Grand maitre. Celui-ci tendit sa main où il y avait sa bague.

- Jurez fidélité.

Léo posa ses lèvres sur le bijou puis dit :

- Je fais le serment de vous être fidèle ainsi qu’au conseil durant les années à venir.

Il se tourna en second lieu vers Lydia qui lui tendit à son tour le dos de la main. Il s’en empara pour lui faire un baise-main. Il continua sa déclaration.

- Je serais l’épée et le bouclier qui protégera la Grande Sage et son héritière.

Il se repositionna ensuite face au chef du conseil et conclut :

- Je suis désormais à vos ordres, Grand Maitre.

Son interlocuteur s’autorisa un sourire avant de redevenir sérieux. Il pivota alors vers Hogg pour s’emparer de l’insigne que lui présentait le soldat. Il l’épingla sur la poitrine de Léo.

- Nous vous nommons donc, Léo Harfang, soldat de notre garde rapproché.

La nouvelle recrue posa sa main sur la décoration et s’inclina avec respect.

- Ordonnez et j’obéirais.

- Je vous confie aux bons soins du capitaine Hogg, déclara le chef du conseil. Vous pouvez disposer.

Après un dernier salut, l’ancien le dépassa et quitta la pièce. Lydia était toujours étonnée de la manière dont se terminaient les nominations, mais d’un côté elle était soulagée que celles-ci ne s’éternisent pas. Elle posa ses yeux sur Léo qui rayonnait. Hogg glissa quelque chose à l’oreille de son subordonné. Le jeune homme acquiesça, puis porta son attention sur sa sœur qui s’était rapprochée.

- Je dois me rendre auprès des autres membres de la garde. Prends papy avec toi dans tes appartements. Je vous rejoindrais après.

Lydia n’eut même pas le temps de le féliciter pour sa nomination qu’il s’éclipsait déjà avec Hogg. Celle-ci ne put retenir une moue boudeuse. Elle savait que désormais Léo allait avoir des responsabilités, mais elle regrettait qu’il leur fausse aussi vite compagnie. Elle remarqua son grand-père qui se dirigeait vers elle. À l’évidence, il ne semblait pas surpris que Léo ait disparu.

- À peine nommé qu’il est déjà au boulot, s’amusa-t-il.

- Malheureusement, soupira Lydia.

Il lui ébouriffa les cheveux pour tenter de lui remonter le moral.

- Ne fais pas cette tête d’enterrement, Lydia, dorénavant ton frère restera au château avec toi. Tu devrais plutôt te réjouir.

La honte envahit quelque peu la jeune fille. C’est vrai, son grand-père allait se retrouver seul dans leur maison.

- Tu sais, Papy. Tu seras toujours le bienvenu ici donc n’hésites pas à venir nous voir.

Il glissa un bras autour de ses épaules et la rapprocha de lui.

- Je le sais bien, ma petite Lydia, affirma-t-il d’une voix douce, puis rajouta. Profitons de cet instant qui nous est accordé pour passer un peu de temps à deux. Nous n’en aurions bientôt plus l’occasion.

Lydia déglutit péniblement face à cette dernière remarque et c’est la voix légèrement enrouée qu’elle répondit :

- Tu as raison, grand-père. Allons dans mes appartements, nous y serions tranquilles. Léo nous retrouvera là-bas quand il le pourra.