Au solstice, je rejoignis Félix. Il m’attendait, seul, pas d’embuscade. J’avais pris ma décision.
- Salut, Gilles.
- Bonjour, Félix. Joli travail.
- Pardon pour le délai mais ça n’a pas été simple de le faire en toute discrétion.
- Je comprends, assurai-je.
- Tu as le temps de réfléchir à la suite ?
- Je veux qu’ils meurent mais pas avant d’avoir connu la peur, annonçai-je, goûtant mon pouvoir.
Félix resta stoïque, attendant la suite.
- Peux-tu tuer Oumou, Caly, Kol et Malika ? Puis laisser les puissants mariner un peu avant de les faire tomber, un à un ?
- Oumou, ça sera très facile, m’assura Félix. Malika aussi. Pour Kol, je trouverai une astuce. Caly, en revanche… elle est toujours collée à David. Tuer l’un sans l’autre sera coton. Ensuite, je m’adapterai à la réponse des puissants, en fonction de s’ils choisiront de se terrer, de contre-attaquer, de s’unir ou si au contraire la situation les séparera.
- Fais au mieux.
Félix s’inclina.
- Félix ? lançai-je.
- Hum ?
- Pourquoi fais-tu ça ? Caly est la créatrice de ton créateur !
Il haussa les épaules. Son lien avec Seth l’indifférait clairement.
- Ça m’amuse terriblement de faire ça, indiqua Félix. Espionner, me cacher, changer d’identité et d’apparence, filer quelqu’un, recueillir des informations.
Chacun son trip, pensai-je. Je grimaçai. Félix faisait cela pour le fun, pas par loyauté. Il retournerait sa veste à la première proposition adverse. J’espérais que cela ne se produirait pas. Nous nous quittâmes sur ces mots. Je retournai aux temples, les yeux rivés vers l’extérieur, me demandant quand et comment Félix se déciderait à agir.
- Il n’a pas pu réussir, gronda Paul. C’est impossible !
- Une bombe nucléaire est tombée sur Malika, une autre sur Oumou, rappela Baptiste. Tu crois que c’est un hasard ? Kol est introuvable. Où sont David et Caly ? Paul, ouvre les yeux ! Il a réussi !
Baptiste vit son frère se mettre à trembler. Ce connard de Gilles parvenait à ses fins : leur foutre la trouille. Il avait connu la peur pendant des centaines de milliers d’années. Il tenait à leur rendre la monnaie de leur pièce. Baptiste dut admettre qu’il s’y prenait fort bien.
Je rentrai dans les temples. Une bonne chose de faite. Bientôt, les puissants ne seraient plus qu’un lointain souvenir. Restait maintenant à m’occuper de cette seconde organisation, celle de ces sorcières ayant infiltrées notre communauté. Juliette y travaillait.
Devoir me contenter d’attendre tandis que mes pions avançaient seuls me déplaisait. Trop d’incertitudes. Trop d’inconnu. J’aurais préféré agir mais tous les regards se tournaient vers moi. Nul ne connaissait Félix. Quant à Juliette, malgré toute sa bonne volonté, elle n’avait jamais réussi à rallier sa famille sous sa bannière.
Je me retrouvai à gérer les avertis qui me demandaient souvent conseil, et ce bien que je n’en eusse pas vraiment envie. Je me contentai de donner le change. Non pas qu’être le guide des avertis me dérangeât ! Pas du tout ! Ce fut l’être dans ces conditions qui me donna la nausée. Parler avec l’une de ces sorcières en faisant croire que j’ignorais qu’elle fut une traître me répugnait.
J’entendais les avertis me désigner comme lunatique. J’étais très cohérent, au contraire. Vous ne pouviez juste pas savoir, mes chers compatriotes, que celles que je rembarrais n’appartenaient pas à notre communauté.
Heureusement, Juliette me proposa de venir la rejoindre avant que notre ennemie ne vienne me trouver.
- Les failles dans le don de ces sorcières ne sont pas nombreuses, me précisa Juliette, mais elles existent.
J’écoutai avec attention.
- Tout d’abord, l’aura ne change que pendant une conversation orale. Un simple hochement de tête ou un haussement d’épaules n’amènent rien.
- La communication non verbale passe au travers, compris-je.
Juliette confirma d’un geste.
- Ensuite, elles ne repèrent pas le mensonge par omission.
Je vis immédiatement le potentiel.
- Enfin, elles ne voient les auras que en direct, pas sur des enregistrements.
- Tu es merveilleuse ! assurai-je.
- Je continue à les étudier, assura Juliette. Je te préviendrai si nous faisons d’autres découvertes.
- Je t’aime, dis-je, les larmes aux yeux.
- Gilles ? me lança ma merveille.
- Oui ?
- Qu’est-ce que tu as en tête ?
- Je sais ce que je fais, assurai-je. Je ne peux pas t’en dire plus. Les murs ont des oreilles. Fais-moi confiance. Tout ira bien.
Je la quittai sûr de moi. J’avais toutes les cartes en main. Notre ennemie me contacta quelques jours plus tard. Elle osa pénétrer à l’intérieur même des temples pour venir me trouver jusque dans la salle du trône. Elle avait changé d’apparence alors je ne la reconnus d’abord pas. Je crus qu’il s’agissait d’une nouvelle Vampire venue pour être présentée par sa créatrice. Je fus vite détrompé.
- Bonjour, Gilles d'Helmer, dit-elle. Je m’appelle Malika.
- Pas responsable, hein ! gronda Paul.
Baptiste grimaça. La brune conserva son immense sourire.
- Toujours enclin à la défendre, cette salope de traîtresse ! s’écria Paul.
- Laisse-moi lire la suite. Elle a peut-être essayé de nous protéger ! Elle s’est prise une bombe nucléaire sur la tête. Laisse-lui au moins le bénéfice du doute !
Paul ronchonna mais ne le contra pas davantage.
J’étais censé ne pas la connaître. Je fis semblant, mes pensées virevoltant, tentant de réunir toutes les informations sans y parvenir.
- Mais toutes mes filles m'appellent la mère éternelle, reprit Malika.
Je me crispai. Elle admettait être à la tête de l’organisation des sorcières. « Filles ? » répétai-je dans ma tête. Elle avait mordu elle-même les sans-âme. Comment avait-elle pu agir alors même que Paul la surveillait ? Même Félix n’avait rien vu. J’admets l’avoir un peu admirée.
Elle se jouait des puissants et je pris peur. J’avais la sensation d’être un enfant entrant dans la cour des grands. Puis je me repris : elle avait ses forces mais j’avais mes propres atouts. J’étais de taille à la battre. D’abord surmonter ce moment difficile. Savoir ce qu’elle voulait. Écouter la raison de sa venue.
- Je suis le petit de l'un de ceux que vous nommez les puissants, indiqua Malika.
Je me forçai à rester serein. Plusieurs avertis frémirent autour de moi. Je restai concentré. Elle semblait vouloir se montrer honnête. Pourquoi entrer en contact avec moi après tout ce temps ?
Le livre des origines, auquel elle avait accès grâce à ses filles, ne parlait pas du vrai Félix, ni de Juliette, ni de quoi que ce fut des incroyables découvertes de ces derniers siècles.
Je me félicitai de mon choix. Mon ennemi restait aveugle grâce à ça. J’imagine votre colère, à vous tous, avertis, mais garder ces atouts dans ma poche restait ma meilleure arme. Je ne le regrette pas.
- Cependant, je ne fais pas partie de leur cercle, précisa Malika. Ils m'empêchaient d'accomplir ma volonté alors j'ai décidé de rompre avec eux même s'ils l'ignorent.
Baptiste sentit le regard triomphant de Paul sur lui.
- Il peut tout aussi bien mentir ! gronda Baptiste. Il a dit lui-même avoir crée une fausse version du livre des origines. Il cherche à nous blesser. Semer la zizanie entre nous est…
« J’étais présent ce jour-là. Cette femme a réellement prononcé ces mots. J’ignorais simplement que Gilles avait eu le temps de les coucher sur le papier. Je pensais qu’il prenait son temps. »
Des centaines de voix porteuses du même message résonnèrent dans l’Atlantide. Baptiste observa la brune qui conservait son sourire. Baptiste se renfrogna. Malika avait essayé de les contourner. Elle avait joué un jeu dangereux et y avait perdu la vie. Qui avait-elle emporté avec elle ?
Je choisis de me taire afin de la laisser poursuivre. Elle sembla positivement surprise de mon attitude et continua, sereine, comme en terres conquises. Cette attitude hautaine et prétentieuse me hérissa. On aurait dit une reine !
- Je suis à la tête d'une grande quantité de Vampires ayant un don particulier : celui d'être en mesure de voir la nature d'une créature – humaine ou Vampire.
Je gardai le silence. Ne pas dévoiler mon jeu. Elle devait penser que je cachais ma surprise. Elle ne pouvait imaginer que je connaissais déjà l’existence de ce don. Je constatai qu’elle se gardait bien de préciser que ces sorcières pouvaient aussi déceler le mensonge d’un simple regard.
- Humaine, nous étions des prêtresses du bien. Transformées, nous nous nommons prêtresses du mal.
« Nous » pensai-je. Elle s’incluait dans ce groupe. Mon ennemi pouvait voir l’honnêteté ou le mensonge sur moi. Je me félicitai de n’avoir pas encore prononcé un mot. Son pouvoir ne fonctionnait que si je parlais. Mentir par omission, me rappelai-je. Je décidai de bien peser chaque futur mot prononcé.
Je me rappelai que Juliette m’avait dit que le don était rare. Depuis combien de temps leurrait-elle les puissants pour en posséder autant ? Des millénaires, sans aucun doute…
Je pris toute la mesure de sa force. Pour ainsi se jouer d’eux, elle devait être une stratège hors paire. Il me faudrait me méfier.
- Mes filles ont infiltré votre organisation depuis des siècles. Nous ne vous voulons aucun mal. Nous cherchions avant tout à vous connaître et avons découvert un groupe agréable avec lequel nous aimerions beaucoup créer des liens amicaux.
J’explosais de rire tant la proposition me parut stupide. On ne poignarde pas quelqu'un pour ensuite lui proposer son amitié.
- Ceci dit, difficile de devenir ami avec de la cendre, compléta Malika.
Aucune menace n'égalait celle-là. Elle venait de nous condamner à mort. Je grognai en montrant les dents. Je ne me laisserai pas intimider aussi facilement.
- Les puissants s'apprêtent à exterminer l'intégralité des Vampires du monde.
Je pâlis. Quoi ? Comment ça ? Félix ne m’en avait rien dit ! Non, impossible ! Ils avaient enfin décidé de réagir ? Pourquoi maintenant ? Félix parviendrait-il à les tuer avant qu’ils n’arrivent à leurs fins ?
- Avec notre aide, ils vont réussir.
- Son aide ? s’étrangla Paul. Comment ça, son aide ?
- C’est pour cette raison que ça a été aussi facile, comprit Baptiste. Nous n’étions pas sept mais des centaines. Malika nous a soutenus dans notre décision. Elle ne supportait pas ton interdiction de procréer et a passé outre mais elle ne s’en est jamais prise à nous. Elle aurait pu. Elle a choisi de nous protéger.
- Je n’ai pas besoin d’elle ! s’écria Paul.
- Ah oui, vraiment ? répliqua Baptiste en désignant de la main la prison dans laquelle ils se trouvaient.
Paul montra les dents en tremblant de rage. Baptiste reprit sa lecture.
- La question étant : vont-ils trouver sur leur chemin des avertis ? poursuivit Malika. Je trouverais cela dommage, pour ma part, que votre organisation disparaisse. Le monde est bien assez grand pour être partagé. En revanche, des Vampires partout qui permettent aux humains de s'entraîner ne sont vraiment pas une bonne idée. Leur disparition nous permettra à tous de vivre librement, sans crainte des humains. Je préfère offrir à mes filles un monde comme celui-là.
- Qu'attendez-vous de moi ?
- Nous avons l'habitude de gérer les puissants. Nous les surveillons depuis des siècles. Nous pourrons les aider à exterminer les Vampires en restant invisibles. Je crains que ça ne soit pas votre cas. Le temps que la guerre se termine, nous préférerions que vous disparaissiez.
- Comment ?
- À vous de trouver. Je ne suis pas venue vous dire quoi faire, précisa Malika. Je suis uniquement là pour vous prévenir. Cela se fait, entre amis.
- Si vous êtes réellement mon alliée, alors demandez à votre engeance de quitter mes temples. Je veux être entouré des miens et non d'espionnes infiltrées.
- Très bien. Retournez toutes à la pouponnière, chuchota Malika en regardant le plafond. Prévenez celles qui sont dehors. Je veux un retour complet pour préparation de la guerre à venir. Voilà, c'est fait, annonça Malika à haute voix en me regardant de nouveau.
Je ne sus comment réagir. Cela avait été facile, trop facile. J’étais déconcerté. Juliette et ses prêtresses du bien ne m’étaient d’aucune utilité. Mon interlocutrice n’ayant pas d’aura, elle pouvait mentir comme une arracheuse de dents sans que nos sorcières ne puissent le percevoir.
Un averti entra dans la salle du trône, un bouquet de d’Almas de Chapias à la main. Je le reconnus comme l’un des petits de ma merveille. J’attrapai le cadeau avant de déplier la carte qui l’accompagnait : "Sans âme visible dans les temples en dehors de la salle du trône : zéro". Malika avait tenu sa promesse. Elle semblait réellement vouloir être notre alliée, tout en leurrant les puissants. Elle jouait un jeu dangereux, à n’en pas douter.
Je la regardai. J’avais demandé à Félix de la tuer. Je me félicitai d’avoir envoyer un homme seul, indétectable. Malika ne s’en était jamais prise aux puissants malgré sa grande organisation. Elle ne souhaitait donc pas leur mort. Elle les soutenait même dans leur décision d’exterminer les Vampires non avertis.
Je ne pouvais l’accepter. Je voulais la mort des puissants, qu’ils tremblent de peur avant qu’une main ne leur arrache le cœur. Nul doute qu’elle m’en empêcherait si elle l’apprenait. Je décidai de laisser faire Félix. Bientôt, elle serait morte ainsi que tous les siens. En attendant, autant jouer le jeu de l’amitié.
- La guerre est-elle proche ? demandai-je.
- Imminente, précisa Malika. Moins de dix ans.
Je pris note ainsi que les avertis.
- Je vous remercie de m'avoir prévenu et d'avoir rendu les temples aux avertis, indiquai-je. Je vais réfléchir à tout cela.
- Naturellement, répondit Malika en souriant chaleureusement. Je vous souhaite une bonne réflexion.
À ces mots, Malika et ses filles disparurent. Je fis le tour des temples pour discuter avec les avertis. Ce faisant, je réalisai un rapide comptage des troupes. Il y avait tant d'absents ! Comment cela était-il possible ? Que les deux cents recrues arrivées après la découverte de l'ancien monde soit parties se comprenait. En revanche, pourquoi manquait-il d'autres avertis, dont certains bien plus vieux ? Je compris. Pour nous infiltrer, Malika n'avait pas hésité à tuer des avertis et à prendre leur identité. Combien d'avertis avaient ainsi péri ? Ma haine envers elle n’en fut que plus grande.
Je pris le temps de compléter ma version du livre des origines, y rajoutant cette rencontre puis me tournai vers ma communauté.
Ce fut avec une amertume certaine que j’écoutai les avertis faire des propositions, que je n'écoutai que d'une oreille. Seule la vengeance m’importait et elle était en route. Quand Félix se déciderait-il à agir ? Impatient, je décidai de rejoindre le lieu de rencontre habituel au solstice d’été. Il était là.
- Les puissants projettent-ils d'exterminer les Vampires ? demandai-je sans même prendre la peine de le saluer.
- Ils veulent s'allier aux humains pour le faire, c'est leur plan, annonça Félix.
- Tu ne comptais pas m'en parler ? m'exclamai-je.
- Non, pourquoi faire ? répliqua Félix. Ils vont échouer de toute façon. Que voulez-vous qu'ils fassent à sept contre des millions ? C'est ridicule. Même avec l'aide des humains et de leurs prêtresses du bien, ils n'arriveront à rien.
- Tu connais l'existence des prêtresses du bien ? m'écriai-je.
- Oui, les Aar en parlent souvent. Malika a été l'une d'elle dans son humanité.
- Et tu n'as pas cru bon de m'en parler ? criai-je, hors de moi.
- Non, pourquoi ? C'est important ?
Je respirai profondément. Félix n'y était pour rien. Je l'avais envoyé chercher les puissants puis déterminer un moyen de les tuer, pas enquêter sur les sorcières.
- Les puissants vont réussir à exterminer les Vampires, indiquai-je, calmé.
- J'en doute, répliqua Félix.
- Ils vont recevoir de l'aide. Je te conseille de te cacher pendant la guerre. Les Vampires seront tués à vue.
- Souhaitez-vous que j’intervienne avant ? Je suis prêt à tuer Oumou, Kol et Malika, assura Félix.
- Non, dis-je. Je dois admettre que leur idée me plaît. Les humains sont dangereux et cela va en empirant. Leur donner de quoi s’entraîner et raviver le feu de la guerre est contre productif. Mon organisation se cachera le temps que les puissants et leurs alliés massacrent les Vampires non avertis. Dès qu’ils l’auront fait, frappe. Cela passera pour une réplique des humains. Ils se tourneront vers la mauvaise personne, te permettant de facilement t’en sortir.
Félix sourit. Il semblait trouver l’idée excellente. Je lui tendis un exemplaire complet du véritable livre des origines. Inutile de lui cacher quoi que ce soit.
- Lis les derniers ajouts et tu comprendras, indiquai-je à mon allié. Ne transmets cet exemplaire à personne. Détruis-le après l'avoir compulsé.
- Très bien, répondit Félix.
- Bon courage et prends soin de toi, mon ami, dit-je en serrant le bras du Vampire.
Félix lui rendit le salut et nous nous séparâmes. Je souris. La stratégie était finalisée. Les pièces se mettaient en place. Bientôt, je pourrai déclarer l'échec et mat.
Aux temples, je m’investis avec ardeur. Plus d’espion et la promesse d’un avenir radieux me donnaient des ailes. J’écoutais les propositions, menais les débats, encourageais chacun à donner son avis. Les échanges furent nombreux et intéressants. La collectivité ne parvenait cependant pas à se mettre d’accord entre les deux propositions ayant reçues le plus de plébiscites.
Les avertis me demandèrent mon avis. Je grimaçai. Juliette aurait dû prendre cette décision, pas moi. Je ronchonnai car aucune de leur solution ne me plaisait. Rester dans les temples mais murer les accès ou s’enfouir sous les neiges immortelles d’une haute montagne. Non, cela n’allait pas. Le lieu de repli devait être introuvable, impénétrable, par des humains ou des Vampires, et résister au temps.
Bien sûr que ça n’était pas aisé car après tout, les Vampires pouvaient aller partout, au sommet des plus hauts monts tout autant qu'au plus profond des grottes les plus immergées. C’est à ce moment-là que l’idée me vint. Je repassai dans ma tête la fausse version du livre des origines et souris. Oui ! Je l’avais mentionné. Je pouvais l’utiliser sans risquer de me compromettre.
- Il suffit de faire comme Félix, annonçai-je.
- Comme Félix ? répéta un averti, abasourdi.
- Il a réussi à nous échapper pendant un demi-millénaire. Il a été introuvable, intraçable, invisible.
- Sous l’eau, dit un averti qui venait sans aucun doute de se repasser ce moment du livre des origines dans sa tête.
- Aucune odeur à suivre. Les humains sont incapables de s’y rendre. Les puissants ne songeront pas à venir nous y chercher. C’est parfait, annonçai-je.
Toute la communauté valida. Bien sûr, trouver le site idéal prit du temps, tout comme s’entendre sur la meilleure méthode, les couleurs, l’agencement mais finalement, l’Atlantide naquit, ville immergée à des kilomètres sous l'océan. Juliette ne m’y rejoignit pas et nul ne s’en inquiéta. J’imaginais sa peine, elle qui avait crée cette communauté.
« Patience, ma merveille, patience. Bientôt, tu pourras grandir et obtenir ce qui te revient de droit », pensai-je.
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En plein milieu de la guerre, Malika me rendit visite. Je ne fus pas surpris mais tout de même agacé qu’elle connaisse l’emplacement de notre refuge.
- Que me vaut l'honneur de votre présence parmi nous ? demandai-je en me forçant à adopter un ton convivial.
Après tout, bientôt, elle serait morte. Un peu de politesse ne me coûtait rien.
- Souhaitez-vous que nous discutions d'une alliance entre nos deux organisations ? demanda-t-elle.
C’était une bonne idée. Ainsi, après sa mort, ses filles désœuvrées se tourneraient vers moi. Excellent !
- Ce n'est pas à moi d'en décider mais à notre communauté, précisai-je.
- Si celui qui est nommé le Maître de l'Atlantide ne commande pas… murmura Malika d'un ton moqueur.
Je grinçai des dents. Juliette avait choisi un mode de vie non pyramidal et alors ? Qu’elle se prenne pour une reine ne lui donnait pas le droit de se montrer condescendante. Je ravalai ma rage. Elle mourrait dès la fin de la guerre. Je priai pour qu’elle soit rapide.
- Mais soit, poursuivit-elle. Expliquez-moi comment procéder.
Un conseil fut monté. Chacun put s’exprimer. Malika ne cacha pas son ennui ni son agacement devant cette suite interminable de palabres. Je lui aurais volontiers arraché le cœur de mes propres mains si une dizaine de ses filles ne l’escortaient pas.
- Tout d’abord, commença Spike, un averti aux cheveux blancs, je propose d’élargir la loi de paix à nos futures alliées.
- Nous ne comptons pas vous tuer, assura Malika.
- Vous n’avez pourtant pas hésité à le faire. Nous ne sommes pas aveugles. Nombre de nos amis ont disparu.
- Aucune prêtresse du mal ne doit tuer d’averti ! proposa une voix dans l’assemblée.
- Parce qu’un averti, lui, peut tuer une de mes filles s’il le souhaite ? cingla Malika.
- Aucun Vampire ne peut en tuer un autre, corrigea Spike.
J’espérais que cette règle ne passerait pas. Je ne désirais pas que Félix devienne un hors la loi.
- Mes filles vont exterminer des Vampires, rappela Malika.
- Aucun Vampire ne doit tuer un Vampire au contrôle, corrigea Spike.
- Et si un parvenu tue un averti ? Le pauvre ne sait même pas que cette règle existe ! dit quelqu’un dans la foule.
- Aucun Vampire qui connaît cette règle ne doit tuer un Vampire au contrôle, proposa Spike.
Voilà qui me convenait totalement. Félix ignorait l’existence de cette loi. Il pouvait assassiner les Aar sans devenir un criminel. Parfait.
- Super, maugréa Malika et son ton ne laissait aucun doute sur l’ironie intense portée par ce simple mot.
Je me demandais, agacée, ce qu’elle avait à en redire.
- Alors permettez-moi de vous poser trois questions. 1) Comment le meurtre est-il démontré ? Je rappelle qu’aucun cadavre ne viendra éveiller les soupçons. 2) Comment retrouvez-vous le coupable ? 3) Même s’il est confondu, que risque-t-il ?
- La mort ! hurla quelqu’un dans l’assemblée en oubliant les deux premières questions.
Malika secoua la tête.
- Qui va tuer ce criminel puisqu’il est interdit de tuer un Vampire au contrôle ? soupira Malika.
Je compris que les discussions seraient longues. Finalement, la première règle fut énoncée :
La paix : aucun Vampire n’ayant eu connaissance de cette loi ne doit tuer un Vampire au contrôle (exception faite des miliciens dans l’exercice de leurs fonctions)
En cas de non respect, la punition était la mort. Malika avait eu beau s’opposer, il n’y avait rien eu à faire. Elle soupirait ouvertement mais accepta la décision finale en levant les yeux au ciel.
La descendance : Tout enfant doit être formé.
Au départ, les avertis voulaient purement et simplement interdire aux Vampires d'être créateur mais Malika avait hurlé sur le fait que jamais il ne fallait interdire à un Vampire de procréer, que les conséquences étaient trop graves sans révéler lesquelles. Je n'avais pas relevé. J’avais longuement interdit à Juliette de procréer et ça n'avait pas spécialement posé de problème. De plus, je n'ai jamais crée de petits depuis que je contrôle ma procréation et n'en souffre nullement. Je ne m’opposai pas. Après tout, ces règles pourraient être revues après la mort de Malika. Inutile de trop s’attarder dessus. Ce n’était qu’un écran de fumée.
La présence de cette règle de formation ne posa aucun souci, déjà parce qu'elle existait déjà avant de manière non officielle mais également parce qu'aucun Vampire n'est tenu de former lui-même son petit. Les temples offrent une école de Vampires qui serait remise en route dès la fin de la guerre. Le consensus sur le danger de permettre aux humains de s'entraîner sur des petits Vampires avait été aisé à obtenir.
En revanche, les conséquences en cas de non-respect de cette règle avaient crée des débats interminables. Que la descendance soit tuée était une évidence pour tous. En revanche, que faire du créateur hors la loi ? Malika avait créé un tollé en proposant de ne rien faire. Je n’y vis qu’une immense preuve de faiblesse.
Malika argua que retrouver le créateur pouvait s'avérer compliqué et serait preneur en temps, en énergie et en homme. Les avertis proposèrent de se charger de cette lourde tâche d'enquête. Malika accepta dans un soupire indiquant clairement à quel point elle trouvait cela ridicule. Une fois le créateur trouvé, les avertis proposèrent de le tuer, purement et simplement. Malika eut beau hurler, crier, s'opposer, rien n'y fit et finalement, je fus heureux de constater que mes avertis eurent le dessus. À quoi bon mettre des règles en place si aucun moyen n'était donné de les faire respecter ? Ne restait qu'à monter la milice interne chargée des enquêtes et de tuer les coupables. Malika voulut s'opposer mais nul ne l'écouta et elle finit par se murer dans un silence exaspéré.
L'anonymat : Les Vampires doivent rester discrets.
Aucune difficulté à faire accepter cette règle. Les humains seraient d'autant plus faciles à combattre s'ils ignoraient lutter. À leurs yeux, les Vampires auraient tous disparus à la fin de la guerre et il suffisait de les maintenir dans cette croyance pour que le danger soit éliminé.
En revanche, les modalités d'application furent bien plus compliquées à accorder. Que faire en cas de non application de cette règle ? Que signifiait exactement discret ? Aucune réponse ne fut donnée. Les débats coururent sans que cela ne m’alarme. La guerre durerait encore assez longtemps pour que les réflexions se poursuivent.
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Grâce à la télévision, que mes avertis avaient réussi à capter malgré la profondeur, je fus au courant des explosions des bombes nucléaires. Hiroshima, découvris-je en souriant. Que le lieu de regroupement des Aar ait été visé ne pouvait pas être une coïncidence. Félix était à l’œuvre. Je changeai d’apparence puis me rendis discrètement à notre lieu de rencontre habituel.
Félix ne s’y trouvait pas mais je découvris, bien protégées dans un tube en plastique, quelques feuilles de papier gribouillées à la va-vite. Un post-it indiquait : "Pour le livre des origines, si vous le voulez bien". Le tout était signé Félix. Je lus ses mots puis décidai de les inclure, selon sa volonté.
C'est donc Félix qui a provoqué les bombes et tous ces morts. Il est un peu fou, un psychopathe, d'autant qu'il n'avait pas vraiment de raison de le faire, à part s'amuser.
Gilles aussi est un peu timbré dans son genre. Il élabore des plans, cache des infos cruciales à ses alliés et rumine sa haine.
Tout ça n'engendrera rien de bon...
Encore une fois, les incises permettent de comprendre que Baptiste lit et on se rend compte de leurs émotions lorsque lui et Paul apprennent la trahison de Félix et Malika. Du coup, c'est mieux je pense.
Je ne comprends pas ce que Malika a à gagner d'une alliance avec les avertis de Gilles. Elle est assez puissante avec son organisation de sorcières et après tout, elle n'est pas contre les puissants. A-t-elle changé d'avis et envisage-t-elle de s'en prendre à eux bientôt ?
PS : j'ai lu le chapitre d'avant et j'ai rien à dire de plus. Je l'avais lu récemment et j'avais encore tout bien en tête. La nouvelle version est bien comme ça, rien a dire. 🙂
Mes notes de lecture :
"Aucune embuscade ne l’accompagnait"
> Le verbe est-il le meilleur ? On peut tomber dans une embuscade, mais être accompagné d'une embuscade ? 🤔
"Nul ne connaissait Félix et Juliette, malgré toute sa bonne volonté, n’avait jamais réussi à rallier sa famille sous sa bannière."
> Phrase bizarre, à quel sujet se refert la 2nde partie de la phrase ?
"C’est pour ça que ça a été aussi facile, comprit Baptiste"
> Un peu maladroit comme phrase avec la répétition de "ça"
"Malika n’en était jamais prise aux puissants"
> "...ne s'en était..."
Félix est surtout égoïste. Il s’ennuie. Il s’amuse. Je ne sais pas trop ce que fait l’immortalité sur un être humain dépourvu de conscience (je rappelle que le virus du Vampirisme modifie la psychée de la victime, rendant floues les notions de bien et de mal) mais j’imagine qu’on pète un câble assez rapidement. Félix a vécu seul pendant un demi-millénaire. Ses premiers pas de Vampire ont été « Tu n’as pas le droit de vivre » et « On va te buter ». Il y a de quoi non ?
Pour Gilles, je ne répondrai pas car son cas fera l’objet d’un moment très important dans un autre tome.
Pour Malika, tu auras la réponse dans les chapitres suivants alors je te laisse découvrir.
Je suis vraiment contente que cette nouvelle version te plaise et soit plus claire.
J’ai corrigé les fautes.
J’espère que la suite te plaira autant !