CHAPITRE 14

Par Taranee
Notes de l’auteur : Bonne lecture !
Pourriez-vous me faire remarque s'il y a des fautes, ces erreurs d'accord ou des mots oubliés ? Il y a toujours des choses qui passent à travers la relecture...

PRESENT : JIO

 

- Très bien Nethan. Reste en sécurité surtout. Et si tu as un problème, tu tires sur le fil que j’ai fabriqué. N’hésite surtout pas.

La fillette hocha la tête. Jio soupira. Depuis deux semaines, son train de vie s’était tout à coup accéléré. Le jour, il s’entraînait dans les salles de combat pour renforcer sa forme physique, il côtoyait ses anciens camarades, apprenait à faire connaissance avec eux. Il avait discuté avec Maz, quelques fois, mais essayait de l’éviter. Cela n’aurait fait que l’attendrir. Il n’avait pas le temps de ressentir quoi que ce soit, il devait simplement accomplir sa mission et repartir. Même Soö l’avait dit : Il devait se débarrasser de tout sentiment inutile. Le soir, il s’entraînait avec maître Ebremo. Il avait fait de nombreux progrès et supportait de mieux en mieux la douleur liée au prix qu’il devait payer pour sa puissance. Il retrouvait peu à peu son niveau d’antan et, bientôt, la vieille femme lui apprendrait à défaire les sortilèges et les sceaux. Sa liberté se rapprochait, bientôt, il libèrerait Soö du sceau qui entravait son pouvoir. Ce que le maître de guilde ferait ensuite, il s’en fichait. Il ne voulait pas savoir si Soö comptait tuer des milliers de gens ou détruire une région de Sambremonde. Il espérait seulement sa tranquillité. Hélas, il peinait à trouver un moment de calme, à la guilde. Ses pensées l’assaillaient, le tourmentaient, l’empêchant de dormir, et il faisait des cauchemars récurrents, la nuit, des cauchemars avec des hécatombes, du feu, et toujours cette voix qui l’appelait sans jamais qu’il ne vît le visage qui lui était associé. Lorsqu’il se réveillait après un de ces cauchemars et que la nuit arrivait à son therme, il restait simplement là, allongé sur son lit, à sonder ses pensées. Il rêvait de sentir, un jour le vent caresser ses joues, il désirait revoir la lumière du soleil mais on le maintenait enfermé. Addal s’assurait qu’il ne sorte pas du bâtiment, pas même dans la cour qui était pourtant étroitement surveillée. Tout se passait en huis-clos et il commençait à se sentir claustrophobe. Pour cette raison, il avait beaucoup cogité à propos de l’identité de l’attaquant de Nethan.

C’était une personne dangereuse qui pouvait lancer une nouvelle attaque à tout moment. Elle se servait avec barbarie d’une magie qui devait être utilisée avec minutie. Et pour l’instant, c’était la seule piste qu’il avait. Il voyait le danger partout et redoutait que sa jeune amie ne se fasse attaquer alors qu’il était impuissant. Ces deux dernières semaines avaient été ponctuées d’appels réguliers à Nethan. La jeune fille l’accueillait toujours avec le sourire et lui donnait les dernières nouvelles de la face sciento-magique. Elle évitait de lui parler d’Elijah et il lui avait brièvement raconté comment ils étaient devenus amis, quatre ans plus tôt.

 

PASSE :

 

            Le jeune garçon entra dans sa chambre en claquant la porte derrière lui. Il courut jusqu’à son lit et donna un coup de pied dedans en poussant un cri de rage. Il se jeta sur le matelas, plongea la tête dans son coussin dépouillé des plumez qui avaient fait son confort et étouffa un deuxième cri. Il avait mal. Mal au dos à cause des coups de fouet, mal au cœur à cause de l’entraînement éreintant, mal à l’esprit à cause des humiliations constantes. Il donna un coup de poing dans le matelas et cela le calma quelque peu. Fermant les yeux, il se plongea dans les arcanes de son esprit et erra dans le désert noir de sa conscience, suivant au hasard un des fils qui le reliaient aux mages et aux retourneurs de l’autre face. Cette face, il l’avait déjà entrevue lorsqu’il contactait quelqu’un, ou plutôt qu’il espionnait cette personne sans qu’elle ne se rende compte de sa présence. C’était un monde fascinant, semblable au sien et pourtant si différent ! Là-bas, les gens avaient l’air heureux, là-bas, la magie était utilisée pour inventer des machines extraordinaires, des machines qui flottaient pour se déplacer, d’autres qui permettaient de contacter les gens, de voir leur image parler et bouger… Il aimait découvrir ce monde, caché derrière une personne normale qui vivait là-bas. Là-bas, il n’y avait pas de guerre, pas de racisme envers les Psaliens, comme lui, pas de guildes de mercenaires, pas de tueries de masses, ni de Allisen Soll. Il n’y avait rien de tout ça.

            Jio s’arrêta. Il était arrivé au bout du chemin. Il y avait devant lui un garçon qui devait avoir environ deux ans de plus que lui. Il commençait à peine à entrer dans l’adolescence et on voyait qu’il avait beaucoup grandi en peu de temps. Il était allongé sur le dos, les mains derrière la tête, et fixait sans le voir le sommier du lit superposé au sien. Il n’avait pas l’air heureux. Seulement perdu, loin, très loin. Sur sa joue, un joli bleu qui contrastait avec la couleur dorée et chaude de ses yeux. Il avait posé ses lunettes sur sa poitrine et, dans le reflet des verres, on pouvait voir le reste de l’immense pièce qui était un dortoir. Il y avait une multitude d’autres silhouettes dans cette pièce mais Jio ne pouvait pas voir leurs visages alors il se concentra de nouveau sur l’examen de ce garçon. Il remarquait beaucoup de blessures, pas vraiment graves, mais elles étaient nombreuses. S’était-il battu ? L’endroit où se trouvait l’inconnu donnait la chair de poule à l’enfant. Ce n’était pas comme ce qu’il avait déjà vu de l’autre face, on aurait dit un hôpital peu accueillant. Jio prit ses aises, il s’assit sur le lit, à côté du garçon qui observait toujours le sommier avec vacuité et mit son menton entre ses mains. Il se mit à parler sans même s’en rendre compte, comme si ça avait besoin de sortir.

- Désolé monsieur mais j’ai besoin de parler à quelqu’un. Et à défaut d’oreille attentive, je me conterai d’un parfait inconnu qui ne peut pas m’entendre.

Il poussa un soupir et se laissa tomber sur le lit.

- J’en peux plus. Je crois que je vais craquer. Ça fait un an que je n’ai plus vu le foyer, ça fait un an que ce salaud a tué Rosind et qu’il nous a kidnappés, moi, et tous les autres. Un an que je m’entraîne pour devenir un meurtrier alors que ça me répugne. J’ai essayé. J’ai essayé de me révolter, de soulever les foules contre la guilde, mais j’ai 11 ans. Qu’est-ce que je peux faire, sinon attendre d’être assez doué en magie pour coller une râclée à ce pervers d’Allisen Soll ? Quand je vois Maz exceller à l’entraînement, quand je vois Ewan commencer à s’intégrer alors même qu’il se pissait dessus à son arriver, ça me rend dingue. Ça me rend dingue d’être le seul à remarquer que quelque chose ne va pas, d’être le seul à ne pas vouloir me plier à leurs ordres. Ces gens me dégoûtent, cette bande d’assassins, tous des lâches qui prennent n’importe quel travail, tuent des gens, détruisent des familles, des villages, capturent de jeunes mages en prétendant que c’est la place des mages puissants. C’est quoi leur but ? Je ne comprends pas.

Un ricanement lui échappa.

- De toute façon tu n’as rien entendu. Tu te la coules douce ici, dans ton monde. Elle a l’air tellement bien, votre face. C’est incroyable ce que vous faites avec la magie…

- Je ne sais pas, ça fait sept ans que je ne suis pas sorti.

- Hein ?

Jio se retourna dans un léger sursaut. Le jeune inconnu s’était redressé ; il était assis et l’observait avec une lueur amusée dans les yeux. Il avait remis ses lunettes et passait à cet instant une main dans sa tignasse blonde avec l’espoir de de l’ordonner un peu. Qu’est-ce que… Comment ? Depuis quand est-ce qu’il l’écoutait raconter sa vie ? Le rouge monta aux joues du jeune mercenaire. Il n’avait pas prévu d’entamer une discussion. Le contact avait dû se faire inconsciemment, sans même qu’il n’eût à toucher ce garçon.

- Je ne sais pas à quoi ressemble ma face, reprit-il, je ne suis jamais sorti de ce labo depuis que j’y suis entré…

- Mais comment… Depuis quand est-ce que tu m’écoutes ?

- Depuis que tu as évoqué l’idée de coller une râclée à un certain Allisen Soll.

Il poussa un rire sincère, un rire qui redonnait l’envie d’être joyeux à celui qui l’entendait. Mais Jio eut une moue boudeuse.

- Ça ne se fait pas d’espionner les gens.

- Il ne fallait pas déballer tous tes problèmes devant moi, alors. Tu es un retourneur, c’est ça ? Tu t’appelles comment ?

- Jio.

- Moi c’est Elijah. Oh… Et crois-moi, tout le monde ne se la coule pas douce sur notre face. Ce n’est qu’un masque. Bref. Ravi de t’avoir rencontré Jio. Tu viens d’apporter une touche rigolote à ma morne journée.

Jio lui lança un regard comiquement outré puis, se rendant compte du ridicule de la situation, les deux garçons furent pris d’un éclat de rire. Lorsqu’ils réussirent à reprendre leur souffle, il se regardèrent. Quelque chose venait de naître entre eux, comme un lien indéfectible qui les reliait. Ils sourirent. Le hasard menait parfois à d’étranges situations.

 

PRESENT :

 

            Après un dernier au revoir, Jio coupa la communication. Il rouvrit les yeux, jeta un regard au plafond sans pour autant le voir, pris dans ses pensées. Il se souvenait de cette rencontre fortuite avec Elijah, de l’amitié qui en avait découlé, et il éprouvait un sentiment de nostalgie, mais il ne regrettait rien. Il ne regrettait pas d’être parti, il y a quatre ans, sans donner de nouvelles. C’était une étrange coïncidence de le recroiser, après toutes ces années, auprès de cette fillette. Elle avait l’air de tenir à lui… Qui était-il pour elle ? Comment s’étaient-ils rencontrés ? Et d’un autre côté, il commençait à se poser des questions à propos de Nethan… Quelle était sa nature ? Pourquoi lui voulait-on du mal ? D’où venait-elle ? Elle semblait si jeune et pourtant, par moment, Jio avait l’impression qu’elle en savait bien plus sur ce monde à deux faces qu’elle ne le disait.

- Arrête de te torturer l’esprit ! se morigéna-t-il : C’est pas le moment de glander, tu as encore des tas de choses à faire aujourd’hui !

C’était vrai. Et cette seule perspective le laissait vidé de son énergie. Il se leva néanmoins et sortit de la chambre qui commençait à devenir son unique refuge pour échapper à l’ambiance de la guilde. Il traversa le sombre couloir et descendit les escaliers avec la peur sourde de trébucher et de tomber dans ces marches raides. Ça lui aurait coûté la vie.

            L’entraînement se passa à merveille, en bas. Jio rattrapait ses deux ans de retard et il retrouvait son ancienne forme physique qui, sans être exceptionnelle, restait tout de même bonne par apport au niveau moyen des mercenaires. Niim lui avait proposé un combat magique en un contre un et il avait accepté. Il avait gagné en se camouflant dans es ombres et en lançant une dague renforcée de magie noire que la jeune fille n’avait pas pu voir arriver. Il ne ressentait presque plus de douleur, lorsqu’il utilisait sa magie pour des sorts simples ou de niveau moyen, et avait retrouvé sa dextérité d’antan, bien qu’il eût encore certaines réticences à se servir de ses ombres. Car après tout, elles n’avaient jamais causé que des catastrophes, détruit des familles. Un funeste cortège de morts et de malheurs le poursuivait. Il vivait avec ça, en sachant que son pouvoir avait servi à tuer des gens, qu’on le lui avait volé pour commettre des crimes mais que cela restait sa faute, puisque sa magie lui appartenait. Il vivait avec et c’était pour cette raison qu’il se devait de prendre le contrôle sur sa magie. La magie noire était un arcane obscur, un poison qui dévorait son détenteur de l’intérieur. Et celui qui ne la contrôlait pas se faisait grignoter par elle jusqu’à ce qu’elle prenne possession du corps de ce mage. C’était une magie dangereuse car elle était envahissante et douloureuse, et pourtant, elle restait fascinante de par sa puissance et sa beauté macabre. Beaucoup de gens désiraient la posséder, d’autres voulaient s’en débarrasser. Oui. Jio était résolu à garder le contrôle, à s’améliorer. Et une fois qu’il aurait défait le sceau de Soö, une fois que la guilde serait derrière lui pour de bon, il trouvait un endroit tranquille où vivre et délaisserait sa magie. Il ne l’utiliserait plus jamais.

            Jio sentit que quelque chose n’allait pas avant même d’en avoir conscience. Ce fut comme un gong qui fit tinter trois notes funèbres dans son esprit. Son cœur s’emballa alors qu’il remontait les marches après le repas ; la tête lui tourna, il dut s’arrêter et s’appuyer contre le mur pour ne pas tomber. Oui, quelque chose n’allait pas, il le sentait sans vraiment savoir ce que c’était, ni pourquoi. Il se força à calmer son cœur qui s’emballer et prit une longue inspiration. Il ne fallait pas s’inquiéter avant de connaître le problème. Il allait simplement se mettre en route, advienne que pourra. C’est ce qu’il fit. Mais ses pas semblaient lourds et maladroits. Il traîna des pieds pour arriver en haut des marches, et encore pour traverser le couloir. Il commença à entendre les gémissements lorsqu’il arriva à trois chambres de la sienne. Ils résonnaient dans le silence épais du couloir. Jio pressa le pas. À une porte de sa chambre, il distingua une silhouette affalée contre le mur et perçut une respiration sifflante. Il accéléra encore. Il arriva devant sa chambre et découvrit l’affreux spectacle.

            Maz était là, gisant au sol, couverte de bleus et de plaies. Sa lèvre était ouverte, son nez saignait. Ses phalanges se couvraient d’éraflures et de bleus, un de ses doigts enflait, il était cassé. Elle avait une jambe tendue devant elle. La manche gauche de son pantalon était déchirée et laissait à découvert une affreuse plaie qui saignait abondamment et semblait profonde. Jio retint un haut le cœur. Il leva les yeux. Sur la porte de sa chambre était accroché un morceau de papier. Dessus, une inscription :

Ne fais pas ami-ami avec l’élite des mercenaires.

- Merde ! cria-t-il.

C’était le mot. Il s’était rapproché de Maz et voilà ce qu’on lui avait fait. Il s’accroupit près de son amie. Elle suait, elle était blanche comme un linge. Jio passa une main dans les cheveux roux de la jeune femme pour les écarter de son front. Il la secoua un peu par l’épaule et elle ouvrit les yeux.

- Jio ?

- C’est moi. Bon sang, Maz, qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? Pourquoi ? Qui a fait ça ?

- Jio, je crois que certaines personnes ne veulent pas de toi ici.

- Tu sais qui t’a attaqué ? Dis-le-moi, Maz, s’il te plaît, dis-moi qui t’a fait ça ! Je t’emmènerai à l’infirmerie et après j’irai voir ces personnes.

Elle prit une inspiration sifflante et parla d’une voix essoufflée.

- Je ne les connais pas. C’était deux gars et une fille, des mercenaires de classe moyenne.

Elle eut un sursaut de douleur et Jio la retint pour pas qu’elle ne tombe. Il la prit délicatement dans ses bras, elle n’était pas très lourde. Il se mit en marche, traversant le couloir en sens inverse.

- Comment étaient-ils ? Leurs pouvoirs… Dis-moi tout ce que tu sais sur eux, Maz !

- Les deux hommes se ressemblaient un peu, je crois qu’ils étaient frères, et la femme était grande, à peine plus petite que toi. Elle avait un pouvoir d’invocation. C’est elle qui m’a fait l’entaille dans la jambe. Ils ont dit que tu n’aurais jamais dû revenir, que tu faisais baisser le niveau de l’élite. Ils ont dit qu’il fallait t’envoyer un avertissement. Jio, ils veulent te faire la peau.

- N’importe quoi ! Ils ne veulent rien du tout sinon jouer aux troubles-paix. Ne parle plus Maz, j’ai assez d’infos. Je t’emmène à l’infirmerie.

Elle hocha faiblement la tête. Jio poussa un juron et accéléra le pas. Il dévala les marches malgré le risque de chute. Le sang de Maz formait un chemin écarlate dans son sillage. Il descendit jusqu’au rez de chaussée. Il courait presque à présent et les personnes qu’il croisait lui jetaient des regards étranges. Il arriva à l’infirmerie en catastrophe en criant qu’il avait besoin d’aide en urgence. L’infirmière accourut et prit la situation en main. Elle débarrassa l’adolescent du corps de son amie qu’elle allongea dans un lit. Elle fit plusieurs allers-retours dans l’infirmerie, allant chercher bandages, potions, et se servant de ses pouvoirs pour guérir Maz et, lorsqu’elle vit Jio, encore planté là, à l’entrée de l’infirmerie, elle lui intima de partir sur le champ. Le jeune homme tenta de protester en vain. L’infirmière avait besoin de calme pour faire son travail. Elle le poussa presque dehors et referma la porte derrière lui. Jio poussa un gémissement de frustration. Même maintenant, alors qu’il n’aspirait qu’à un peu de tranquillité, on s’en prenait à lui par le biais de ses amis ! Il était un monstre, c’était affreux d’être la cause du malheur de son amie la plus précieuse. Deux frères et une grande femme ? Ce devait être simple à trouver. Il retrouverait les coupables, vengerait Maz, et une fois ceci fait, éviterait d’entretenir des relations avec ses anciens camarades. Il avait essayé de s’intégrer, voilà ce que ça avait donné. Pourquoi fallait-il toujours qu’il répande la souffrance et le malheur autour de lui ?

 

PRESENT : SOÖ

 

- Qu’a fait le garçon ? demanda Soö en voyant Addal entrer dans la salle.

Le mage de téléportation s’inclina brièvement avant de répondre d’une voix posée qui ne trahissait aucune sorte d’émotion.

- Il a emmené son amie à l’infirmerie et lui a assuré de retrouver les coupables et de la venger.

- Il ne s’est pas immédiatement mis à leur recherche ? A-t-il laissé éclater sa colère ? S’est-il servi de sa magie ?

- Non. Il a fait preuve d’un étonnant sang-froid. Il n’a rien montré de sa colère bien qu’une légère crispation de sa mâchoire ait pu être visible lorsqu’il a vu le mot que les attaquants avaient laissé. Il a immédiatement amené Maz à l’infirmerie en s’assurant que l’infirmière prenait soin d’elle. Je crois qu’il commence à peine son enquête sur l’’identité des coupables. Aucune trace de violence dans son comportement.

Soö poussa un ricanement.

- Ce n’est pas ce que j’avais prévu. On dirait bien que ce petit pion cherche à s’émanciper de mon contrôle… Bien. Félicitations, Addal, ta filature a été très discrète. Continue de surveiller notre jeune invité. J’ai cru comprendre qu’il recommençait à utiliser sa magie… C’est une avancée. Mais ça ne va pas encore assez vite. Il lui faudrait un choc… Quelque chose qui le mette définitivement en colère. Je l’ai assez titillé comme ça. Passons à la dernière étape et voyons ce que ça donne.

- Bien.

Addal hocha la tête et se détourna, sortant de la pièce d’un pas raide. Soö savait que celui qu’il considérait comme son bras droit n’approuvait pas toujours ses méthodes, mais lui non plus, ne comprenait pas. Soö ne voulait pas seulement motiver Jio à travailler, il voulait faire de ce garçon une arme destructrice. Son pouvoir en valait la peine. Il fallait le détruire, le briser. Et pourtant, malgré toutes ces tentatives pour qu’il perde définitivement son sang-froid, l’adolescent avait résisté.

- Je le savais. murmura Soö pour lui-même : Tu n’es pas guidé uniquement par la colère, hein ? Jio Ateëm…

Un sourire pervers s’étira sur le visage du maître de la guilde. Il passa la langue sur sa lèvre supérieure et poussa un rire discret.

- Tu es très amusant, Jio. Mais n’espère même pas me tromper. Tu n’es pas comme lui. Personne ne peut lui ressembler. Ce n’est pas dans la nature humaine.

Oui, à première vue, Jio était semblable à cette personne, ce frère qu’il avait admiré et respecté, ce frère qu’il voulait honorer. Et c’est ça qui le rendait fou. Jio… Ce gamin ressemblait tellement à son frère, la gentillesse, la loyauté, cette horreur de l’injustice. Cette naïveté, peut-être… Et malgré cette ressemblance, il avait réussi à s’attirer les faveurs du Duc. De son bon à rien de père. Comment un gosse comme lui avait-il pu devenir le pion bien aimé de son géniteur alors que ce même géniteur avait haï son frère : la chair de sa chair ? Pourquoi ce mage d’ombres avait eu ce privilège, pourquoi lui et pas son frère ? Jio n’était pas ce qu’il prétendait être. Il essayait de se cacher sous ses apparences de gentil garçon, de noble homme. Mais il était autre chose, Soö l’avait senti dès qu’il avait repéré ce garçon, dans Poralguar. Il cachait quelque chose, comme un secret que même lui ne soupçonnerait pas. Oui. Soö le prouverait. Il lui prouverait que personne n’était aussi gentil que lui. Que l’humanité n’était qu’un ramassis de déchets, d’assassins, d’égoïstes qui ne désiraient que leur propre tranquillité. Il aimait son frère, il cherchait désespérément à le retrouver de puis qu’Erlein Nowise les avait séparés, mais il ne supportait pas la naïveté de cet adolescent qu’il avait connu. Il ne comprenait pas qu’une telle gentillesse, une telle loyauté ait pu naître chez ce frère alors même qu’il n’avait jamais reçu d’amour. C’était un être hors normes. Anormal, dysfonctionnel ; gentil dans un monde où le mal régnait en maître. Ce n’était pas concevable. Soö détestait avoir tort et ce frère lui donnait tort.

 

PASSE :

            Le jeune adolescent vint s’asseoir aux côtés de son grand frère. Ce dernier sondait le ciel depuis les hauteurs du balcon, le regard lointain et un sourire rêveur accroché aux lèvres. Soö tapota l’épaule du jeune homme. Qui sursauta et perdit son air rêveur. Il se tourna vers son petit frère. Un bleu s’était formé sur sa pommette, il faisait presque partie de son visage, tellement il était récurrent.

- Qu’est-ce qu’il y a Soö ?

- J’ai apporté à manger.

Le garçon tendit un morceau de fromage à son frère qui lui ébouriffa les cheveux.

- Merci, demi-portion.

- Tu n’as pas mal ? Père a frappé fort, cette fois.

- Ça va. Me fouetter dix-huit fois pour mes 18 ans… Père a toujours eu un sens de l’humour particulier.

Le plus grand poussa un petit rire qui agaça son cadet.

- Pourquoi tu supportes ça ? demanda Soö : Pourquoi tu restes gentil, aimable, alors que père te fais subir des atrocités pour la seule raison que tu n’as pas hérité de son pouvoir ? Arrête de rire ! Il n’y a rien de drôle ! Tu fais toujours semblant d’aller bien alors que tu ne peux pas aller bien. Personne ne reste gentil lorsqu’il se fait maltraiter !

- Tu n’as pas foi en l’humain, Soö ? Moi oui. L’être humain, homme ou femme, est bon. Il peut être altruiste, loyal et foncièrement gentil. Tu ne crois pas ?

- Non, je ne crois pas ce que tu dis. Personne n’est comme ça. Personne n’est désintéressé dans ses actions. Sinon, pourquoi y aurait-il eu des guerres ? Pourquoi papa se déchaînerait-il sur toi ? Pourquoi les mages noirs seraient aussi mal vus ? Pourquoi y aurait-il tant de mal dans le monde si les gens étaient capables de gentillesse ?

- Ton esprit est aiguisé, petit frère, mais pas encore assez. Il y a des guerres parce que le monde change. Papa se déchaîne sur moi car il doit te préserver, toi, puisque tu es son légitime héritier et que tu prendras sa place au conseil. Il y a des préjugés sur les mages noirs car les gens ont parfois peur du noir. Ce n’est pas pour autant qu’ils sont méchants. Cela veut seulement dire qu’ils ont vécu des choses.

- Je ne te comprends pas, grand-frère. Je ne comprends pas que tu puisses être aussi naïf.

- C’est toi qui n’es pas assez naïf, Soö. répondit l’intéressé en passant un bras autour des épaules de son jeune frère.

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Canopus
Posté le 03/07/2022
THÉORIE!!!!! Le frère de Soö est Jack! ... oui bon je sais c'est complétement tirer par les cheveux, en plus il me semble que les ages ne correspondent pas. Mais bon voila, j'y ai pensé ^^'

Sinon, encore un super chapitre!

On voit vraiment la progression de Jio, que se soit son mental, sa magie ou son physique.

Et j'aime beaucoup le passe de Soö. On peut voir ses plans, ses émotions et ses idées farfelus. C'est génial.

La rencontre entre Elijah et Jio est très drôle aussi. Ça me rappel vraiment mes amitiés virtuelles dont une avec qui je suis très attaché et qui a commencé pratiquement pareille. Donc merci ;) En plus, le fait que tous les personnages soient relier est aussi une très bonne idée ^^

Bref, merci pour ce chapitre et à la revoyure !
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