Chapitre 13 : Des voyageurs inattendus

Chapitre 13 : Deux voyageurs inattendus

 

Cette fois-ci, Meggie était bien décidée à faire partie de l’aventure. Pas question de laisser Joey et Siméon partir à la recherche du laboratoire sans elle. Il était entendu que la fillette garderait la porte de la machine à remonter le temps quand ils l’auraient trouvée et qu’il lui faudrait faire diversion pendant la descente de Joey et Siméon. Sans surprise, le garçon avait refusé cette mission : l’idée de patienter tout seul ne lui plaisait guère. Il avait prétexté, s’appuyant sur une logique parfaitement illogique, que Meggie serait bien plus en sécurité à la surface. Si danger il devait y avoir, il viendrait forcément d’en bas. 

À cette heure-là, le muséum était bondé. Les trois amis se faufilèrent entre les visiteurs et rejoignirent sans difficulté l’entrée du département des sciences techniques. Pas de livraison en vue : la porte de la salle des inventions était cadenassée par une lourde chaîne. Heureusement, les trois comparses avaient tout prévu. Meggie sortit de son sac une cisaille dérobée dans le garage de son père un peu plus tôt. Joey la saisit et brisa l’un des chaînons. Les trois amis s'engouffrèrent dans l’immense salle en prenant soin de ne laisser aucune trace visible de leur méfait : ils subtilisèrent ce qu’il restait de la chaîne puis refermèrent la porte derrière eux.

Joey attrapa une lampe de poche qu’elle avait glissée dans son sac à dos et l’alluma. Elle balayait maintenant la salle du faisceau lumineux et insista dans les angles. Comme prévu et à l’instar de celles du couloir, les caméras de surveillance, tout du moins celles que Joey réussit à localiser, n’avaient pas encore été activées. Joey stoppa ses va-et-vient quand elle distingua une énorme carcasse métallique. La forme de l’engin faisait penser au savant mélange d’une fusée et d’un sous-marin en raison de ses tôles rouillées et de son hublot frontal. 

— La voilà ! s’enthousiasma Joey.

Les amis s’approchèrent d’un pas décidé. Sur un écriteau était inscrit :

« Prototype de machine à remonter le temps

du Professeur Topodoch (1872) »

 

Sans perdre un instant, ils déplacèrent les plots métalliques encordés les uns aux autres qui servaient à tenir les visiteurs à l’écart des objets exposés. Joey et Siméon unirent leur force pour ouvrir la porte de ce vieux tas de ferraille qui céda au prix d’un grincement grincheux.

— C’est le moment, Siméon, allons-y, encouragea Joey.

Siméon toisa la machine avec inquiétude :

— J’ai du mal à croire que tu as réussi à me convaincre de te suivre... Si je ne sors pas vivant de ce truc, ma mère va me tuer !

Ils entrèrent tous les deux dans la machine à remonter le temps, plus spacieuse que ce qu’ils avaient pu imaginer. Joey et son acolyte n’eurent pas le temps de se retourner qu’une porte en accordéon se referma brusquement derrière eux. 

— Tu sais ce que tu as à faire ? demanda Joey à Meggie à travers les grilles. 

Sa complice acquiesça d’un coup de menton déterminé. Elle referma la lourde porte, d’abord du plat de ses deux mains puis à l’aide de son dos, enracinant profondément les semelles de ses chaussures de randonnée dans le sol afin de pouvoir pousser de toutes ses forces. Elle se cacha ensuite derrière la machine sans piper mot. 

À l’intérieur, le sol commença à trembler, forçant Siméon et Joey à se tenir aux murs de la cabine.

— C’est un ascenseur ! cria Siméon.

Joey sourcilla :

— Nous sommes déjà en train de descendre..., souffla Joey. 

En elle-même, elle ne put s’empêcher de s’interroger : était-il normal que l’opération soit aussi simple ?

L’ascenseur, semblable à ceux que l’on trouve encore dans les cages d’escalier des vieux immeubles, stoppa violemment sa course au bout de quelques secondes. Sa porte se rouvrit péniblement. À peine les deux amis étaient-ils sortis que l'appareil se referma et remonta. L’engin semblait trop heureux d’avoir recraché ses passagers. Siméon le trouva vraiment malpoli. 

Joey comprit qu’elle ne s’était pas trompée à l’instant où elle posa le pied sur le carrelage nacré. Elle et Siméon venaient de débarquer dans un laboratoire dont la modernité était en totale contradiction avec le vieux monte-charge qu’ils venaient d’emprunter. La pièce était vaste et borgne, mais les voyants des écrans des ordinateurs mis en veille ainsi que les lampes de bureau restées allumées offraient des points de lumière suffisants pour les guider dans la pénombre. La température avait brusquement chutée et Joey frissonnait. La jeune fille s’avança prudemment, suivie de près par Siméon. Ils circulaient maintenant entre les différents îlots immaculés sur lesquels étaient posés des microscopes électroniques. De part et d’autre, des éprouvettes, des tubes à essai, de grosses pipettes compte-gouttes ou encore des boîtes de Petri recouvraient les surfaces de travail. Le laboratoire était désert, mais des caissons à l’allure de micro-ondes géants agitaient frénétiquement des flacons en verre remplis d’un liquide transparent. D’un autre côté, l’écran numérique d’un congélateur affichait une température de moins soixante-dix degrés. Soudain, Siméon s’arrêta et attrapa le bras de Joey. Sans prononcer un mot, il pointa du doigt le centre de la pièce. Une salle circulaire et entièrement vitrée trônait au cœur du laboratoire. Elle paraissait avoir été construite de sorte que chaque poste de travail s’organise autour d’elle et que les scientifiques qui travaillaient ici puissent garder un œil sur ce qu’elle renfermait. 

Les deux amis s’approchèrent lentement.

— Regarde à l’intérieur, on dirait des couveuses... Mon grand-père en utilise pour faire éclore les œufs que ses poules ne veulent pas couver. Mais je n’en ai jamais vu d’aussi grosses..., chuchota Joey qui continuait d’avancer, hypnotisée par la lumière bleue des lampes chauffantes. 

Soudain, un bruit de courroies s'enclencha. L'ascenseur avait été actionné. Il atterrit une seconde fois et sa porte s’ouvrit avec fracas, libérant l’ombre de deux nouveaux voyageurs. Joey et Siméon se jetèrent au sol avant de rouler sous un bureau.  

— Je n’en crois pas mes yeux..., souffla Joey.

La façade brillante d’une centrifugeuse venait d’offrir à la fillette le reflet des visiteurs.

Sans réfléchir davantage, elle se releva et lança avec aplomb :

— Laisse-la partir, Willebrod !

— Joey ! cria Meggie en la rejoignant.

Joey ne décolérait pas. La présence du paléontologue dans le laboratoire était bien la preuve de sa complicité dans cette affaire.

— Joey, attends, tu ne comprends pas. Willebrod est de notre côté ! insista Meggie.

Aussi tranquille qu’à l’accoutumée, le paléontologue se décida enfin à sortir de son silence :

— Je savais que vous étiez une bande de petits malins, mais quand même, je pensais avoir suffisamment brouillé les pistes pour prendre une longueur d’avance. 

Willebrod avait enlevé sa blouse blanche et la chemise à carreaux qu’il portait accentuait encore davantage ses traits de bûcheron canadien.

— Comme nous l’avions deviné, expliqua Meggie qui semblait vouloir clarifier la situation, Willebrod a bien réussi à lire l’étiquette accrochée à la caisse.

— Pourquoi avoir menti ? coupa Joey en s’adressant au paléontologue. Tu voulais protéger les agissements de ceux qui travaillent ici, c’est ça ?

— Tu penses vraiment que je pourrais être impliqué dans cette affaire ? lança Willebrod, piqué au vif. J’ai découvert l’existence de ce laboratoire de la même manière que toi et tes amis. Comme vous, j’ai d’abord cru que cette étiquette n’avait aucun sens, mais j’ai rapidement assemblé tous les indices. 

L’homme comprit aux traits fermés de Joey qu’elle doutait de la véracité de son récit.

— Allons, Jojo... réfléchis un instant !

Joey n’en crut pas ses oreilles. L’instant était critique et Willebrod, celui qui l’avait trahie, tentait de jouer sur la corde sensible. Il avait osé l’interpeller à l’aide du surnom qu’il lui avait donné quand elle était enfant. Le paléontologue l’avait toquée de ce ridicule sobriquet lorsqu’il avait vu la fillette dévaler les marches du muséum en cruiser pour la première fois. Ce jour-là, tout le monde avait eu très peur. Sauf Joey, évidemment. Elle s’était relevée en éclatant de rire, encore plus décoiffée que d’habitude, le jean éventré au niveau des deux genoux. 

— Voyons, je te connais depuis suffisamment longtemps pour savoir que si je dispersais le flou qui entourait le moloch, tu aurais pris des risques inconsidérés pour venir vérifier ma théorie par toi-même, continua le paléontologue. Bon, c’est ce que tu as fait malgré tout, mais j’avais juste espéré que tu me laisserais le temps de parvenir jusqu’ici avant vous.

Alors que Willebrod s’expliquait, Meggie s’était avancée jusqu’aux couveuses :

— Qu’est-ce que c’est ?

Méfiante, Joey observa le paléontologue s’approcher à son tour : 

— Sûrement des incubateurs. 

— D’accord, mais... ce qu’il y a dedans ? insista Meggie.

— Des œufs. Compte tenu de leur taille, je dirais des œufs d’autruches...

L’intervention de Meggie offrit aux quatre intrus une trêve. Ils étaient maintenant regroupés autour des îlots lumineux. 

Siméon semblait dépité :

— Tout ça pour des œufs d’autruches ? Regardez ce laboratoire, tout ici est de dernière technologie. Admettons que Neville soit derrière tout ça : il aurait dépensé une somme astronomique pour couver artificiellement des œufs d’autruches ? Je n’y crois pas... 

Des applaudissements retentirent dans l’obscurité du laboratoire. La lenteur avec laquelle les mains s’entrechoquaient n’avait rien de spontané. Quand le silence fut revenu, une voix aiguë perça le silence dans un cynisme déconcertant :

— Quelle perspicacité !

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SalynaCushing-P
Posté le 09/05/2020
Je note quelques incohérences au début. Tout d'abord il me parait surprenant que les enfants puisse couper une chaine alors que le musée est bondé de visiteur. Quand bien même la salle soit isolée. Et ensuite, couper une grosse chaine n'est pas si facile même avec une super pince (surtout pour des enfants) et comment comptent-ils remettre la chaine en place si Joey en a sectionné un maillon ? Je pense que ce début mériterai d'être un peu revu.
Pour le reste, c'est ok pour moi ;)
Renarde
Posté le 30/12/2019
Coucou peneplop,

J'ai beaucoup de mal à visualiser la machine. Dans tout le premier paragraphe, ils parlent de "descendre", de surveillance de porte etc... mais ils ne l'ont encore jamais vue, non ? J'ai l'impression qu'ils ont des infos qu'ils ne sont pas encore censés posséder.

De plus, tout nous amène à un en-bas, alors que dans ma tête, je vois une espèce de fusée posée sur le sol. Du coup, on devrait plutôt monter ? J'avoue que sur ce coup, je suis complètement perdue. Pour moi, je vois une machine étrange dans une salle. Pour descendre, il faudrait qu'elle soit dans un trou ? Pourquoi ?
Bref, je pense que tu as compris que je ne comprenais rien XD.

Et Willebrod ne serait pas si méchant que ça finalement ? ça me plaît !
peneplop
Posté le 05/01/2020
La machine est ressemble à un mélange de fusée et de sous-marin. Une sorte de grosse cabine en métal avec un hublot frontal. C'est en fait un ascenseur dissimulé à l'intérieur. Donc oui, on descend... Il faudrait que je relise. Ce n'est pas bon signe si je t'ai égarée là...
Arabella
Posté le 22/10/2019
-Pour le « jeu de mot » entre répression et régression, je trouve l’idée très bien trouvé, cela permet de comprendre comment Joey n’a pas compris et ses recherches n’avaient mené à rien. Tu décris bien la scène et notamment avec les jeux de lumière sur les méchants.
-Je reste un peu sur ma fin à certains moments: peut etre que le Magnus pourrait être plus méchant, plus froid, dur. Joey peut mettre fin à son projet, ne voudrait-il pas les éliminer? ou au moins appeler la police si l'Etat est avec lui? Par contre, le fait que finalement Willebrod soit gentil, je trouve cela super cool, par contre.
-Enfin je clôturerais sur l’idée de faire des dinosaures miniatures (un peu comme dans Toy Story ou Harry potter 4 avec les dragons), je trouve cela EXCELLENT ! vraiment c’est brillant, il faut absolument que tu travailles ton histoire pour mettre en valeur cette idée parce que ces trois enfants qui se battent pour des notions d’éthiques c’est super, ces Mikrosaures , une sorte de Jurassic Park dans chaque chambre ! Peut etre qu’il faudrait emphaser les chapitres, les émotions, les actions, mais je pense qu’il faut vraiment que tu mettent en valeur cette super idée.
Tu as une excellente base d'histoire, toutes ces idées sortent d'une imagination très fertile :!!! merci pour cette super lecture :)
peneplop
Posté le 26/10/2019
Merci de ton commentaire. Je me suis longtemps questionné sur la réaction de Magnus dans le laboratoire. J'avais besoin qu'il crache le morceau et, je suis d'accord, il le fait facilement. C'est peut-être un peu faiblard, je vais y penser. Les émotions de Joey vont être creuser juste après. A voir si je peux commencer à évoquer certaines choses, oui ! Merci encore :)
Anna Ferju
Posté le 14/05/2019
Coucou !
Voici mes remarques concernant le chapitre 10 :
Joey était sidérée. Willebrod n’avait tout simplement pas voulu leur traduire le nom du laboratoire.
Je laisserais planer le doute avec une interrogation du style "se pourrait-il que Willebrod n'ait tout simplement pas voulu leur traduire le nom du laboratoire ?" Ce qui permet au lecteur de se dire "merde, Willebrod ferait-il partie de la conspiration", alors qu'on le trouvait plutôt sympathique... Et paf ! Siméon trouve un autre indice qui pourrait bien accuser Willebrod !
Et mes remarques pour le chapitre 11 :
Tandis qu’un groupe de touristes, aussi serrés qu’un banc de poissons, passaient devant la porte
Est-ce que c'est le groupe ou les touristes qui passai(en)t devant la porte ? J'ai toujours du mal avec ce genre de concordance... J'aurai tendance à dire que c'est le groupe. Je te laisse vérifier !
stoppa ses vas-et-vients
Il me semble que va-et-viens ne s'accorde pas. A vérifier. 
Vous avez réussi à réactiver des gènes de ... (il manquait le "de") 
Dans ce chapitre 11, on retrouve le rythme des premiers chapitres. L'intrigue est prenante, on a envie de continuer pour comprendre comment les choses vont se mettre en place ! L'idée des m* comme animaux de compagnie (pour ne pas spoiler les prochains lecteurs) est géniale !
peneplop
Posté le 21/10/2019
Coucou Anna !

Je fais le tour des commentaires sans réponse. Plus j'avance plus je me dis que j'ai déboulonné sévère à cette période. Je ne sais pas pourquoi j'ai zappé de répondre ? J'ai pourtant l'impression qu'on avait parlé de tes remarques. Peut-être en MP, je ne sais pas...

A très vite !
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