Chapitre 13 - Le livre des origines - Nota Bene

Je m’appelle Félix. J’ai été transformé par erreur par un Vampire qui est mort pour me protéger.

J’ai toujours aimé l’eau. De mon vivant, je naviguais. Après ma transformation, j’ai décidé de parcourir le monde sous-marin. J’ai passé dans les abysses des moments formidables avant de finalement m’y ennuyer.

Je venais à peine de faire quelques pas sur la terre ferme que des Vampires me sont tombés dessus. Leur chef est venu me trouver pour me proposer de rejoindre sa communauté.

Mon créateur m’avait annoncé que ses proches me tueraient s’ils apprenaient mon existence car je n’avais pas le droit d’exister. Ceux-là m’ouvraient leurs bras. Je décidai d’accepter.

Jouer les espions m’a beaucoup plu. En observant les proches de mon créateur, je n’ai pas regretté une seule seconde de ne pas les avoir rejoints : des dissensions, des jalousies, des suspicions permanentes, aucune cohésion, aucune vie commune.

Lorsque Gilles me demanda de les tuer, j’en salivai d’avance. Comment atteindre des Vampires aussi puissants, aussi dangereux ? Car je ne m’y trompais pas, en face à face classique, je perdrais, sans aucun doute.

Je suivis Kol pendant la guerre, apprenant, grâce à lui, à murmurer à l’oreille des bonnes personnes. Il ne me fut pas difficile de faire choisir Hiroshima et Nagasaki comme cibles des bombes, ni de faire en sorte que la première soit lancée le 6 août 1945, jour exact où les Aar devaient se réunir dans la pagode de Paul.

Je me doutais que je n’arriverais pas à tous les tuer d’un coup. Je cherchais avant tout à leur faire peur. Je ne m’attendais pas, en revanche, à ce qu’ils ne fêtent même pas leur victoire ! À peine arrivés, ils voulaient déjà repartir tuer les chasseurs de Vampires. S’ils s’en allaient maintenant, la bombe tomberait bien après leur départ or je voulais que la terreur soit maximale, le moment parfait, qu’ils la sentent les frôler.

Il fallait que je trouve un moyen de les garder sur place. Je pris ma décision en quelques secondes. Me remémorant les découvertes de Juliette sur les prêtresses du mal, je me construisis une histoire mentale sans mensonge direct, uniquement de l’omission.

Cela fonctionna à merveilles. Ils furent totalement réceptifs, m’invitant même à les rejoindre, chose impossible en l’absence d’Oumou, partie exterminer les prêtresses du bien travaillant pour les chasseurs de Vampires.

Ne leur restait plus qu’à tuer un maximum de leurs anciens alliés humains afin de s’assurer que la menace disparaîtrait avec eux.

Paul partit en premier. J’écoutais le ciel. Je pouvais, en me concentrant, entendre ronfler les moteurs. Les Aar pourraient l’entendre. Des avions, il y en avait beaucoup. Ils n’avaient aucune raison de craindre celui-là plus que les autres en ces temps de guerre.

David, Caly et Kol s’éloignèrent à leur tour. J’entendis le colonel Paul Tibetts appuyer sur le bouton de largage. Ne restaient que Baptiste et Malika. Baptiste se montra d’une froideur glaciale envers Malika – qui, à ma connaissance, ne le méritait pas – avant de s’en aller.

J’entendais la bombe siffler. Je partis une demi-seconde avant la déflagration et je peux affirmer que Malika, figée par le ton de son ami, se la prit de plein fouet.

Je suivis Kol en Amérique du Sud. Sans surprise, dès son sale travail effectué, il se rendit en Afrique pour retrouver son créateur. Cela a été tellement facile. J’ai pris l’apparence de Baptiste. Je ne pense pas l’avoir leurré. Pas de lien créateur/petit entre nous. Disons que la surprise m’a permis d’obtenir cette demi-seconde suffisante pour arracher le cœur à ce guerrier chevronné.

Baptiste fut incapable de continuer à lire. Son âme se déchirait. Kol était mort en pensant avoir été tué par sa main ! Il refoula les larmes qui voulaient sortir, força ses poumons à prendre l’air nécessaire à faire vibrer ses cordes vocales et continua sa lecture.

Je rejoignis Nagaski, où je savais se trouver le refuge d'un groupe de chasseurs de Vampires et pour cause, j’avais œuvré à sa construction sur cet important port japonais, future cible idéale pour une bombe nucléaire. Une prêtresse du bien demeurait ici. Je me doutais qu’Oumou ne viendrait sur le territoire de Paul qu’au dernier moment, repoussant cette obligation au plus tard, peu désireuse de croiser son créateur qu’elle méprisait.

Je mangeai la prêtresse du bien afin que toutes traces disparaissent. Ainsi, Oumou resterait longtemps sur place à mener l’enquête, maximisant les chances de réussite. Je ne restai pas en position pour m’assurer de ma réussite. Elle était totalement évidente.

Je me rendis en Europe, dans les neiges nordiques où demeuraient David et Caly. Je n'avais toujours pas trouvé le moyen de tuer Caly sans être repéré par son inséparable amant. Je comptais sur ma chance. Je comptais bien saisir la première opportunité.

Ils étaient bien là, retournés chez eux après la réussite de leur mission, sans même prendre la peine d’aller rendre compte à ce chef qui ne l’était pas vraiment. Je soupirai, une fois de plus ravi de ne pas faire partie de ce groupe.

Ce dont je fus témoin me laissa sans voix. Même aujourd’hui, j’ai du mal à le croire et pourtant, je peux jurer que ce que j’écris est vrai.

Caly dormait nue dans le lit conjugal. David, nu lui aussi, préparait un petit déjeuner d'œufs et de bacon. Soudain, Paul, l’aîné des Aar, est apparu à côté de David. Son visage exprimait une rage, une haine, une colère et une tristesse incommensurable.

Paul ne laissa pas à son frère la possibilité de dire un mot. Il lui arracha le cœur avant de repartir, ne laissant qu'un peu de poussière sur le carrelage immaculé de la cuisine.

Je sais que j’ai moi-même pris l’apparence de Baptiste pour tuer Kol et que si quelqu’un nous a vus, il a pu être aussi abasourdi que moi alors je ne tire pas de conséquences trop vite. Il n’empêche que c’est ce que j’ai vu. Caly a été réveillée par l’odeur du brûlé. Elle a coupé la cuisinière avant de se rendre compte de la poussière présente à ses yeux.

Je l’ai vue tomber à genoux et pleurer toutes les larmes de son corps. Pardonne-moi, Gilles, je ne peux pas. Je vais déposer cette missive à notre lieu de rencontre habituel puis j’irai la consoler. Caly est la créatrice de mon créateur. Je vais la rejoindre et tout lui raconter. Je veux vivre avec elle. Je ne reviendrai pas. Caly ne t’a jamais porté le moindre tort. Essaye de ne pas m’en vouloir.

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Je n’en veux pas à Félix. Je comprends. J’ai envoyé mes avertis chercher Paul et Baptiste. Les prêtresses du mal, pas démoralisées pour un sou par la perte de leur « mère éternelle » sont revenues vers nous pour continuer à organiser notre alliance. Nul doute qu’elles cherchent elles aussi Paul et Baptiste de leur côté. Reste à savoir qui les trouvera en premier…