Chapitre 10

Par Bow

L’imposant bâtiment se dresse devant Rachel. Elle regarde sa montre. Il est neuf heures et demie. Elle n’a presque pas dormi de la nuit, elle est fatiguée, mais elle est déterminée. Elle entre par la large porte en verre et regarde les noms inscrits sur les boîtes aux lettres. Sur l’une des boîtes elle aperçoit enfin son nom. Paul Madec. Alors il ne lui a pas menti, il habite dans l’un de ces appartements. Il ne reste plus qu’à savoir lequel. Rachel avance vers les escaliers et monte jusqu’au premier étage. Il y a plusieurs portes, et elle ne sait pas du tout où aller. Elle attend quelques minutes, jusqu’à ce qu’une porte s’ouvre et qu’une femme assez âgée sorte de chez elle.
— Excusez-moi, je recherche l’appartement de monsieur Madec. Vous savez où il habite ?
La femme secoue la tête sans aucune sympathie.
— Je connais personne ici. Faut demander à la concierge.
— Et où est-elle, la concierge ?
— Normalement elle vient tous les jours vers dix heures. Faut attendre.
La femme s’en va. Rachel soupire et regarde sa montre, il lui reste encore vingt minutes à attendre. Elle s’assoit dans les escaliers et pose sa tête contre le mur. A dix heures moins cinq, elle entend des pas dans les escaliers. Elle se lève rapidement et se précipite vers la femme d’une quarantaine d’années qui arrive à son niveau.
— Bonjour, vous êtes la concierge de ce bâtiment ?
La dame sourit.
— Oui madame, qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
Rachel est ravie de voir que cette femme est plus gentille que celle d’avant.
— Vous sauriez où habite Paul Madec ?
Elle hoche la tête tout en montrant du doigt l’étage du dessus.
— Deuxième étage, appartement quatre. C’est la première porte à gauche.
Rachel dévoile un grand sourire.
— Merci beaucoup.
La concierge hausse les épaules.
— Y a pas de quoi.
Rachel se précipite dans les escaliers. En arrivant au deuxième étage, elle voit une porte à gauche sur laquelle est écrit le numéro quatre. C’est ici. Elle respire un grand coup, puis appuie sur la sonnette. Elle s'étonne elle-même du courage dont elle vient de faire preuve. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvre et Paul apparait dans l’entrée. Elle ne pensait pas qu’elle serait aussi heureuse de le revoir. Lui est surpris de la trouver ici, il pensait qu’elle ne reviendrait pas sur sa décision.
— Rachel ?
Tout en souriant, elle se lance et récite son monologue comme si elle l’avait appris par coeur.
— Bonjour Paul. Ecoutez, je suis désolée pour tout ce qui s’est passé. Ce n’est pas que je vous aimais pas, bien au contraire, mais j’avais peur, c’est tout. Je ne voulais pas qu’on aille plus loin parce que je suis mariée et que je ne trouvais pas ça correct. Mais j’ai beaucoup réfléchi, et vous m’avez beaucoup manqué ces derniers jours. Raymond a été encore pire que d’habitude avec moi, et je me suis dit qu’après tout ce qu’il m’a fait j’ai bien le droit de lui désobéir moi aussi. J’ai fait le mauvais choix en l’épousant, mais il n’est jamais trop tard. C’est vous-même qui me l’avez dit. Alors voilà, je reviens sur ma décision. Je veux qu’on recommence à se voir.
Paul essaie de se retenir de sourire. Ce que vient de lui dire Rachel est tout ce qu’il voulait entendre, mais il ne veut pas qu’elle aille trop vite et qu’elle regrette son comportement après.
— Attendez, Rachel. Vous êtes bien sûre de ce que vous faites ?
— Tout à fait sûre.
— Vous avez bien réfléchi aux conséquences que ça impliquerait ?
— Il n’y aurait aucune mauvaise conséquence.
— Mais votre mari, comment il va réagir s’il apprend qu’on se voit ?
— Je me moque de mon mari. Il m’a déjà tout pris, je ne vois pas ce qu’il pourrait encore me faire. Je n’ai plus rien à perdre avec lui.
— Mais s’il devenait violent avec vous ?
— Il ne le sera pas. Il est trop lâche pour ça, il n’aurait pas le cran de me faire du mal.
— Et les autres ? Votre entourage ? Qu’est-ce qu’ils vont penser ?
— Je me fiche de ce qu’ils vont penser. Leur jugement m’importe bien moins que mon bonheur.
— Alors tout ira bien ?
— Tout ira bien.
Cette fois il sourit vraiment. Il sait qu’elle est prête. Il l’attire dans son appartement et ferme la porte. Une fois qu’ils sont tous les deux à l’intérieur, il l’attire contre elle et l’embrasse. D’abord brièvement, puis lorsqu’il voit qu’elle est aussi heureuse que lui, il répète son geste plus longuement.
— Je t’aime, Rachel.
— Moi aussi je t’aime, Paul.

En rentrant chez elle ce soir-là, Rachel se sent aussi légère qu’un papillon. Sa vie rayonne à nouveau, elle sait que le bonheur est juste là, maintenant. En préparant le dîner elle se sent libérée, cuisiner n’est plus une corvée pour elle à présent. Elle a l’impression de ne plus appartenir à Raymond, et elle n’a jamais eu un sentiment aussi positif depuis son mariage. Elle se fiche d’avoir fait quelque chose de mal, aujourd’hui est la plus belle journée de sa vie. Quand Raymond rentre, elle oublie complètement qu’elle était en colère contre lui. Comme si tout cela ne la concernait plus. Maintenant elle a Paul en tête, elle n’a plus que lui et elle se fiche de tout ce qui a un lien avec son mari officiel.
— Le repas est prêt ?
— Oui, il arrive.
C’est toujours avec le sourire qu’elle apporte le plat sur la table, ce qui éveille les soupçons de son Raymond.
— Tout va bien ?
— On ne peut mieux.
— Qu’est-ce qui t’est arrivé pour que tu sois comme ça ?
— Rien du tout, je suis heureuse c’est tout.
Il ne dit plus rien. Il réfléchit pendant quelques minutes, puis au bout d’un moment il sourit en coin, une idée lui est venue en tête.
— Tu es enceinte, c’est ça ?
Elle secoue la tête, étonnée qu’il ait pu s’imaginer une telle chose.
— Absolument pas.
Il perd son sourire et soupire.
— Dans ce cas tu ne devrais pas être heureuse.
En temps normal Rachel aurait réagi, mais aujourd’hui elle se fiche totalement de ce qu’il peut penser ou dire. Elle n’est avec lui que pour la maison et l’officialité du mariage, maintenant essayer de le faire changer d’avis n’est plus son souci.

Rachel passe maintenant ses journées avec Paul. Chaque jour elle se rend chez lui et ils passent des heures à discuter, à s’embrasser, à s’amuser et à s’aimer. Parfois ils descendent au café et boivent un verre ensemble, et pendant les jours où Raymond est chez lui et où Rachel doit rester à la maison, ils s’arrangent pour venir acheter leur pain en même temps. Ils ne se soucient plus de rien, si amoureux qu’ils en oublient d’être discrets. Mais ni l’un ni l’autre ne regrette ce qu’ils font, et ils ne se sont jamais sentis aussi bien de toute leur vie.

La neige ne s’arrête pas de tomber, et Raymond profite de ce jour de congé pour regarder la télévision. Rachel ne fait que s’affairer et il n’arrive pas à écouter correctement.
— Rachel, qu’est-ce que tu fais ?
Il l’entend crier depuis l’autre bout de la maison.
— Rien du tout.
Quelques minutes plus tard, il se lève pour aller voir. Sa femme est dans la salle de bains, en train de se coiffer. Elle a mis une jolie robe et s’est même maquillée. Raymond s’appuie contre l’encadrement de la porte.
— On peut savoir où tu vas ?
Elle sursaute en se rendant compte de sa présence, mais continue inlassablement à sourire.
— Juste à la boulangerie.
— Et depuis quand tu t’habilles comme ça pour aller acheter du pain ?
Au lieu de répondre à sa question, Rachel fait un tour devant le miroir en lui demandant :
— Comment tu me trouves ?
— Je ne plaisante pas. Je ne vois pas pourquoi tu sortirais comme ça, on dirait que tu vas à un mariage.
Elle passe devant lui en lui lançant un regard provocateur.
— Et alors ? Ça te dérange ?
Avant que Raymond n’ait le temps de s’énerver, Rachel est déjà dehors, courant à la boulangerie pour retrouver Paul.

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Alice_Lath
Posté le 12/10/2021
"— Mais s’il devenait violent avec vous ?
— Il ne le sera pas. Il est trop lâche pour ça, il n’aurait pas le cran de me faire du mal." -> Franchement, après la scène de l'assiette, à la place de Rachel, j'en serais clairement pas si certaine Oo
En tout cas, merci Paul de lui apporter un peu de paillettes haha, j'espère juste qu'elle va pouvoir divorcer, parce que là, clairement ça va très vite et très mal se finir. Ils ont pas le temps les deux amants haha, d'ailleurs, c'est même bizarre qu'ils aient aussi peu de discrétion et que Rachel ait oublié aussi vite l'assiette brisée. Pour le coup, j'ai eu du mal à saisir cette charnière psychologique je dois dire
Bow
Posté le 13/10/2021
C'est vrai que c'est assez complexe, mais mon but était pas de dépeindre Raymond comme un homme violent mais plutôt comme... un con disons le franchement mdr
En gros Rachel ne ressent pas forcément de la peur envers lui mais plutôt du dégoût et du désintérêt, elle en est à un stade où elle n'a plus rien à perdre
J'espère que ça reste quand même crédible
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