Chapitre 11 : l'arrestation

Chapitre 11 

L’arrestation

 

Chine, il y a très longtemps.

 

L’humanité était faible et courait d’elle-même à sa perte. Dajimi ne faisait qu’accélérer le processus. Il était si facile de les faire s’autodétruire. Après des semaines de préparation, le grand soir était enfin arrivé. Elle observait son reflet dans son miroir de bronze. Parée d’un kimono rouge pourpre qui faisait ressortir ses formes, sa beauté n’avait pas d’égal dans ce monde et elle le savait.

L’empereur avait programmé une soirée en son honneur ce soir. Toutes les personnes influentes de l’empire y étaient convoquées. L’empereur avait prévu une grande annonce ce soir. Un sourire mauvais se posa sur ses lèvres puis Dajimi mit son serre-tête et s’éloigna rapidement, ses courtisanes à ses trousses. Son plan se déroulait à merveille.

Peu avant l’arrivée au palais impérial, elle donna l’ordre à ses serviteurs de s’arrêter, elle descendit de sa chaise à porteurs et alla s’isoler derrière un mur. Elle vérifia qu’elle n’avait pas été suivie puis elle changea d’apparence. Elle se transforma en un jeune garçon asiatique chauve, à l’exception d’une longue tresse qui pendait dans son dos. Une fois méconnaissable, elle se dirigea dans un petit bois et siffla. Yang, un soldat paré d’une armure arriva rapidement.

 

— Où est ta maîtresse ?

— Elle n’est pas très loin. Elle m’a chargé de vous dire que tout se passait comme prévu de son côté et elle voulait s’assurer que tout était prêt aussi du vôtre.

— Bien sûr. Mes hommes sont un peu plus loin. Nous allons attaquer au coucher de la nuit, comme prévu.

— Très bien, je vais lui dire. Elle sera ravie d’apprendre cette bonne nouvelle. À tout à l’heure. Réagissez vite au signal.

— Quel sera-t-il ?

— Quand il sera là, vous le saurez très vite.

 

Dajimi, toujours dans son apparence de jeune homme, s’écarta rapidement, et retourna dans sa chaise portée. Elle avait retrouvé son apparence habituelle. Les porteurs reprirent leur route jusqu’au palais impérial. Les grandes portes rouges s’ouvrirent en grand quand ils arrivèrent et leur entrée se fit au son des musiciens. Ils avancèrent encore jusqu’à la cour principale où l’empereur les attendait. 

Il était assis sur son trône, paré d’une robe de hanfu rouge et coiffé les cheveux attachés par un ruban blanc. Il avait les yeux fixés sur Dajimi. Elle l’ignora volontairement, passa derrière lui et se dirigea vers le lac. Le temps s’arrêta. Les musiciens arrêtèrent de jouer, les danseurs de danser et tout le monde surveiller l’empereur pour voir sa réaction. Un acte aussi grave ne pouvait être puni que d’une seule façon : la mort. 

Mais au lieu de ça, l’empereur se leva et alla la rejoindre. Tout le monde observait la scène de loin. Après quelques secondes, l’empereur et Dajimi échangèrent un baiser langoureux. Le temps était comme suspendu. Comme pour briser le rêve, l’empereur tapa dans les mains pour signaler à tous que la fête devait reprendre. La musique entraîna les mouvements des danseurs et tous les invités se remirent à discuter, en ne quittant pas Dajimi du regard.

Elle avait délaissé l’empereur, qui l’observait, la bouche béante. Comment pouvait-elle lui faire de nouveau cet affront ? Elle s’était dirigée vers un chevalier lourdement armé. Celui-ci la fixait tandis qu’elle s’approcha de lui. Elle approcha son visage du sien et elle l’embrassa, comme elle avait embrassé l’empereur quelques secondes auparavant.

À ce moment-là, il perdit toute patience. Il explosa et aboya des ordres à ses gardiens. Il voulait la tête du chevalier sur un plateau.

Dajimi sourit, et se dirigea vers d’autres convives. Tous ceux qu’elle approchait étaient comme hypnotisés. Ils ne bougeaient par quand elle s’approchait pour les embrasser. Dans son dos, des batailles s’organisaient entre les hommes qu’elle venait d’embrasser et les soldats de l’empereur. Si bien qu’au bout de quelques minutes, plusieurs soldats avaient perdu la vie. 

L’empereur était comme fou, il hurlait des ordres tous plus violents les uns que les autres. Dajimi souriait. Elle s’écarta un peu, et profita que l’attention fut portée sur l’empereur pour se dissimuler dans l’ombre. Là, elle se métamorphosa en un soldat de l’empereur. Elle se dirigea ensuite vers une salle lourdement scellée. Elle était habituellement gardée par plusieurs soldats, mais tous étaient occupés à se battre contre les nouveaux ennemis de l’empereur.

Dajimi, toujours en soldat, ouvrit la lourde porte par sa seule pensée. À l’intérieur, la salle était remplie de petits tonneaux. À l’aide de son poignard, Dajimi en perça un. Elle fit couler une traînée de poudre noire au sol sur plusieurs mètres. Une fois à l’extérieur, elle embrasa la poudre qui se consuma en avançant jusqu’à la salle. Les étincelles disparurent quelques secondes, puis une énorme explosion retentit.

 

Quelques kilomètres plus loin, Yang ordonna à son armée de se mettre en route. Quand ils arrivèrent devant le palais, la porte était ouverte et Dajimi les attendait. Yang se dirigea vers elle. Tous deux s’embrassèrent langoureusement. 

 

— Allez finir le boulot, finit par dire Dajimi. Je veux l’empereur vivant.

— Très bien. 

 

Le soldat se retourna et donna l’ordre à son armée de le suivre. Il s’attendait à devoir mener un combat extrêmement compliqué contre l’empereur et son armée. Au lieu de ça, Yang découvrit un spectacle ahurissant. Beaucoup de soldats étaient morts, et d’autres se battaient encore. L’empereur, qui avait les yeux d’un fou, donnait des ordres contradictoires aux quelques soldats qui restaient encore à son écoute. 

Le combat fut rapide et d’une simplicité déconcertante. Jamais il n’avait été aussi simple de faire tomber un empire. Yang, qui tenait le roi sorti retrouver Dajimi. Son plan avait fonctionné à merveille. L’empereur, quand il aperçut Dajimi, sembla se réveiller de sa torpeur et reprendre question. Il l’observa quelques secondes avant de demander :

 

— Mais que s’est-il passé ? Que m’as-tu fait ?

— Je n’ai rien fait… Vous avez juste ressorti vos instincts primaires.

— Que voulez-vous de moi ?

— Qu’est-ce que je veux ? Rien que je n’ai déjà obtenu ce soir.

 

À son sourire, l’empereur comprit. Dajimi venait de gagner. Elle avait conquis son empire en une soirée, sans subir aucune perte. Il comprenait maintenant pourquoi elle avait insisté pour faire cette grande soirée en son honneur. Pourquoi avait-elle tant insisté pour que tous les seigneurs du royaume viennent lui rendre hommage ? Comment avait-il été manipulé ? Comment avait-il tout perdu ?

 

— Quelle est la suite du programme ? l’interrogea Yang.

— Demain, nous nous mettrons en route pour Hua Ting[1]. Nous pourrons ainsi diffuser l’information dans tout l’empire.

 

Plus tard, cette nuit-là, Dajimi savourait sa victoire. Elle se promenait sur les murs du palais. Elle profitait de cette hauteur pour observait l’empire qui se présentait à elle. Aussi loin qu’elle pouvait observait, tout lui appartenait. C’était la première fois qu’un élémentaux allait pouvoir contrôler un empire. Ce n’était que la première étape de son plan.

 

Quelques jours plus tard, l’armée menée par Yang et Dajimi avançait sans embûche. Entre les troupes qu’ils avaient avant la prise de l’empereur et les survivants qui les avaient rejoints, ça représenté plus de dix mille âmes. Il leur restait environ une semaine de marche avant d’atteindre l’objectif.

Pourtant, depuis quelques jours, Dajimi avait un mauvais pressentiment. Elle ressentait la présence d’autres élémentaux. Elle le ressentait au plus profond de son être. Ce n’était pas logique, les autres étaient à plusieurs milliers de kilomètres normalement. Elle était dans sa chaise à porteur, accompagné par Yang sur son cheval à côté d’elle. L’ancien empereur était coincé dans une cage à barreaux dans leur dos. Leur armée avait repris la route depuis plusieurs heures. Soudain, tout le monde s’arrêta. 

 

— Que se passe-t-il ? demanda Dajimi.

— Deux hommes nous barrent la route, l’informa-t-on.

 

Elle se leva et se dirigea rapidement vers l’avant de la colonne, accompagné de Yang. Une fois arrivé, ce qu’elle vit confirma ses craintes. 

Deux personnes leur barraient la route : un vieillard appuyait sur une canne et une femme avec des longs cheveux blancs couverts par une longue cape de voyage noire.

 

— C’est pour ça qu’on nous arrête ? rigola Yang. Passez-leur dessus.

 

Il se retourna pour reprendre sa place dans sa chaise, quand il s’aperçut que Dajimi n’avait pas bougé. Il la rejoint. Il allait lui demander pourquoi elle ne venait pas quand il remarqua quelque chose d’étonnant : Dajimi avait peur. C’était la première fois qu’il la voyait dans cet état-là.

 

— Mais qu’est-ce qu’il vous prend ? Ce ne sont que deux personnes seules et sans défense.

— détrompez-vous, répondit Dajimi.

 

Elle avait prononcé cette phrase d’un tout petit filet de voix. Le vieil homme s’approcha d’un pas chancelant. Quand il fut plus proche, il commença à parler. Il s’exprimait d’une voix calme et mesurée, pourtant, tous les hommes, même les plus éloignés, entendaient distinctement ce qu’il disait, comme s’il s’adressait directement à leurs esprits.

 

— Partez, fuyez braves gens. Vous avez choisi de suivre la mauvaise personne. Elle vous a expliqué que vous seraient très puissants, les plus puissants sur Terre… Elle vous a menti et vous l’avez cru… Mais je vous laisse une chance. Je vous laisse partir maintenant. Ou craignez pour votre vie.

 

Pendant quelques secondes, rien ne se passa, puis un homme se mit à courir vers les bois qui longeaient les rangs. Un deuxième suivit, puis un autre encore. Finalement, au bout de quelques minutes, une centaine de soldats s’étaient enfuis. Mais il en restait plusieurs milliers d’autres, prêts à en découdre.

Yang, qui observait l’attitude de ses soldats se mit à rire d’un rire qui sonnait faux. Il se retourna vers le vieil homme, et tout en le fixant dans les yeux, il lança l’ordre aux archers de tirer. Plusieurs milliers de flèches partirent avec une précision impressionnante vers les deux adversaires, si bien qu’ils disparurent sous une flottée de flèche.

Le temps se figea pendant quelques secondes : la poussière provoquée par la chute des flèches sur le sol finit par disparaître laissant un spectacle d’un mur de flèches plantées. Yang observa la scène, puis il donna l’ordre de reprendre la route. Dajimi n’avait toujours pas bougé. Son air inquiet était toujours figé sur son visage. Pour elle, ce n’était pas terminé. 

 

— Mais qu’est-ce qu’il vous prend ? Vous voyez bien que c’est fini. Ce n’était que deux paysans sans défense qui étaient au mauvais endroit au mauvais moment.

 

Mais à peine eu-il fini sa phrase qu’un bruit sourd se fit entendre. Tous tournèrent les yeux vers les flèches quand soudain, dans une explosion sourde, elles disparurent. Les deux étrangers étaient toujours là, comme s’il n’y avait rien eu. Leur visage était beaucoup moins avenant. La femme enleva sa cape de voyage, et elle joignit ses mains. Soudain, elle se dédoubla. Puis les deux clones refirent le même geste et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il y ait plusieurs centaines de femmes aux cheveux blancs, toutes identiques.

Quand elles arrêtèrent de se démultiplier, rien ne se passa pendant quelques secondes, puis soudain, avec une synchronicité déconcertante, toutes les guerrières se mirent à courir vers leurs ennemis.

En quelques minutes, les guerrières aux cheveux blancs passèrent derrière la première partie de l’armée constituée des archers. Elles se déplaçaient à une vitesse incroyable. Parfois, on ne distinguait d’elles que des ombres. Les archers tentèrent de se défendre, mais les ennemis étaient trop rapides.

Toujours d’un même élan, toutes les guerrières s’écartèrent et s’unirent dans un seul corps. Les archets, la respiration haletante, s’interrogèrent sur l’utilité de la manœuvre. Ils observèrent leur corps et constatèrent qu’ils n’avaient aucune blessure. Ils virent alors au sol toutes leurs flèches brisées. Ils ne pouvaient plus tirer. Ils étaient devenus inoffensifs.

Dajimi s’avança alors, et se transforma sous le regard terrorisé de Yang en guerrière en armure.

— Alors comme ça, tu es fier d’avoir battu ces simples mortels ? Tu me déçois beaucoup. Tu as toujours autant de pitié pour ces pauvres animaux. Mais à nous deux maintenant.

 

Les deux femmes se rapprochèrent à quelques mètres. Dajimi, dans son armure de cuir et armée d’un katana à la lame aiguisée faisait face à la guerrière aux cheveux d’un blanc immaculé qui était armé d’une arme d’hast d’au moins deux mètres. Le combat s’engagea et les deux femmes se rendirent coup pour coup. Dajimi chercha à toucher son adversaire avec son katana. Mais la guerrière aux cheveux blancs esquivait les coups avec une vitesse irréelle. 

Les soldats, qui étaient réduits au simple rôle de spectateurs, ne savaient comment réagir. Ils étaient à la fois fascinés par le spectacle qui se déroulait devant leurs yeux, mais aussi terrorisés par la puissance du combat.

La guerrière aux cheveux blancs finit par toucher Dajimi d’un coup de hampe au visage. Elle fut si surprise qu’elle leva la main pour toucher sa blessure. Son ennemi parvint à la toucher à nouveau, cette fois-ci à la hanche, ce qui mit Dajimi à genoux. Elle se releva péniblement. Son visage, qui plus tôt n’était que beauté et séduction, ne renvoyait que colère et haine.

Yang, pour aider sa partenaire, voulu lancer ceux qui restaient de son armée à l’assaut. Il se retourna pour donner l’ordre, mais le vieil homme s’était déplacé sans qu’il s’en aperçoive entre lui et son armée. Le vieillard tapa de son bâton sur le sol. La terre se mit à trembler. Tous les soldats criaient et commencèrent à s’enfuir, mais ils furent arrêtés par un mur qui venait de s’élever. Un mur de terre. Tous les soldats furent enfermés dans une prison de terre.

Dajimi se retrouvait pour la première fois en égalité numérique, elle et Yang contre la soldat aux cheveux blancs et le vieillard. Elle jeta alors son katana au sol et se retransforma en la belle femme qu’elle était habituellement.

Son sourire mauvais ne présageait rien de bon. Elle mit la main dans la poche et en retira un objet, puis elle les les mains jusqu’à sa tête. Elle venait de mettre un diadème. Le diadème.

 

— Vous l’aurez bien cherché…

 

Dajimi leva les bras. Des étincelles jaillirent de ses mains et s’orientèrent vers le diadème. Les étincelles devinrent des flammes violettes, puis les flammes s’agglomérèrent en une boule de feu que Dajimi tenait entre les mains. Elle prit son élan et dans un grand geste, elle lança la boule en direction du vieil homme.

Lui, pendant que Dajimi avait préparé son projectile, il avait fait tournoyer son bâton à une vitesse telle qu’il était devenu quasi invisible. Quand la boule de feu arriva à la hauteur de Talamh, il plaça son bâton en protection. Il s’en suivit une énorme explosion qui illumina l’air. Tous furent aveuglés. Quand enfin Dajimi retrouva l’usage de la vue, quelques secondes plus tard, elle s’aperçut que ses deux adversaires n’avaient subi aucun dégât.

 

— C’est fini pour toi, lui lança Talamh.

— Tu penses que je vais abandonner si facilement ?

— Je ne le crois pas, j’en suis sûr. Regarde derrière toi !

 

Quand elle se retourna, Dajimi n’en crut pas ses yeux. Son sortilège, associé à celui de Talamh, avait eu un effet inattendu : toute son armée était pétrifiée. Tous ses soldats s’étaient transformés en statues de terre.

 

— Tu as perdu Dajimi… compléta Talamh. Viens avec nous sans résistance.

 

La guerrière aux cheveux blancs se mit à courir autour d’elle et la ficela. Quand elle eut terminé son œuvre, elle siffla. Un grand lion blanc à la crinière de feuilles arriva, accompagné d’un homme asiatique. La guerrière déposa Dajimi sur le lion et ils commencèrent à avancer. 

Talamh joua de son bâton, et la terre se souleva, ensevelissant les statues de terre qui avaient été des hommes auparavant. 

 

Après des jours de marche, les routes de Talamh et de la guerrière se séparèrent. Elle était arrivée à sa destination. Talamh, accompagné de ses disciples, avait encore un très long trajet avant d’arriver là où il s’était engagé à ramener Dajimi.

 

[1] Ancien nom de Shanghai.

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Herbe Rouge
Posté le 24/05/2021
J'aime bien la référence à l'armée de terre cuite ! :)

Quelques coquilles :
- Yang, qui tenait le roi sorti retrouver Dajimi --> Yang, qui tenait le roi, sortit retrouver Dajimi ?
- sembla se réveiller de sa torpeur et reprendre question --> reprendre ses esprits ?
- un élémentaux --> un élémental (ou élémentaire)
- un vieillard appuyait sur une canne --> appuyé
- vous seraient très puissants --> seriez
- sous une flottée de flèche --> floppée ?
- à peine eu-il fini sa phrase --> eut-il
- Les archets, la respiration haletante --> les archers
touratiy
Posté le 24/05/2021
Corrigés :)
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