Chapitre 13 : Le Ouestien estien

 

Les deux voyageurs furent accueillis par des lances et des regards méfiants. Les Kaplas n’étaient visiblement pas de bonne humeur. Mais il en fallait plus pour faire perdre son sourire à Kotla.

- Bonjour, nous aimerions parler à votre chef. Un grand danger pèse sur vous, nous sommes venus vous prévenir.

Le Baroudeur le laissa parler, rabattant son chapeau blanc sur ses yeux. Il avait séjourné de nombreuses fois chez les Kaplas, sa dernière visite remontait à à peine plus de deux ans. Pourtant, les regards qu’on lui adressait étaient chargés d’agressivité.

Ils furent menés à la tente du Pâ, dans un silence que le sourire avenant de Kotla ne parvenait pas à briser.

- Que vos forêts soient giboyeuses, lança le chef qui fumait de l’herbe-soupir dans un pipou.

Son grand nez épaté croulait sous les rides de ses joues, ses yeux bruns semblaient noirs tant il avait l’air sombre.

- Que les Esprits veillent sur vous, répondit Kotla.

Le Pâ leur fit signe de s’asseoir. Il regardait à peine le Pokla, fixant plutôt le Baroudeur d’un air étrangement lourd. Ils ne s’étaient pourtant pas quittés en mauvais terme.

- Qu’est-ce qui amène le très célèbre Baroudeur ici ? grinça-t-il.

- Nous sommes venus vous prévenir, fit Kotla. Nous nous sommes échappés de la Compagnie, et nous savons qu’elle a prévu de s’attaquer à vous.

Cette fois, les yeux du Kapla pivotèrent pour considérer véritablement Kotla.

- Comment ça ?

- Une offensive va être lancée par la Compagnie. Son but étant de réduire en esclavage toute votre tribu.

Les lèvres du Pâ se retroussèrent sur des dents jaunâtres.

- Dans combien de temps ?

- Ils arriveront au plus tôt dans une semaine.

Les longs doigts de son interlocuteur se contractèrent.

- En êtes-vous sûrs ?

- À 89 %, lâcha le Baroudeur.

Le chef des Kaplas plissa les yeux.

- Puis-je savoir pourquoi vous arborez cet uniforme ?

Le Baroudeur se tendit.

- Ça me regarde, Imôtep.

Kotla se mordit la lèvre. Appeler un Pâ par son nom était très impoli. Ce dernier frappa le sol de son bâton gravé.

- Tu es décidé à ne m’épargner aucun déshonneur, Baroudeur. Je ne pensais pas que tu oserais reparaître ici après ce que tu as fait.

L’intéressé fronça les sourcils.

- Et qu’ai-je donc fait qui me vaut un accueil si froid ?

Imôtep souffla bruyamment par les narines.

- Ne me dis pas que tu as oublié, gronda-t-il.

- Oublier quoi ?

- Qu’est-ce que t’as encore fait, Barou ? fit Kotla à mi-voix.

- Mais j’ai rien fa…

Il suspendit sa phrase. Il se souvenait de quelque chose.

Il se tendit. La gamine avait-elle cafté ?

Le Pâ émit un aboiement sec, un de ses gardes passa la tête dans la tente.

- Va chercher Sora et son fils, siffla le meneur sans quitter le Baroudeur du regard.

Oh putain elle a cafté…

Kotla se massait les tempes. Imôtep ne dit plus un mot jusqu’à ce que des pas se fassent entendre devant la tente.

- Il y a exactement vingt-six mois, tu es venu nous vendre des pistols comme tu en avais l’habitude. Tu t’en souviens, Baroudeur ?

- Oui, oui.

- Tu n’es resté que trois jours, mais tu as trouvé le temps de déshonorer une de nos filles !

- Oh non, t’as pas fait ça, Barou… gémit Kotla.

- Oui bon, ça va.

- Ça ne va pas !

Le Pâ avec presque crié.

- Entrez ! tonna-t-il vers l’extérieur.

Une jeune femme entra, sa longue chevelure coiffée d’innombrables tresses. Elle stoppa net en apercevant les invités. Elle serra un peu plus l’enfant qu’elle avait dans les bras. Le bambin planta de grands yeux gris dans ceux, étrangement similaires, du Baroudeur.

Il crut s’étouffer.

- Figure-toi que Sora a accouché neuf mois plus tard, alors qu’elle n’était même pas mariée, d’un enfant aux yeux clairs !

Sora rentra la tête dans les épaules. Kotla se frappa le front du plat de la main. Le Baroudeur, lui, n’osait y croire.

- Comprends-tu, Baroudeur ?! Tu vas devoir réparer cette faute !

Le Pâ cessa soudain de crier, ses yeux réduis à deux fentes étaient fixés sur son interlocuteur.

- Tu connais nos coutumes… tu dois te marier avec elle.

- Ah non !

Imôtep sursauta et le foudroya du regard.

- Tu oses refuser ?!

- Je ne me marierai avec personne !

- Dans ce cas tu vas…

- Stop !

Kotla s’était interposé entre eux alors que les gardes Kaplas étaient entrés dans la tente, lances en main.

- Il y a plus important, la Compagnie va vous attaquer ! Vous réglerez vos comptes plus tard !

Le Pâ émit un bruit entre le grognement et le toussotement. Il hocha gravement la tête, mais ses iris sombres étaient toujours vrillés dans ceux du Baroudeur.

- Je vais convoquer mes conseillers. Sora, emmène ton gamin ailleurs. Et toi aussi Baroudeur, sors de cette tente !

- Il vous faut fuir au plus vite, fit Kotla, vous n’êtes pas de taille à lutter contre la Compagnie…

- C’est à nous d’en décider, petit Pokla ! Je t’autorise à rester ici pour nous fournir des informations, mais les autres, DEHORS !

Sora bondit hors de la tente, son enfant serré dans ses bras. Le Baroudeur la suivit, la mâchoire contractée.

Un attroupement s’était formé autour de la tente du chef, il dut jouer des coudes sous une foule de regards houleux pour pouvoir s’extirper de la masse. Sora, elle, se dilua dans l’assemblée. Il grinçait des dents alors qu’il rejoignait son cheval. Il voulut prendre un peu l’air et monta en scelle pour traverser le guet et rejoindre une rive plus tranquille.

Il attacha son cheval à une branche et donna un coup de pied dans une pierre, ce qui eut pour effet de presque lui casser les orteils. Il vomit une flot de jurons et s’écroula sur la berge. Ses yeux se posèrent sur le camp des Kaplas, de l’autre côté de la rivière. Il broya une touffe d’herbe entre ses doigts.

Il se rappelait vaguement de Sora. Lorsqu’il était venu vendre les armes, il l’avait surprise entre deux tentes, et l’avait tout de suite trouvée à son goût. Il le lui avait fait comprendre. Il avait été très satisfait quand elle avait accepté de coucher avec lui, la veille de son départ. Son ego aimait bien les vierges, à l’époque.

Mais il n’aurait pas pensé qu’une nuit suffirait pour qu’elle tombe enceinte.

Il se griffa les doigts sur un caillou en martyrisant les brin d’herbe, ce qui lui fit de nouveau cracher tous les jurons qu’il connaissait.

Il n’avait jamais voulu d’enfants. Pour lui, la question ne se posait même pas. Les enfants, c’était des contraintes, même si la mère acceptait de s’en occuper. La seule personne avec laquelle il aurait pu en avoir c’était…

Il enfonça son chapeau sur ses yeux et s’allongea. Mieux valait dormir que de penser à ça.

 

***

 

Il fut réveillé par une personne qui tentait de l’étrangler. Il bondit aussitôt sur ses pieds, attrapant son arme. Il la pointa sur son agresseur qui avait bien vite relâché son emprise.

- Gha.

Il reconnut l’enfant de Sora et eut un soupir. Cette dernière se précipita vers lui.

- Je suis désolée, je ne voulais pas qu’il te dérange !

Elle attrapa son fils qui se mit à gigoter.

- Qu’est-ce que tu fais là ? grinça le Baroudeur.

Elle baissa les yeux.

- Je… je voulais te parler…

- Je ne me marierai pas avec toi.

- Non… enfin ce n’est pas pour ça que…

- Pour quoi alors ?

Elle avait du mal à maintenir son bambin contre elle. Il commençait à chouiner.

- Je… j’aimerais que tu lui donnes… un nom…

- Quoi, il en a pas ?

Il se rappela à cet instant que seuls les pères nommaient les enfants chez les Kaplas.

- Tu me demandes ça à moi…

- Personne n’a voulu le faire et… enfin, un humain sans nom ce… ce n’est pas vraiment un humain…

- J’sais pas moi.

Il se rassit en grommelant. Sora laissa son fils libre et celui-ci se précipita sur le Baroudeur pour promener ses doigts boudinés sur son corps.

- Pourquoi il me tâte comme ça ?

La jeune femme chercha à éviter son regard.

- Il… il ne voit pas très bien…

- Il est aveugle ?

- Non… mais il ne voit pas très bien. C’est peut-être la couleur de ses yeux…

- Je vois très bien, merci.

- Gha.

Le Baroudeur baissa les yeux sur… son… son… fils.

Il avait la peau et les cheveux de sa mère, mais quelque chose dans la forme de son visage - et dans ses prunelles bien sûr - n’avait rien d’estien. Aucun doute n’était possible.

- Pardon, lâcha le Baroudeur d’une voix sèche. J’aurais pas dû t’entraîner là-dedans.

Sora le considéra d’un air grave avant de reporter son regard sur son village.

- J’ai aussi ma part de responsabilité, dit-elle. C’est moi qui ai accepté. Je sais que tu ne m’aurais pas  forcée. Alors, pardon.

Il grogna quand l’enfant vint promener ses mains vers son entrejambe et le repoussa.

- Tu as changé… souffla Sora. Avant, tu ne te serais pas excusé.

Il ne répondit pas. La jeune femme ramena son fils près d’elle, perdue dans la contemplation de l’eau miroitante.

- Tu veux quoi, comme nom ? demanda-t-il.

- Hein ? Heu… je… je n’ai pas le droit de…

- J’m’en tape de vos coutumes, si t’as une idée, dis-le.

- Je… je voulais lui donner un nom qui renvoie à ses deux parents à la fois. Ni estien, ni ouestien. Enfin, ce serait bien.

- Je vois… mais je connais pas de nom qui soit ni l’un ni l’autre…

- Barou !

Le Baroudeur vit la silhouette de Kotla traverser le guet, pressant son cheval.

Il arriva dans un tonnerre de sabot et bondit de sa monture.

- C’est terrible !

- Arrête de geindre. Qu’est-ce qu’il y a ?

- C’est… c’est le Pâ, il a décidé avec ses conseillers de ne pas s’enfuir. Ils veulent se battre.

Le Baroudeur se massa les tempes.

- Ça ne m’étonne pas de lui.

- Il faut essayer de le convaincre, de…

- Si toi, même avec ton pouvoir, tu n’as pas réussi à lui faire changer d’avis, alors je vois pas comment moi je pourrais. Je te rappelle qu’il m’en veut un petit peu. Tant pis pour lui. Allez, on y va.

- Quoi ? Mais il faut les aider !

Le Baroudeur planta ses yeux acier dans ceux de son ami.

- Non. Ils ont fait leur choix, c’est leur problème. Nous on a fait tout ce qu’on pouvait. Il faut se dépêcher, plus y a de distance entre nous et la Compagnie, mieux on se portera.

- Mais tu ne peux pas les abandonner !

- Regarde-moi bien.

- Baroudeur !

Il tourna la tête vers Sora. Elle serrait compulsivement son fils contre elle.

- Avons-nous la moindre chance contre la Compagnie ?

- Non.

Elle vacilla, baissa la tête. Un instant de rage passa dans ses iris avant qu’elle ne retrouve un air plus docile. Mais déterminé.

- Prends-le alors, s’il te plaît.

Elle lui tendit son fils qui s’était un peu calmé et l’observait de ses grands yeux gris.

- Ah, non !

- Mais il va mourir s’il reste ici ! Ou pire, il peut être réduit en esclavage ! Je ne veux pas ça pour lui, s’il te plaît !

Le Baroudeur, tendu, fixait l’enfant qui lui renvoyai son regard. Ses dents grincèrent.

Il savait qu’il ne pouvait pas s’occuper d’un enfant. Il le savait. Il en était incapable.

- Viens avec nous, alors, trancha-t-il.

Sora eut un mouvement de recul.

- Quoi ? Non, non. Je ne peux pas abandonner ma tribu…

- Tu préfères abandonner ton fils ?!

- C’est ton fils aussi !

Un silence s’écrasa entre eux.

- Pa… pardon… bafouilla-t-elle.

- Barou, on ne peut pas laisser faire ça…

- Oh toi, ta gueule ! Tu ne connais pas Spart aussi bien que je la connais ! Si elle nous attrape, le sort qui nous attend sera pire, mille fois pire que la mort ! Alors, c’est non !

Il était essoufflé sans avoir couru. Un orage se mit à gronder au-dessus de leur tête. Pourtant, l’instant d’avant, le soleil brillait dans le ciel.

Le Baroudeur sursauta quand un éclair s’écrasa non loin. Son fils se mit à pleurer, lui à trembler.

- C’est Chiara… murmura Kotla.

- Oui bah c’est bon ! J’ai compris !

Il lança un caillou dans l’eau, produisant une gerbe qui les éclaboussa tous.

- Je vais rester ! Mais va falloir pondre un putain de plan de malade, parce que c’est pas avec vos trois pauvres pistols que vous allez tenir ! ‘Tain !

Sora eut du mal à retenir ses larmes.

- Merci, souffla-t-elle.

Kotla passa un bras au-dessus de ses épaules.

- Bravo, Barou.

- Lâche-moi toi, tu vois que je suis énervé ?!

Il se dégagea d’une secousse. Ses yeux brillaient.

Une pluie se mit à tomber.

- Je vais aller réfléchir, lâcha-t-il avant de s’enfoncer dans la forêt qui bordait la rivière.

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Guimauv_royale
Posté le 17/04/2022
Coquiles
- les techniques de combat réoroises,
- Il désigna un petit sachet de cuir attachée (attaché)
- une énergie encore plus grand (grande) en lui.
- Elle pouvait encore vivre des années heureuse(s)
- la vieille femme entrouvrir les paupière (s)
- Elles sortiraient vainqueurs de cette épreuves. (Épreuve)
- Elles sortiraient vainqueurs (vainqueures) de cette épreuves.
- Elles avaient grandi ensembles,
- — Qui ya-t-il ? (Y a)
- Ses doigts semblaient gourds (???)
- Elle avait accompagné l’armée bien qu’elle ne combatte pas.
- et ses bijoux serties (sertis) de pierres précieuses.
- Il se glissait entre les tronc, (troncs)
- une dague effilé (effilée) dans la main.
- pour donner un puissant couple poing (coup de poing ?) ganté
- qui n’étaient pas déjà (à ?) terre.
- Une gueule de feu surgit du néant et fondit avec un rugissement qui fit trembler les troncs sur la Sylvienne. (?)
- avec un cri de rage et   (il y a un espace en trop) d’excitation.
- Les combats s’étaient rapprochés du villages (village)
- Mais rien ne la fit reculer. (Ferait)
AudreyLys
Posté le 27/04/2022
Merci x)
Sorryf
Posté le 21/01/2020
Aaaaawwwww un Chibi Barou ! je propose qu'on l'appelle comme ça <3 !
J'ai beaucoup aimé ce chapitre et les nouveaux enjeux qu'il apporte ! (le bébé!!!!)

"Mais il n’aurait pas pensé qu’une nuit suffirait pour qu’elle tombe enceinte." -> O.o il est bête ou quoi ? Ou était-il pendant les cours de SVT xDDD je pense que tu devrais plutôt dire qu'il s'était pas posé la question parce qu'il en avait intercosmiquement rien a foutre, vu qu'il se barrait le lendemain, pas son problème. En plus ça montrerait comme c'était un connard avant !
(meme si comme a dit Sora : les torts sont partagés)

"- Ça me regarde, Imôtep." -> ça m'a fait penser à Asterix mission Cléopatre, et j'ai rigolé beaucoup plus que j'aurais du

je suis HYPER FRUSTREE que tu aies terminé le chapitre sans donner un nom au petit !
s'il meurt sans avoir de nom
si Barou meurt sans lui donner de nom
si la maman meurt sans connaitre le nom de son fils
je te préviens attends toi a une tempête de rage !!
AudreyLys
Posté le 21/01/2020
MAIS C’EST DU GÉNIE !!! En fait je galère trop à lui trouver un nom. En fait j’ai une idée mais je trouve ça moche... Chibi Barou c’est pas mal XD
<3

Nan mais cette phrase c’est dans le sens « UNE nuit et il a fallu que ce soit celle où elle était féconde » mais bon c’est vrai que c’est mal exprimé. Je vais changer !
« Intercosmiquement rien à foutre » XD je valide cette expression. Je peux te la piquer si jamais ?

Nan mais c’était bien une vanne, c’était fait pour ça XD

Qui sait ? (Oui j’adore te faire bisquer XD)

Encore merci !
Sorryf
Posté le 21/01/2020
Fais peter l'idée moche en mp ! (Quand le forum acceptera).
Je me suis plantée je voulais ecrire "intergalactiquement" Lol, mais je te lègue cette expression!
AudreyLys
Posté le 21/01/2020
Ok XD....
Ah ok ! Les deux sont bien !
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