Chapitre 12

Par Isapass

On a quitté Brown Hills le lendemain. Modest et Evangelina nous ont accompagnés jusqu’à la sortie du village. Le vieux avait perdu ses petits rires et la lueur d’incendie que j’avais toujours vue dans ses yeux s’était éteinte. Quant à Evangelina, elle cherchait même pas à retenir ses larmes. Les regards qu’elles lançaient à Mercy la suppliaient de rester, mais Mercy faisait semblant de pas les voir. Je crois qu’elle aussi était en colère. La mienne, qui me fermait les poings depuis la veille, s’est faite discrète au moment de leur dire au revoir. C’est vrai qu’ils s’étaient pas beaucoup battus pour nous, mais ils nous avaient offert un répit pendant deux mois. Plus qu’un répit, pour moi et pour Mercy. On s’était prélassés dans le velours comme on en aurait pas rêvé.

Loin derrière, entre les maisons, des silhouettes surveillaient qu’on mettait bien les voiles. Y avait même le pasteur campé sur la placette qui marquait le centre du village. Modest avait dû s’apercevoir de leur présence parce qu’au moment où on a démarré, son œil a rougeoyé et il a dit très fort :

— Tu verras, Walter Cobb, un jour mon rêve se réalisera ! Peut-être pas de mon temps ni du tien, mais il finira par être vrai ! Des enfants métisses, partout, hi hi !

Walt a éclaté de son gros rire de cloche, il a chargé sur ses épaules tout notre paquetage et il a agité la main tandis que je soutenais Mercy.

 

Les jours suivants ont été un enfer. Mercy pouvait à peine marcher. Big Boy et moi, on voyait bien qu’elle faisait semblant de pas avoir mal, mais ses sourires crispés nous trompaient pas. Elle avançait en tenant son ventre, passant son poids d’une jambe sur l’autre, les genoux raides. On a vite compris qu’on atteindrait aucune place où ça embauchait avant plusieurs jours. Nos hôtes avaient rempli nos sacs de provisions, on avait un peu de marge, mais si on arrivait à trouver une ferme qui prenait des manœuvres, ils allaient nous foutre dehors dès qu’ils apercevraient Mercy. Même Walt a perdu son brave sourire pour un visage tendu, et moi je me bouffais les doigts en me demandant ce qu’on allait devenir.

Le jour du départ de Brown Hills, on a couvert quatre miles, pas plus. On attendait que Mercy déclare forfait, mais finalement c’est Walt qui a bifurqué vers un bosquet de chênes au milieu de l’après-midi. Le lendemain, au bout d’un demi-mile, Mercy s’est pliée en deux. Elle a dû s’appuyer à un arbre. J’osais pas la toucher, mais j’avais mal pour elle. Quand sa douleur est plus ou moins passée, elle a tordu la bouche comme si elle avalait un truc amer, et puis elle a articulé :

— Walter, est-ce que tu pourrais me porter ?

Big Boy a hoché la tête. Il m’a refilé les deux tiers de nos sacs, puis il s’est accroupi pour que Mercy se hisse sur son dos et on est repartis. Mais c’était trop inconfortable pour elle, alors il a fini par l’asseoir sur son bras comme un enfant. Comme j’avais porté le petit Joshua, à Green Grass Farm. Rien qu’à voir ses regards, j’entendais sa voix dans ma tête qui disait : « T’avise même pas d’en parler, Sam Carson. » Au bout d’un moment, elle s’est endormie sur l’épaule de Big Boy et on a recommencé à respirer.

On a pu parcourir un peu plus de distance, mais on a quand même mis trois jours et demi avant de toucher la prochaine région habitée. Mercy a voulu qu’on établisse un campement où elle pourrait rester pendant qu’on irait chercher du travail. Heureusement, le coin regorgeait de petites propriétés dans lesquelles, apparemment, très peu de manœuvres se présentaient. On a trouvé quelques journées à faire, qu’on a expédiées vite fait parce qu’on redoutait ce qu’on découvrirait en rentrant au bivouac. Mercy était contente de nous voir ; elle tournait en rond, toute seule, mais tant qu’on marchait pas, elle semblait aller mieux.

La nuit, je mourais d’envie de l’entourer de mes bras, pour sentir son corps contre moi et son souffle dans mon cou, comme quand on était à Brown Hills. Seulement on osait pas trop, devant Walt. On se doutait bien qu’il avait compris ce qui se passait entre nous, mais personne en avait parlé. Alors on s’installait aussi près que possible l’un de l’autre sans avoir l’air de se coller non plus. On s’endormait les doigts entrelacés et le sourire aux lèvres.

Dans la quatrième nuit, j’ai ouvert les paupières tout d’un coup avec une sensation de froid sur la main. Celle de Mercy ne la réchauffait plus pour la bonne raison qu’elle avait disparu de sa couverture.

— Walt ! j’ai hurlé.

Pour une fois il a pas mis longtemps à émerger. Dès que ses yeux se sont posés sur la couche vide, il a sauté sur ses pieds.

 

On l’a trouvée rapidement. Elle était recroquevillée contre le tronc d’un arbre à une cinquantaine de pas du campement. Walt a entendu ses halètements et grâce au clair de lune, il a repéré le bleu de sa robe. Dès qu’il m’a appelé, j’ai rappliqué vite fait.

— J’crois bien que le petit arrive, il m’a dit.

Bizarrement, il avait l’air très calme, alors que ses mots m’avaient fait tomber une pierre sur l’estomac. J’étais encore figé comme un idiot à essayer de retrouver ma respiration, qu’il la soulevait déjà pour la ramener près du feu. J’ai couru après eux.

— Depuis combien de temps t’es comme ça ? j’ai demandé à Mercy en lui criant presque dessus.

Elle a inspiré un grand coup sans ouvrir les yeux. On aurait dit qu’elle ravalait autant de colère que de douleur.

— Quel… ques… heures, elle a répondu par syllabe.

— Mais pourquoi tu nous as pas réveillés ? j’ai hurlé, si fort que Walt s’est détourné pour écarter Mercy de moi.

Il l’a déposée sur sa couverture aussi doucement que possible. Elle s’est aussitôt mise à genou, les mains crispées sur les reins.

— Parce… que ce qui va… se passer… c’est pas ton affaire… Sam Carson… Fichez le camp… laissez-moi… me débrouiller.

Je me suis retenue de l’étrangler, pour me tourner plutôt vers Walt.

— Je… j’y vais.

— Où ça ? il a demandé en fronçant les sourcils.

— Euh… je vais chercher de l’aide à la ferme la plus proche. Avec un peu de chance, y aura quelqu’un qui s’y connaît en naissance.

Mercy a émis un grondement en se mettant en boule.

— J’crois pas qu’on a l’temps pour ça, Sam. On va s’occuper d’elle, nous.

— NON ! a aussitôt vociféré Mercy. Pas Sam… en tout cas !

J’ai failli protester, mais pour être honnête, j’avais pas tellement envie d’être là. Big Boy m’a adressé un sourire d’excuses résigné, auquel j’ai répondu par un hochement de tête. De le voir calme, ça m’a un peu rassuré. J’ai fait semblant de pas entendre la petite voix qui me soufflait qu’il pouvait tout autant être à côté de ses pompes. C’était Walt après tout, et sauf une fois, je l’avais jamais vu nerveux. J’ai préparé une torche au cas où, j’ai serré la main de Mercy qui a rien remarqué, j’ai tapoté l’épaule du géant, et puis je me suis mis en route aussi vite que possible. J’espérais qu’en marchant à fond de train, j’allais faire disparaître le caillou qui ballottait dans mon estomac.

 

Malgré le clair de lune, il m’a fallu presque une heure à atteindre la première ferme. On s’y était présentés deux jours plus tôt avec Walter et les propriétaires s’étaient montrés gentils. Ils avaient presque eu l’air de regretter de pas avoir de travail pour nous. Seulement là, en pleine nuit, c’était pas la même affaire. Surtout qu’après avoir tambouriné sur leur porte, j’ai eu du mal à me calmer pour leur expliquer ce que je voulais. Ils ont eu la patience d’écouter mon histoire sans queue ni tête et puis sans surprise, quand ils ont enfin compris, ils m’ont lâché qu’ils pouvaient rien pour moi et ils se sont carapatés chez eux vite fait comme s’ils venaient de se rendre compte que j’étais le diable en personne. Ça a été pareil à la ferme suivante. À la troisième, on m’a même pas ouvert et à la quatrième, le patron m’a crié de déguerpir depuis la fenêtre de sa chambre, fusil en joue.

Je me suis retrouvé sur la route, sans savoir si je devais continuer mes recherches ou retourner au campement. J’étais parti depuis plus de trois heures et l’angoisse me fouissait dans le ventre. Là-bas, il y avait Walt et sa magie, mais j’avais aucune idée de ce qu’il pouvait faire. La veille encore, j’aurais dit « tout ». Maintenant j’en étais moins sûr. Et je voulais pas perdre Mercy ni le petit. J’ai continué.

Sans trop savoir comment, je me suis retrouvé sur un chemin qu’on avait pas emprunté pendant nos recherches de boulot. J’ai dépassé une ferme aux fenêtres béantes et à la porte à moitié arrachée. Tellement sinistre que ça m’a collé la chair de poule. Encore une fois, je me suis demandé quoi faire. Au point où j’en étais, j’arrivais plus à réfléchir. Pourtant j’ai quand même fini par remarquer que la route prenait la direction du bivouac. Au mieux je trouverais encore des habitations, au pire je reviendrais au camp sans me retaper tout le trajet inverse. Dans ce cas, j’aurais qu’à ajouter mon échec à la liste de ceux que j’avais déjà à mon actif.

Rapidement, l’état du chemin m’a convaincu que personne vivait par là. Y avait des trous partout et l’absence de passage régulier avait permis à la végétation de gagner sur la terre battue. Le clair de lune s’atténuait et j’avais de plus en plus de mal à distinguer le tracé. J’ai commencé à me dire que non seulement je revenais bredouille, mais qu’en plus j’aurais de la chance si je me paumais pas. Du coup, quand j’ai vu une lumière au loin devant moi, j’ai été soulagé en croyant que c’était le campement. Mes guibolles en compote ont accéléré d’elles-mêmes. Et puis je me suis rendu compte en approchant que le paysage correspondait pas du tout au champ bordé d’arbres où on s’était installés. La lueur provenait d’une maison. Petite, assez délabrée, n’empêche qu’elle était habitée et que c’était probablement ma dernière chance de trouver quelqu’un qui s’y connaissait mieux que Big Boy et moi en accouchement.

J’étais à dix pas de la porte quand j’ai entendu une voix forte. Je me suis arrêté parce que le ton était bizarre et que je comprenais pas un mot. C’était bien ma veine, il fallait que je tombe sur un étranger ! En jetant un coup d’œil par la fenêtre, j’ai vu un drôle de gars qui parlait à personne, les paupières fermées, les mains ouvertes. Il avait l’air complètement ravagé par ce qu’il disait, comme si ça le faisait souffrir. Parfois sa voix tonnait, parfois il murmurait à peine. J’en avais des frissons, même si j’y pipais rien. Il déambulait dans la pièce en se cognant aux meubles sans remarquer quoi que ce soit. C’était tellement étrange que j’en ai oublié pourquoi j’étais là. Quand enfin il s’est tu, j’ai frappé à sa porte, persuadé que c’était pour rien. Après quelques secondes, il m’a ouvert en grand et m’a tendu la main.

— Bonsoir, jeune homme. Edward Beaumont, que puis-je faire pour vous ?

Déjà, il parlait anglais, même si c’était avec un accent que j’avais jamais entendu.

— Bonsoir, j’ai dit en ôtant ma casquette et en rendant la poignée de main. Vous vous y connaissez en naissance ?

Il a écarquillé ses yeux derrière ses petites lunettes rondes, et puis avec un grand geste du bras comme ceux que je l’avais vu faire par la fenêtre, il a répondu :

— Parfaitement ! Je suis instruit sur tous les sujets, je suis instituteur. Pourquoi ?

— Mon amie est en train d’accoucher, à un ou deux miles d’ici.

— Ah.

Il est retourné dans la maison. Je savais pas si je devais attendre ou partir. Puis il a reparu en tenant une veste et en coiffant un chapeau élégant, il a fermé sa porte et m’a fait signe d’ouvrir la route.

— Sur ce thème en particulier, je dois dire que je suis plus familier avec la théorie qu’avec la pratique. Cependant, je suis toujours avide d’approfondir mes connaissances. La curiosité est la première des vertus et il ne sera pas dit que je renoncerai parce qu’il fait nuit ou que le sujet est salissant ! Et puis qui sait, un jour je m’établirais peut-être en tant que sage-femme ?

Il a éclaté de rire en me donnant un coup de coude. J’avais pas tout compris à son discours, sauf qu’il s’y connaissait un peu. J’étais pas complètement convaincu, surtout qu’il avait une haleine parfumée à la gnôle, mais j’étais quand même bien content de l’avoir trouvé. C’était sûrement mieux que rien.

On a marché une heure en direction du campement. Beaumont devait pas se servir de ses jambes bien souvent parce qu’il s’est vite mis à souffler comme un bœuf. L’avantage, c’est qu’il se taisait pour s’économiser et moi je préférais avancer en silence. À plusieurs reprises, il a tiré une flasque de sa poche et s’est envoyé des rasades à assommer un âne.

— Vaudrait peut-être mieux que vous soyez pas trop rond quand on arrivera, non ? je lui ai fait remarquer à la quatrième fois. 

Il m’a répondu dans une autre langue et je suis pas sûr qu’il s’en soit rendu compte.

 

On a entendu les cris avant même d’apercevoir le feu. J’ai rejoint le camp en courant, effrayé par ce que j’allais y trouver. Mercy était roulée en boule sur la couche que Walt lui avait installée. Elle serrait son énorme main de toutes ses forces, au point que ses doigts étaient violacés. Elle était complètement ramassée sur elle-même comme si elle essayait d’étouffer sa douleur dans les plis de son corps. Son visage crispé disait bien que ça fonctionnait pas.

À ses côtés, Walt paraissait malheureux comme les pierres. 

— C’est comme ça d’puis des heures. Elle est très fatiguée, Sam. Et y s’passe rien de rien. Le p’tit doit être coincé.

Il a tourné les yeux en entendant l’instituteur émerger du chemin.

— T’as trouvé quelqu’un ? il a dit d’une voix pleine d’espoir.

Le gars a trébuché jusqu’au feu, il s’est laissé tomber à côté de la bouilloire, puis il s’est servi dans le quart de Big Boy en ajoutant le fond de sa flasque au café tiède. Mercy a émis un grondement rauque qui s’est transformé en hurlement pendant qu’elle se contractait de plus belle sur son ventre. Je me suis rué sur Beaumont pour lui arracher sa tasse des mains.

— Vous pouvez faire quelque chose pour elle ou non ?

Il a esquissé un sourire, mais en voyant ma figure, il s’est contenté de secouer la tête lentement. J’étais à deux doigts de le frapper quand le cri de Mercy s’est interrompu. J’ai oublié l’ivrogne pour m’agenouiller auprès d’elle. J’étais même pas sûre qu’elle se soit rendu compte que j’étais là. Je lui ai serré l’épaule, je l’ai appelée doucement, puis plus fort. Elle a eu aucune réaction.

— Walt, elle répond pas ! Elle respire à peine !

Plus encore que l’état de Mercy, c’est le regard qu’il m’a adressé en retour qui m’a fait paniquer. Il avait pas de solution. Pire, il me suppliait d’en trouver une. Je me suis mis à hurler.

— Fais quelque chose ! Je suis sûr que tu peux faire quelque chose ! Walt, c’est Mercy, aide-là ! Sauve-les !

Ça a paru le ranimer. Il a desserré un par un les doigts de Mercy pour libérer les siens, puis il l’a tournée sur le dos. Je l’y ai aidé en appuyant sur ses épaules. Ensuite, Walt a pris une inspiration et il a soulevé la robe pour regarder entre ses jambes. J’ai gardé les yeux fixés sur le visage grisâtre de Mercy en m’efforçant de pas imaginer ce qu’il pouvait bien voir, mais j’ai quand même aperçu sa grande main qui se posait sur le ventre rond.

— Ça va aller maintenant, j’ai murmuré à l’oreille de Mercy. Ça va aller.

Le nez dans son odeur, la joue contre la douceur de la sienne, j’ai attendu. Je sentais son corps qui bougeait sous les lents mouvements de Big Boy. Je savais pas exactement ce qu’il faisait, mais j’étais persuadé que c’étaient pas ses manipulations qui les sauveraient. J’avais jamais désiré quelque chose aussi fort qu’à ce moment.

Et puis enfin, j’ai perçu les picotements de la magie de Walt. Les fourmis se sont mises à danser sur mes bras, mes épaules, et puis sur mon crâne, sur mon torse, partout.

Mercy a ouvert la bouche et les paupières en grand ; elle a inspiré une longue goulée d’air. Ensuite, concentrée comme si elle avait jamais cessé d’être consciente, elle s’est accrochée à mon bras et elle a commencé à pousser. Son corps tremblait, ses ongles m’entamaient la peau. Il y avait plus sur son visage aucune trace de détresse, mais une résolution rageuse, presque effrayante. Ses yeux ont agrippé les miens, ça m’a fait un coup de couteau en plein cœur, si intense que j’ai été tenté de détourner les miens. J’ai tenu bon pourtant. J’ai même souri, tout de traviole, en la soutenant du mieux que je pouvais.

Le cri du petit m’a fait sursauter. À force de ne regarder que Mercy, j’en avais oublié le reste.

— Il faut… pincer le cordon… avant de le couper, elle a murmuré.

Walt a attrapé au hasard le premier linge venu et en a enveloppé l’enfant qui tenait tout entier dans sa main. Il l’a calé sur ses genoux, puis s’est exécuté. Enfin, avec un énorme soupir, il a laissé sa grande carcasse se relâcher.

— Le… bébé, a soufflé Mercy.

Elle a essayé de tendre les bras, mais ils sont retombés tout de suite tellement elle était épuisée. Big Boy a soulevé le petit paquet qui remuait, il s’est mis debout, puis me l’a collé entre les pattes.

— Une p’tite fille, Sam Carson.

Les sourcils hauts sur le front, il attendait ma réaction. La première chose que j’ai remarquée, c’est que c’était ma chemise de rechange que Walt avait utilisée. Elle était foutue, c’était sûr. Et puis j’ai écarté la toile pour découvrir le minuscule visage. Ses yeux me regardaient sans tout à fait me voir, mais moi je voyais qu’eux. Je m’attendais à deux billes noires semblables à celles de sa mère, pas à ces deux lacs verts et transparents bordés de cils dorés. Je sais pas si c’était leur couleur ou autre chose, j’ai eu l’impression qu’en moi tous les os avaient disparu. Je me changeais en balle de coton, en oreiller de plumes, en n’importe quoi de chaud et de doux. J’ai eu envie de l’avaler pour qu’elle s’enfonce à l’intérieur de moi. Parce que c’était tout ce que j’avais pour la mettre à l’abri. D’ailleurs, quand j’ai entendu des pas derrière moi et que la lumière s’est accrue, mon premier réflexe a été de refermer mes bras sur elle.

— Voyez-vous ça ! s’est exclamé Beaumont d’une voix pâteuse en approchant sa torche. Pour ce qui est de l’obstétrique, je vais continuer à m’en tenir à la théorie. En revanche, voici un cas pratique très intéressant pour ce qui concerne la génétique. Les yeux, les cheveux, la peau blanche… je serai curieux de connaître le père. Il doit être très clair de poils et d’iris, lui aussi. Et posséder des gènes forts !

Mercy s’est redressée péniblement pour contempler sa fille. Elle a froissé une des bouclettes de duvet blond foncé entre ses doigts, caressé la joue veloutée. Y avait aucune surprise sur son visage. En croisant le regard de Walt, j’ai vu qu’il pensait à la même chose que moi : Harper Wilkinson. On avait entendu le shérif du comté décrire les cheveux presque blancs de l’héritier de Pierce Rock pas si longtemps avant. Je me suis penché sur Mercy pour lui embrasser le front.

— En tout cas, c’est pas toi, mon gars ! a lancé l’instituteur en ébouriffant mes épis bruns. 

Il a éclaté de rire, et puis il s’est arrêté net.

— Il ne sera pas dit que je n’aurais servi à rien. Je vous offre l’hospitalité, si vous le souhaitez. Je suis comme ça, moi : grand seigneur !

Sur ce, il s’est envoyé sa dernière gorgée de café à la gnôle et a pris la direction de chez lui en titubant.

 

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!Brune!
Posté le 17/06/2023
Bonjour Isa,
Rien à dire quant au style que tu maîtrises parfaitement depuis le début ( et je sais que maintenir un ton de chapitre en chapitre n'est pas chose si aisée ;) Rien à dire non plus sur le fond qui traite toujours avec subtilité les réactions/émotions de tes personnages. Un petit bémol cependant ; j'ai été étonnée que Walt intervienne si tard pour aider Mercy...
À bientôt !
Isapass
Posté le 20/09/2023
Hello Brune, et toutes mes excuses pour ce délai de réponse vraiment trop long ! Les notifications m'ont échappé et je viens de voir que j'avais des commentaires, en postant mon chapitre le plus récent.
Je note ta remarque sur l'intervention de Walt pour aider Mercy. C'est vrai que c'est tardif alors qu'elle galère depuis des heures... je vais y réfléchir.
En tout cas, je suis très contente que le reste du chapitre t'ait plu !
Merci pour ta lecture et ton retour !
Rachael
Posté le 19/02/2023
Alors de mon côté, je n'ai pas vraiment été paniquée, je n'ai pas envisagé que Mercy puisse mourir. Mais d'un autre côté, la panique de Sam et Walt fonctionne quand même très bien. J'ai été plus surprise par la réaction de Mercy qui refuse l'aide Sam, mais c'est au final logique vu l'époque et les circonstances. Quant à Sam, j'ai bien aimé son impuissance, son envie de s'éloigner et en même temps d'essayer d'être utile quand même.
Le nouveau personnage a l'air d'un étranger (français, vu le nom ?), et c'est probablement un bonne chose, car il peut être plus à l'écart des préjugés raciaux du coin (ou pas...). je trouve intéressante cette irruption dans leur trio, reste à voire que cela va donner ensuite.
Isapass
Posté le 19/02/2023
Honnêtement, j'ai même été surprise que certaines plumes aient eu peur pour Mercy, parce que j'étais sûre qu'on ne croirait pas une seconde qu'elle pouvait mourir. Mais tant mieux si la panique est quand même palpable.
L'envie de s'éloigner de Sam, elle m'est venue assez tard : d'abord parce que je n'avais pas envie de raconter tout le travail et la souffrance de Mercy (l'accouchement pourri, j'ai déjà donné dans les PL XD) et parce que quand l'idée est arrivée, je me suis dit que c'était beaucoup plus 1) cohérent, 2) intéressant de le faire paniquer de loin.
Le nouveau personnage... tu as vu la suite, il n'est que de passage. Mais j'avais envie d'un perso un peu flou à ce moment-là.
Tac
Posté le 22/01/2023
Yo !
Il est chaud ce chapitre ; Sam ayant fait preuve auparavant d'une bien meilleur capacté d'anticipation, ou du moins de se poser des questions sur la suite, je m'étonne qu'à aucune moment il ne se soit demandé "comment trouver de l'iade pour l'accouchement", en tout cas pas avant que ça se produise.
Autrement je trouve que le moment de panique marche bien, avec sam qui galope partout. Ce nouveau personnage m'a bien fait flipper ; j'ai eu un moment d'espoir puis j'ai cru qu'en fait il allait même devenir un danger. A voir ce que ça donne... (en vrai quand Sam est arrivé à la dernière maison j'ai cru qu'il allait tomber sur les gens qui les poursuivent ! )
Plein de bisous !
Isapass
Posté le 27/01/2023
C'est vrai qu'ils auraient pu se poser la question... Encore une fois, je vais miser sur le fait que le bébé arrive en avance. Et puis, Sam va chercher de l'aide parce qu'il ne veut pas être là, en fait, et que Mercy veut qu'il dégage. Elle, elle s'imaginait peut-être qu'elle n'aurait pas besoin d'aide. Ensuite, ça devient indispensable parce que ça se passe mal, mais après tout, même si on ne le conçoit plus aujourd'hui, des générations de femmes ont accouché seules ou presque.
Sam panique parce qu'il s'est fixé la mission de ramener quelqu'un et qu'il ne veut pas échouer. Et parce qu'il n'y connait rien.
Le nouveau personnage, j'avoue que je l'aime bien : je voulais un perso très cryptique, à ce moment. J'espère que c'est bien l'impression qu'il donne dans ce chapitre et le suivant.
Tant mieux si la tension monte à propos des "poursuivants"... ;)
LionneBlanche
Posté le 11/01/2023
Coucou Isa. (oui, je n’arrive pas à attendre qu’il y ait plusieurs chapitres, c’est terrible ^^)

Le départ donc, avec Mercy enceinte jusqu’au yeux. C’est vraiment la mouise, surtout avec le danger qui rôde : j’espérais qu’ils pourraient rester jusqu’à la naissance du bébé, et même un peu après. C’est le pire moment pour reprendre la route : fichu monde qui n’est pas prêt pour les couples mixtes, mais heureusement, ici et maintenant, on a quand même des petites métisses un peu partout, et même si c’est loin d’être parfait, ça console un peu.

Dès que Sam est arrivé à la maison du prétendu instituteur, tu te doutes bien que j’ai eut peur, surtout qu’il semblait direct bien allumé. J’ai eu peur que ce soit quelqu’un qui les recherchait, et comme par hasard il disait s’y connaitre un peu et il a accepté hyper facilement, sans trop posé de question. Pour l’instant, il n’a juste servi à rien, mais j’ai toujours peur, surtout qu’il a remarqué que la petite était métisse bien pâle. L’hospitalité oui, ce n’est franchement pas de trop si Mercy arrive à marcher, mais il va au moins poser des questions, il s’interroge déjà, et ça, c’est dangereux. En plus, il boit, et ce n’est pas le genre de personne qui retient sa langue, surtout si on sait l’appâter. Donc, j’ai peur, et il peut toujours faire parti de ceux qui les recherche.

Heureusement que Walt était là ; on aurait pu perdre Mercy et le bébé, le drame après tout ce qu’il s’est passé ! Et puis marcher autant quand on est sur le point de donner la vie, ce n’était surement pas bon, ça m’inquiétait. Sa magie les a surement sauvés, du moins, pour l’instant. Voilà, maintenant je regrette de ne pas avoir la suite alors que c’est de ma faute : je n’ai pas su attendre.

En tout cas, je serais au rendez-vous, Isa. C’était très émouvant, la réaction de Sam avec le bébé. Déjà un comportement de papa :) Un vrai tendre, au final ^^
Isapass
Posté le 22/01/2023
Salut Lionne ! Désolée pour le délai de réponse, je ne sais pas comment je me suis débrouillée, j'étais persuadée d'être à jour dans mes réponses et ton commentaire est passé entre les gouttes !
"fichu monde qui n’est pas prêt pour les couples mixtes" : ni pour les couples mixtes, ni pour les enfants hors mariage... bref, ça heurte un petit peu trop leur bienpensance, tout ça !
En effet, je voulais que l'instituteur fasse "pas net" dès le début. Ce serait trop facile de pouvoir dire tout de suite si quelqu'un est gentil ou méchant. Le flou est sans doute plus proche de la réalité. La suite dira peut-être de quel côté il penche.
Oui, Walt est là, comme d'habitude ! Après tout, le roman porte son nom, il faut bien que ce soit justifié ;) Ceci dit, je suis pas sûre de garder ce titre, mais peu importe.
La suite est là, mais un seul chapitre de plus. Pour le suivant, je m'y mets cette semaine et mon plan en prévoit 6 autres. Il y a quand même un risque pour que certains des chapitres restants en fassent finalement deux car ils risquent d'être un peu denses et longs. Je vais voir comment ça se présente.
Contente que tu trouves la réaction de Sam émouvante (et crédible, j'espère ?). C'était un peu l'idée : que Sam "adopte" le bébé tacitement, comme si la question ne se posait même pas.
Merci pour ta lecture et ton commentaire !
Sorryf
Posté le 09/01/2023
Lol, Beaumont, tu n'as tellement servi a rien xD
Une petite fille !!! Félicitations <3<3<3 !! Elle est arrivee vachement tot, si mes. Calculs sont bons. Avec cette vie, c'est pas etonnant. L'accouchement était affreux mais au moins les 2 ont l'air d'avoir survecu, c'est l'essentiel ! Et tu as évité le grand classique : "des draps propres et de l'eau chaude" XD (il y est dans Steinbeck et le mec dit que ca sert a rien, c'est juste pour faire bosser les gens autour qu'ils se sentent utiles sans rester dans leurs pattes)

Par contre ca m'a dechiré le coeur tout le temps qui passe entre la naissance de la petite et le moment ou Mercy voit enfin son bébé. J'ai trouvé ça si long! Ok Mercy est épuisée mais ils auraient quand meme pu au moins lui montrer en premier ! A defaut de la poser sur elle, mais en vrai ils auraient pu aussi è.é
Apres, le bebe etant issue d'un viol, je me demande que ressent Mercy face a ce petit etre qu'elle n'a pas voulu, et qui l'a faite autant souffrir. Peut-être qu'il y a une raison s'ils ne lui ont pas montré tout de suite... Mais bon ce n'était pas aux garçons d'en decider. D'autant qu'elle TENDS LES BRAS malgré sa fatigue, et Walter l'ignore pour filer le bébé a Sam ! Au final, Mercy doit se "redresser péniblement" Pour la voir, avec 3 gars autour d'elle, elle doit - encore une fois- se débrouiller seule malgré son épuisement. Trop rageant et triste. Pendant ce temps les mecs font des commentaires sur le physique de son bébé qu'elle n'a meme pas encore vu !!! Putain !! Je sais pas si t'as fait expres qu'ils la laisse galerer comme ça pour voir son bébé, autant de la part de Sam je peux comprendre, il est jeune et dépassé (mais il est amoureux de Mercy, c'est pas cool de l'oublier comme ça) mais ça me surprend de la part de Walter qui est emphatique et égalitaire. Il aurait du donner le bébé a sa maman qui tendait les bras ! (Je fais un caca nerveux pour rien mais ça m'a vraiment fait trop de peine ;_;)
Sinon, aucune surprise quant a l'identité du pere, malheureusement.
Hate de lire la suite ! Je pleurniche mais c'était un super chapitre, j'étais 100℅ dedans
Isapass
Posté le 11/01/2023
Coucou Sorryf !

En effet, Beaumont ne sert à rien, il avait juste envie d'une petite balade nocturne, finalement.
Le bébé n'arrive pas si tôt que ça. Ca doit faire 8 mois/8mois et demi. C'est pas le terme, mais c'est pas un préma non plus. Et comme tu dis, ça aurait été surprenant qu'elle arrive à terme avec la vie qu'ils mènent.
Excellente remarque ! Figure-toi que ce n'était pas vraiment voulu de ma part que Mercy mette longtemps à voir son bébé. Je crois que j'étais un peu trop pressée de montrer le ressenti de Sam. En y repensant, il y avait quelque chose qui me gênait dans cette scène, et je crois que tu as mis le doigt dessus. Ceci dit, je ne trouve pas ça inintéressant que Walt et Sam manquent de délicatesse (après tout, ce ne sont que des hommes ;) ). Mais je ne voudrais pas non plus que ça "gâche" le passage où Sam la voit. C'est censé être émouvant alors si on se dit seulement "mais montre lui donc son bébé, andouille !", ça risque de ne pas faire l'effet escompté ! C'est vrai que si déjà elle ne tendait pas les bras... Bref, je prends note de ta remarque fort judicieuse et je verrai comment je traite ça.
Aucune surprise quant à l'identité du père ? Je me demandais, justement. De toute façon, ce n'est pas grave, il y en aura encore, des surprises ;)
Est-ce que tu t'es demandé à un moment si Mercy ou le bébé allait mourir ? Jowie, ci-dessous, dit qu'elle a stressé alors que je pensais qu'on ne pouvait vraiment pas y croire. Du coup, j'aimerais bien ton retour là-dessus.
Tu fais bien de pleurnicher : c'est très enrichissant pour moi ! Je suis quand même contente que le chapitre t'ait plu !
Merci pour ta lecture et ton retour ♥
Jowie
Posté le 07/01/2023
Ok alors ce chapitre m'a fait paniquer jusqu'au bout, j'avais extrêment peur que Mercy et son enfant périssent :( Et la voir souffrir comme ça pendant des heures alors qu'elle accouchait en pleine nature m'a fait trop mal au coeur ToT
Je suis rassurée que les deux vont bien et tant mieux s'ils ont trouvé un abri pour la nuit mais... CE BEAUMONT N'A SERVI À RIEN ! xD J'ai trouvé ça tellement sinistre quand il a souri à Sam alors que Mercy se tordait de douleur devant eux; je voulais lui tirer les oreilles ! Il est vraiment venu pour le spectacle et n'a même pas donné des conseils théoriques mais bon ^^' Il n'a pas l'air trop méchant et ivre, comme il est, Walt pourrait facilement le neutraliser si besoin. Je me réjouis d'en découvrir plus sur lui dans la suite !

à bientôt et belle année en passant !
Isapass
Posté le 11/01/2023
Ah bon, le chapitre t'a vraiment fait paniquer ? Je pensais qu'il n'y avait pas vraiment de suspense et qu'on se doutait que Mercy et le bébé allaient forcément s'en sortir. Mais tant mieux s'il y a quand même un doute.
En effet, Beaumont ne sert à rien, mais il leur offre quand même un abri, ce qui n'est pas si mal après un accouchement. Au moins, comme tu dis, il ne paraît pas trop dangereux !
Merci pour tes lectures fidèles et tes adorables commentaires♥
Très bonne année à toi aussi !
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