Chapitre 1 — Rey

— Rey ? Tu t'es encore perdu sur ton téléphone ?

Je levai mes yeux et les posai sur Finn, qui avait une mine à la fois compréhensive et fatiguée par mon inattention passagère.

— Pardon... J'ai reçu un message.

— Hum... Un message ?

— Non, pas de lui. Sur une de mes histoires.

Ma réponse le soulagea. Aucun d'entre nous n'avait envie de ramener le sujet sur la table, surtout que même après trois semaines, je ne m'y faisais toujours pas. J'avais essayé de mettre fin à tout ça, à ne répondre à aucun appel, aucun message... Mais la tentation avait toujours été extrêmement présente chaque jour.

Je ne pensais pas qu'une rupture m'atteindrait autant et pourtant, je m'étais surprise un soir à pleurer la tête coincée dans mon oreiller. Déjà que je ne pensais pas être en couple un jour, puis à apprendre à apprécier ça et au final, à en regretter son terme.

Alors qu'une légère tension se créa, Rose s'immisça entre nous.

— Rey ! Faut que je te parle d'un truc !

Sans même me laisser le temps de répliquer ou de prévenir Finn, elle me tira en dehors du coin de la pause café pour m'amener dans un couloir entre nos bureaux et celui de Leia.

— T'as l'air toute patraque, me fit-elle remarquer. Et je vois bien que ça passe pas, d'habitude, tu aurais mieux masqué que ça.

— Je ne vais pas t'embêter avec toutes ces histoires... Tout le monde sait très bien ce qu'il s'est passé. C'est juste fini entre Ben et moi.

Mon ton était assez sec, peut-être parce que j'étais toujours un peu à cran. Je détournai mon regard et croisai mes bras.

— T'es pas obligée d'en parler, mais si jamais tu en ressens le besoin, n'hésite pas, me rassura-t-elle d'une douce voix. Je ne vais clairement pas te juger.

— Je le sais bien... Mais bon, ça ne m'empêche pas de craindre certaines réactions. Pour certains, ça va leur confirmer qu'il n'était pas quelqu'un de bien pour moi... Et au final, je n'ai pas d'autres choix que de leur donner raison.

— Je ne sais pas ce qui vous a poussé à rompre, mais je vous ai vu ensemble. Je vous ai vus extrêmement proches, extrêmement complices. En tout cas, à ce moment, c'était clairement quelqu'un de bien.

Mon regard se posa de nouveau sur elle. J'aurais tellement voulu avoir une conversation plus poussée avec elle, mais les semblants de mots que j'aurais pu prononcer restèrent coincés au fond de ma gorge.

— Armie n'a plus vraiment de nouvelles avec lui, quand bien même il travaille pour lui.

— J'ai l'impression qu'il s'est coupé de tout depuis l'incident, mais surtout de lui-même, lâchai-je maladroitement. Ça l'a définitivement détruit en deux parties. Et j'ai pas réussi à le reconnaître à ce moment... Peut-être que j'aurais dû le recontacter et ne pas me laisser avoir par une simple impression... Mais c'était trop présent pour moi.

J'inspirai et expirai longuement et brutalement, comme si ça m'avait coûté d'expliquer tout ça. Et dans le fond, ça l'était totalement. Je n'avais jamais mis autant de mots sur ce que j'avais ressenti à la fin de notre relation et, surtout, comment je l'avais perçu.

— Je suis navrée d'entendre ça, rétorqua Rose à demi-voix.

Mon attention se perdit sur le bruit des talons aiguilles qui se rapprochaient de nous. Immédiatement, en me tournant vers cette personne, je reconnus Trilla. Cette femme que j'avais croisée au bureau de Ben. Lors de notre dernier échange.

Sa démarche était rapide, son trench aux allures de capes virevoltait derrière elle, et elle ne se souciait pas des alentours. Elle savait que tout le monde la regardait et qu'elle avait montré indirectement son pouvoir.

Alors qu'elle allait atteindre le bureau de Leia, cette dernière en sortit, la mine furieuse.

— Vous pouvez faire demi-tour, je n'accepterai pas votre offre.

— Vous devriez jeter un coup d'œil aux conditions, lui assura Trilla, l'air narquois. Nous sommes au courant que votre entreprise subit quelques difficultés dernièrement, ce serait un bon moyen pour vous de sauver ce qu'il en reste.

— Je n'en discuterai qu'avec mon fils.

— Je suis l'intermédiaire de monsieur Ren, alors ce sera avec moi ou rien du tout.

Elle tendit un dossier à Leia. Cette dernière la regardait, sans même baisser son regard sur ledit dossier. Trilla n'hésita pas à attendre de longues secondes, quitte à ce que la situation devienne en partie gênante, mais elle savait qu'elle avait le contrôle de la situation.

— Très bien... Alors, n'hésitez pas à venir ce soir chez monsieur Ren, il y fait une petite réception. Vous pourriez l'y rencontrer et enfin accepter sa proposition. Sinon, on se verra quand il sera trop tard et je vous inviterai quand même pour prendre le champagne, juste au cas où vous auriez des regrets.

Trilla se tourna un instant vers moi. Un sourire carnassier se dessina instantanément sur son visage. Elle avait terriblement envie de m'asséner d'une remarque mesquine, mais elle se retint et fit demi-tour, son dossier sous les bras.

Quand elle prit l'ascenseur et que les portes de celui-ci se fermèrent, le visage de Leia se relâcha et elle expulsa tout son stress en un soupir.

— Ne vous en faites pas, tenta-t-elle de nous rassurer. Je trouverai une solution. L'entreprise n'est pas prête à fermer de sitôt.

— Ils ont tout de même beaucoup plus de moyens et de ressources que nous, on ne tiendra pas longtemps face à la pression, lui fit remarquer Rose d'une voix tremblante.

— Je le sais bien...

Elle ferma ses yeux longuement et respira à pleins poumons pendant de longues secondes.

— Je crois que je vais devoir contacter mon frère. Il n'a plus envie d'être mêlé à ces affaires... Mais je ne vois pas d'autres solutions pour le moment.

Elle nous adressa à toutes les deux un air désolé, comme si elle voulait nous transmettre le peu d'espoir qui lui restait.

— On trouvera forcément de l'aide, rétorquai-je maladroitement.

— Malheureusement, mis à part raisonner mon fils, l'avenir reste assez incertain pour le moment.

Rose et moi avions terriblement envie de lui remonter le moral et de trouver une solution miracle. Mais nous n'avions rien. Et je peinais à espérer une solution de secours. Tout ne faisait que s'enfoncer petit à petit depuis quelque temps... Étrangement, la mort de Snoke en avait été le déclencheur.

Leia nous adressa un simple sourire puis elle retourna dans son bureau.

— On est foutu, lâcha Rose d'un air abattu en regardant le sol.

Son regard se posa de nouveau vers moi, assez intrigué.

— T'as l'air d'avoir une sale idée derrière la tête toi...

— Elle a parlé d'une réception chez Ben ce soir... Peut-être que je pourrais m'y rendre et tenter une forme de négociation.

— Ce n'est clairement pas une bonne idée. Tu n'arriveras pas à avoir le moindre recul sur la situation.

— Lui non plus, argumentai-je de plus belle.

Ce fut suffisant pour que Rose prenne quelques secondes pour concevoir l'idée. Elle venait de partir dans une longue réflexion au vu de ses sourcils froncés.

— Vraiment, ça me paraît comme la pire des idées... Mais j'ai la sensation que je n'arriverais pas à t'en empêcher et aussi que t'en as peut-être besoin dans le fond.

— Malheureusement, je crois bien...