Chapitre 12 — Ben

Alors que je venais tout juste de quitter la cuisine, j'entendais Rey rire au loin et cette simple réaction me fit doucement sourire. J'aimais ces échanges extrêmement doux entre nous, mais j'avais aussi terriblement peur que ce ne soit qu'éphémère.

Je passai brièvement dans ma chambre pour enfiler la première chemise noire qui me vint à portée de main. Je jetai un bref coup d'œil par la fenêtre pour voir qui venait de sonner. Mon regard croisa celui de Trilla. Elle m'adressa un simple sourire quand je lui fis signe que j'arrivais.

Une fois ma chemise boutonnée, je descendis les escaliers et atteignis la porte d'entrée pour lui ouvrir.

— Trilla ? Je ne t'attendais pas aujourd'hui... Est-ce que ça ne peut pas attendre un autre jour ?

Je me doutais que la raison de sa venue était purement professionnelle. À force, je commençais à la connaître. Trilla était submergée par le travail et c'était son unique priorité par moment. C'était sa manière à elle de fuir en partie la réalité.

— Pas vraiment, me répondit-elle en évitant mon regard un instant.

— Il y a un problème à l'entreprise ?

— Plus ou moins. J'ai reçu des menaces pendant la nuit...

J'aurais tellement préféré ne pas comprendre ce qu'il en retournait aussi facilement. Malheureusement, nous en avions pris l'habitude. Les menaces, on les enchaînait chaque jour de plus en plus... Mais si elle venait me voir à mon domicile, c'était probablement bien pire que d'habitude.

Alors que j'étais sur le point de répondre, je vis son visage se défigurer et toute son attention se porta sur un point derrière moi. En me tournant, j'aperçus Rey, visiblement très inquiète par la situation.

— Tu as peut-être raison, je ferai mieux de passer à un autre moment...

Elle fit demi-tour et après avoir fermé la porte derrière moi, je la rattrapai. Je marchai à ses côtés jusqu'à sa voiture.

— Je t'en prie... Ne m'en veux pas, la suppliai-je.

Elle s'apprêtait à ouvrir la portière de sa berline rouge, mais elle se retint. Elle posa un coude sur le toit de sa voiture et soupira longuement.

— Tu sors de nouveau avec elle ? s'enquit-elle, la voix tremblante.

— J'en sais rien... On a juste un peu discuté.

Elle détourna son regard pour observer l'horizon. Son poing vint se poser un instant sur sa bouche, comme pour retenir ses premières pensées. Évidemment, elle m'en voulait pour avoir un contact un peu plus cordial avec Rey. En même temps, elle connaissait aussi bien mes faiblesses que je connaissais les siennes.

— Je ne peux pas t'en vouloir de toute manière, lâcha-t-elle en éloignant le poing de sa bouche. Ça se voit que t'arrives pas à l'oublier et que tu mourrais d'envie de te rapprocher d'elle. Mais tu prends vraiment de gros risques...

— Je sais, avouai-je à demi-voix.

Malheureusement, nous étions tous les deux habités par la peur de perdre ceux qui comptaient le plus à nos yeux...

— Il faut vraiment qu'on trouve un moyen de se sortir de cette merde, ajoutai-je fermement. On ne pourra pas continuer comme ça éternellement... On ne peut pas laisser Snoke nous drainer le peu d'énergie qu'il nous reste depuis sa tombe...

Une mine perplexe se dessina sur son visage, puis elle se redressa pour m'annoncer :

— Peut-être que j'ai une solution. On se retrouve demain à l'entreprise pour parler de tout ça... Mais je ne te promets pas que ce sera une idée qu'on puisse exploiter...

— On verra...

Il y avait peu de convictions dans sa voix. Elle savait que c'était perdu d'avance. Mais nous étions tellement au fin fond qu'on pouvait tenter la pire solution. Néanmoins, j'étais tout de même assez étonné qu'elle veuille enfin oser quelque chose. Était-ce lié aux menaces qu'elle avait reçues ?

— Je te donnerai les détails pour demain par message.

— Ça marche.

Elle ouvrit alors la portière de sa voiture pour s'y installer. Elle m'adressa un timide sourire avant de la refermer, puis elle partit. Dès que sa voiture quitta mon champ de vision, je revins dans ma maison.

Rey était installée dans les escaliers, l'air préoccupé. Elle se releva aussitôt lorsqu'elle m'aperçut.

— Désolée... Elle n'aurait peut-être pas dû me voir. Je ne veux pas que tu aies des problèmes, se confondit-elle en excuses.

— Ne t'en fais pas... Elle a peut-être une idée pour nous aider.

Elle afficha un léger sourire, mais tout de même retenu. Elle n'avait aucune idée de tout ce que ce bordel impliquait et moi non plus à vrai dire.

— On verra ça demain, ensemble, elle et moi, ajoutai-je simplement.

— J'ai comme l'impression qu'elle me déteste...

— Trilla donne cette impression à beaucoup de personnes et je ne pourrais pas dire que je suis mieux dans le genre.

Ma remarque l'apaisa soudainement et un petit rire lui échappa. Même si cette expression était timide, ce fut suffisant pour m'apaiser à mon tour.

S'en suivit un long échange de regard. Elle fixait mes lèvres et moi aussi. Puis ses doigts se posèrent sur le premier bouton de ma chemise.

— Je crois que je peux en vouloir à Trilla de t'avoir forcé à te rhabiller, lâcha-t-elle d'un air joueuse.

— N'es-tu pas ravie d'avoir la possibilité de me l'enlever ?

Elle eut à peine le temps de m'adresser un sourire que mes lèvres se posèrent sur son cou pour l'embrasser tendrement. Mon geste la prit par surprise et elle lâcha quelques rires nerveux. Puis elle plongea ses doigts dans mes cheveux. Nous n'avions pas été aussi proches depuis si longtemps et, pourtant, nous nous rappelions à la perfection de toutes nos habitudes.

Je m'arrêtai un instant pour la regarder sérieusement dans les yeux. Ses doigts s'agrippaient d'autant plus à mes cheveux et je la sentis faiblir un instant.

— Veux-tu vraiment prendre ce risque ? lui demandai-je la voix tremblante.

— Qu'on ressorte ensemble ? Oui... Peu importe ce qu'il s'est passé ou se passera. Au pire, on n'est pas obligé de le dire à tout le monde.

— Alors, après avoir fait un faux couple, nous allons cacher notre relation... Dis donc, on passerait pas un peu d'un extrême à l'autre ?

— Peut-être bien... Mais si c'est avec toi, alors j'aime bien les extrêmes.

Ses mains se glissèrent le long de mon cou pour atteindre le premier bouton de ma chemise qu'elle défit très lentement. Son regard était fixé sur ses gestes, gestes qui étaient extrêmement méticuleux. Ma main se posa naturellement sur son cou et je caressai tendrement sa joue de mon pouce.

— Comment as-tu pensé un instant que je te lâcherai ? me dit-elle d'un ton à la limite du murmure.

— Je n'aurais jamais pu m'y résoudre...

 

*

 

Dans la soirée, Trilla m'avait donné l'heure et le lieu du rendez-vous. Alors, ainsi, on se retrouva dans mon bureau un dimanche alors que la nuit était tombée depuis quelque temps. Comme nous étions en plein été, autant dire qu'il était assez tard.

C'était même assez étrange de pénétrer dans ces lieux si vides. D'habitude, il y avait toujours une foule de personnes qui s'interchangeait à chaque minute. Il y avait encore quelques personnes qui travaillaient aujourd'hui, ou des personnes qui travaillaient pour d'autres entreprises qui louaient un ou deux étages, mais rien de bien impressionnant.

Pendant un instant, je craignais de rencontrer des visages familiers qui voudraient échanger quelques mots. Puis je me rappelais que la plupart avaient peur de moi, d'une manière ou d'un autre. Peut-être était-ce ma cicatrice qui les effrayait aux premiers abords ou encore toutes les histoires qu'on racontait à mon sujet... De toute manière, je n'avais plus le temps avec tous ces "on-dit".

En arrivant à mon bureau, je vis que Trilla était déjà arrivée. Elle était confortablement installée dans un canapé, les yeux rivés sur son téléphone. Elle remarqua mon arrivée aux divers bruitages de l'ascenseur. Elle leva les yeux de son écran puis rangea son téléphone dans sa poche. Sans dire un mot, je m'installai à ses côtés. 

Pendant un moment, je fixai le sol devant moi, sans être capable de prononcer la moindre syllabe.

— Tu disais avoir reçu des menaces, lançai-je maladroitement. Tu veux en parler ?

— Il s'agissait de menaces qui ciblaient mon ex...

En posant mon regard sur elle, je vis ses yeux s'humidifier en même temps de toute la peine qui la traversait.

— Snoke s'en était déjà pris à lui... Mais je penserais pas qu'une personne complètement en dehors en soit capable...

— C'est pour ça que t'es prête à trouver une solution pour qu'on se sorte de là ?

Son regard se posa sur le mien, quand bien même elle avait terriblement envie de pleurer puis m'affirma d'une voix ferme :

— Totalement... Je pensais que personne ne me lierait à lui... Mais j'avais tort. Si on est capable de trouver tout et n'importe quoi sur n'importe qui, pourquoi d'autres personnes n'y arriveraient pas ?

De son dos de sa main, elle s'essuya les quelques larmes qui étaient sur le point de couler sur ses joues. Puis elle inspira longuement.

— J'avais peur pour nous jusqu'alors... Mais maintenant, j'ai surtout peur pour lui. Parce que lui, il n'a jamais été lié à cette entreprise. Jamais à toutes ces affaires. Et c'est complètement injuste.

Elle leva les yeux au ciel, surtout pour retenir ses pleurs. Je commençais à la connaître et je savais qu'elle faisait tout pour réprimer ses sentiments – cette fois-ci n'était pas une exception. C'était exactement pour cette raison que Trilla paraissait être une femme froide pour beaucoup de personnes, en réalité, elle tentait juste de se préserver.

— Alors, c'est quoi ta solution ? lui demandai-je peut-être un peu trop brusquement.

— Si je n'avais pas reçu de menaces, j'aurais pu te proposer de reprendre toutes tes parts et ainsi devenir l'unique dirigeante de cette entreprise. Ç'aurait pu te permettre d'être libre avec Rey...

— Ne te sacrifie pas pour moi, l'arrêtai-je aussitôt.

— J'aurais pu le faire avant ces menaces... Mais ce serait stupide de ma part.

Elle s'affala sur le canapé et cala quelques mèches de ses cheveux derrière les oreilles. Elle soupira pendant un long silence. J'attendais toujours impatiemment son idée, mais j'étais capable de lui laisser le temps qu'il lui fallait.

— Un bon moyen pour que cette entreprise meure : c'est de faire sauter toutes les données.

— On se fera aussitôt griller et c'est trop sécurisé...

Elle se releva brusquement et prit une énième respiration avant de m'expliciter son plan :

— Il suffit de masquer nos traces. La plupart des fuites de données se font via une personne de l'intérieur, mais personne ne le sait. Il suffit juste d'être malin. Autrement dit, on se hacke soi-même en prétendant qu'il s'agit de quelqu'un d'autre.

Elle n'avait pas tort sur ce point-là. Le nombre d'affaires de hacking qui impliquait une personne de l'intérieur était impressionnant. La plupart du temps, les entreprises préféraient éviter de reconnaître qu'il s'agissait d'une faille dans leur système alors que c'était bel et bien le cas.

— Tu penses vraiment que détruire toutes nos données d'une manière ou d'une autre sera suffisant ? l'interrogeai-je maladroitement. On a quand même des clients assez puissants derrière nous...

— Qu'est-ce qu'on a de mieux à tenter ?

Encore une fois, elle visait juste. Et je devais reconnaître que Trilla était extrêmement douée pour faire des hypothèses sur chaque possibilité et en tirer la meilleure. De toute façon, entre nous deux, Trilla avait toujours été le cerveau.

— Et comment on met ça en place ? N'importe qui pourrait croire que c'est nous...

— On a bien été attaqué récemment. On pourrait prétendre qu'il s'agisse de la même personne.

Autrement dit Luke. Même si je ne le portais pas dans mon cœur dernièrement, je n'avais pas envie qu'il se prenne tout ça dans la gueule.

— Tu veux vraiment faire ça ? lui demandai-je d'une voix tremblante.

— Tu veux vraiment abandonner Rey ?

Sa question était bien plus pertinente. En réalité, je me fichais de tout, sauf de Rey. Je me fichais d'être dans la pire situation, mais seulement si j'avais Rey à mes côtés. Je me rendais désormais compte que j'étais incapable de me détacher d'elle d'une certaine manière.

— Non... Je ne pourrais pas abandonner Rey. Jamais.

Elle échangea un regard avec moi. D'habitude, quand je parlais de Rey, il y avait un brin de défiance, de méfiance, mais cette fois-ci, j'y voyais entièrement de la compassion. Même si elle ne pourrait en tirer aucun bénéfice, elle était prête à me suivre jusqu'au bout. Au moins pour Rey.

— J'ai été idiote de croire que tu puisses l'abandonner un jour. J'ai jamais pu abandonner Cal. Comment aurais-tu pu oublier Rey ?

Elle prit ma main dans la sienne. Ses doigts enfermèrent douloureusement les miens. J'aurais tellement voulu lui promettre le contraire, mais je ne pouvais vraiment pas oublier Rey, à mon plus grand malheur.

— Et je peux totalement le concevoir, ajouta-t-elle, un sourire en coin en relâchant ma main. Pour le peu que j'ai vu d'elle... C'est une femme déterminée. Très. Je peux voir qu'on a cette qualité en commun et les mêmes travers que ça accompagne. J'ai juste l'impression qu'elle se cherche encore...

— Un peu comme moi, complétai-je immédiatement.

À son sourire, qu'on était tous en pleine quête d'identité, chacun à notre manière. Et d'autant plus de mon côté depuis mon dernier échange avec mon père.

— Je vais donc me charger de notre plan... Mais il va falloir que tu m'aides, je n'ai jamais travaillé sur le code ou la sécurisation des données. Je sais que tu y as un peu plus touché que moi.

Elle me tendit sa main que je pris avec un brin d'hésitation. Nous étions coincés dans une sale affaire et il était fort probable qu'on puisse autant empirer la situation que l'arranger, mais nous n'avions pas d'autres choix à portée de main pour le moment.

— Faisons ainsi...

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Jess Swann
Posté le 26/12/2020
Oh je sens que ça va mal finir, cette histoire...
Mais qu'ils fassent tout péter après tout !
Sympa de se préoccuper de Luke qui n'a rien demandé, il est vrai (pauvre Luke *calin*)
MissRedInHell
Posté le 29/12/2020
Je vais lancer un de ces bordels monstres, comme toujours x')

Oui, le pauvre... C'est en même temps, super tendu comme situation :(
ManonSeguin
Posté le 22/12/2020
Oh Cal **

Ce chapitre il me laisse avec un arrière goût. Une appréhension. Peut-être parce que je commence à te connaître et je sais que leur plan va ammener son lot de conséquences et que cela sera moche à voir T.T (Je me prépare) Mais bon, est-ce que je te lis pour avoir du fluff ? NOPE.

I'm ready for the suite baby !
MissRedInHell
Posté le 22/12/2020
Ouuiii Cal <3

Désoléeeee ;-;
Surtout que je commence à prévoir beaucoup de trucs, trop, d'où l'idée d'un troisième tome haha XD
ManonSeguin
Posté le 22/12/2020
Je signe où tu veux pour mettre la main sur un tome 3 de cette qualité :') Ecoute..I'm ready !
MissRedInHell
Posté le 22/12/2020
Omg, ça va chier après XD
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