Chapitre 10 : La Loi

— Tu as fait quoi ?

Le ton d’Adhara était tranchant, il cisailla avec application le peu de courage qu’il restait à Conan. Ce dernier dut fournit un effort intense pour retenir les tremblements de ses membres. Il baissa les yeux.

— J’ai fait un cauchemar, sans faire exprès j’ai saisi mon épée et…

— Mais t’es taré ! s’exclama Maxima.

Son œil survivant flamboyait de surprise, de honte, et de rage. Ce regard cuisant entortilla la gorge déjà nouée de son protégé. Bénen, assis aux côtés d’Adhara, ne dit rien, mais son visage se tailla dans la pierre. Conan remarqua que l’Ombre était revenu de sa mission. Ils étaient sans doute en train de parler de ce qu’il s’y était passé lorsqu’il avait interrompu le conseil.

L’Étoile de la rébellion ferma les yeux et se massa les tempes avec en agacement palpable. Maxima continuait de fixer le jeune homme, une profonde déception marquait ses traits, elle en devenait douloureuse.

— Tu auras un procès, lâcha l’Ombre.

Conan serra les dents. Le regard de Lohan était dur et plein de mépris. Il ravivait la rage enfouie dans son cœur. Il appelait le fantôme d’Asha.

— Non, siffla Adhara.

Ses conseillers se tournèrent vers elle d’un air surpris. La princesse se leva et commença à faire les cents pas dans la salle du conseil.

— Cet évènement est malheureux, mais tu es un combattant prometteur…

— Les lois sont claires, rappela Bénen, c’est toi-même qui les a créées.

— Un meurtre mérite la pendaison. Ou, à défaut, la prison à perpétuité, fit hautainement Lohan.

— Silence !

Adhara se tourna vivement vers eux, les lumières de la pièce se firent éblouissantes. Le silence demandé fut appliqué, mais les trois grands pontes de la rébellion n’allaient pas se laisser faire. Leur supérieure fit volte-face vers l’ouverture fine qui servait de fenêtre.

— Certaines personnes sont plus importantes que d’autres, c’est ainsi.

— Adha !

Maxima s’était levée, renversant sa chaise en arrière.

— L’égalité, c’est aussi ce pour quoi on se bat !

— Je sais bien !

Les mains graciles de la princesse se courbèrent sur le rebord de la fenêtre.

— Néanmoins, reprit-elle, certaines circonstances…

— Non.

Maxima fit le tour de la table, les braises qu’elle portait à sa ceinture crépitèrent furieusement. Elle se planta face à sa cheffe qui se retourna, le visage fermé.

— Je ne te suivrai pas si tu permets ce genre de choses, déclara-t-elle d’une voix aussi froide que pesante.

Adhara plissa les yeux.

— Tu n’oserais pas…

La guerrière ne répondit pas. Son œil brûlait de détermination. Les deux femmes s’affrontèrent de leurs volontés inébranlables. Le temps parut s’étirer à l’infini. Conan n’était pas sûr que ses jambes le maintiendraient plus longtemps debout.

Au bout de quelques minutes interminables, l’expression de la princesse se froissa.

— Bien, siffla-t-elle d’une voix aride, il ira aux cachots pendant dix ans.

Le pouls de l’intéressé parut jaillir dans ses tempes. Les regards revinrent vers lui. Les inspirations bousculaient les expirations dans sa poitrine. Il crut s’effondrer, il ne sut où il trouva la force de clamer :

— Non, je suis indispensable !

— Conan, tais-toi, ordonna sombrement Maxima.

— Et en quel honneur ? demanda Lohan en haussant un sourcil.

— Je… je…

Les mots avaient peine à émerger de sa gorge convulsée.

Non ! hurla le spectre d’Asha, derrière lui.

— Je suis le seul à pouvoir déjouer les enchantements des Sylviens et à connaître l’emplacement de leur village, finit-il par lâcher. Je peux vous offrir vos ennemis sur un plateau d’argent.

— Tu as commis un crime, gronda Maxima. Ne rends pas les choses plus compliquées, s’il te plaît.

— Assez.

Adhara s’approcha du jeune homme en faisait claquer ses talons sur le sol de pierre.

— S’il avère que tu peux nous apporter la victoire, alors je reconsidèrerai ma sentence.

— Quoi ?!

Cette fois c’était Lohan qui avait bondi de sa chaise.

— On n’attaquera pas les Sylviens ! J’ai conclu d’une trêve sur mon honneur !

— Eh bien, elle arrive bientôt à son terme, non ? répliqua Adhara.

— Un meurtre est un meurtre, martela Maxima.

— Une victoire est une victoire.

La guerrière lança de nouveau son regard incandescent à l’assaut de la volonté d’Adhara. Mais cette fois-ci, la princesse ne céda pas. La Porteuse aux flammes crépitantes sortit alors de la pièce en claquant la porte. L’Étoile de la rébellion se rassit sur son trône comme si de rien était. Lohan était toujours debout. Il paraissait aussi bouillonnant que l’atmosphère ambiante. Bénen, quant lui, était enfoncé dans son siège, l’air réprobateur.

— Nous n’attaquerons pas les Sylviens, reprit l’Ombre.

— Et pour quelle raison ?

— Ça ne sert à rien de reprendre les hostilités. On peut éviter plus de morts.

Adhara cligna plusieurs fois des yeux.

— Pardon ? Depuis quand tu te préoccupes d’éviter des morts ?

Cette question parut mettre son second mal à l’aise. Il se rassit, les lèvres pincées et le regard troublé.

— Une victoire sur ces démons, en plus de nous venger, nous offrirait un argument de taille pour traiter avec nos alliés, montrer notre puissance. Tu n’es pas sans savoir que je suis en ce moment-même en train de tisser des liens avec les Empires d’Hek-Rê et de Naotmöt ? Les pays du sud nous seraient d’une grande aide contre la Trinité.

Il ne répondit pas, le regard fixé sur la table.

— Bien, je vois que nous sommes tous d’accord.

La princesse se tourna vers Conan, qui se rendit compte qu’il faisait de l’apnée.

— Nous t’écoutons.

 

*

 

Keira ne put s’empêcher de lâcher un juron quand elle vit sa prochaine adversaire. La deuxième partie de l’épreuve de lutte allait s’achever, la foule se pressait pour encourager les participants. La jeune fille avait accumulé autant de défaites que de victoires. Elle ne pourrait faire partie des vainqueurs que si elle gagnait ses deux prochains combats. Or, l’Adanate qui se présentait devant elle était la-même qui lui avait fait déclarer forfait au précédent tour.

Keira hésita à abandonner, mais la simple pensée du regard déçu de son père l’en dissuada. Au même âge, il n’aurait sûrement fait qu’une bouchée de la dénommée Idris.

Lors de cette deuxième partie, les combats se déroulaient un à un. Keira avait donc sur ses épaule la pression de toute la foule remontée en plus de celle de la bataille.

L’Arsalaï qui arbitrait, Padraig lui-même, claqua ses paumes. Aussitôt, les deux guerrières entrèrent en collision. La jeune fille sentit la force de son adversaire la pousser en arrière, mais elle ne fléchit pas. Elle parvint à se dégager et enchaîna avec une pluie de coups qu’elle espérait déconcertante. Mais Idris répliqua plus fort, et Keira manqua de se faire éjecter du cercle. Ses techniques et ses feintes ne se montrèrent d’aucune efficacité, l’Adanate réagissait vite, trop vite, pour permettre de la déstabiliser. La Laevi reçut un puissant coup qui fit couler des flots de sang de son nez. La douleur pulsait dans tous ses membres. Idris s’apprêtait à donner le coup de grâce, elle tenta donc en dernier recours la méthode d’Oèn.

Elle chargea son opposante, la tête rentrée dans les épaules. Elle percuta l’Adanate avec force au niveau de la poitrine, et parvint à lui bloquer la respiration. Elle la fit reculer de trois pas, Idris se retrouva au bord du cercle, à deux doigts de tomber en arrière. Keira se permit l’espoir de la victoire, mais elle fut rattrapée par la ténacité de son adversaire. Cette dernière réussit à s’immobiliser et l’attrapa par la taille. Elle se sentit basculer, ses jambes battirent l’air. Elle retomba durement sur les hanches, hors du cercle. L’Adanate, courbée en arrière, ne touchait pas le sol extérieur aux galets. Une ovation monta dans la foule, mais pas du côté des Laevis. Keira se releva tant bien que mal en tentant de retenir des larmes amères.

— Ça va ? s’enquit Idris.

Une véritable inquiétude ornait ses traits filiformes. Néanmoins, elle ne reçut qu’un silence boudeur pour toute réponse. La perdante alla rejoindre les Arsalaïs pour se faire soigner, le bas du visage couvert de sang.

Plusieurs autres blessés étaient assis au milieu des guérisseurs affairés. Et parmi eux se trouvait une personne qu’elle n’avait pas du tout envie de voir : le fils d’Andraz, son prochain adversaire.

— Ça saigne toujours ? demanda Isbail.

Keira hocha la tête, raide. L’Arsalaï saisit délicatement ses joues avec ses mains et tâta son nez. La Hekaour grimaça.

Alors qu’elle se prêtait à son examen, elle remarqua que le Rauraque qu’elle allait affronter quelques heures plus tard la fixait. Il ressemblait beaucoup à son père. Grand, les cheveux roux tressés, il portait même une barbe, contrairement à la majorité des Laevis qui se rasaient de près, dont Oèn. Une étincelle étrange pétillait dans ses yeux. Quand leurs regards se croisèrent, il ne le détourna pas, esquissant plutôt un sourire malicieux.

— Qu’est-ce que tu me veux ? lança Keira, agressive.

— Ne bouge pas, la réprimanda Isbail.

Le Rauraque tourna la tête, mais ce sourire horripilant ne quitta pas son expression. Contrairement à elle, il avait gagné presque tous ses combats. Elle savait qu’elle avait peu de chances contre lui.

— Ce n’est pas cassé, mais il s’en est fallu de peu. Rhun aura interdiction de toucher ton nez. Tu as entendu, toi ?

L’Arsalaï s’était tourné vers l’intéressé qui acquiesça. Il affichait toujours cet air taquin que Keira ne comprenait pas.

 

Le duel se déroula le lendemain. Rhun semblait très enthousiaste, contrairement à son adversaire. Cette dernière connaissait l’issue de ce combat, mais elle ne pouvait se résoudre à perdre espoir. Après tout, la détermination jouait une grande part dans les joutes, quelles qu’elles soient.

Mais sa volonté ne suffit pas à lui faire prendre l’avantage. Le Rauraque n’était pas seulement fort, il était aussi habile et véloce. Leur différence de niveau était trop importante.

Keira perdit malgré les encouragements bruyants d’Oanell et de ses adelphes.

Le sourire de Rhun était immense, elle ne lui rendit qu’une moue déçue.

— Je suis sûr que tu t’illustreras dans d’autres épreuves, déclara-t-il.

Sa mince franche et sympathique déstabilisa la jeune fille qui se contenta de serrer le bras qu’il lui présentait sans répondre.

 

Les résultats de la première épreuve tombèrent. Idris avait réussi à se classer première, Rhun était troisième. Seuls les sept premiers participants ayant le meilleur ratio de victoires et de défaites étaient considérés comme des vainqueurs. Oèn se plaça à la septième place. Le soir de la cérémonie des gagnants, il arborait fièrement ses plumes d’aigle brun malgré l’hématome qui noircissait sa pommette droite. Son succès redonna un peu de gaieté à Keira, ainsi qu’une détermination nouvelle.

Elle se jura qu’elle ne connaîtrait pas d’autre déception.

Cette nuit-là, elle rêva d’Artis. Cette dernière l’entraînait aux prochaines épreuves au milieu d’une Bibracte vide. À son réveil, la jeune fille sentait une force puissante bouillonner dans ses veines.

 

*

 

— Elle est trop forte, ta sœur, souffla Maig.

Kurtis hocha la tête, arborant un sourie fière. L’épreuve de lancer s’était terminée la veille et Keira s’était placée quatrième. Les deux Arsalaïs étaient venus l’encourager lors de la final, ce succès de la fille d’un des précédents grands vainqueurs avait fait des gorges chaudes.

Maig et Kurtis ne pouvaient malheureusement pas assister à la suite des Jeux, l’escrime. Ils devaient préparer des talismans pour les Hekaours qui participaient à la Grande Battue saisonnière. Ce travail consistait à graver et bénir par des danses des colliers aux pendentifs minérales.

Le Laevi effectua quelques gestes autour de pierres soigneusement disséminées. Il effleura des doigts des talismans pré-existants qui pendaient au plafond de la hutte afin que le savoir de leurs aînés puisse guider ses mouvements. Il rougit quand il s’aperçut que Maig le dévorait des yeux.

Le fardeau de leur faute, équivalente à celle qui avait laissé sa cicatrice sur le bras du jeune garçon, pesaient sur leurs épaules. La jeune Ardyenne avait toujours du mal à accepter qu’elle avait transgressé une loi sacrée. Kurtis espérait de tout son cœur que les Esprits comprenaient.

Un brouhaha grave résonna à l’extérieur, interrompant leur office. Des éclats de voix furieux se faisaient entendre, le Silh se convulsait sous le feu des âmes enragées. Les deux Arsalaïs virent arriver dans la hutte un groupe de leurs camarades entourant une jeune Hekaour. Padraig menait le groupe. Ses rides se soulevaient au rythme des phrases qu’il assénait à la Silvancte qui peinait à avancer tant ses épaules étaient secouées de sanglots. La moïa de sa tribu la suivait, l’air sombre.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Kurtis à Ealys qui accompagnait le groupe.

Le visage de sa sœur était étrangement dur.

— Elle a mêlé son âme avec un humain.

Ce mot empreint d’un dégoût indicible frappa le jeune garçon. Il reporta son regard sur la scène, les mains légèrement tremblantes.

L’accusée était agenouillée devant Padraig et sa moïa. Cette dernière se baissa et posa une main sur le ventre de la Silvancte. Ses traits impassibles se vêtirent de sévérité.

— Elle attend la vie, déclara-t-elle.

Cette annonce déclencha une vague de voix qui se répercuta dans l’assemblée d’Arsalaïs. Des insultes frappèrent la silhouette recroquevillée de la Hekaour. Kurtis sentit des larmes affleurer ses yeux devant ce spectacle cruel.

— Il faut organiser un Conseil exceptionnel, lança Padraig, et tous opinèrent.

Le doyen ferma un instant les paupières, il échangeait mentalement avec Hênora restée dehors.

— Gwenladys fera l’objet d’un procès, compléta-t-il. En attendant, elle sera enfermée dans la Demeure des Esprits. J’espère qu’Ils pourront lui inspirer une conduite plus honorable.

Les Arsalaïs se dispersèrent tandis que Gwenladys était menée dans la troisième hutte, celle-là même ou Kurtis et Maig s’étaient entraînés.

Ces deniers échangèrent un regard pâle.

 

Le soir venu, tous les Arsalaïs se réunirent derrière les huttes des Ardyens. Hênora présidait le conseil. À ses côtés se tenaient Padraig et la moïa des Silvanctes, Aghna. Tous faisaient face à Gwenladys donc les joues étaient fripées de larmes séchées. Kurtis était assis au bout de l’arc de cercle, ce qui ne l’empêchait pas de voir les prunelles affolées de l’accusée. Elle était agenouillée, contrairement aux autres qui étaient assis en tailleur, des poings tremblants posés sur ses cuisses. Elle se mordait les lèvres pour ne pas céder encore aux sanglots.

— Chères sœurs et chers frères, lança Hênora de sa voix profonde, nous sommes réunis ce soir pour statuer du sort d’une de nos filles. Cette dernière a profané la mémoire de ses ancêtres en partageant son essence avec celle d’un Helmët. Il est probable que ce sang impur ce soit mélangé au nôtre, et que l’enfant que son sein abrite soit celui d’un humain.

Gwenladys ne semblait pas pouvoir se tasser davantage, pourtant au fur et à mesure du discours de l’Élue, sa tête se souda encore un peu plus à ses épaules. Kurtis percevait le cri de détresse qui émanait de son cœur, il venait cisailler le sien.

— Tout d’abord, Gwenladys du Geai, explique-nous en détail comment tu as rencontré cet homme.

Le silence qui suivit parut s’écraser sur la jeune femme. Un petit feu éclairait son visage torturé. Kurtis ne put qu’admirer l’aplomb illusoire avec lequel elle para ses mots.

— Je l’ai trouvé à la Frontière lors d’une patrouille en solitaire. Il était blessé, alors je l’ai ramené à son village.

— Tu as donc franchi la Frontière de Caracal ? siffla Aghna.

— Pas exactement, je l’ai déposé aux abords de sa bourgade, et j’ai crié pour que quelqu’un vienne. Puis je me suis cachée dans des buissons, et j’ai vu une personne l’emporter vers le temple.

De là où il était, Kurtis pouvait percevoir la mine réprobatrice de Padraig, celle sévère d’Aghna, et le visage toujours aussi imperturbable de Hênora.

— Comment en es-tu venu à trahir ton peuple, si votre rencontre a été si brève ? reprit-elle.

— Il…

Gwenladys se raidit, ses yeux fouillaient le sol.

— Alors ? insista Padraig.

L’accusée déglutit.

— Il est revenu à la Frontière, quelques jours plus tard. Il m’appelait. Il était à peine conscient quand je l’ai récupéré, mais il se souvenait de moi. Il voulait me parler. Et j’ai… j’ai entendu son appel dans le Monde Invisible.

— C’est impossible, les humains n’ont pas accès au Monde Invisible, lança une Unelle depuis les rangs des Arsalaïs.

— Mentirais-tu ? s’enquit durement Aghna.

— Non !

— Ah oui ?

Padraig se pencha en avant, ses iris attaquaient les épaules tremblantes de Gwenladys.

— Elle ne ment pas.

Tous se figèrent pour se tourner vers Hênora. Cette dernière faisait montre d’un calme extraordinaire. Elle fixait la Silvancte agenouillée devant elle d’un air totalement impassible.

— Continue, l’enjoignit l’Élue.

La jeune femme reprit un peu contenance.

— On s’est retrouvés, et on s’est parlés. Et…

Elle grimaça.

— Et ? persifla Aghna.

Kurtis se pinça les lèvres. Ne pouvaient-ils pas la laisser chercher ses mots ? Une rage jusqu’alors discrète trouva son chemin dans son esprit.

— Et j’ai ressenti immédiatement un grand amour pour lui.

Des murmures exaspérés traversèrent les rangs.

— Ne sois pas fière d’avoir sali la mémoire de tes ancêtres, siffla Padraig.

Gwenladys osa lever les yeux. Les sourcils légèrement froncés révélèrent la révolte qu’elle peinait à contenir. Elle ouvrit la bouche comme pour protester.

— Continue, coupa la moïa des Ardyens.

L’accusée prit une grande inspiration.

— Il a proposé qu’on se revoie. Et j’ai accepté.

Le conseil s’agita.

— Sombre idiote !

— Traitresse !

— Dépravée !

La jeune femme baissa la tête, ses mèches vinrent cacher son visage noyé de larmes. Hênora frappa le sol de son sceptre.

— Silence, dit-elle sans hausser le ton.

Tous obtempèrent immédiatement.

— La vie s’est accrochée à ton ventre il y a de cela une lune et demi. Peux-tu me dire si tu penses que l’enfant à naître est issu de cet humain ?

Gwenladys ne répondit pas tout de suite. Ses poings agrippèrent le tissu qui couvrait ses genoux.

— Je vois, déclara Hênora. Mais tu dois le dire.

— Je… Comme je savais qu’on n’allait pas se voir pendant longtemps avec le Sabbah, juste avant mon départ, je lui ai proposé de… mêler nos âmes…

De nouvelles huées secouèrent l’assemblée. Kurtis vit Ealys lancer des reproches. Il sentit distinctement une lance incandescente se planter dans son cœur. Il serra les dents et accrocha ses yeux au sol pour ne pas bondir.

Hênora fit de nouveau résonner sa voix puissamment calme, le silence se fit instantanément.

— L’enfant ne peut pas être Sylvien, tu en es sûre ?

Gwenladys secoua la tête, ses cheveux étaient plaqués sur ses joues mouillées.

— Tous le monde était fatigué avec les préparatifs, alors je n’ai pas mêlé mon âme à quelqu’un d’autres pendant cette période.

— Depuis combien de temps as-tu rencontré cet homme ?

— Sept lunes.

— Tu aurais pu te rendre compte de ton erreur, jeta Aghna. Tu nous couvres tous de honte.

Hênora n’avait pas cessé de fixer l’accusée.

— Les lois sacrées sont inviolables, tu le sais, déclara-t-elle. Tu connais le châtiment qui sera réservé à toi et ton enfant.

L’Élue se leva, ce geste parut interminable.

— Tu as enfreint la Loi de la Lignée et celle du Secret. Pour cela, tu seras marquée au front et au ventre de ta faute. Ton Esprit protecteur se détournera de toi et ton enfant ne pourra jamais procréer.

En face d’elle, le courage que Gwenladys avait affiché se fissura. Elle demeura un instant figée. Puis, elle sembla se briser en mille éclats. Elle s’effondra dans un sanglot.

— Je vous en prie, s'il vous plaît, bégaya-t-elle avant que les soubresauts de son torse ne rendent ses phrases inintelligibles.

— C’est la Loi des Anciens, énonça Hênora d’une voix terriblement neutre. Quant à l’humain, l’enchantement de l’Oubli lui sera appliqué.

— N… non ! Pitié… hoqueta Gwenladys.

— Tu n’as eu que ce que tu méritais, cracha Aghna.

— La cérémonie se déroulera demain soir, annonça Hênora. Nous en avons fini.

Les rangs d’Arsalaïs s’ébrouèrent au milieu des commentaires acerbes. Gwenladys, qui ne pouvait pas tenir sur ses jambes fut traînée dans la hutte des Arsalaïs.

Kurtis n’arrivait pas à se lever. Tous ses sens étaient concentrés sur les hurlements aussi bien extérieurs qu’intérieurs que poussaient la jeune femme. Il avait l’impression qu’un gouffre s’était creusé dans sa poitrine.

— Bon, tu viens ? lança Ealys. Qu’est-ce que tu as ?

— C’est injuste.

— Quoi ?

— Elle ne devrait pas subir ça. C’est affreux.

— Pardon ? Elle a été punie pour ses fautes, rien de plus normal.

— Non !

Kurtis se redressa brusquement.

— Elle a aimé ! Personne ne devrait être puni pour ça !

— Mais qu’est-ce que tu racontes, t’es fou ?! s’exclama Oanell.

Ealys, elle, restait interdite.

— Mais comment peux-tu dire ça ? murmura-t-elle, choquée.

— Toi aussi tu veux nous trahir ?! reprit Oanell. Une cicatrice, ça ne t’a pas suffi ?!

— Calmez-vous enfin ! s’interposa Isbail.

Son regard las alla du frère à la sœur, en passant par leur camarade.

— Ce genre de scène n’est jamais agréable. Kurtis, je te comprends. Mais c’est ainsi.

Le jeune garçon sentit la rage rugir en lui. Il serra les poings mais garda sa réplique. Il fit volte-face et partit à grande enjambée vers la hutte.

— J’ai un travail à finir ! lança-t-il sèchement.

Il se rendit compte qu’il avait les larmes aux yeux. Il pénétra dans la bâtiment encore en pleine effervescence et rejoignit Maig qui s’était déjà remise à la tâche.

— Ça va ? s’enquit-elle doucement.

Elle était plus pâle que d’habitude.

— Je…

Il renifla.

— Je trouve ça injuste. Tout le monde accepte les lois comme si c’était normal. Personne ne remet jamais rien en question. Mais c’est injuste.

Maig baissa les yeux sur le talisman qu’elle était en train de graver.

— Je trouve aussi. Mais… mais les lois sont ainsi.

— Justement !

Il jeta un œil prudent aux Arsalaïs en grande discussion derrière lui et baissa le ton.

— Les lois, ça évolue. Tout ne doit pas être figé dans le marbre.

— Tu… tu es étrange, décidément.

Il rougit légèrement.

— Mais le plus étrange, c’est que… j’ai l’impression que tu as raison.

Sa voix troublée se perdit dans un murmure. Ses doigts étaient hésitants sur la pierre.

Une bouffée d’affection chassa la colère de Kurtis. Maig semblait pensive, il décida de la laisser réfléchir et reprit son travail.

Il se sentait un peu plus léger tout d’un coup. Il n’avait réalisé à quel point il s’était senti seul.

Une nouvelle énergie para sa danse rituelle.

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Guimauv_royale
Posté le 26/08/2021
Coquilles
- Ce dernier dut fournit (fournir) un effort intense
- — Mais t’est (t’es) taré ! s’exclama Maxima.
- et se massa les tempes avec en (un) agacement palpable.
1-
- — S’il (s’) avère que tu peux nous apporter la victoire,
2-
- L’Étoile de la rébellion se rassit sur son trône comme si de rien (n’) était.
- l’Adanate qui se présentait devant elle était la-même (la même)
- Keira avait donc sur ses épaule l(épaules) a pression de toute la foule
- Sa mince (main ?) franche et sympathique déstabilisa la jeune fille
- Kurtis hocha la tête, arborant un sourie (sourire) fière. (Fier)
- Les deux Arsalaïs étaient venus l’encourager lors de la final, (finale)
- ce (le ?) succès de la fille d’un des précédents grands vainqueurs
- Le fardeau de leur faute, équivalente à celle qui avait laissé sa cicatrice sur le bras du jeune garçon, pesaient (pesait) sur leurs épaules.
- celle-là même ou (où) Kurtis et Maig s’étaient entraînés.
- Tous faisaient face à Gwenladys donc (dont) les joues étaient …
- Cette dernière faisait montre (faisait preuve) d’un calme extraordinaire.
- Comme je savais qu’on (n’) allait pas se voir
- — Tous (tout) le monde était fatigué avec les préparatifs,
- alors je n’ai pas mêlé mon âme à quelqu’un d’autres (d’autre)
- Il n’avait (pas) réalisé à quel point il s’était senti seul.


Remarques
1- Au bout de quelques minutes interminables, l’expression de la princesse se froissa. (Quelques minutes c’est vraiment long, quelques secondes qui paraissent minutes ok, mais sinon je trouve que ça fait vraiment très long)
2- — S’il avère que tu peux nous apporter la victoire, alors je reconsidèrerai ma sentence. (Mais elle n’a pas déjà reconsidéré la sentence, Lohan a dit que normalement c’était la mort ou la perpétuité et en plus il n’y a même pas eu de procès. Et puis je trouve que c’est trop facile, trop rapide)
AudreyLys
Posté le 26/08/2021
Ok merci !
Alice_Lath
Posté le 17/06/2020
Ah, pas gentils les Sylviens, vraiment, je vais leur taper sur les doigts, moi. La pauvre Gwendalys, elle a rien demandé à personne. Enfin, si quand même, mais mince, entre adultes consentants, ça devrait le faire pourtant. Faut qu'ils se détendent là, elle m'a fait de la peine.
Et Adhara que j'aime d'amour frappe encore huhu, je désapprouve ses actes et sa manière de penser, mais j'aime comment elle apporter des nuances plus sombres à l'histoire, moins manichéennes. Et ce Rhun, il m'a l'air fort étrange, je suis curieuse d'en savoir plus huhu
AudreyLys
Posté le 17/06/2020
Ah bah cool si j'ai pu créer de l'empathie pour le perso x)
Yep, elle est là pour ça. T'as beau dire que tu désapprouves dès lors que tu tombes sur elle au test je considère que tu es une psychopathe en puissance :P
Ah ! Tu as remarqué Rhun ! C'est bien parce que je le trouves trop transparent le pauvre bichou XD
Merci pour ta lecture et ton com' !
Sorryf
Posté le 17/06/2020
Kurtis et Maig toujours aussi adorables <3 !
Conan au cachot pour 10 ans ? JE DIS OUI ! (et j'ai bien rigolé : "nan mais c'est bon on le punit pas..." puis "okay rholala... 10 ans de cachot" xDDD ya pas de demi mesure xD) je suis complètement dégoutée qu'il fasse pas son cachot et qu'en plus il foute encore plus la merde. et j'aime bien Maxima dans ce passage.
On voit aussi le coté un peu sombre des Sylviens qui sont effectivement très durs avec les enfants métis.

Bon là c'est le moment ou je t'engueule ! tu as encore utilisé le mot "doucereux" dans le chapitre précédent, "un cocon doucereux". Mais je t'assure que moi ce doucereux il m'envoie des mauvaises vibes, doucereux ça veut pas dire doux, ça veut dire faux, hypocrite, duplice, ambigu... JE SUIS PAS FOLLE QUAND MEME ! SI ? (tu m'as mis le doute alors j'ai cherché sur internet et vraiment doucereux c'est plutôt pejoratif). A moins que leur cocon d'amour soit en endroit malsain, mais dans ce cas c'est pas clair.
AudreyLys
Posté le 17/06/2020
C'est plutôt bien résumé x) Mais 10 ans de cachots, c'est de la demi-mesure par rapport à la peine de mort, non ?
Yes, ils sont pas sympa. C'était ce que je voulais montrer.

Je saaaaais que c'est péjoratif mais je l'aime bien moi, ce mot. Et puis c'est de quelle phrase dont tu parles ? Je les connais pas par cœur mes chapitres :P
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