Chapitre 14 : Rendez-vous avec le maire

 

  Deux jours plus tard à la mairie, le duo de policiers se dirige vers la salle des mariages.

 

    Rodes : — T’as pris un rendez-vous avec le maire ? 

 

    Dawkins : — Pas exactement ! 

 

    — Ce qui veut dire ?

 

    — Je t’explique, de par son métier, le maire a des obligations et il a pour fonction de marier des gens.

 

    — Je vois. Et alors ?

 

    — Pour faire simple, hier j’ai appelé la mairie et j’ai discuté un peu avec une responsable de la ville. Suite à cela, je lui ai posé plusieurs questions sur l’emploi du temps du maire. Grâce à cela, j’ai eu vent qu’aujourd'hui il devait marier un couple. Alors on s’invite simplement à un mariage ! 

 

    — Ça ne se fait pas de s’inviter spontanément à une cérémonie ! Et en plus, te connaissant, t’as même pas pensé à acheter un cadeau de mariage pour le gentil couple !

 

    — C’est  vrai que je n’avais pas le temps de vérifier leur liste de cadeaux de mariage. Si tu veux je te laisse pousser la chansonnette pour eux à la fin du mariage. T’as certainement la chanson parfaite pour ce genre d’occasion ! 

 

    — C’est difficile sans connaître le couple, je pourrais toujours leur chanter un classique comme Eternal flame ou si ils ont mis du temps à se marier At last my love has come along.

 

    — Tu fais dans le classique ! 

 

    — Dans ce genre d’occasion, il est déconseillé d’être trop exubérant, déjà qu’on a pas été invité. 

 

    — Tu connaissais peut-être le mari ? Il a à peu près ton âge, il s’appelle Spencer Ritter ou un truc approchant, j’ai pas vraiment fait attention à ces petits détails. 

 

    — Je le crois pas, c’est Spencer Rister, je le connais depuis des années et il m'a même pas invité à son mariage. 

 

    — Je le comprends. Qui te voudrait pour son mariage ? Pas moyen que je t’invite au mien.

 

    — T’es même pas en couple !

 

    — Ça ne change rien, pour certains événements t’es déjà sur ma liste noire. 

 

    — Pour toi, je peux le comprendre mais avec Spencer, on a toujours été proche. Quand je l’ai connu, on a tout de suite accroché, il m’avait offert son paquet de chewing-gum et moi je lui ai donné mon précieux dinosaure qui se transformait en robot. À l'époque, tous les gosses voulaient ce jouet, ma mère me l’avait offert pour compenser l’absence de mon père. Les années ont passé et on s’entendait bien. On s’aidait avec nos devoirs, on passait souvent l’un chez l’autre pour jouer à la console et il m’a toujours invité pour son anniversaire où je lui faisais des somptueux cadeaux.

 

    — Tu veux un mouchoir pour pleurer ?

 

    — Ça va, je suis seulement un peu déçu. 

 

    — T’avais vraiment un gros budget pour faire des somptueux cadeaux quand t’étais adolescent ? 

 

    — Pas vraiment mais à l’époque j’avais réussi à économiser quelques semaines à l’avance. Je lui ai acheté d’abord un joli stylo de marque, puis les années suivantes j’ai suivi la mode des cd mais au final en le connaissant mieux, je me suis contenté de lui demander simplement le nom d’un jeu vidéo qu’il voudrait compatible avec sa console.

 

    — Quand je pense que la plupart de mes copains m’offraient des livres.

 

    — J’offrais aussi des livres pour les anniversaires où j’était simplement un invité comme un autre, mais à l’anniversaire de mon pote Spencer, je faisais un effort.

 

    — Et lui, il faisait des efforts ? 

 

    — Il n’en a pas eu l’occasion, je n’ai jamais organisé de fête d’anniversaire avec mes copains, donc j’avais seulement les cadeaux de ma famille à mon anniversaire. 

 

    — C’est vrai que ton anniversaire tombe en pleine période de vacances. 

 

    — Je sais ma mère n’a jamais voulu organiser la moindre soirée d’anniversaire, pour elle c’était trop de dérangement pour pas grand chose. À la place, j’avais le droit à un joli paquet cadeau.

 

    — Je comprends ta mère. T’as pas idée du prix que ces soirées peuvent coûter aux parents. Entre la nourriture, les boissons, la musique, en plus certains louent un emplacement. C’est un vrai casse tête ! 

 

    — C’est pas un mariage non plus, au max, une quinzaine de gosses autour d’une table.

 

    — Si tu veux bien revenons à notre mariage du jour.

 

    — J’ai mieux à faire pour le moment. Je vais causer un peu avec mon vieux pote.

 

    — Mon plan s’était d’attendre la fin du mariage pour aller voir le maire.

 

    — On change le plan.

 

    Rodes se dirige vers le mari pendant que Dawkins trouve une place assise en espérant ne pas se faire trop remarquer. Mais son plan est encore chamboulé, un instant plus tard par une dame aux cheveux blancs qui s’assoit à côté du lieutenant. 

 

    La dame : — Bonjour,  je m’appelle Loïs, je suis la grande tante de la mariée. 

 

    Dawkins : — Enchanté madame, je m’appelle Hank, je suis ami avec le marié. 

 

    — Vous venez pour le buffet ?

 

    — Non, je suis là pour empêcher ce mariage, je suis secrètement amoureux de la mariée.

 

    — Vraiment ! 

 

    — Non, je plaisantais, je suis là pour le buffet comme tout le monde.

 

    — En parlant du buffet, j’ai malencontreusement coché poisson sur la carte qu’on devait retourner, mais je vous avoue que maintenant que je sais qu’il sera assaisonné d’une crème blanche, je préférerais le steak frite.

 

    — J’aurais bien fait l’échange avec vous Loïs, mais j'ai aussi choisi le poisson.

 

    — C’est à croire que plus personne ne mange de viande de nos jours ! Vous êtes la cinquième personne à qui je demande ce qu’elle a choisi et c'est toujours la même réponse. 

 

    — Il faut dire que le steak frite, c’est pas vraiment chic pour un mariage. 

 

    — Je me disais la même chose, quand j’ai coché cette case. C'est la faute du père de la mariée, un vrai grippe-sou et vu que c'est lui qui règle la note, on ne peut rien dire. Mais je le connais bien. Cette fripouille réduit les frais au minimum. Le mariage a lieu à la mairie, pas de cérémonie religieuse pour nous. Quand ma sœur l’a accueilli dans notre famille, on avait pas énormément de moyens mais on a fait les choses en grand. Lui c’est un être petit qui ose prétendre que la famille est soit-disant trop grande pour la petite chapelle. Mon œil, il ne veut pas dépenser son précieux argent.  Et la présence du maire vous me direz qu’il a fait un effort. Même pas, encore une combine pour se faire bien voir. En vrai, c’est juste parce que la réception se passe dans un restaurant qui appartient à notre maire, ils sont simplement en relation d’affaires. C’est affligeant ! 

 

    — Et moi qui voyait le maire comme un homme vertueux ! 

 

    — Le maire vertueux ! Vous ne connaissez pas le bonhomme. Si il a pu arriver où il en est, c’est qu'il a eu le soutien de son frère et de ses associés à eux quatre ils ont formé un genre de cartel du crime. 

 

    — Maintenant que vous le dites, je trouvais ça étrange, tous ces endroits que possède le maire.

 

    — C’était pourtant évident, tout appartient au cartel, il ont mis le maire en charge pour que personne ne dise quoi que ce soit sur leurs affaires.

 

    Du côté de Rodes. 

 

    Rodes : — Salut Spencer. Tu te rappelles de moi ?

 

    Spencer : — Bien sûr Peter. Qu’est-ce que tu fais là ?

 

    — J’assiste à ton mariage. 

 

    — Tu n’étais pas invité ! 

 

    — Je sais, c’est un pur hasard si je suis là aujourd'hui. 

 

    — Tu refais tes papiers ? 

 

    — Non, ce n’est pas ce qui m’amène ici. Je suis venu ici pour trouver des réponses à certaines de mes questions. 

 

    — Quelles questions ?

 

    — C’est sans intérêt pour toi. Mais apparemment je vois que t’es le genre de gars qui oublie ses vieux potes dès qu'il a trouvé chaussure à son pied.

 

    — Je t’aurais normalement invité mais tu vois ces trois demoiselles d’honneurs là bas. 

 

    Rodes tourne la tête vers les demoiselles.  

 

    — Leurs visages me disent bien quelque chose. 

 

    — Elles, elles se rappellent bien de toi, quand j'ai parlé de toi à ma promise, elle m’a dit que t’es sorti avec la plupart de ses meilleures amies. 

 

    — T’aurais quand même pu m’inviter ? 

 

    Une femme approche et lance une claque sur Rodes en l’insultant puis elle s’en va. Rodes fait comme si rien n'était arrivé et reprend sa conversation avec Spencer.

 

    Rodes : — Ce sont des choses qui arrivent tous les jours. C’est ce qu’on appelle l’effet mariage, toutes les tensions sont exacerbées. 

 

    Spencer : — Tu me comprends ?

 

    — Pas vraiment, les invités n’ont même pas l’air d’avoir remarqué ce petit incident.

 

    Trois autres femmes approchent d’eux.

 

    Rodes les ayant reconnu : — Finalement, je crois qu'on m’attend ailleurs. Bonne chance pour ton mariage. 

 

    — Merci mon pote.

 

    Rodes sort de la mairie et attend la fin du mariage pour rejoindre Dawkins qui est en tête-à-tête avec le maire. 

 

    Dawkins : — C’était un beau mariage ! 

 

    Le maire : — Si vous le dites, pour moi cela devient une routine. J’en viens à espérer que l’un des deux époux ne vienne pas. Là ce n’était encore qu’un échange de promesses mielleuses suivi d’un baisé.

 

    — Vous n’êtes pas fan de mariage ? 

 

    — C’est le métier qui me transforme, avant je n'étais pas comme ça. Je dois être à peu de chose prêt à mon deux-centième mariages cette année.

 

    — Au fait, je me présente Lieutenant Hank Dawkins et l’homme qui vient juste d’entrer et mon collègue l’inspecteur Peter Rodes. 

 

    — Vous êtes ici pour une raison précise ? 

 

    — Moi et mon collègue adorons les mariages, mais effectivement nous avons d’autres motifs pour venir vous voir monsieur le maire.

 

    — Ah bon ! Et quels sont vos motifs ? 

 

    — La police mène l’enquête sur le meurtre d’une jeune femme. Et cette enquête nous conduit à vous.

 

    — Comment ça ! 

 

    — Vous connaissiez bien Janis Martin ? 

 

    — Oui, je la connaissais très bien.

 

    — Elle allait dans vos clubs, c’est là que vous l’avez connu ? 

 

    — Pas vraiment ! 

 

    — C’est ce que je me disais aussi. 

 

    — Vous avez enquêté sur moi ?

 

    — J'ai seulement relevé quelques informations qui sont à la disposition de n’importe lequel de vos électeurs. 

 

    — Que savez-vous ? 

 

    — Je sais que vous avez eu de nombreux métiers avant de devenir notre maire.

 

    — Il faut bien gagner sa vie.

 

    — Je me demandais comment passe-t-on aussi facilement d’un job à un autre? Vous avez d’abord été un installateur du câble. Rien de particulier à nous raconter à ce sujet ?

 

    — Pas vraiment ! Après avoir eu mon permis de conduire, je voulais avoir une jolie voiture et un ami qui commençait à bien gagner sa vie en tant qu’installateur du câble m’a pris sous son aile. Je suis resté deux mois avec lui dans sa camionnette et puis j’ai eu le droit à mon propre véhicule payé par la compagnie. À l’époque ce genre de compagnie avait beaucoup de croissance et était confiante en ce qui concerne notre futur.

 

    — Je ne pensais pas à cela, j’ai aussi appris que vous aviez été chauffeur de bus sur une très courte période et que cela c’est très mal fini.

 

    — Oui, cela a probablement été la pire expérience de toute ma vie, avec ce terrible accident. Un ami de mon frère avait besoin d’un chauffeur de bus pour remplacer un gars malade, j’ai accepté de le dépanner et malheureusement ce jour-là j’ai renversé ce pauvre homme.

 

    — Vous allez arrêter de vous foutre de moi, car n’importe qui peut comprendre votre petit jeu. Ce pauvre homme entretenait une relation avec Janis Martin.  

 

    Rodes : — Oui, on a parfaitement compris ! 

 

    Le maire pleurant : — Donc, je n’ai plus qu'à tout vous raconter, je pense que sa mère a dû vous le dire. Je suis le père de Janis, enfin je l’étais.

 

    — Elle a dû omettre ce détail mais continuez, je vous prie.

 

    — Il y a de cela à peu près cinq, six ans, Janis est venue me voir avec un test de paternité prouvant qu’elle était ma fille.

 

    — Mais il n’y avait pas votre nom sur ce test de paternité ! 

 

    — J’ai eu le résultat de ce test alors que Janis n’était qu’un bébé. Je savais pertinemment bien qui était Janis, même si je n’intervenais pas dans sa vie, je l’ai toujours suivi de loin.

 

    — Pourquoi n’êtes vous pas intervenu plus tôt ?

 

    — Janis avait déjà un père et une mère, je n'étais pas assez égoïste pour briser une famille heureuse. Après la mort de son père, Janis a remarqué que le groupe sanguin de son père associé à celui de sa mère ne pouvait correspondre avec son groupe sanguin. Suite à cela, elle a demandé des explications à sa mère qui lui a donné mon adresse et le test de paternité pour me confronter. Je l’ai accueilli chaleureusement et je la traitais comme une princesse car je me sentais un peu coupable de l’avoir abandonné mais nos relations étaient apaisées depuis longtemps.  

 

    — Et si on reparlait de l’homme que vous avez écrasé avec ce bus ?

 

    — C’était un accident, l’affaire a été classée et je n’ai rien à ajouter sur ce sujet.

 

    Dawkins : — Vous savez qu’avec de nouveaux éléments on peut rouvrir une affaire classée. 

 

    — Quel nouvel élément ? 

 

    — Un père protecteur qui écrase le petit copain de sa fille. 

 

    — Vous croyez m'effrayer avec ça. Je peux me débarrasser de vous en un claquement de doigts. 

 

    Rodes : — Vous avez aussi exercé le métier de magicien ? 

 

    — Non mais croyez-moi, j'ai un grand pouvoir dans cette ville.

 

    Dawkins : — Vous tentez de nous intimider ? Je vous rappelle qu'on représente la loi et la justice. 

 

    Rodes : — Monsieur, même si mon collègue aime prendre ses grands airs avec la justice, je peux vous promettre une chose. Je connais plusieurs journalistes, si vous en prenez à moi ou mon collègue,  je divulguerai tout à la presse. Et là vous ferez connaissance avec un vrai grand pouvoir de nuisance. 

 

    — Alors on en reste là pour le moment. 

 

    Le maire : — Oui, on en reste là pour le moment. 

 

    Les deux policiers sortent de la mairie. 

 

    Dawkins : — T’as sorti la carte des médias au bon moment. 

 

    Rodes : — Je sais faire peur, c’est un de mes talents. 

 

    — Pluto, je t’ai toujours trouvé effrayant. Au fait, qui connais-tu comme journaliste ? 

 

    — Certainement les mêmes que toi, ceux qui passent à la télé. 

 

    — Il faut qu’on trouve des infos sur le cartel.

 

    — De quoi tu parles ? 

 

    — A c’est vrai que tu n’était pas avec moi quand cette femme m’a parlé. 

 

    — Si tu veux parler du fait que le maire trempe dans plusieurs affaires louches et qu'il doit avoir des associés dont trois autres qui dirigent avec lui, c’est pas une énorme nouvelle. 

 

    — T’étais au courant ? 

 

    — Tout le monde le sait, quand tu travailles dans la drogue, si tu veux être pris au sérieux il faut qu'il y ait quatre dirigeants pour qu’on appelle cela un cartel, c’est la base. 

 

    — Tu pourrais partager tes infos, ça aide dans notre domaine.

 

    — Tu penses qu’ils ont un lien avec le meurtre de Janis ? 

 

    — On ne peut pas l’exclure. Mais pourquoi le cartel s’attaquerait à elle ?

 

    — Elle devait les gêner d’une façon ou d'une autre.  

 

    — Je ne pense pas, son père fait quand même partie des dirigeants du cartel.

 

    — Quand t’es une gêne pour ce genre d’organisation !

 

    — Je sais, ils n’hésitent pas à se débarrasser de quiconque. 

 

    — C’est possible mais j’ai de gros doutes. 

 

    — Pour une fois, on est d’accord.  

 

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