Chapitre 13

Le jeune homme faisait les cents pas dans le salon, son téléphone appuyé contre l’oreille. Il serrait les dents tandis qu'il attendait une réponse à l’autre bout du fil. Les bips de tonalités s’enchaînaient interminablement et Alec perdait espoir que quelqu’un réponde enfin à son appel.  Il avait appelé tous les numéros de son répertoire, espérant joindre ses collègues mais ses appels avaient été systématiquement rejetés, amplifiant à chaque fois son angoisse. Et si tous ses confrères étaient morts dans l’hôpital ? Et si le démon les avait tués avant de s’en prendre à sa patiente ? 

Alec avait préféré refouler toutes ces questions la veille, focalisé sur leur survie et lorsqu’il posait les yeux sur la femme assise sur son canapé, il savait que son choix était le bon. 

La tasse de thé fumante entre ses doigts glacés, Lucia laissait son regard se perdre dans le liquide tournoyant. Le soleil réchauffait la pièce et son corps frissonna une dernière fois avant d'accueillir la chaleur réconfortante du jour. 

— Hôpital de Phoenix, bonjour, Isabelle à votre service. Quelle est votre urgence ?

Lucia tourna son regard sur Alec dont le visage affichait la surprise et la sidération. Il se reprit aussitôt :

— Isabelle, je suis soulagé d’entendre votre voix. C’est Ardent. Vous allez bien ? Atkins est bien de garde aujourd’hui ? Je peux lui parler ?

L’interlocutrice eut un moment d’hésitation avant de répondre aimablement. 

La main de Lucia se détacha de sa tasse brûlante pour rejoindre celle d’Alec. L’angoisse planait encore sur son visage lorsque Isabelle répondit enfin : 

— Le docteur Atkins n’est pas disponible pour le moment. Monsieur Ardent, dites-moi quelle est la raison de votre appel.

Le ton professionnel qu’elle employait intrigua Alec. Il avait de bonnes relations avec Isabelle et jamais elle ne lui avait parlé avec autant de détachement. Ne l’avait-elle pas reconnu ? 

Au loin, il perçut plusieurs voix s’élever et reconnut celle de Vivian. Il se remémora l’avoir laissé en plan sur le toit de l’hôpital avant l’arrivée du démon et des fantômes et une pointe de remords transperça sa conscience.

— Isabelle, pouvez-vous me passer Vivian, s’il vous plaît ?

L’infirmière hésita un long moment avant de refuser : “Vivian n’est pas disponible, monsieur Ardent. Vous avez un message pour elle ?”

— Docteur Ardent, rectifia-t-il par habitude. Dites-moi simplement si elle va bien.

— Docteur, pardon. Vous êtes affilié à quel hôpital ?
Ses yeux s’ouvrir en grand, abasourdi par la question absurde. 

— À celui-ci, enfin ! Je travaille ici. Isabelle, c’est moi, Alec Ardent !

Il fut pris de vertige et s’assit sur l’accoudoir du canapé. Mille et unes questions se bousculaient dans son esprit et l’incompréhension le laissait sans voix. 

Il entendit l’infirmière taper à toute vitesse sur son clavier tout en se raclant la gorge.

— Je n’ai personne de ce nom dans notre personnel. Si c’est une blague, ce n’est pas drôle : la ligne doit rester libre pour les vraies urgences.

Alec sentit l’emphase sur le mot “vraies” et sa colère le disputait à sa raison. Il tenta de calmer la tempête en lui en fermant les yeux un moment. Elle ne se souvenait peut-être plus de lui mais le dossier de Lucia était enregistré sur le système informatique de l’hôpital. Son nom y était annoté en tant que chirurgien et il était impossible de modifier ce document une fois dans le système. Seulement, s’il ne pouvait pas confirmer son identité à Isabelle, elle ne pouvait pas lui communiquer les informations sur un patient. Il devait changer de stratégie.

Il expira lentement avant de reprendre :

— C’est une vraie urgence. Ma compagne a été hospitalisée chez vous et je souhaiterais avoir le nom de son médecin. Pouvez-vous faire ça pour moi ?

Le regard interrogateur de Lucia croisa le sien mais il leva l’index pour la faire patienter et la jeune femme se mordit les lèvres, arquant un sourcil. Il donna à l’infirmière le nom de sa patiente et il entendit les doigts d’Isabelle s’abattre sur le clavier. Chaque seconde était plus longue que la précédente et l’attente le crispa. Il savait que le système informatique était lent et que les outils à l’accueil de l’hôpital dataient de vingt ans au moins. Mais savoir une chose était différent de la vivre, de l’expérimenter et de la subir. 

La voix d’Isabelle résonna enfin dans son oreille :

— Vous êtes sûr qu’elle a bien été prise en charge chez nous ? 

— Certain, répondit-il en se redressant de toute sa hauteur.

— Je n’ai aucune patiente de ce nom-là monsieur, je suis désolée. Je peux vous conseiller de joindre l'hôpital de garde de…

Alec raccrocha aussi sec. Il en avait assez entendu. Il se prit la tête dans les mains, ramenant ses cheveux en arrière et se laissa choir dans le canapé. Il expira longuement et ses cheveux retombèrent devant ses yeux. 

Lucia le regarda se pincer l’arête du nez tout sirotant sa tasse de thé. Elle attendit patiemment qu’il se décide à parler. 

Il posa son coude sur l’accoudoir du canapé, le front appuyé dans sa main. Il bouillonnait et les crispations qui parcouraient son corps n’échappèrent pas à l’œil attentif de Lucia. Elle but une autre gorgée de thé quand la voix d’Alec s’éleva :

— Il semblerait que personne  ne se souviennent de nous dans cet hôpital. Je n’y figure plus en tant que pratiquant et vous en tant que patiente. C’est comme si nous avions été effacés du système, et de leur mémoire par la même occasion.

Il marqua un temps d’arrêt, serrant les poings, avant de reprendre :

— La bonne nouvelle c’est que tout le monde a l’air d’aller bien. C’est à n’y rien comprendre.

Lucia posa sa tasse sur la table basse, les sourcils froncés.

— Et les fantômes ? Ils ont disparu comme par magie ? Et Mina ?

Alec se redressa, l’air grave :

—Je n’ai malheureusement pas la réponse.

Elle baissa les yeux sur sa tasse encore fumante, espérant trouver un élément de réponse dans le liquide coloré. D’une main, elle repoussa ses cheveux et se massa les tempes pour faire passer la migraine qui irradiait désormais dans son crâne. 

Les fantômes et le démon étaient apparus tard dans la nuit, il n’y avait peut-être plus de personnel dans l’hôpital à cette heure-ci ? Mais qu’en était-il des patients ? Elle fouilla dans sa mémoire à la recherche d’indices. Qu’il était compliqué de se remémorer les détails quand tout allait si vite. Elle ne se rappelait plus si les lits étaient faits ou défaits. Les portes des chambres étaient-elles ouvertes ? Certaines oui, mais pas toutes. Les fantômes n’en avaient pas après les autres patients de toute façon, ils étaient venus pour elle. Venus ? Non. Ils étaient déjà là bien avant son arrivée, en témoignaient leurs tenues identiques à celle qu’elle portait aujourd’hui. L’hôpital était plus vieux qu’il ne le laissait paraître, et son passé était des plus sombres avant qu’il ne soit remis à neuf il y a vingt ans. Lucia se rappela avoir lu un article d’un vieux journal, il y a quelques années déjà, sur le scandale sanitaire de cet hôpital, alors qu’elle se renseignait sur l’histoire de la ville. Ancien hôpital psychiatrique, le bâtiment avait été fermé en 1962 par le maire de l’époque, déclarant que les méthodes employées et l’hygiène des locaux n’étaient plus aux normes. Le maire ordonna la fermeture l’hôpital ainsi que le transfert des patients dans la grande clinique du quartier de Central City. Mais lorsque les autorités vinrent fermer le bâtiment, ils n’avaient trouvé que le personnel médical sur place, sans aucune trace des patients. Comme s'ils avaient disparus. Ou avaient été éliminés. 

Lucia avait le tournis en réalisant que les vestiges de ce passé hantaient désormais sa réalité. Elle hésitait à faire part de sa réflexion à Alec.

La jeune femme essuya son front, plus pour faire partir la migraine que pour en retirer la transpiration. Elle avait besoin d'une douche, de se sentir propre pour affronter le nouveau jour, de se recentrer sur elle-même à un moment où tout bascule autour d'elle. 

Elle vida la tasse de son contenu et, remplie d'une détermination nouvelle, se leva du canapé. Ou du moins, essaya de se lever du canapé. Son corps était engourdi par le manque d'activité physique et refusait de lui obéir. Ses doigts griffèrent le cuir du meuble en se repliant dans sa paume.

Une main s'ouvrit devant elle, la paume large et charnue, les doigts longs et fins. Elle leva les yeux vers Alec qui l'a dominait de toute sa hauteur. Elle aussi voulait être debout sur ses jambes et regarder le monde d'en haut. Elle agrippa le bras du médecin et s'appuya de tout son poids. Pouvait-elle le faire plier ? Le poids de ses actes suffirait-il à faire vaciller la statue de marbre de son destin ? 

L'homme ne vacilla pas. Ses bras s'enroulèrent autour de sa taille pour soutenir son corps affaibli. Elle enroula les siens autour de son cou. Si la statue refusait de tomber, alors Lucia se hisserait jusqu'à son sommet. Mais chaque chose en son temps. 

 

***

 

— Je devrais m'en sortir, je ne suis pas infirme non plus ! protesta Lucia à travers la porte de la salle de bain, un brin amusée par l’inquiétude d’Alec.

Débarrassée de ses vêtements, elle passa une jambe dans la baignoire avec précaution. Son ventre lui tirait lorsque ses mouvements étaient trop brusques, lui arrachant une grimace à chaque fois. Appuyant ses mains contre le carrelage, elle ramena son autre jambe à elle. Elle soupira de soulagement, satisfaite de sa réussite et ouvrit le robinet de la douche. Le son de l'eau qui coule couvrir la réponse du docteur et Lucia eut un sursaut lorsque l'eau froide entra en contact avec sa peau. Ses jambes flageollèrent sous elle mais tinrent bon jusqu'à ce que l'eau atteigne la température idéale. Suivant les conseils d'Alec, elle évita de tremper son pansement en tournant le dos au jet. Son regard trouva le shampooing et le gel douche et Lucia s'empara du premier. Sa poigne était encore faible et la bouteille manqua de lui échapper. Elle versa dans sa main en coupe une dose du liquide et le parfum boisé envahit la pièce. Ses cheveux sentiraient la forêt se dit-elle avec un léger sourire. Ce n’était pourtant pas le parfum d’Alec. Son regard se posa sur la bouteille de gel douche dont le packaging sobre se contentait d’indiquer “lait d’amande” sur l’étiquette. Un léger sourire naquit aux coins de ses lèvres alors qu’elle croyait avoir percé à jour le secret du médecin. Elle porta la bouteille à ses narines pour conjuguer les deux effluves mais le mélange était loin du parfum grisant du jeune homme. Il sentait l’encens qui se consume, avec ses notes épicées. Il sentait la myrrhe et la cendre. 

Elle massa ses cheveux avec application et laissa le shampooing agir. 

Lorsque le miroir de la salle de bain fut complètement recouvert de buée, Lucia terminait de rincer les dernières traces de savon sur son corps et de ressassait sans cesse les événements de la veille. Son esprit, loin d'être apaisé, la tourmentait, imposant les visages monstrueux des fantômes et rejouant le rire cruel de Nié à travers Mina. Lucia pensait jouir d'un répit mais le cauchemar est sournois et attend toujours l'instant où sa proie s'isole pour frapper.  Sa vision se troubla et la pièce se mit à tourner. La rumeur de l'eau s'amplifia jusqu'à se muer en hurlements stridents. Lucia couvrit ses oreilles de ses mains mais le son demeurait, battant dans ses tympans. L’'écho de la main glacée du fantôme serra sa gorge. Elle voulut crier mais une boule de forma dans sa gorge, bloquant son souffle. Ses jambes tremblaient sous elle alors qu'elle tentait d'aspirer l'air. Ses tympans allaient éclater et ses poumons prenaient feu. Lucia s'efforça de fermer l'arrivée d'eau pour faire taire les cris mais son corps l'abandonna.

 

***

 

Alec avait hésité longuement avant de laisser Lucia dans la salle de bain et avait attendu d'entendre l'eau couler avant mettre de l'ordre dans son appartement. Lucia n'était pas remise de sa blessure et montrait des signes de fatigue ; Alec voulait lui donner un lit digne de ce nom afin de lui permettre de se reposer. Il commença par ramener le matelas dans sa chambre, puis il rapatria les oreillers et les draps et enfin il redonna à son lit son état initial. Il passa une main dans ses cheveux pour essuyer son front, satisfait de son labeur. Le docteur s'assit un instant pour soulager sa jambe qui le faisait encore souffrir. Le bandage tenait encore en place et le jeune homme massa la blessure lentement pour atténuer les ecchymoses qui commençaient à poindre.

Un grand bruit alerta Alec qui se précipita vers la salle de bain. Il appela Lucia à l'intérieur mais n'eut aucune réponse. Sa raison lui disait de ne pas sauter sur des conclusions hâtives, que ce n'était sans doute rien mais son cœur, mordu par la crainte,  bondissait dans sa poitrine. Sa main ouvrit la porte avant qu'il ait pu prendre une décision. 

Les vapeurs chaudes brouillèrent un peu sa vue mais il s'en accomoda rapidement. L'eau de la douche continuait de couler et il appela de nouveau, plus fort cette fois, afin de couvrir le bruit de la douche.

Aucune réponse. 

Son cœur cognait si fort dans sa poitrine qu'il crut sincèrement qu'il allait sortir de son corps lorsqu'Alec trouva Lucia inconsciente au fond de la baignoire. Il coupa  l'eau du robinet et s'empara d'une serviette de bain qu'il déposa sur Lucia pour la couvrir. Le jeune homme tira le rideau de douche et mit les deux pieds dans la baignoire. Le siphon était bouché et l'eau s'était accumulée au fond de la baignoire, méchant le visage de la jeune femme. Alec passa son bras derrière sa nuque et releva avec précaution la tête de Lucia, tandis que de l'autre, il souleva ses jambes. La douleur lui mordit la cuisse comme il se redressait mais il l'ignora et plaqua Lucia contre lui. Il sortit la jeune femme de la baignoire et l'allongea sur le sol. La légère pulsation à son cou lui indiquait que son cœur battait toujours. Il approcha son visage du sien et sentit un petit souffle contre sa peau. Alec soupira et colla son front contre celui de Lucia.

 

***

 

Une voix d'homme répétait son nom dans le noir. Ses yeux refusaient encore de s'ouvrir et Lucia avait l'impression que son corps engourdi flottait agréablement. Peu à peu, ses sens lui revinrent et les flottements disparurent. Elle tenta de remuer ses jambes mais sa volonté ne suffit pas à les convaincre de bouger. Sa respiration se fit plus profonde à mesure qu'elle sortait de sa torpeur.

— Doucement…

La voix chuchotait à son oreille, douce et rassurante. Lucia s'agita pourtant. Elle ramena ce qui était son bras à son visage et ses yeux s'ouvrir en grand.

— Restez tranquille…

Une main chaude se referma sur son poignet et ramena son bras le long de son corps. Le sol était dur sous elle mais sa tête reposait sur un oreiller doux et chaud. Ses yeux hagards vagabondèrent dans la pièce et son cerveau interpréta les images avec lenteur. 

Elle eut du mal à reconnaître la pièce. Les lumières au plafond lui firent plisser les paupières. Où était-elle déjà ? 

Le courant d'air froid s'engouffra par la porte ouverte et glissa sur ses jambes nues. D'un geste vain, elle les ramena à elle pour échapper à la morsure glacée de la brise. 

Un long bras entra dans son champ de vision et replaça la serviette sur ses jambes : "Tout va bien. Je suis là…"

La voix d'Alec perça la brume qui pesait sur l'esprit de Lucia. L'angoisse qui montait en elle alors qu'elle comprenait la situation s'apaisa peu à peu. 

— Je suis tombée, réalisa-t-elle d'une voix sans timbre. 

— Vous vous êtes évanouie, confirma Alec en la serrant dans ses bras. Une simple chute de tension.

Ses mains attrapèrent les avant-bras du jeune homme et Lucia prit appui pour se redresser. Alec la laissa faire et remonta la serviette sur sa poitrine. La jeune femme baissa les yeux et s'empara du bout de tissu pour le serrer contre elle. Si son sang n'était pas occupé à remonter dans son cerveau, il aurait coloré ses joues en rouge. 

Le visage de Lucia se blottit dans le cou d'Alec et sa main agrippa le col de son t-shirt. Il collait à la peau du jeune homme et laissait deviner son torse par transparence.

— Vous êtes trempé, fit remarquer Lucia d'une voix grave.

— Ce n'est pas grave, la rassura-t-il en raffermissant sa prise sur ses épaules. 

Les effluves de myrrhe et de cendre emplirent les narines de Lucia qui ferma les yeux un instant. Contre sa joue, le sang du jeune homme pulsait dans son cou dans un rythme lent et régulier. La sensation, loin d'être désagréable, l'apaisait et la berçait, couplée à la chaleur qui émanait d'Alec, elle aurait pu s'endormir dans l'instant. Elle flottait de nouveau et une main caressait ses cheveux avec tendresse. Dans son dos, le cœur d'Alec battait lentement, à la manière d'un tambour, et son torse se soulevait au rythme de sa respiration. Inconsciemment, Lucia cala sa propre respiration sur celle du jeune homme. 

Une vague de froid la fit frissonner, sortant la jeune femme de son apathie. Ses mains tremblèrent et ses dents claquèrent. Elle était incapable de les stopper. Alec s'anima derrière elle et sans comprendre comment, elle se retrouva soulevée du sol. Un courant d'air passa dans son dos, la serviette glissait sur le côté et Lucia rattrapa le pan de justesse. Elle coinça le tissu sous son aisselle et s'assura que rien ne dépassait du rectangle de la serviette. Ils quittèrent la salle de bain et les pas d'Alec l'emmenèrent dans la pièce du fond. La porte était déjà ouverte et le jeune homme déposa Lucia sur le lit : "Installez-vous pendant que je vous trouve de quoi vous habiller."

Lucia serra la serviette contre sa poitrine alors qu'Alec fouillait déjà dans sa commode. Elle ouvrit les draps et se faufila dedans. Une petite douleur au ventre lui rappela qu'elle devait faire attention à ses mouvements. Elle suivait des yeux le jeune homme alors qu'il ouvrait chaque tiroir pour en extraire leur contenu. Son choix se porta sur un t-shirt noir, un caleçon blanc au tissu un peu usé et un pantalon de pyjama semblable au sien. Il les étala sur le lit :

— Je n'ai pas trouvé mieux, fit-il d'un ton d'excuse. 

— Ça ira parfaitement, assura Lucia en attirant le t-shirt à elle. 

Elle lui fit signe de se retourner et Alec s'exécuta prestement. Elle crut voir ses joues rougir avant qu'il ne quitte la pièce.

 

***

 

Le jour déclinait paresseusement et Lucia s’éveilla, bien au chaud dans le lit de son hôte. Alec l’avait réveillée pour l’heure du repas et elle avait avalé son assiette avec un faible appétit. Ankylosée, tout son corps était ralenti et la jeune femme avait passé l’après-midi à dormir. Sa tête dodelina mollement sur l’oreiller cherchant la fraîcheur du tissu sur son visage. Elle soupira d’aise et remonta les draps jusqu’à son menton mais rencontra une résistance. Lucia n’avait pas la force de tirer plus fort et se contenta d’une couverture à moitié remontée. Ses yeux s’entrouvrirent un instant, percevant la forme floue d’une silhouette allongée à ses côtés. 

Lucia battit des paupières pour chasser le sommeil et retint son souffle. Endormi à ses côtés, ses côtes se soulevaient au rythme régulier de sa respiration, son visage exprimait la sérénité et le calme. Il faisait soudainement plus jeune qu’elle ne se l’était imaginé. Avec ses sourcils froncés, son air sérieux et sa blouse blanche, Lucia avait estimé son âge proche de la trentaine. Pourtant, sa mâchoire, finement dessinée, et glabre, tout comme son torse, laissait à penser qu’il était encore au début de sa vingtaine. Ses cheveux noirs lui tombaient sur les yeux et Lucia se risqua à les écarter de son visage. Elle crut l’avoir réveillé mais Alec restait immobile et sa respiration restait inchangée. L’agréable douceur de ses cheveux resta un moment au bout de ses doigts, semblable à de la soie et la jeune femme approcha une main hésitante vers la chevelure d’ébène.

Les yeux d’Alec s’ouvrirent alors et les deux perles noires accrochèrent le regard de Lucia qui se figea. Le sourcil noir du jeune homme s'arqua ostensiblement, maintenant que son front était dégagé, et un sourire étira ses lèvres, révélant la fossette au creux de sa joue. 

Lucia ramena sa main sous les draps en hâte. Elle tenta de cacher sa gêne en enfouissant son visage en feu dans l'oreiller. Son cœur palpitait si fort dans sa poitrine qu'elle craignait qu'il ne soit audible dans le silence. Mais ce fut le bruissement des draps qui le brisa. Lucia leva les yeux vers le jeune homme, qui affichait un léger sourire, désormais adossé contre la tête de lit. Elle aurait voulut lui rendre son sourire et le remercier de prendre soin d'elle, mais son cauchemar hantait ses jours et elle avait besoin qu'il cesse. 

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

L'inquiétude perçait dans la voix d'Alec et Lucia s'aperçut que son propre visage était crispé d'angoisse. Elle écarta ses cheveux de son visage, agacée par les mèches qui se prenaient dans ses cils. 

— Je vais devenir folle si ça continue. J'entends des voix, je vois des choses… 

Sa voix mourut dans un sanglot et une boule se forma dans sa gorge. 

La main d'Alec trouva la sienne et son cœur se mit à battre plus fort. La douceur dans son regard et dans sa voix atténuait sa peur. Sans l'effacer complètement.

— On trouvera une solution. Je te le promets.

Son doux sourire fit bondir son cœur dans sa poitrine avant que des coups à la porte ne les fassent sursauter tous les deux. Le sourire s'effaça des traits d'Alec, remplacé par l'angoisse et la méfiance et le jeune homme se redressa avec raideur. Lucia tenta de se relever elle aussi mais Alec la retint, posant ses mains sur ses épaules afin de la rallonger dans le lit. Elle voulut s'emparer de ses bras pour l'empêcher de partir mais ils lui échappèrent et le jeune homme passa la porte de la chambre. Un doigt sur les lèvres, il enjoigna à Lucia de garder le silence.

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Alice_Lath
Posté le 21/08/2020
Peut-être qu'ils sont plongés dans une illusion pour les pousser à sortir et à se trahir ? Puis je suis curieuse sur la manière dont le démon s'y prend pour ainsi posséder Lucia héhé, désolée, j'ai tendance à poser pas mal de questions, même si je sais que j'aurai la réponse à un moment, j'ai tendance à faire ça quand ça fuse dans ma tête huhu. Bref, sinon toujours aussi bon chapitre ! Je t'avoue que le début m'a causé un peu de mal, mais depuis l'agression dans l'hôpital, l'action est vraiment top et s'enchaîne super bien !
TheRedLady
Posté le 21/08/2020
Peut être 🙈
Je prends note pour le rythme, ça va beaucoup m'aider dans la réécriture ! Merci
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