Baptiste referma l'ouvrage. Paul resta silencieux. Étrangement, les révélations contenues dans la biographie de Gilles d'Helmer n'avaient en rien levé le brouillard dans l'esprit de Baptiste. Beaucoup de pièces du puzzle s'étaient retrouvées mais il en restait des solitaires dont la présence semblait essentielle.
Finalement, une seule chose ressurgit.
- Paul, as-tu tué David ? demanda Baptiste.
- Tu l’as dit toi-même, gronda Paul. Ce bouquin n’est là que pour semer la zizanie entre nous. Gilles veut nous séparer par ses mensonges !
Baptiste serra les dents puis se résigna à utiliser ce pouvoir qu’il aurait préféré ne jamais invoquer.
- Paul, je suis ton créateur et je t’ordonne de me répondre honnêtement : as-tu tué David ?
- Oui, répondit l’aîné, soumis au lien créateur/petit.
Paul frémit puis s’écria :
- Il a osé coucher avec Oumou !
- David était en sine condicione avec Caly. Il était incapable d’un tel acte. Tu as dû sacrément la mettre en colère pour qu’elle en arrive à une telle extrémité dans le but de te faire réagir.
- Elle ne m’aurait pas menti sur quelque chose d’aussi grave ! siffla Paul. N’insulte pas sa mémoire !
- Je n’aurais jamais dû laisser faire, murmura Baptiste, à la limite de la folie.
- Malika aurait dû être interdite de transformation, comme je l’avais requis, s’écria Paul.
- Elle nous a protégés, Paul, rappela Baptiste.
- En créant ses filles dans notre dos ? ricana Paul. En laissant Félix tuer Kol en ton nom ?
L'aîné savait comment le blesser. Baptiste lutta de toutes ses forces. Il ne voulait pas se laisser dicter par le sine condicione ou ses sentiments. Il voulait rationaliser le moment, penser droit.
Baptiste cherchait à comprendre, à visualiser, à suivre les ramifications du schéma qui maintenait tout ça en place. Il se vit arracher le cœur de Kol puis celui de David. Son esprit lui jouait des tours. Embrumé dans la douleur, la tristesse, la mélancolie, perdu dans ses sentiments, le nord au sud, l'est à l'ouest, l'envers devant, la tête en bas. Que devait-il faire ? Qui croire ? Que penser ? Après tout, il venait de lire un livre, un simple livre. Au nom de quoi devait-il croire ces lignes ? Gilles pouvait mentir. Félix pouvait mentir. Ces mots n’étaient peut-être qu’un ramassis de conneries.
- Je vais arracher le cœur de Félix et lui faire bouffer ! hurla Paul. Et moi qui ai cru que les humains étaient responsables, que c'était une simple coïncidence. Quel idiot ! Félix avait tout prévu, tout manigancé, tout calculé. Je vais lui faire payer. La mort d'Oumou ne restera pas impunie.
« Ni celle de David », pensa Baptiste. Son petit avait été assassiné. Son meurtrier allait payer. Baptiste plongea sa main dans le torse de son frère aîné et lui arracha le cœur sans rencontrer la moindre résistance. La poussière seule témoigna du geste. Baptiste tomba à genoux et se figea. Son seul désir : la tranquillité.
Gilles se montra très rapidement. Il était accompagné d’un averti.
- Ce Vampire connaissait la loi, annonça Gilles, pour l’avoir lue dans le livre des origines. Tous les atlantes sont témoins du crime. Élisa, confirmez-vous le crime ?
- Si ça peut vous faire plaisir, dit la brune.
- Milicien, faites votre travail.
Baptiste observa l’averti et ricana.
- Vous n’aviez pas à rendre justice vous-même, annonça le milicien. La sentence pour ce meurtre est la mort.
- Bonjour, Gilles, dit une voix féminine en hauteur.
- Malika ? s’étrangla Gilles. Vous… vous n’êtes pas… ?
- Morte ? Non, dit-elle.
Baptiste ne parvint pas à déterminer s’il s’agissait d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle. Perdu dans son brouillard, il peinait à enchaîner deux pensées cohérentes.
- Comment ? bafouilla Gilles, incrédule.
- Vous aviez des atouts dans votre manche ? Moi aussi, assura-t-elle.
Gilles dévisagea son interlocutrice puis cracha :
- Comment puis-je être certain que vous êtes bien Malika et pas une de ses filles prenant son apparence ?
- Ça, il aurait fallu y songer avant, indiqua Malika. Temülün, qui a pris ma place au sein du cercle des Aar depuis des siècles, est morte à Hiroshima, me permettant d’être là, devant vous.
Gilles ne perdit en rien sa superbe. Baptiste trouvait Malika audacieuse. Elle venait de se rendre au plus profond de la ville ennemie, dont le chef avait essayé de la tuer. Baptiste supposa qu’elle disposait d’une escorte mais malgré cela, le risque restait grand.
- Vous venez assister à l’exécution de la peine de mort portant sur Baptiste ? lança-t-il d’un ton hautain.
Gilles se savait en position de force et en profitait.
- Il vient d’assassiner Paul, rappela le maître de l’Atlantide.
- Si Baptiste meurt, Juliette perd la vie, annonça Malika d’une voix calme.
- Quoi ? bredouilla Gilles en se mettant immédiatement à trembler.
- Merci d’avoir annoncé aussi précisément la position de votre petite merveille : une île dans le Pacifique. Cela nous a suffit.
- Qu’avez-vous fait d’elle ? gronda Gilles.
- Elle va bien, assura Malika. Libérez Baptiste et nous libérerons votre petite merveille.
- Sale pute ! insulta Gilles. Mes avertis ne te laisseront pas faire.
- Vos avertis, Gilles, n’en ont que faire de votre petite vengeance personnelle. Ils n’ont rien, eux, contre les puissants. Lorsque nous avons trouvé Juliette, elle écoutait, pétrifiée, la narration de Baptiste relayée par les nombreuses caméras. Nous lui avons permis d’écouter jusqu’au bout et vous savez quoi : elle vous en veut. Cette collaboration, entre nos deux communautés, lui emplissait le cœur de bonheur. Enfin, son travail était reconnu. Une autre communauté puissante la considérait comme son égale. Elle vous en veut, Gilles, d’avoir mis à mal cette alliance pour une simple histoire de vengeance personnelle.
- J’ai fait cela pour notre communauté ! Vous l’auriez…
- Je n’ai jamais cherché qu’à devenir sincèrement et honnêtement votre alliée, le coupa Malika. Je vous ai prévenus alors que les Aar se préparaient à exterminer tous les Vampires de la Terre, vous y compris. Vous avez choisi la guerre, Gilles, pour un évènement datant de quatre cent mille ans. Libérez Baptiste et mes filles reviendront pour poursuivre ce qui a été commencé. Mes filles ont tué des avertis. Vous avez tué une de mes filles en voulant m’assassiner. Disons que nous sommes quittes.
Gilles secoua négativement la tête. Baptiste entendit le grondement des atlantes. Tous exhortaient Gilles à accepter.
- Libérez-le, ordonna le maître de l’Atlantide.
Le milicien ouvrit la grille. Baptiste prit son élan et d’un bond prodigieux, traversa l’espace vertical le séparant de la liberté pour se retrouver en haut aux côtés de Malika. Il ne lui adressa ni un mot, ni un regard et elle ne tenta pas d’entamer une quelconque interaction.
Elle se retourna pour prendre la direction de la sortie. Devant le trou d’eau attendait une magnifique blonde aux yeux bleus. Ses formes à peine masquées par un top et un short moulants trempés auraient donné une érection à n’importe quel mâle. Baptiste, l’esprit en vrac, ne réagit même pas.
- Ma merveille ! s’exclama Gilles. Tu es… grande !
- Ne m’approche pas ! gronda Juliette, une moue difforme sur le visage. Tu me dégoûtes ! Tu as tout détruit !
- Juliette… murmura Gilles en reculant d’un pas.
- Tu as osé cacher ce savoir, Gilles, celui-là même qui me permettait de grandir. Tu savais et tu ne m’as rien dit. Tu m’as laissée souffrir pendant des siècles. Je ne veux plus jamais te revoir.
Gilles se figea.
- Et vous ! continua Juliette en se tournant vers la ville. Allez tous vous faire foutre ! Je vous ai crées, j’ai tout donné pour vous et vous ne m’avez jamais accordé la moindre considération. Tout ça à cause d’un corps ? Je vous souhaite bien du courage dans l’alliance avec les prêtresses du mal. Moi, je m’en lave les mains.
À ces mots, Juliette plongea dans le trou d’eau et disparut. Malika avait tenu parole : elle avait libéré Juliette. Que la merveille de Gilles le fuit n’était pas de son fait.
- Juliette, je t’aime, murmura Gilles.
Baptiste observa son petit et une nausée le prit. Cet être n’était qu’une loque. Il le dégoûtait.
- Une fois à l’extérieur, dit Malika qui adressait pour la première fois la parole à Baptiste, tu seras libre de t'en aller, de ne pas me parler, de ne plus jamais reparaître. Je ne ferai rien pour te retenir et mes filles non plus. Baptiste, je t'en conjure. J'ai une chose essentielle à te dire, essentielle pour toi et pour ton bien-être alors je t'en prie, ne pars pas avant que j'ai pu te la dire. C'est une supplication. Je me mettrai à genoux s'il le faut.
Baptiste hocha simplement la tête en retour. Il plongea et suivit Malika qui l’amena jusqu’au sommet d'une montagne de l'Himalaya. Il sentait la présence lointaine de prêtresses du mal, protégeant les environs mais ne les voyait pas.
- Je t'écoute, dit Baptiste.
- Sache tout d'abord que tu peux t'en aller quand tu veux. Mes filles sont là pour sécuriser l'endroit, certainement pas pour te retenir.
Baptiste indiqua d'un geste qu'il avait compris.
- Tu m'as tellement manqué, continua Malika. J'ai énormément de choses à te dire mais afin que tu sois en capacité de les entendre, il faut avant tout que je te parle du sine condicione.
- Qu'as-tu à me dire à ce propos ? demanda Baptiste, incrédule.
Jamais il n'aurait pensé que Malika souhaitait l'entretenir à ce sujet.
- Il n'est pas inéluctable, annonça Malika et Baptiste fut comme frappé par la foudre. Tu peux perdre cet amour violent et incontrôlable pour Kol et ne plus vivre sa perte que normalement.
- Non, c'est…
Baptiste n'en revenait pas. Il en perdait ses mots.
- Le perdre est même extrêmement simple, précisa Malika.
- C'est impossible, murmura Baptiste abasourdi. Et puis, comment peux-tu le savoir ? Tu ignores ce que c'est !
- Moi, je le sais.
Baptiste se tourna vers le nouveau venu. Il n'avait pas perçu son arrivée ni sa présence. Qui pouvait ainsi se jouer des protections d'un Vampire vieux de quatre cent mille ans ? Baptiste n'eut pas besoin que celui qui venait de parler se présente et ce même si cette apparence lui était inconnue.
- Chris, dit Baptiste en tombant à genoux.
Le brouillard enfla dans sa tête et il ne comprit plus rien.
- Comme tu peux le constater, je ne suis pas en sine condicione avec Malika et pour cause, j'ai vaincu cette malédiction il y a bien longtemps.
Baptiste ne pouvait ni parler, ni bouger. Pétrifié dans un monde obscur, toute réaction lui était impossible.
- Transforme cet homme en Vampire, ordonna Chris tandis qu'un humain blême de terreur était amené par une prêtresse du mal qui ne se donnait même pas la peine de le charmer pour le calmer.
- Je ne créerai pas de Vampire, cracha Baptiste. C'est interdit.
- Par qui ? Paul ? Celui que tu as tué, tu veux dire ? Moi ? Je te propose de le faire.
- Nous avons lutté pour exterminer les petits Vampires. Ça n'est pas pour que la menace…
- Ce Vampire sera formé à l'école de Chitchen Itza. Il en ressortira mort ou au contrôle. Tu as ma parole, indiqua Chris.
- Non, non, il ne faut… jamais…
- Tu as le droit d'être créateur, mon frère.
Baptiste se souvint d'un passage dans le livre des origines. Les avertis avaient voulu interdire aux Vampires d'être créateur mais Malika s'y était fermement opposée sans donner ses raisons.
- L'interdiction de procréer cause le sine condicione, comprit Baptiste.
- Ton côté Vampire trouve le moyen de te forcer à créer un petit, par un amour violent et incontrôlable. Deviens créateur, donne à ton instinct ce qu'il veut et il cessera de te tourmenter.
- Il ne faut pas… On ne doit pas…
Cette interdiction pesait sur lui depuis tellement longtemps et avec une force si grande que l'idée même de la transgresser l'horrifiait. Il se sentit incapable de réaliser ce que son frère lui proposait. Il se sentait faible et misérable. Sa nature de Vampire le poussait à transformer cet humain offert mais son expérience la repoussait, lui bouchait les oreilles, hurlait de ne rien faire.
- Transforme-le, gronda Chris en poussant l'humain vers Baptiste. Maintenant !
Sa voix était sèche, tranchante, autoritaire.
- Je suis ton créateur et je t'ordonne de transformer cet homme en Vampire. Fais couler ton venin en lui.
Baptiste, hypnotisé par le son de la voix de son créateur, obéit tel un automate. La sensation de créer un nouveau Vampire était tellement délicieuse. Cela faisait des centaines de milliers d'années qu'il ne l'avait pas connue. Il se laissa enivrer et le brouillard disparut. Il sut qu'il avait eu tort de se priver. Il pourrait désormais transformer autant qu'il le voulait. Le poids sur ses épaules disparut.
Il ressentit cruellement le manque de Kol mais enfin débarrassé de son aveuglement, ce fut avec violence qu'il ressentit la mort de David. Oh, son cher petit frère, plein de vie et d'amour, toujours prêt à adorer le monde, à découvrir, à s'enivrer du parfum d'une fleur, à regarder les nuages, à écouter le vent, à chanter avec les oiseaux. David, son cher frère, son petit, tué par Paul et son aveuglement.
Et soudain, débarrassé des vapeurs qui l'embrumaient, Baptiste comprit. Le puzzle se fit aisément, tout s’emboîta parfaitement. Certaines questions restaient sans réponse et Baptiste voulait comprendre.
- Gouverner des centaines de prêtresses du mal t'intéressait beaucoup plus que de vivre avec tes frères, accusa Baptiste en regardant son frère.
- Ça ne s'est pas tout à fait passé comme ça, répondit Chris. Vois-tu, un jour, Malika est venue me voir en m'annonçant qu'elle m'offrait l'opportunité de commander une force de frappe hors du commun mais qu'en échange, je devais m'éloigner de vous.
- Et tu as accepté, maugréa Baptiste.
- Mon frère, que se serait-il passé si Kol t'avait fait la même proposition ?
Baptiste frémit. Il repensa au sine condicione et secoua la tête.
- J'aurais accepté sans hésiter, admit Baptiste avant de se tourner vers Malika. Tu lui as offert le pouvoir juste parce que tu en avais marre de commander ?
- Non, je lui ai offert le pouvoir pour l'éloigner de vous, précisa Malika.
- Pourquoi ? insista Baptiste.
- Afin de pouvoir élever mes filles. Temülün a pris ma place au sein du cercle. Chris était le seul, à cause du sine condicione, à être en mesure de dévoiler la supercherie. Je lui ai donc proposé le marché. Comme j'ai détesté son accord aveugle… précisa Malika.
Baptiste indiqua qu'il ne comprenait pas. Malika continua.
- Je ne veux pas commander. Je ne l'ai jamais voulu. J'aime seconder. J'ai été le bras de droit de Chris pendant toute ma vie humaine et cela me convenait parfaitement. J'ai été obligée de commander mes filles parce qu'il n'y avait personne d'autre pour le faire. J'avais enfin l'opportunité de donner le pouvoir à quelqu'un d'autre, quelqu'un en qui j'avais toute confiance et voilà qu'il ne le prenait pas par envie mais pour me faire plaisir. C'était horrible.
- Au départ, continua Chris, je ne commandais pas vraiment. Je demandais son avis à Malika et le suivais systématiquement afin de lui plaire.
Malika grimaça. Baptiste sentit le dégoût chez son ancienne amie.
- Et puis, un jour, le miracle… continua Chris.
- Miracle ? répéta Baptiste.
- Miranda, une prêtresse du bien, est tombée gravement malade, raconta Chris. Aucun des remèdes en notre possession n'a pu la sauver. Elle a accepté d'être transformée.
- Il me semblait évident que Chris devait la transformer, continua Malika. Nous n'en avions jamais discuté. Jusque-là, je mordais mes filles moi-même mais maintenant que Chris avait le pouvoir, cela me semblait normal qu'il les transforme.
- Étrangement, je n'ai pas eu besoin de la mordre. Le simple fait que Malika me le propose et que mon esprit réalise que je pourrai transformer à volonté, éternellement, librement, sans contrainte, autant que je le voudrai, a fait disparaître le sine condicione.
Baptiste secoua la tête et son estomac se serra. Ce qu'il entendait ne lui plaisait pas du tout.
- Vous saviez retirer un sine condicione et vous ne nous l'avez pas dit ? gronda Baptiste.
- Les choses ne sont pas si simples ! s'exclama Chris. Lorsque Malika m'a offert le pouvoir, elle-même ne l'avait pas vraiment. Du fait de la surveillance étroite de Paul, Malika ne venait presque jamais au sanctuaire. Les filles vivaient en autonomie et une organisation interne s'était créée. Notre arrivée a tout bouleversé. Il a fallu redéfinir des règles et cela ne s'est pas fait sans heurts. Quelques années plus tard, je reprenais mes esprits en perdant mon sine condicione et il a fallu tout redéfinir de nouveau. Nous ne sortions pas la tête de l'eau. Je ne pouvais pas aller parler à Paul sans être sûr de mes forces. Si Paul avait appris que Malika avait enfanté puis transformé ses filles en Vampire, comment crois-tu qu'il aurait réagi ?
- Mal, très mal, admit Baptiste.
- Si de mon côté, mon autorité était branlante, la défaite était assurée, continua Chris. Je devais renforcer mes liens internes. Je n'ai pas eu le temps de le faire que nos terres se faisaient envahir par des Vampires venus d'un continent jusque-là inconnu.
- Ça fait des siècles que vous savez comment retirer le sine condicione ! comprit Baptiste, plus dégoûté que jamais.
- J'ai dû envoyer des filles dont je n'étais pas sûr espionner une organisation bien montée et bien plus ancienne que la mienne, continua Chris. Il fallait surveiller, rencontrer, discuter, échanger, suivre tout en formant et élevant les nouvelles filles. Le travail a été si violent que je n'ai pas vu le temps passer, admit Chris. Je voulais être sûr de moi. Je voulais que rien ne puisse contrer mes arguments, pas la moindre faille, pas le moindre défaut. J'ai été trop lent. Même aujourd'hui, je ne suis pas prêt.
- C'est pour cette raison que tu fais croire à Gilles que Malika commande, supposa Baptiste.
- Je travaille dans l'ombre parce que si Gilles apprenait ma présence, il cesserait tout accord et ordonnerait que tous les avertis se jettent sur moi pour me tuer. Je ne veux pas d'une guerre. Je pense que le monde est assez grand pour tout le monde et que nous pouvons partager. À nous de le faire intelligemment.
- Tu es conscient que d'Helmer est fou ? lança Baptiste.
Chris acquiesça. D’où l’importance de prendre son temps avant de se dévoiler. La réaction de Gilles était imprévisible. Mieux valait jouer la prudence.
- Les prêtresses du mal sont tes filles, n’est-ce pas ? Tu les portes dans ton ventre ? Tu as réussi…
Malika hocha gravement la tête.
- C’est comme ça que tu obtiens un tel taux de réussite malgré la rareté du don.
- Toutes mes filles ont le don, annonça Malika, sans exception. Depuis que Chris sait que seules les filles m’intéressent, il fait en sorte de ne jamais me donner de garçon. De ce fait, la rentabilité est maximale. Cela reste tout de même long, pénible et fatigant.
- Quand as-tu pris la décision de me cacher ta capacité à enfanter ? demanda tristement Baptiste à Malika.
- À l'aube de notre réunion séculaire de l'an 800. J'ai voulu amener Lucy, ma première fille, à Chris afin de la lui présenter. Je suis arrivée juste après toi. Vous avez discuté. Chris a annoncé qu'il me tuerait ainsi que mes filles si l'enfantement devenait possible pour moi.
Baptiste hocha la tête. Il comprenait.
- Je ne t'aurais pas dénoncée. Je t'aurais encouragée et soutenue.
- Je n'avais aucun moyen de le savoir et je n'aurais pas pris le risque. Face à l'un de vous, je ne suis rien, rappela Malika.
Baptiste acquiesça. Il était certain qu'en cas de combat, Malika perdrait. Il comprenait la peur et la tristesse qui avaient dû l'envahir.
- Je savais que tu pouvais enfanter, précisa Baptiste. En créant du sang, le reste devenait évident.
- Non, ce n'est pas évident, précisa Malika. Pour preuve : à ma connaissance, je suis la seule à avoir jamais réussi. Aucune de mes filles n'y parvient alors qu'elles savent créer du sang. Enfanter demande un contrôle et une maîtrise de soi que je semble être la seule au monde à posséder.
Baptiste hocha la tête.
- C'est la raison pour laquelle tu as laissé des prêtresses du bien vivre dans le monde ? Afin de maximiser les chances d'en obtenir ?
- Absolument pas, le contra Malika. Les prêtresses du mal sont nos filles et il en sera toujours ainsi.
- Pourquoi avoir ouvert cette porte en ce cas ?
- Afin d'aider les humains dans leur chasse aux Vampires, précisa Malika. Nous avons toujours été d'accord avec vous : les petits Vampires sont une aberration dont il faut se débarrasser et offrir aux humains la possibilité de le faire nous semblait une très bonne idée. La preuve : vous vous en êtes servis pour débuter l'extermination des Vampires.
- Génocide que nous aurions raté sans votre aide.
- Même Gilles a compris l'intérêt. Le monde sera beaucoup plus sécurisé et agréable maintenant que les Vampires qui y vivent sont au contrôle.
Baptiste se replongea dans ses souvenirs. Tout s'assemblait tellement mieux maintenant.
- Kol est mort par votre faute. David est mort par votre faute. J'ai tué Paul à cause de vous.
- L'enfantement n'est pas chose aisée, indiqua Chris, et Malika ne peut pas passer sa vie enceinte. Cela la fatigue beaucoup trop. Notre nombre est limité. Nous ne pouvons pas être partout à la fois. Nos filles surveillaient Gilles mais elles ont raté ses rencontres avec Félix. Nous avons découvert son existence en même temps que les Aar et il n'a pas menti une seule fois lors de son récit, se contentant d'omettre sa rencontre avec Gilles. Nous avons réellement cru que Temülün se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Nous t'avons vu tuer Kol. Ensuite, Oumou s’est faite anéantir par une bombe nucléaire et enfin, nous avons assisté au meurtre de David par Paul. Rien de tout cela n'avait de sens !
Baptiste gémit. De l'extérieur, cela semblait bien incompréhensible en effet. Chris continua.
- Pendant que vous disparaissiez sans laisser de trace, Félix se présentait à Caly, lui révélant tout ce qu'il savait : son lien avec Gilles, ses meurtres de Temülün, Kol et Oumou, mais également la scène à laquelle il venait d'assister : Paul tuant David. Quand il eut fini de parler, Caly n’a pas hésité : elle lui a arraché le cœur avant de partir. Mes filles la cherchent toujours, sans succès pour le moment.
Baptiste serra les dents. Ses amis venaient d’être vengés. Cela ne lui permettait en rien de se sentir mieux.
- Nous possédons un complexe qui offre des dernières technologies de haut vol et où tu serais libre de réaliser toutes les expériences que tu veux, dans n'importe quel domaine, indiqua Chris.
- Je te crois quand tu dis avoir fait de ton mieux et avoir été submergé ces derniers siècles. Je ne peux quand même que constater que j'aurais pu être libéré de cette douleur depuis des siècles, que si Paul n'avait pas subi cette malédiction, il n'aurait pas tué David. Tous les Aar seraient vivants si vous étiez intervenus plus tôt.
Chris voulut parler mais Baptiste le coupa d'un geste de la main.
- Je sais… Les Aar seraient vivants mais probablement pas Malika ni vos filles. J'en suis conscient. Je ne peux toutefois pas pardonner comme ça. Tu as choisi ton organisation, ta puissance, ton domaine plutôt que tes frères. Peut-être que je reviendrai vers toi, un jour, ou peut-être pas. Je l'ignore.
Baptiste se leva, épousseta ses vêtements, le visage fermé.
- Je comprends, mon frère, assura Chris. Prends le temps d’y réfléchir. Te savoir à mes côtés gonflerait mon cœur de joie. Je te supplie, mon petit, de revenir vers moi. Soigne ton cœur blessé et reviens-moi, je t’en prie. J’ai tant perdu. Tu signifies tant pour moi.
Baptiste ne broncha pas sous la déclaration. Il tenait à rester aux commandes.
- Voici les coordonnées du palais, dit Chris en montrant un bout de papier à Baptiste avant de le manger. Tu y es le bienvenu à n’importe quel moment.
Baptiste hocha la tête puis disparut. Il devait réfléchir. L'avenir s'ouvrait devant lui, très différent du passé. Il avait le choix du chemin. À lui de trouver le bon.
Ça y est, on comprend toutes les tromperies et trahisons qui ont eu lieu depuis des siècles et qui ont amenées à l'anéantissement du groupe des Aar. Chacun était rongé par de vieilles rancunes, quand d'autres complottaient derrière le dos du groupe. Il est vrai que Chris et Malika, en partant et en créant leur propre armée, ont aussi contribué à leur perte. Gilles est bel et bien fou. C'est vraiment un type détestable et je comprends qu'il ait été largué par Juliette. Je lui aurais mis une bonne tarte moi aussi. Et je comprends sa décision de plaquer tous les autres qui l'ont jugé sur son physique pendant tous ces siècles. Baptiste quant à lui avait l'air aveuglé par son amour. C'est un des seul qui a survécu mais c'est aussi un des seuls qui a été sympa et loyal jusqu'au bout.
Bref, pleins de révélations. Le cercle des Aars étant dissous, je me demande où tu nous entraîneras dans les prochains tomes.
Mes notes de lecture :
"Le milicien ouvrit la grille. Baptiste prit son élan et d’un bond prodigieux, traversa l’espace le séparant de la liberté pour se retrouver aux côtés de Malika"
> Un peu confus ce paragraphe. Je ne comprends pas bien l'enchaînement des actions.
"Cet être n’était qu’une loque. Il le dégoûtait."
> C'est vrai, moi non plus je n'aime pas Gilles 🙂
"Le perdre est même extrêmement simple, précisa Malika.
- C'est impossible, murmura Baptiste complètement perdu."
> Attention à la répétition de perdre
"Baptiste n'eut pas besoin que celui qui venait de parler se présente malgré une apparence très différente de la dernière sous laquelle il l'avait vu."
> Une longue phrase un peu dure à suivre
"Chris, dit Baptiste en tombant à genoux."
> Ouiii ! Chris enfin. J'adore Chris, c'est mon perso préféré 🙂
"et le brouillard disparu"
> disparut
"Il sut qu'il avait eu tort de se priver, qu'il pourrait désormais transformer autant qu'il le voulait et le poids sur ses épaules disparu."
> Phrase hachée par tous ces "que"
Exemple : "Il avait eu tort de se priver pendant tous ces siècles : il pourrait désormais transformer qui il voulait. Le poids sur ses épaules disparut."
> Par ailleurs, attention aux deux "disparut" pas si éloignés
"De ce fait, la rentabilité est maximale"
> Je ne sais pas si rentabilité est le meilleur mot. Surtout dit par Malika qui aime ses filles à priori. Là, elle paraît froide.
"Quand as-tu pris la décision de ne pas m'informer de ta capacité à enfanter"
> Là négation m'a surprise : "Quand as-tu pris la décision de me cacher ta capacité à enfanter" ?
Ce serait plus simple.
"Rien de tout cela n'avait de sens !"
> Mais c'est clair, ils sont tous allés super loin. Ils se sont tous entredéchirés.
"Quand il eut fini de parler, Caly n’a pas hésité : elle lui a arraché le cœur avant de partir"
> Bien fait !
"Tous les Aar seraient vivants si vous étiez intervenus plus tôt."
> C'est bien vrai ça !
"en montrant un bout de papier à Baptiste avant de le manger"
> Hein ? Avant de le manger ? Ça m'a surpris !
Je suis trop contente que tu aies aimé !
Pour les prochains tomes, entre :
- Le petit caché de Chris dont on n'a pas encore parlé
- Caly qui s'est barrée après avoir tué Félix
- Que va devenir Juliette ?
- Baptiste retournera-t-il vers Chris ?
- Que vont devenir Gilles et les avertis ?
- Chris parviendra-t-il à se faire obéir des prêtresses du mal envers qui le lien créateur/petit ne fonctionne pas ?
- Chris parviendra-t-il à faire en sorte que les Vampires pas au contrôle ne reviennent pas ?
- Et l'humanité dans tout ça ? (parce qu'on en viendrait presque à la oublier)
Bref, je crois que j'ai largement de quoi faire les 11 (bientôt 12) tomes suivants, et bien d'autres.
"Cet être n’était qu’une loque. Il le dégoûtait."
> C'est vrai, moi non plus je n'aime pas Gilles
→ Tant mieux. C’est le sentiment que j’espérais créer chez mon lecteur. Je n’irai pas plus loin dans ce commentaire car encore une fois, un autre roman reviendra sur Gilles.
"Chris, dit Baptiste en tombant à genoux."
> Ouiii ! Chris enfin. J'adore Chris, c'est mon perso préféré
→ J’en suis ravie ! C’est quand même le personnage principal de la saga :)
"De ce fait, la rentabilité est maximale"
> Je ne sais pas si rentabilité est le meilleur mot. Surtout dit par Malika qui aime ses filles à priori. Là, elle paraît froide.
→ Au contraire car quand l’enfant n’est pas une prêtresse du bien, elle le tue (car seules celles-ci sont utiles à la cause) donc il faut que la rentabilité soit maximale pour que l’enfant survive. Non pas que cela gène Malika de tuer un bébé humain qui n’est pas une prêtresse du bien (elle s’en fout même totalement, le gène vampirique créant cette distorsion mentale), mais c’est surtout une immense perte de temps et d’énergie pour elle car créer un bébé, c’est long !
"Rien de tout cela n'avait de sens !"
> Mais c'est clair, ils sont tous allés super loin. Ils se sont tous entredéchirés.
→ J’aime bien le principe que personne n’est méchant et que personne n’est gentil. Le mal n’est pas le mal par plaisir. Le bien n’est pas le bien par principe. Tout le monde est gris. C’est un quiproquo, ou la jalousie, ou l’amour, ou un manque d’attention qui créent les problèmes, comme dans ton roman où le méchant n’est pas méchant parce que. Il a des raisons et au départ, il ne l’était pas spécialement et d’ailleurs, de son propre point de vue, il n’est pas méchant. Il veut juste permettre à sa ville d’être « nettoyée » du mal.
"Quand il eut fini de parler, Caly n’a pas hésité : elle lui a arraché le cœur avant de partir"
> Bien fait !
→ Dans ma première version, il ne mourrait pas. J’ai changé d’avis en me disant que c’était bien plus logique que Caly réagisse comme ça.
"Tous les Aar seraient vivants si vous étiez intervenus plus tôt."
> C'est bien vrai ça !
→ Hé oui, Chris, mon personnage principal, a aussi ses faiblesses, ses défauts et commet des erreurs (il va en commettre d’autres par la suite). Il a des émotions. Il est faillible malgré son âge et sa puissance.
"en montrant un bout de papier à Baptiste avant de le manger"
> Hein ? Avant de le manger ? Ça m'a surpris !
→ Quel meilleur moyen pour le faire disparaître ? Le brûler ? Alors qu’il neige et qu’il fait super froid ? Manger un bout de papier ne va pas tuer ce Vampire millénaire mais au moins, l’emplacement du palais disparaît pour rester simplement graver dans la mémoire parfaite de Baptiste.
J’espère que la suite te plaira tout autant
Encore merci pour tes nombreux commentaires toujours constructifs !