Chapitre 14 : L'avenir appartient à ceux qui privilégient leur sommeil

Par Elly
Notes de l’auteur : Premièrement, je te remercie de prendre de ton temps pour lire mon histoire, ça me fait très plaisir !
Deuxièmement, je prends tous les avis et toutes les critiques à partir du moment qu'elles sont constructives et que ce n'est pas de la méchanceté gratuite ! Donc n'hésite pas à laisser un commentaire pour me donner ton avis.
Troisièmement...Bonne lecture !

L’automne était une saison que Thalion aimait bien. Quand il volait, il appréciait observer les couleurs rougeoyantes des arbres et les nappes cuivrées qui recouvraient les plaines. Ce spectacle d’une nature en train de plonger dans le sommeil l’avait toujours apaisé. Souvent, le temps nuageux ne le dérangeait pas. Mais pas cette fois-ci. Pas quand il était obligé de se lever avant l’aube alors que la fraîcheur matinale du temps le faisait trembler comme une feuille.

  —  Quel temps… marmonna-t-il en frottant ses mains l’une contre l’autre pour les réchauffer.

  —  Je t’avais dit de mieux te couvrir, le sermonna Nohan qui volait à côté de lui.

  —  Je ne pensais pas qu’il ferait aussi froid !

Effectivement, son ami lui avait recommandé de mettre au moins une écharpe, mais Thalion l’avait ignoré. Il avait cru que sa veste en cuir suffirait, mais il avait surestimé sa résistance au froid. Par les dieux, avec une température pareille, on pourrait se croire en hiver !

Les deux magériens volaient à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol depuis dix bonnes minutes, ballotés par le vent. Ce vent si glacial… Pourquoi n’avait-il pas suivi les sages conseils de Nohan ?

  —  J’espère que tu es en train de regretter de ne pas m’avoir écouté, se moqua gentiment ce dernier.

  —  Pas du tout.

  —  Menteur.

Vu son regard brillant, cette situation l’amusait beaucoup. Contrairement à lui, Nohan n’était pas en train de lutter contre l’hypothermie, emmitouflé dans son manteau qu’il avait eu l’intelligence de mettre, ainsi que des gants. Étant obligés de garder leurs mains accrochées au manche de son balai, celles-ci étaient plus exposées au froid. Les extrémités rougies des doigts de Thalion lui faisaient regretter l’absence de gants. Il eut un élan de jalousie en voyant Nohan, nullement embêté par le temps. Son ami lui jeta un coup d’œil en sentant son regard insistant sur ses mains.

  —  Si tu envisages de me voler mon manteau ou mes gants, tu peux oublier.

  —  Mince. Je suis démasqué. Il ne me reste plus qu’à mourir de froid.

Nohan leva les yeux au ciel, et Thalion se demanda s’il n’allait pas réellement finir geler avant d’arriver au lieu du rendez-vous.

  —  Rappelle-moi pourquoi je suis obligé de me lever à six heures du matin un samedi ? bougonna-t-il en essuyant son nez qui commençait à couler.

  —  Eris veut qu’on la rejoigne à la Plaine endormie à six heures trente.

  —  Ça ne m’explique pas pourquoi elle a voulu commencer l’entraînement si tôt.

  —  Elle est du genre lève-tôt, je crois…

Thalion ricana. Eris était surtout du genre insupportable. Elle était autoritaire et aimait prendre des décisions qui l’embêtait, d’autant plus quand elle était contrariée. Hier soir, quand ils l’avaient rejointe à la bibliothèque après leurs soins et lui avait résumé les évènements, Thalion eut l’impression de voir un volcan en éruption. Elle voulut confronter Camille, mais les garçons l’arrêtèrent en expliquant que Roxanne s’occupait déjà de lui, ce qui eut pour effet d’accroître sa mauvaise humeur. Eris gardait rancune envers la magérienne pour ses propos et n’appréciait pas de s’être fait devancer. Les menaces proférées toute la soirée contre Roxanne et Camille avaient de quoi faire trembler les plus malintentionnés. Lorsqu’elle les raccompagna à Sombrécorce, elle tomba sur leur sympathique voisin au crâne rasé. Entre l’instant où il cracha sur Thalion et le premier sort lancé, peu de temps s’écoula. Même si son voisin était du signe de la chauve-souris, il ne faisait pas le poids face à la magie rouge d’Eris. À défaut d’avoir pu venger Nohan, Ayden fut la cible de sa colère.

  —  Vois le côté positif, on va assister à un joli levé de soleil ! dit son ami pour le faire relativiser.

  —  Il y a des nuages, Nohan.

  —  Ça se dégagera…

Thalion soupira bruyamment, et de la buée s’échappa de ses lèvres. Qu’il y ait un levé de soleil ou pas, il s’en fichait. Ce qui lui importait, c’était de réussir à lancer des sortilèges plus compliqués sans s’évanouir. Bien utilisés, les incantations simples pouvaient surprendre et accorder une victoire, comme le démontrait son affrontement avec Camille. Mais ça ne déstabiliserait pas deux fois le même adversaire, et sur le long terme, ils s’avèreraient inefficaces face à ses congénères qui auraient progressé. La société lui était hostile. Pour survivre, il devait trouver un moyen de se développer.

Son regard s’assombrit lorsqu’il songea aux voix ténébreuses. Même si elles n’étaient pas réapparues depuis leur intervention dans les toilettes, la crainte de leur prochaine venue le hantait. Thalion ignorait de quelle sorte de mal il s’agissait, mais il craignait que soit lié à son signe. Il n’en avait pas parlé à Eris et Nohan de peur de les faire fuir. Cependant, garder ça pour lui n’était pas envisageable. La seule personne à qui il pouvait se confier, c’était Berry. Dès qu’il pourrait, il lui écrirait.

Le magérien se reconcentra sur le présent. Il toucha sa poitrine pour sentir le talisman d’Espérance caché sous son haut. Un mince sourire étira ses lèvres en repensant au sermon de Nohan lorsqu’il avait appris leur infraction dans la salle d’alchimie. Il avait finalement admis que sa capacité à accroître l’endurance, la concentration et la résistance magique pouvait être utile pour les entraînements. Thalion ne s’était jamais entraîné avec d’autres élèves et espérait que cette nouveauté lui serait bénéfique.

Ils survolèrent la Plaine endormie jusqu’à apercevoir une lumière dorée près d’un grand arbre.

  —  Ça doit être elle, marmonna Thalion. On descend, Zéphire.

Suivi d’Azrel et Nohan, ils se posèrent au sol, attendu de pied ferme par une magérienne d’aussi bonne humeur que lui. Outre l’épais manteau qui l’enveloppait, elle ne portait pas d’écharpe ou de gants, mais un bonnet en laine blanc qui emprisonnait sa chevelure volumineuse et faisait ressortir sa couleur rougeoyante. Ses joues étaient rosies par le froid et son regard, courroucé.

  —  Il est six heures trente-cinq ! Vous avez cinq minutes de retard !

  —  Et alors ? On est là, c’est le principal, rétorqua le maudit en descendant de son balai.

  —  Si tu veux progresser en magie rouge, Corvus, il faut de la discipline ! Comment veux-tu y arriver si tu n’es pas capable d’arriver à l’heure ?

Thalion grommela entre ses dents en fourrant ses mains dans ses poches. Nohan tenta de le défendre.

  —  Au moins, il s’est levé à l’heure…

  —  Ouais, alors que je devrais être en train de dormir !

  —  Ne dit-on pas que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ? argua-t-elle. Ça nous laisse plus de temps pour s’exercer. Six heures trente, c’est correct. Il m’est déjà arrivée de me lever à cinq heures pour m’entraîner.

Thalion renifla en plissant des yeux. Il faisait partie de ceux qui privilégiait leur sommeil à quelques heures de travail en plus, mais Eris était de ceux qui se négligeaient pour la réussite. Ses notes ou ses capacités n’étaient pas uniquement dues à des facilités, il commençait à le comprendre.

  —  Tu as bien fait de ne pas fixer le rendez-vous à cinq heures. Je ne serais pas venu.

  —  Faux ! Tu serais venu mais tu aurais été d’une humeur affreuse pour le reste de la journée. Pire qu’actuellement.

  —  Parce que toi, tu es guillerette peut-être ? Même un grizzli semble plus sympathique comparé à toi.

  —  C’est pour ça que tu trembles comme une feuille devant moi, répliqua-t-elle avec une moue moqueuse.

Nohan toussa pour étouffer son rire tandis que Thalion s’empressa de protester.

  —  Certainement pas !

  —  Corvus n’a pas voulu mettre de vêtements plus chauds, et maintenant il a froid, expliqua Nohan.

  —  Je pensais que ça irait ! s’énerva-t-il alors qu’Eris le gratifiait d’un regard désapprobateur.

  —  Pourquoi ça ne m’étonne pas ? soupira-t-elle avant de retirer son bonnet, libérant sa chevelure. Metaphio !

Son bonnet blanc se transforma en une écharpe duveteuse de la même couleur. Elle le lui tendit. Étonné, Thalion la prit.

  —  Tu attends quoi pour la mettre ? s’impatienta-t-elle en le voyant fixer l’écharpe sans réagir.

  —  Pourquoi tu…

  —  Oh arrête ! l’interrompit-elle, exaspérée. À ce rythme tu vas finir congeler. Et si tu tombes malade, tu vas être encore plus désagréable que d’habitude.

Thalion hésita à lui faire manger son écharpe. Il choisit de mettre son égo de côté et l’enroula autour de son cou. Immédiatement, une douce chaleur se répandit dans sa gorge. Il soupira d’aise.

Eris s’approcha de l’arbre et posa une main sur le tronc noir.

  —  Dosé Foss !

Sous leurs regards émerveillés, les feuilles cuivrées s’illuminèrent, dégageant une lueur dorée. On aurait dit que des centaines de lucioles venaient de se loger dans le feuillage.

  —  Parfait, déclara la magérienne en s’éloignant, satisfaite de son petit tour. Comme ça, on n’est plus plongés dans le noir. Maintenant, commençons ton entraînement, Corvus.

 

Thalion ignorait depuis combien de temps exactement il s’entraînait, mais le ciel s’était éclairci. Lassé de son rôle d’observateur, Nohan s’était joint à l’entraînement. Ensemble, ils s’exerçaient aux sortilèges d’illusion. Eris faisait de son mieux pour les guider. Si les tentatives de son ami n’étaient pas mauvaises, les siennes étaient plutôt…

  —  Médiocre ! Recommence !

Thalion ne répondit rien. Il ne pouvait pas. Ses poumons cherchaient désespérément à aspirer l’air sans parvenir à s’oxygéner correctement. Agenouillé sur le sol, il essuya les gouttes de sueur qui perlaient son front. Il humidifia ses lèvres sèches et déglutit pour apaiser sa gorge déshydratée. Tout à l’heure, il rêvait d’être près d’un radiateur. Maintenant, il désirait plus que tout se jeter dans une piscine d’eau glacée. Ou bien dormir douze heures d’affilée. Manipuler la magie rouge demandait une concentration inébranlable et une maîtrise parfaite de la magie. Rigueur et subtilité était de mise. Combiné à ses difficultés, c’était particulièrement énergivore. Eris était exigeante et lui supportait de moins en moins les contrecoups de ses exercices.

  —  On devrait faire une pause, suggéra Nohan en constatant son état. Regarde-le, il est trop pâle !

Thalion se remit sur ses jambes en se faisant violence pour ne pas chanceler. Il redressa ses épaules pour paraître en meilleur forme qu’il ne l’était réellement. Le talisman d’Espérance pendait à son cou. Peut-être était-ce grâce à lui, mais Thalion n’avait jamais tenu aussi longtemps. Il se sentait si proche du but, il ne pouvait pas y mettre fin maintenant.

  —  Ça va, parvint-il à articuler d’une voix plus rocailleuse qu’escompté. Je peux encore tenir.

Eris réfléchit en l’analysant de haut en bas. Thalion espéra que sa respiration digne d’un buffle en fin de vie ne l’alerte pas plus que ça, et sa détermination suffisamment visible dans son regard pour lui faire comprendre qu’il ne s’arrêterait pas.

  —  Ton mal de tête ? l’interrogea-t-elle.

  —  Supportable.

En réalité, Thalion avait l’impression qu’une hache ouvrait son crâne en deux. C’était si douloureux qu’il en avait le tournis. Mais techniquement, ce n’était pas un mensonge. S’il était encore debout, c’est qu’il était capable de le supporter.

  —  Bon. On continue encore un peu, céda-t-elle après quelques instants de réflexion.

Si le magérien n’avait pas soudainement eu de haut le cœur, il aurait davantage manifesté sa satisfaction. Il se contenta donc de hocher la tête. Cette décision déplaisait à Nohan qui n’avait pas d’autre choix que de l’accepter.

  —  N’oublie pas, visualise l’illusion que tu veux nous montrer le plus précisément possible. Imagine ce qu’on verrait, sentirait, toucherait, entendrait.

Thalion brandit sa baguette en tentant de dissimuler les tremblements de sa main. Il rassembla toute la concentration dont il était encore capable, la moindre once de magie qui circulait dans son corps. Sa tête paraissait sur le point d’exploser. L’image de Mystic, son petit chat gris, se dessina dans son esprit. Thalion se remémora la sensation de son pelage sous sa main, le son de ses miaulements, de ses ronronnements, sa façon de l’attendrir pour obtenir des caresses. Il y pensait si fort qu’il avait l’impression de l’avoir devant lui. Il prit une profonde inspiration et s’écria :

  —  Psemena !

Des étincelles rouges jaillirent de sa baguette. Puis il apparut sous ses yeux. Mystic.

Le félin se tenait à l’endroit exact où Thalion avait pointé sa baguette. L’illusion était en tout point semblable au véritable animal. Le maudit cligna plusieurs fois des yeux pour s’assurer que ce n’était pas une hallucination causée par la fatigue. Ses doutes disparurent en voyant Eris sautiller de joie et Nohan fixer Mystic. Un sourire vint illuminer son visage en contemplant le chat assis sur l’herbe qui miaulait. Il venait d’accomplir son premier sortilège d’illusion ! C’était son premier pas dans la maîtrise de cette discipline !

Nohan leva la tête vers lui, et son air réjoui s’effaça brusquement. Sa bouche s’articula, mais aucun son n’en sortit. Pourquoi le monde était devenu aussi silencieux ? Thalion n’entendait rien d’autres que les battements de son cœur dans ses oreilles. Il sentit un liquide chaud couler de son nez. Il s’essuya. C’était du sang.

La terre se mit à tourner. Non, il tombait. Son dos heurta le sol, mais il ne ressentit aucune douleur. Sa vue s’assombrit.

La dernière chose que Thalion vit avant de sombrer fut le visage affolé de ses amis penchés au-dessus de lui.

 

De la lumière. Beaucoup de lumière. Elle était si aveuglante que le magérien ne parvint à ouvrir ses yeux avant qu’ils ne s’y soient habitués. Il observa la pièce où il se trouvait.

Il était à l’infirmerie, allongé dans un des lits blancs disposés en ligne contre le mur. Thalion se redressa, puis porta sa main à sa bouche pour se retenir de vomir. Son estomac s’amusait à faire des acrobaties dans son ventre.

Un peu plus loin, deux filles discutaient. Thalion pria pour qu’elles ne le remarquent pas. Heureusement, elles étaient sur le point de partir.

  —  Je t’avais dit que ce n’était pas une bonne idée de grimper sur la statue de Divithrum. Je suis sûr qu’il t’a fait tomber pour te punir, gronda l’une d’elle.

  —  J’étais persuadée qu’un mécanisme dessus déclencherait l’entrée de la bibliothèque secrète…

Il existait des élèves qui prenaient ce ragot au sérieux ? Thalion se retint de ricaner. Il fallait être désespéré pour chercher une bibliothèque que personne n’avait jamais trouvé.

  —  Vraiment ? Dans le jardin ? Tu sais que ce n’est qu’une rumeur…

  —  M’en fiche ! Je veux souhaiter avoir de bonnes notes sans travailler !

  —  Ta feignantise te tuera…

  —  Bah quoi ? On a un contrôle demain et…

Thalion ne put entendre la suite car elles quittèrent l’infirmerie. Cette mystérieuse bibliothèque promettait bien des choses avec la réalisation de leur désir le plus cher. Thalion se surprit à se demander ce qu’il souhaiterait, si la bibliothèque était réelle. La disparition de ces voix sombres et inquiétantes ? Non, la disparition de ses migraines, plutôt. Il donnerait tout pour pouvoir manipuler la magie comme bon lui semblait.

Des bruits de pas le détournèrent de ses pensées.

  —  Je vois que tu es réveillé.

Une infirmière en blouse blanche apparut à côté de son lit. Thalion l’avait déjà aperçue lors de ses dernières visites ici, mais elle ne s’était jamais occupée de lui. Elle dégageait une aura rassurante, un calme qui poussait à la confidence.

  —  Tu as perdu connaissance ce matin et le soleil se couche, je commençais à m’inquiéter. Je voudrais m’assurer de ton état. Je peux prendre ta main ? le questionna-t-elle en la désignant.

Thalion était reconnaissant qu’elle le lui demande plutôt que de la saisir sans préambule comme sa collègue. Il ne pouvait pas toujours échapper au contact avec des inconnus, mais n’appréciait pas d’être brusqué. Il acquiesça et elle lui prit doucement la main.

Des étincelles vertes émanaient de la main de l’infirmière pendant qu’elle était concentrée à analyser l’état général de son corps. Thalion en profita pour l’observer un peu plus. Elle avait un teint foncé avec quelques taches de rousseurs parsemées sur les joues. Elle n’était pas très vieille, mais son âge avait laissé des traces sur sa peau. Le jeune homme fronça les sourcils. Son visage lui rappelait quelqu’un. Son regard dériva sur l’étiquette accrochée sur sa blouse qui indiquait son nom. Madame Delacroix. Il avait déjà entendu ça quelque part…

Elle finit par lâcher sa main, et Thalion se détendit.

  —  Ton corps semble s’être pratiquement remis. Ton organisme a fourni beaucoup d’efforts durant ton entraînement, d’où les saignements de nez. Il est fatigué et à besoin de repos. Après une bonne nuit de sommeil, tes nausées devraient disparaître, mais je vais te préparer quelque chose pour les calmer. Heureusement, tu n’as plus de migraines.

Thalion hocha la tête, avant de réaliser qu’il n’avait pas mal à la tête. D’après ses cours de magie verte, ce type de sortilège permettait uniquement de récolter des informations sur l’état de son corps à l’instant présent. Comment avait-elle pu le deviner ?

  —  Tes amis m’ont informée que tu étais régulièrement sujet à des migraines lorsque tu pratiques la magie, et que c’était la raison pour laquelle tu avais dû perdre connaissance, expliqua-t-elle devant sa confusion.

Thalion fronça les sourcils, agacé que ses confidences aient été éventées. Dans la mesure où il restait toujours avec eux, il s’était confié, mais il n’avait pas partagé ces informations qu’ils les répètent sans son accord après.

  —  Ne leur en veux pas, poursuivit-elle en devinant sa contrariété. Ils se sont faits un sang d’encre pour toi. Quand ils t’ont amené ici en panique, tu étais encore inconscient et ton nez n’avait pas cessé de saigner. Je leur ai demandé de m’expliquer ce qu’il s’était passé et si ça s’était déjà produit. En tant qu’infirmière, je suis tenue au secret médical, donc tu n’as rien à craindre.

La culpabilité le transperça un instant. Thalion ne pouvait pas leur reprocher d’avoir voulu l’aider. Il avait espéré à tort que sa précédente perte de connaissance soit la dernière et qu’il n’ait pas besoin de parler de ce mal. Si ça venait à se reproduire, autant que le service médical de l’académie soit au courant.

Madame Delacroix s’assit sur le bord de son lit. Elle replaça rapidement ses tresses derrières ses oreilles avant de porter son attention sur lui. Ses yeux ambrés ne portaient aucun jugement à son égard, seulement de l’intérêt pour son patient.

  —  Ce que tu vis n’est pas normal. Ton corps ne devrait pas réagir aussi vivement à chaque fois que tu mobilises de la magie. Tu as déjà fait des examens médicaux ?

Évidemment, Berry l’avait emmené consulter les plus grands spécialistes dans l’espoir d’identifier le problème et de le guérir, en vain. Seule une corrélation entre sa magie et ses migraines avait été établie.

  —  Oui, soupira-t-il. Les médecins n’ont jamais vu un cas comme le mien et sont incapables de poser un diagnostic. Ils préconisent des études plus poussées avec les scientomages, mais mon tuteur refuse de me laisser devenir un cobaye entre leurs mains.

  —  Je peux le comprendre. Après ce qu’ils ont fait, ils n’ont pas bonne réputation. Même dans le milieu médical, les avis sont très mitigés par rapport à leurs découvertes.

  —  Effectivement, donc je suis incurable, alors ne vous attardez pas sur ma situation.

Sa lassitude déplut à Madame Delacroix qui fronça les sourcils. Elle prit un air qui aurait pu être sévère si aucune peine ne transparaissait dans ses yeux.

  —  Tu ne devrais pas parler de toi avec autant d’inconsidération. Je suis infirmière, donc je te prierais de ne pas m’ordonner d’ignorer la souffrance d’un élève.

  —  Je veux simplement vous éviter de perdre votre temps avec moi…

… Ni entendre pour la énième fois qu’il était un cas irrécupérable et qu’on ne pouvait rien faire pour lui. Pire, qu’on lui conseille d’abandonner sa vie de magérien pour vivre comme un amagérien afin de ne pas se détruire la santé.

Madame Delacroix ignora sa dernière réplique et poursuit sa quête d’informations.

  —  Depuis combien de temps tu souffres de ce genre de migraines ? Bien avant le début des années d’or, je suppose ?

« Les années d’or ». On surnommait ainsi les trois années d’étude passées à l’académie Divithrum. Certains les considéraient comme les meilleures années de leur scolarité, mais ce sobriquet venait du potentiel magique qui se dévoilait à cette période. À partir de quinze ans jusqu’à dix-huit ans, la magie d’un magérien se développait considérablement, se travaillait et progressait à une vitesse folle. Du moins, pour la plupart des apprentis. Lui, sa seule évolution, c’était des voix démoniaques comme compagnie. D’ailleurs, était-ce à cause des années d’or qu’elles se révélaient à lui ?

  —  Oui, quand je suis entrée à l’école Magéra, lui répondit-il avec nonchalance.

  —  Donc quand tu as commencé à pratiquer… Tu n’as pas d’autres symptômes que des migraines ?

  —  Non, jusqu’à ce la quantité de magie mobilisée augmente, comme vous l’avez constaté… Loin de moi l’idée d’être malpoli mais vous pensez sérieusement pouvoir trouver la cause de mon mal ?

  —  Je ne me prétendrais pas meilleure que les autres médecins, mais en tant que diplômée en sciences magiques, les études de cas de me sont pas inconnus. J’ai des compétences qui me rendent aptes à soigner. Si je ne parviens pas à établir le lien entre ta magie et tes migraines, je trouverai un moyen de t’en soulager.

  —  C’est optimiste de votre part.

  —  Je suis une scientifique. Trouver des solutions aux problèmes m’est naturel. Revenons-en à ton mal. As-tu été traumatisé par la magie, enfant ? D’une quelconque façon ?

Thalion haussa les sourcils, dérouté par cette question.

  —  Pardon ? Quel est le rapport avec mes migraines ?

  —  Vois-tu, le cerveau humain est fascinant. Il est capable d’agir pour te protéger de quelque chose qu’il juge dangereux ou s’adapter pour te pousser à survivre. Ça peut se traduire sous différentes formes. Je me demandais si la cause de ton mal n’était pas avant tout psychologique. Un blocage dû à un traumatisme. Peut-être que ton cerveau provoque ces migraines pour t’empêcher d’utiliser trop de magie car il estime que ce serait dangereux pour toi ?

Thalion la dévisagea sans savoir comment réagir. Son cerveau le… protégerait ? En provoquant des migraines insupportables ? Il s’y prendrait bien mal parce qu’elles lui cause plus de tort qu’autre chose.

  —  Ce n’est qu’une hypothèse, mais j’ai déjà eu en charge des élèves qui avaient des blocages avec certains sorts…

  —  Eh bien, non, je ne pense pas… Enfin…

Thalion se creusa les méninges pour une explication à cet éventuel mécanisme de protection. D’aussi loin qu’il se souvienne, il avait toujours eu un bon rapport avec la magie. La mort de ses parents pourrait être la cause d’un traumatisme ? Il ne l’avait pas vu de ses propres yeux, mais…

Des exclamations interrompirent le fil de ses pensées.

  —  Tu es enfin réveillé ! s’exclama Nohan en déboulant devant son lit, accompagné par Eris.

  —  Pas trop tôt ! se fâcha la magérienne.

Madame Delacroix se leva, et son regard désapprobateur leur fit comprendre qu’ici, leur joie devait être tempérée. Nohan bafouilla en se ratatinant sur place. Eris se contenta de simples excuses. Pour les laisser à leurs retrouvailles, elle s’éloigna vérifier l’état des quelques élèves cloitrer dans les lits.

  —  Je vous ai manqués ? demanda Thalion, le coin des lèvres retroussé malgré lui.

En guise de réponse, Eris le gratifia d’une tape sur la tête.

  —  Eh ! Ça t’arrive souvent de frapper des gens à l’infirmerie ? se plaignit-il en se frottant la tête.

  —  Idiot ! Tu n’aurais pas dû forcer comme ça ! le réprimanda-t-elle avant de lui donner une pichenette sur le front.

  —  Tu aurais dû nous dire la vérité, le blâma Nohan.

  —  Oui, bon, ça va, j’ai compris. J’avoue avoir un peu abusé, mais je voulais absolument réussir, et ça a marché ! Pas vrai ?

Ses deux amis échangèrent un regard avant de soupirer.

  —  Oui, on a vu l’illusion. Quand bien même, tu ne devrais pas aller jusqu’à risquer ta santé comme ça, lui reprocha Nohan.

Thalion savait que forcer à ce point n’était pas bon pour lui, mais son envie de réussir, de progresser, persistait. Il ne se satisfaisait plus des petits sorts. Ça ne suffisait plus. Il voulait devenir plus fort. Pour se débarrasser de sa faiblesse. Pour protéger Eris et Nohan aussi, même s’il ne l’avouerait pas. Désormais, il n’était plus seul. Si ses deux nouveaux amis prétendaient assumer pleinement les conséquences de sa compagnie, lui ne le permettrait pas.

Madame Delacroix revint lui demander s’il était allergique à certains ingrédients, avant de s’en aller préparer la potion anti-nausée. Thalion en profita pour leur faire part de l’hypothèse de l’infirmière quant à ses migraines.

  —  Ton cerveau te protège de la magie ? répéta Nohan, dubitatif.

  —  Ouais, en gros.

  —  Ce n’est pas une mauvaise théorie, en soi. Mais de-là à te faire perdre connaissance…

Thalion tourna la tête vers Eris en attendant son avis. Celle-ci fronça les sourcils, pensive.

  —  Eh bien… Cette théorie est intéressante, du moins elle n’est pas irrationnelle. Il y a des magériens qui peinent avec les sorts en rapport avec leurs phobies, par exemple.

  —  Dans ce cas, Corvus ne devrait-il pas arrêter de s’entraîner le temps de creuser dans son inconscient ? anticipa Nohan.

  —  Je ne vais pas tenir l’année sans entraînements. Même vous, vous ne pouvez pas maîtriser un sort sans vous exercer. Si j’attends de trouver ce qui cloche pour pratiquer, je suis bon pour redoubler. Je n’ai pas d’autres choix que de continuer !

Nohan soupira. Il chercha un soutien auprès d’Eris, mais celle-ci haussa les épaules. Faute d’arguments, il abandonna l’affaire pour le moment.

  — Espérons qu’on parvienne à faire une séance d’entraînement qui ne finisse pas à l’infirmerie. Tu crois que tu y arriveras ? le nargua Eris en s’asseyant sur son lit.

  —  Évidemment, grommela-t-il, vexé. Je m’entraînais seul avant, tu sais ?

  —  Bien ! Au fait, on ne t’a pas félicité pour ton illusion. C’était ton chat ?

  —  Oui, il s’appelle Mystic.

  —  Il est adorable, avoua Nohan qui souriait jusqu’aux oreilles en y repensant.

  —  Vous devriez voir à quoi il ressemblait quand ce n’était qu’un chaton. Il était impossible de ne pas craquer face à lui.

  —  Qui aurait cru que tu avais un cœur aussi tendre avec les animaux, le titilla Eris. Espèce de nounours, va.

  —  Oh, la ferme, répliqua Thalion sans réussir à dissimuler son sourire.

Leur conversation se poursuivit sur les animaux de compagnie. Thalion apprit qu’Eris aimerait bien avoir un rat, et Nohan avait un golden retriever chez lui avec qui jouait souvent avec sa petite sœur.

Ce moment n’avait rien de particulier. Ils étaient juste là, en train de discuter de tout et de rien. Un moment simple, mais Thalion n’en éprouvait que de la reconnaissance.

Soudain, le malheureux ne put se retenir plus longtemps. Malgré toute sa fierté et sa bonne volonté, c’était au-dessus de ses forces.

  —  Ne m’en voulez pas, parvint-il à articuler sous leurs yeux ébahis.

  —  Comme c’est mignon, il a peur qu’on l’abandonne ! le taquina Eris.

  —  Ne t’inquiète pas pour ça, Corvus. C’est déjà oublié, s’empressa de le rassurer Nohan.

  —  Non, ce n’est pas pour ça.

  —  Bah, pour…

Thalion ne le laissa pas finir sa phrase car il vomit à leurs pieds devant leur visage décomposé, au moment où Madame Delacroix arrivait avec la potion anti-nausée.

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Sonia85
Posté le 30/10/2023
Bonjour,

Ma petite tête imagine que ses migraines n'existent pas par hasard et qu'elles l'empêchent de devenir mauvais. S'il venait à ne plus les avoir...

Phrase difficile à comprendre :
Mais le maudit avait oublié que le trajet jusqu’à l’académie "n’était pas très long", et qu’il n’était pas aussi tôt. --que le trajet était si long ?
Parce que toi tu es un meilleur exemple ? (parce que toi tu es guillerette peut-être ?)

Il ne leur avait partagé ça pour qu’ils le disent ensuite à quelqu’un d’autre sans son accord après. --Il n'avait pas partagé cette information avec eux pour qu’ils la répète à d’autre sans son accord après.

Mots en trop :
celles-ci étaient beaucoup plus exposées au froid que dans les poches. -- celles-ci étaient beaucoup plus exposées au froid.

Pourquoi ça ne m’étonne "même" pas ?
Pourquoi ça ne m’étonne pas ?

son estomac s’amusait à faire des acrobaties dans son ventre.
son estomac s’amusait à faire des acrobaties.

Mot manquant :
Il était évident qu’à côté Nohan à peine essoufflé, il semblait au bord de l’évanouissement.
Il était évident qu’à côté "de" Nohan à peine essoufflé, il semblait au bord de l’évanouissement.

Répétition :
Sérieusement ? Il y avait des élèves qui prenaient ce ragot au sérieux ?
Incroyable ! Ou ; Vraiment ? Il y avait des élèves qui prenaient ce ragot au sérieux ?

erreur de mot :
Thalion ne l’avait "déjà" aperçue lors de ses dernières visites ici,
Thalion ne l’avait "pas" aperçue lors de ses dernières visites ici,

Quand ils t’ont "ramené" ici en panique
Quand ils t’ont "amené" ici en panique

Bon courage !
Elly
Posté le 30/10/2023
Bonjour !

Effectivement, ses migraines ne sont pas dues au hasard, et pour ce qui est de leur rôle, je te laisse le découvrir au file des chapitres.. ;)

Je te remercierai jamais assez de prendre le temps de relever toutes mes fautes pour que je puisse me corriger !

Merci beaucoup, j'espère que la suite te plaira !
MrOriendo
Posté le 21/08/2023
Hello Elly,

Charmante cette chute de chapitre, vraiment x)
Bon, en tout cas cet entraînement a le mérite de poser un diagnostic sur les migraines de Thalion et la raison pour laquelle il semble être si nul avec la magie.
L'idée d'un verrou psychologique est bonne, c'est quelque-chose que j'ai déjà lu chez une autre plume récemment (no spoil) et qui m'avait bien plu. À voir ce que tu comptes faire de cet élément intrigant par la suite.

Au plaisir,
Ori'
Elly
Posté le 22/08/2023
Coucou !

Ahah, Thalion a toujours été très classe x)
Contente que l'idée te plaise ! ça, je te laisse la surprise de le découvrir ^^

Merci pour ton commentaire !
Némériss
Posté le 05/07/2023
Décidément, j'adore la dynamique entre Thalion et Eris !
Et cette phrase m'a fait beaucoup rire : "Thalion hésita à lui faire manger son écharpe" x)

C'est intéressant cette nouvelle théorie, je me demande ce qu'il en est vraiment ! J'espère que ses maux de têtes ne l'empêcheront pas d'utiliser trop de magie bien longtemps, j'ai hâte de le voir faire des grandes choses :)
Elly
Posté le 06/07/2023
Merci beaucoup pour ton commentaire ! J’aime faire des dialogues où les deux se chamaillent x) tant mieux si ça t’a fait rire !
Ahah, tu verras bien ce qu’il en est par la suite ;)
minoucheKa
Posté le 05/06/2023
tu amènes un peu de mystère et de questionnements autourt de ses migraines et pourquoi il ne peut pas faire de gros sortilèges. J'espère que les 3 amis vont chercher à le omprendre et qu'on aura bientot les réponses.

Quelques coquilles repérées:
à la place de médiser ce n'est pas plutot médire que tu voulais utiliser
ce genre d'accusation n'étaient pas prise.........était puis le reste au singulier
A bientot
Elly
Posté le 05/06/2023
Merci pour ton commentaire ! Les réponses vont mettre un peu de temps à arriver mais l'intrigue va tourner autour de ça :)
Tu as raison, je vais corriger ça, merci !
minoucheKa
Posté le 05/06/2023
t inquiete je sais attendre!!!
Reveanne
Posté le 02/06/2023
Oukouk!
On avance lentement, mais on avance.
Pauvre pauvre Thalion (en tant que migraineuse, je compatis).
J'ai eu froid pour eux (donc les décors est bien posé!)
Sinon, un souci au début : tu commences par dire qu'ils se sont levés à l'aube, soit après le levé du soleil, et puis après tu annonces qu'ils vont pouvoir voir le soleil se lever... et tout le long de la scène tout est décrit comme s'il faisait jour... ça m'a sorti plusieurs fois de la scène en mode "mais il faut jour ou il fait nuit?"
Sinon, on écrit "infirmière", mais "infermière", elle s'occupe des infirmes, pas de la ferme. ;)
voili voilou... on se revoit au chapitre suiv... hein? mais il n'y a pas le chapitre suivant! C'est un scandale! Je veux la suite moi!
-se roule par terre en faisant un caprice-
Je veux la suite!!!
Elly
Posté le 03/06/2023
Je suis contente de savoir que le décor est bien posé ! Et pour la question de l’aube, c’est ma faute, je sais pas ce qu’il s’est passé dans ma tête mais en tout cas je vais modifier cette incohérence, pareille pour la faute !
Ahah la suite arrive demain ! J’espère que ça te plaira :)
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