Chapitre 11 : Hans

Par Zoju
Notes de l’auteur : J'espère que ce chapitre vous plaira ! Bonne lecture ! :-)

Lorsque je reviens à moi, la première chose que je perçois est cet atroce mal de tête qui me compresse le cerveau. Je déglutis péniblement pour humidifier ma langue pâteuse. C’est particulièrement désagréable. Cela faisait un moment que je n’avais pas subi de crise de cette intensité. Depuis mon arrivée, j’en avais connu quelques-unes, mais jamais de cette violence. J’en étais allé jusqu’à espérer que le produit de Vincent fonctionne, mais à l’évidence il était loin du compte. Et pourtant, je dois tout de même lui accorder que malgré les assauts du Projet au fond de moi, le mal qui m’oppressait en continu n’est plus aussi présente. À croire que la maladie a accepté de me faire quelques concessions. Je passe une main sur mon front. J’ignore si c’est parce que mes doigts sont glacés, mais ma peau me semble brulante. Par crainte, de nouvelles douleurs, j’ouvre prudemment les paupières. Baignée dans une semi-obscurité, la pièce où je suis est composée de plusieurs lits, tous occupés. À mon grand soulagement, ma migraine ne gagne pas en intensité. En percevant l’odeur des désinfectants, j’en déduis que j’ai été amené à l’infirmerie. Remarquant mon éveil, une femme qui déambulait dans le lieu se rapproche de moi. De taille moyenne et avec les cheveux foncés coupés en carré, je lui trouve une certaine froideur lorsque je croise son regard couleur jais. Pourtant, cette sensation disparait au moment où elle s’adresse à moi et je suis étonné d’entendre un ton plutôt chantant sortir de sa bouche.

- Je suis contente de te voir réveiller, Hans. Je m’appelle Tiphaine, médecin en chef des rebelles.

Elle s’empare d’une chaise et s’assoit à mes côtés.

- Comment te sens-tu ?

- Pas très bien, avoué-je.

- Rien de surprenant après un malaise pareil, me concède-t-elle, puis tout en auscultant mes yeux, demande. Douleurs particulières ?

- Maux de tête et à la poitrine, ainsi que muscles engourdis, dis-je.

Elle pose le dos de sa main sur mon front et opine.

- Un peu de de fièvre, mais elle devrait rapidement s’estomper. Ta crise fut plutôt violente, il est normal que des séquelles persistent.

Elle se lève et revient l’instant d’après avec un verre d’eau et un comprimé.

- Avale ça ! Cela te soulagera.

- Qu’est-ce ? demandé-je quelque peu méfiant.

- Un antalgique, il devrait atténuer la douleur.

Bien que je ne souhaite qu’une chose, c’est m’en emparer, je secoue la tête.

- Ça ira, assuré-je. Cette migraine va bien finir par s’estomper.

- Tu es sûr ?

- Certain ! De toute façon, il faut que j’apprenne à vivre avec. De plus, je doute que vous ayez beaucoup de stock. Ne le gaspillez pas pour moi.

Une moue moqueuse se dessine sur les lèvres de mon interlocutrice.

- Si c’est pour jouer les durs devant moi, passe ton chemin. Ici, je ne te demanderais jamais de prouver ta valeur, alors épargne-moi ce type de discours.

Elle s’abaisse à ma hauteur et fourre le comprimé dans ma paume.

- Nous sommes tous égaux. Personne ne t’impose d’endurer quoi que ce soit. Donc, fais-moi plaisir et laisse-moi te soigner.

Sans un mot, j’obéis et gobe mécaniquement mon médicament. J’ignore pourquoi, mais ses propos me mettent particulièrement mal à l’aise. Un sourire s’élargit sur son visage.

- C’est bien ! approuve-t-elle.

J’ai vraiment l’impression qu’elle me traite comme un gosse. Toutefois au lieu de répliquer, je me tais. Cela ne sert à rien de le lui faire remarquer, je me doute bien qu’elle n’hésitera pas à enfoncer le couteau dans la plaie. Le temps que je termine de boire mon verre d’eau, mon interlocutrice est retournée s’assoir sur sa chaise. Elle attrape une feuille cartonnée se trouvant à mes côtés.

- Te sens-tu capable de répondre à quelques questions ou préfères-tu d’abord te reposer, lâche-t-elle après un court silence.

Remarquant que la douleur s’atténue quelque peu, je l’invite à poursuivre.

- Ne t’inquiète pas, Hans. Je serais brève, me certifie Tiphaine. Je souhaite juste me faire une idée de ton état pour pouvoir de donner un traitement approprié.

- Vous comptez me soigner ? m’étonné-je. Je pensais que le remède n’avait pas été trouvé.

- C’est exact, mais nous faisons nos propres recherches. Si les avancées sont loin de nous satisfaire, nous sommes plutôt contents du chemin parcouru. Nous avons au moins mis au point quelque chose pour soulager les victimes du Projet.

- Est-ce bien prudent ?

- Si vous craignez des expériences comme celles d’Assic détendez-vous, je ne ferais rien qui puisse mettre la vie de mes patients en danger.

- Mais quand même.

- De toute façon, je demanderais toujours votre avis avant de faire quoi que ce soit, lâche-t-elle mettant ainsi fin à la discussion. 

Elle croise mon regard, puis désigne la feuille qu’elle tient entre les mains. Je me contente d’opiner moyennement convaincu.

- Dans ce cas, commençons ! s’exclame-t-elle. Depuis combien de temps penses-tu être contaminé par le Projet ?

- Un peu prêt deux semaines.

- Si cela ne te dérange pas, peux-tu me décrire le contexte ?

En peu de mots, je lui explique ce qu’elle désire connaitre sans toutefois entrer dans les détails comme je l’ai fait avec Tim.

- Quand les symptômes se sont-ils présentés ?

- Très peu de temps après, dis-je.

- Sois précis, est-ce plutôt des heures ou des jours ?

- Je dirais sept, huit heures.

- Quels sont les symptômes qui se sont déclenchés ?

- Douleurs à la poitrine, maux de tête, vertiges et il m’arrivait de cracher du sang.

- Éprouvais-tu tout le temps ses douleurs ?

Je secoue la tête.

- Cela dépendait, déclaré-je. La poitrine, toujours, mais pour le reste cela montait crescendo pendant les crises.

- Et pour les évanouissements ?

- Seulement deux jours après l’injection.

Tiphaine opine plusieurs fois du menton tout en écrivant.

- Tes cheveux, c’est voulu ou une conséquence du virus ?

- Virus, articulé-je à contrecœur. Ils ont commencé à tomber le lendemain. J’ai décidé de les couper court, mais depuis ils n’ont plus repoussé.

- Je vois. Une dernière question, puis je te laisse. As-tu pris quelque chose pour atténuer la douleur ? Si oui quoi donc ?

- De la morphine.

- C’est tout ?

Je me mords la lèvre inférieure. J’ignore pourquoi, j’éprouve quelques réticences à évoquer les tests faits avec Vincent. Je finis par avouer :

- Un médecin de la base que j’avais mis dans la confidence m’a injecté un prototype pour tenter d’endiguer la progression du virus.

Les sourcils de mon interlocutrice se froncent et j’ai presque l’impression qu’ils vont se toucher entre eux.

- Comment ça un prototype ? Ne me dis pas que tu as accepté que ces cinglés t’utilisent comme les autres victimes du Projet.

- Le médecin n’appartient pas à la section médicale, m’empressé-je de lui assurer. De toute façon, c’est moi qui ai insisté. Il était contre. 

Mon interlocutrice pousse un soupire dépité.

- Te rends-tu compte de la stupidité de ce que tu me racontes ? Le moindre faux pas et il t’envoyait dans l’au-delà.

- Je savais les risques que j’encourrais, certifié-je, puis rajoute. Ne faites pas vous-même des tests sur vos patients.

- Tais-toi, pauvre fou ! me coupe-t-elle rageusement. Cela n’a rien avoir. Assic vous empoisonne alors que nous, vous tentons de vous soigner. En tout cas ici, n’espère pas jouer avec ta vie ainsi.

- Ce n’était pas mon but.

- Et comment il a fait pour te proposer un pseudo-remède en si peu de temps, s’il ne faisait pas partie du groupe d’Assic ? poursuit-elle. Je ne te jette pas la pierre, Hans, mais honnêtement je suis sceptique.

En entendant sa réflexion, j’ignore quoi répondre. J’aimerais riposter, mais je ne peux que constater que les soupçons de mon interlocutrice sont parfaitement sensés. Moi-même, il m’est arrivé de douter de la sincérité de mon ami. Toutefois, je dois reconnaitre que trop content de savoir que Vincent me proposait quelque chose, j’ai fait taire cette voix qui me suggérait la prudence. En m’y préoccupant davantage, je me rends vite compte que quelque chose me dérange également. Vincent a beau être un excellent médecin, il est fort peu probable qu’il m’ait concocté quelque chose en seulement une nuit. Tiphaine ne me laisse pas réfléchir plus en profondeur à la question qu’elle s’enquit :

- Juste par curiosité peux-tu me donner le nom de cet abruti qui a accédé à ta requête ?

- Je vous interdis de le traiter de la sorte, m’emporté-je. Sans lui, je doute que je serais ici à vous parler.

- Ce n’est pas mon problème. Il a mis en danger la vie d’un patient et pour moi c’est intolérable. Alors comment il s’appelle ton génie ?

- Vincent Kuntz, lâché-je finalement après un court silence.

Je reporte mon attention sur Tiphaine qui me fixe interdite.

- Quelque chose ne va pas ? m’inquiété-je.

- Kuntz, répète-t-elle. Tu es sûr que c’est ça son nom de famille ?

Face à sa remarque, je suis quelque peu perdu.

- Oui, confirmé-je hésitant. En tout cas, c’est comme ça qu’il s’est présenté à moi. Vous le connaissez ?

Le regard de Tiphaine se fait lointain comme si elle espérait se souvenir de quelque chose. Elle finit par secouer la tête, mais ses sourcils demeurent froncés.

- Je dois confondre avec quelqu’un d’autre.

- Qui est-ce ?

- Un médecin qui a participé à l’élaboration du Projet 66, mais je doute que cela soit la même personne. Votre ami, quel âge a-t-il ?

- Proche de la trentaine je dirais.  

L’expression de la rebelle reste fermée, mais elle ne me répond rien. Je m’apprête à la questionner davantage, toutefois avant que je puisse insister, un autre patient de l’infirmerie pousse un râle. Tiphaine se redresse instantanément.

- Je vais te laisser te reposer. Normalement demain, tu pourras quitter le lit. Je te garde juste cette nuit en observation.

Elle me salue et s’éloigne m’abandonnant là avec mes incertitudes.

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