CHAPITRE 1 les braises (2/2)

Par C. Kean
Notes de l’auteur : Où Léandre passe une excellente soirée en fraternelle compagnie.

Midi arriva bien vite et Léandre déjeuna seul. Il avait demandé qu'on lui fasse porter son repas dans le cabinet de travail où il avait décidé de s'installer pour l'après-midi. Quitte à attendre le retour de son frère, autant y joindre quelques utilités. S'occuper les mains, l'esprit, compter quelque chose qui ait un sens et un but précis : voilà comment il emploierait son temps.

Penchés au dessus du cahier des comptes du duché, ses yeux parcouraient les lignes et les colonnes, additionnaient, soustrayaient les nombres qui s'y tenaient sages, immobiles et silencieux. Léandre se sentait en contrôle lorsque son esprit côtoyait celui des mathématiques. Nul mensonge ne pouvait venir d'elles et leurs relations étaient sans heurt autant que prévisible.

Un café, puis un second. La mine de son stylo retraçait l'historique financier sans tache ni erreur. Rien ne manquait, rien n'était en trop : l'impôt impérial était prêt à être cédé. Il reconnaissait bien là l'efficacité redoutable de son épouse qui avait depuis longtemps pris le parti de l'assister dans la plupart de ses devoirs. Sa calligraphie, ses lettres rondes, déliées et joyeuses lui tenait ainsi une compagnie chaleureuse. Un instant, il eut envie de l’appeler, d’entendre sa voix complice, toujours amicale à son égard. Il n'aurait pas besoin de dire grand chose, il suffirait de l'écouter parler, raconter les romans qu'elle lisait, ou bien celui qu'elle écrivait, qu'importe, mais elle repousserait sans mal le silence de la maison et de l'absence. Il y renonça cependant. Il ne voulait pas la déranger, ni se montrer si craintif à présent alors qu'il lui avait paru si résolu la veille.

Le délicat soleil d'octobre tournait avec les heures. Sa course rapide, rafraîchie par un vent porteur d'hiver qui faisait frissonner les arbres du jardin et tomber leurs feuilles, emportait les ombres dans une valse alanguie. En prévision de la nuit qui s'annonçait déjà, on alluma la cheminée du salon à l'horloge. Plus tôt, alors qu'il ne lui restait plus que quelques marches à gravir pour rejoindre le premier étage et le cabinet de travail, Léandre avait glissé au majordome qu'il serait bon de relancer le mécanisme subtil de l'instrument fabuleux.

Il serait bon.

Oui, il serait bon de garder encore dans cette maison les battements de cœur de celui qui y régna sans partage. Léandre essayait d'y garder tangible la présence de son père. Ou plutôt, il essayait de sauvegarder la maison et le duché comme il en avait hérité, d'en préserver chaque couleur, chaque voix, chaque parfum, chaque souvenir. Comme s'il s'agissait pour lui de les restituer un jour ou l'autre. Comme s'il s'attendait à ce que son père revienne un soir, franchisse cette porte, jette son manteau avec son chapeau et s'installe, sans un mot, dans le fauteuil qui avait toujours été le sien, près du feu qu'on allumait pour lui, sous l'horloge qu'il avait lui-même conçue pour voir la mort venir, un pas après l'autre. Il n'avait jamais eu peur. Ni du temps, ni de l'Empire, ni de ses fils, ni de ses pairs. Ni des hommes, ni du ciel.

Cette force-là, Léandre ne la sentait pas en lui. Il n'avait pas cette prestance, cette aisance, mais il avait cette singulière conscience de n'être pas digne de la couronne qu'il portait. Elle était tombée de si haut avant que ne lui revienne le droit de la ramasser et de la porter. Seulement jusqu'au suivant. Le suivant.

Puisque son père, lui, ne reviendrait pas.

Cette pensée lui griffa l'esprit alors qu'il se réveillait sans se souvenir de s'être laissé emporter par le sommeil. Par la fenêtre qui donnait sur le jardin, la nuit étendait maintenant ses voiles. Les dernières lumières d'or et de rubis, si vives, s'effaçaient dans la pâleur du ciel comme la buée d'un souffle sur le verre.

Son père ne reviendrait pas.

La solitude du cabinet, plongé dans la pénombre, lui tordit les entrailles. Si vide. Si petit. Si loin. Il étira ses bras au-dessus de sa tête avant que ses mains ne s'enfouissent dans ses cheveux en pagaille. Le visage bouffi, il resta encore quelques minutes, les épaules basses, hésitant dans son fauteuil, scrutant la pâleur des pages étendus devant lui. Puis il jugea nécessaire de se lever et de quitter le cabinet de travail.

D'un pas alourdi par des émotions confuses qu'il se refusait à analyser, il se rendit jusqu'à sa chambre, et passa à la petite salle d'eau qui y était attenante. Il avança jusqu'à la vasque de porcelaine. Son reflet lui sembla lointain lorsqu'il le croisa quelques instants, avant de se rincer le visage à l'eau froide. Vivifiant. Le sang lui revint. Il s'essuya consciencieusement, évitant de laisser à nouveau son regard tomber sur le miroir. Il ne voulait pas être ce qu'il y trouverait : un fantôme déjà livide, avalé par la crainte et le poids de son nom.

Il aurait pu laisser son esprit s'enfoncer davantage dans les brumes de ces réflexions, laisser croître son malaise et la distance qui le séparait de la réalité des choses. Mais il fallait se ressaisir. Quelle heure était-il ? Andrea était-il rentré ?

Quand Léandre quitta la salle d'eau, la tension qui l'animait ce matin à la gare de Drev, alors qu'il montait dans le train, était revenue danser sur ses nerfs comme la marée montante sur la plage tassée. Ce n'était plus cet abîme sans nom où l'apathie l'avait fait glisser. C'était maintenant quelque chose qui le rendait vivant, et non plus absent. Quelque chose qui faisait battre son cœur et transpirer ses mains. Son père était mort ; son frère vivait.

Léandre gagna le couloir. Les regards d'illustres ancêtres épinglés aux murs le suivirent en silence dans la pénombre. Sur leurs yeux, huilés et vernis, ondoyait la lumière du rez-de-chaussée, perçant par le large escalier blanc. Il en descendit les marches, aperçut furtivement le bas d'une robe de servante disparaître au plus vite de son champ de vision, respectueusement. Il poursuivit son chemin jusqu'au salon bleu où l'accueillirent les nombreux cliquetis de l'horloge.

Vingt heures trente-sept. Le feu craquait dans l'âtre. Il avait dormi plus longtemps qu'il n'avait cru, mais Andrea restait absent. Alors Léandre s'alluma une cigarette. La première bouffée était toujours la meilleure.

Debout devant la cheminée et les cadrans que rythmait le battement des heures, il se prit à se sentir, là, maître des lieux. Fumer lui donnait cette courte assurance qu'il expirait en quelques minutes. Une habitude qu'avait son père. Il se faisait rarement cette réflexion, mais longtemps il avait cru qu'en cela résidait le secret de son pouvoir.

Cependant que le tabac tapissait sa bouche de son âcre texture et formait autour de lui une aura inattaquable, il voulut jouer pour lui-même la confrontation qui ne tarderait plus. Il s'imagina tout d'abord avoir le dessus sur son frère, et imposer toutes les phrases qu'il avait gardées derrière le cœur depuis trois mois, depuis le soir où Andrea avait quitté Drev en claquant la porte. Tous ces mots qu'il n'avait pas dits, qu'il n'avait pas osé, jailliraient alors dans une parole écrasante de vérité et de justice. Il travailla à les ajuster dans un ordre puissant, une gradation sans appel et limpide. Sa main s'agitait parfois, appuyant son argumentation aussi inébranlable qu'imaginaire. Puis, il entendit la riposte d'Andrea, son ironie mordante, cruelle, aveugle de mauvaise foi. Elle lui coupa la parole, profitant d'une faille, d'une respiration, d'un bégaiement de sa pensée. Le tabac lui piqua les yeux quand il vit les mains de son frère se resserrer sur sa gorge ; il chassa cette image, jetant aux flammes son mégot.

Et si Andrea ne rentrait pas ce soir ?

Encore une cigarette. L'effet fut moindre. L'idée de dîner seul commençait à l'inquiéter. Non pas qu'il ait réellement envisagé de partager un repas avec son frère, c'était la présence de sa femme qui venait de nouveau à lui manquer. Sa présence, et la confiance qu'elle savait instaurer autour d'elle. Ces trois derniers mois avaient sans doute été ponctués de pensées pénibles au sujet d'Andrea, mais il y avait également eu des moments de félicité loin des fraternels tourments, des agitations vaines et des tortures passées. Enora avait fait une place pour un soleil plus doux, une peine plus légère. Et pour la première fois, toutes ces choses dont il pensait ne jamais pouvoir se départir avaient commencer à perdre de leur pouvoir fataliste. Les prémisses d'un changement, d'une liberté nouvelle et, en venant ici, Léandre savait qu'il en retardait l'éclosion. Peut-être même l'annulait-il tout à fait. Une hésitation, comme une morsure. Était-ce là un refus de sa part ? Une obstination au malheur qu'il ne savait assumer autrement que par la fuite et par son frère ?

Comme il avait pu le craindre, il dîna seul dans le salon à l'horloge – à quoi aurait-il servi que l'on dresse une table entre ses incertitudes et lui ? Il s'étonna cependant de ne pas être servi par Joan, le valet de pied habituellement préposé au repas du soir. Lorsqu'il osa poser la question à Albert, venu lui apporter la dernière édition, ce dernier lui répondit que le pauvre homme avait donné sa démission. Il ajouta sur le ton de la conversation qu'Antony, son évident remplaçant, supportait bien mieux les brimades et attaques mesquines du prince déchu.

Ne pas avoir été averti de cette démission retourna l'estomac de Léandre, y déversant une acidité particulièrement désagréable. Il n'aimait pas que les choses changent, surtout lorsqu'elles tendaient à se désagréger. Un domestique qui s'en allait était toujours comme un constat d'échec lorsque la cause n'en était pas naturelle. Une retraite était un moment doux-amer. Un décès, un deuil silencieux. Le renvoi restait rare : les grandes maisons savaient se montrer suffisamment prévenantes pour éviter d'avoir à congédier leurs employés une fois que ceux-ci s'étaient rendus témoins de leurs habitudes et des caches où dormait l'argenterie. Une démission était un objet de honte.

Il n'eut cependant pas le temps d'y songer davantage, ni même de parcourir la dernière colonne de la une de l'édition du soir. Il entendit la porte de l'entrée s'ouvrir à la volée, puis le claquement singulier, sec et métallique, d'une canne sur le carrelage de marbre.

Léandre se tassa bien malgré lui dans son fauteuil, cherchant le soutien des accotoirs et du dossier qui l'entouraient comme une armure. Il croisa le regard oblique que lui adressa Albert alors que ce dernier se hâtait auprès du nouvel arrivant, tendant le bras pour récupérer sa veste, le questionnant sur ce qu'il souhaitait boire ou dîner, retardant le moment où ses lèvres articuleraient très bas et prestement :

« Monsieur votre frère est arrivé ce matin par le train de onze heures. Il souhaiterait s'entretenir avec vous. »

Un silence. La canne ne claquait plus. Pas de réponse.

Puis ce fut la silhouette entière d'Andrea qui surgit dans l'encadrement du salon à l'horloge. Vieux fauve, au pelage hirsute, l’œil aiguisé d'une intelligence torve, brûlante d'un feu froid. Il se tenait grand, droit, usant de la stature atypique que son infirmité lui conférait. Il eut un ricanement mauvais, tourna sur lui-même, comme cherchant le brave Albert qui avait déjà eu le bon sens de s'esquiver.

« C'est une plaisanterie ? »

Sa voix était un couteau qui détachait la peau des os et pelait le cœur. Grinçante. Ce n'était pas la voix qu'il avait entendue et aimée au royaume perdu de l'enfance, au temps des livres, des leçons de latin et des châteaux de sable. La voix chaude et douce, profondément sincère de ce frère qui inventait pour lui jeux et cachettes. Cette voix qu'il entendait à présent était une toute autre chose, arrivée avec le malheur. Elle tirait sur les cordes vocales, crissait, ne résonnait plus que contre les dents où elle semblait s'effilocher comme un chanvre et devenir sifflante. Les plis de la bouche s'étaient redessinés sous le fiel qui s'en échappait, à la façon dont la roche se creuse d'usure sur le passage d'un torrent.

Le regard d'Andrea heurta Léandre, qui essayait de sortir son cou de ses épaules et de desserrer les mâchoires. Il avait su à quoi s'attendre toute la journée et, pour autant, le coup n'en était pas moins rude. Il fallait qu'il referme l'espace intime qui s'ouvrait dans sa mémoire lorsqu'il se trouvait dans la même pièce que son frère, qu'il fasse taire les réminiscences qui s'en échappaient et lui faisaient prendre la mesure d'un présent qui les avait séparés.

« Et que me vaut cette audience devant mon gracieux frère ? »

Acerbe.

Pour toute réponse, alors qu'une plainte longue et muette obstruait sa gorge, Léandre sortit de sa poche la pauvre missive, froissée, tordue, vieillie. Andrea la considéra un temps.

« Un chèque aurait suffi. J'espère qu'au moins tu l'as apporté avec toi ?

– Je ne signerai plus de chèques sans savoir ce qu'ils payent.

– Oui, c'est pour ça que j'écris à ta femme. Elle a un cœur plus généreux que le tien. »

Le cadet laissa venir et glisser l'ironie tandis qu'Andrea s'avançait. La boiterie de sa jambe accélérait sa démarche, comme l'engrènement saccadé d'un rouage irrégulier. Tandis qu'il passait devant lui, Léandre essaya.

« Pour quelle raison as-tu besoin de cet argent ?

– Tu as remis cette chose en marche ? le coupa immédiatement son frère en désignant d'un plissement de nez l'horloge du père.

– Oui. Pour quelle raison...

– Tu prends tes aises on dirait. Il ne t'est pas venu à l'esprit que je l'avais arrêtée dans un but précis ?

– Tu l'arrêtes toujours dans le même but.

– Et tu la relances pour la même raison, sauf que c'est moi qui vis ici. »

Le ton était claquant. Léandre dut se retenir de se jeter aux pieds de son frère ou de saisir son bras qui ouvrait déjà la vitrine du mécanisme pour en stopper le fonctionnement. Arrêter ce geste. Il se redressa dans le fauteuil, se pencha, ouvrit la bouche, n'osa rien, resta muet. Il se noya dans cette vague immense qui lui tordit les lèvres de colère et les yeux de détresse. Une bûche tomba dans la cheminée. Après la chute, l'horloge s'était tue.

Andrea s'assit face à lui, silencieux malgré tout le bruit qui habitait sa posture. Son pied valide battait le plancher, cinq de ses doigts pianotaient sur son genou écarté, les autres jouaient avec sa canne, la faisant tourner contre la paume meurtrie de sa main assassine. Son regard enfin, était fuyant. Il ne se posait sur rien. Ou plutôt il se posait sur tout, sauf sur Léandre. Ce dernier insista, durcissant sa voix de ce qu'il gardait de rancune dans la mâchoire.

« Pour quelle raison te faut-il cette somme ?

– La pension que tu me verses mensuellement, mon cher ami, est tout à fait dérisoire pour un homme du monde. »

Agacé, Léandre serra ses mains.

« Réponds ; avant que je t'ordonne. »

Fallait-il être stupide pour avoir dit cela ? Fallait-il qu'il ignore, l'instant d'avant, que ses dents laisseraient tomber pareille bêtise ? Évidemment, il s'était imaginé ordonner bien des choses plus tôt, à la discrétion du manteau de la cheminée. Sa bouche était-elle devenue si fière et têtue qu'elle refusait à présent de taire ce à quoi elle s'était entraînée longuement ? Léandre n'eut d'autre choix que de conserver cet air d'assurance fulgurante qui l'avait traversé pour oser ordonner à son frère.

Andrea, bien sûr, tiqua sous la formule. D'abord la rage de l'orgueil cogna dans le regard qu'il décocha à son cadet. Puis un sourire mauvais s'étira sur ses lèvres. L'insulte qu'il venait de commettre ne resterait pas impunie. Il saurait s'en souvenir.

« Comme il vous plaira, Votre Altesse. »

Le prince boiteux se détourna avec violence et serra le bois noir de sa canne comme pour se retenir d'en user. De profil, sa bouche finit par se détendre, et la rage fut remplacée par un sourire flottant et sournois qui n'annonçait guère mieux.

« Vois-tu, je me trouve, pour mon plus grand malheur, pris au centre d'un odieux complot visant à discréditer mes qualités de gentilhomme et de professeur. Il me faut donc recourir aux services de mon avocat pour blanchir mon honneur. Hélas, cette vénale crapule demande salaire ! Il ne me reste plus que ta bourse, mon très cher frère, pour confondre les menteurs !

– Quel est le chef d'accusation ?

– Oh, il est double cette fois, et doublement drôle, tiens-toi bien : outrage à la pudeur féminine et excitation de mineur à la débauche ! Et alors, qu'en dis-tu ? »

Léandre s'étouffa dans sa surprise. En dix ans, Andrea était devenu un grand habitué du système juridique de la capitale et son avocat, conséquemment, un homme riche, comblé au-delà de ses attentes. Il s'agissait d'une récompense amplement méritée : des affaires sordides, il y en avait eu. Les infractions qu'affectionnait le mieux le prince déchu se divisaient en deux factions : outrage aux bonnes mœurs et trouble à l'ordre public. Deux façon policées de couvrir la réalité des nombreuses altercations qu'engendrait son alcoolisme notoire, ainsi que celle des propos jugés scandaleux qu'il se plaisait à écrire ou proférer dans le beau monde de la capitale. Mais il y avait eu des délits plus graves, et quelques crimes : diffamations, offenses publiques, duels illégaux... Incitation de mineur à la débauche, ça, en revanche, c'était inédit. Voilà donc la raison de l'invitation cordiale de l'oncle Césaire.

Devant le visage offusqué de son vis-à-vis, Andrea ajouta d'une voix doucereuse :

« Papa aurait de quoi être fier, ne penses-tu pas ? 

– Enfin... Que s'est-il passé ? Qu'as-tu fait ? 

– Je t'avais dit que tu regretterais qu'on ne m'ait pas coupé la tête. »

Cette dernière réplique tomba dans la torpeur qui s'était emparée de Léandre.

Leur famille était puissante, l'une des plus influentes maisons de l'Empire en vérité. Un nom en apparence immortel les protégeait de la misère et de la honte. Pour autant, les attaques répétées d'Andrea à son encontre en faisaient vaciller l'écho. Lui s'en moquait bien. Ce nom, qu'il avait désormais à peine le droit de revendiquer, quoi qu'il en dépende en totalité, il l'avait en horreur. Mais pour Léandre, il était question de bien plus que d'une rébellion face à la grandeur et la lourde indifférence de leur lignée. Il était question de son héritage et de son autorité politique autant que publique, lourdement mise à mal.

Andrea reprit :

« Ce n'est pas vrai, Léandre. Je t'en prie. Il s'agit d'une petite garce prétentieuse doublée d'une idiote. Elle a inventé toute l'histoire parce que j'ai eu le malheur de lui signaler qu'elle n'avait pas les atouts seyant à un esprit scientifique, mais qu'elle pouvait songer à une reconversion chez les régiments de la rue Longuin où elle ne manquerait plus d'ouvrir la bouche à bon escient. »

Le mépris dans la voix de son frère le conforta partiellement. Au moins, il y avait en ce moment même quelqu'un de plus bas que lui dans l'estime d'Andrea. Cependant, l'accusation restait grave, et Léandre doutait que le récit soit tout à fait complet.

« Andrea, ce n'est pas à prendre à la légère... Tu sais mieux que moi comment se passe la vie à Poléon. Même si elle ment, le juge sera bien plus disposé à l'écouter elle plutôt que toi.

– Comme tu dis, je sais mieux que toi comment se règle la vie à Poléon. »

Un regard sardonique anima l’œil d'Andrea.

« Quand l'audience se tiendra-t-elle ?

– Demain après-midi.

– Si tôt ? s'étrangla Léandre. »

Cela n'arrangeait pas ses affaires. Le déjeuner avec l'oncle Césaire s'annonçait particulièrement périlleux : l'ecclésiastique ne manquerait pour rien au monde l'occasion de prendre pour lui le report de son invitation au jour même de l'infamie. Il y aurait un grand discours sur le chapitre de la famille et du soutien que celle-ci se doit d'offrir, des dangers de le refuser, de l'immaturité de celui qui pense pouvoir ordonner chaque chose sans l'aide de Dieu.

« Notre oncle a demandé à me rencontrer aujourd'hui.

– Tu vas bien t'amuser.

– C'est par ta faute.

– Oh pitié ! Envoie-le au diable ou baise-lui la main, mais ne tente pas de faire les deux à la fois !

– C'est facile à dire pour toi, tu n'es pas...

– Pas quoi ? Pas à ta place ? Pas duc ? Visiblement certaines choses ne sont pas destinées aux premiers nés pour rien. »

Léandre accusa le coup. Il n'y avait plus rien de solide en lui pour s'en défendre, plus rien du présent, plus rien de l'adulte qu'il était devenu. Son existence entière semblait s'être fondue en une eau trouble de tous les instants où il avait été pris sur le fait, épinglé et grondé. Le ton cassant de son frère le rendait inutile, l'écrasait, objet honteux de faiblesse crasse, le ramenait à ce qu'il avait toujours été : un enfant qu'effrayait tout ce qui tonne.

« Tu viens ici, me prendre à l'improviste, et quoi ? As-tu seulement la moindre suite dans les idées ? Pauvre Léandre ! Tu débarques et tu imposes ta petite loi de trouillard, tu fais comme chez toi, à ton aise, Ton Altesse ! Eh bien quoi ? Si je n'ai pas envie que cette horloge fonctionne, si je ne veux pas qu'il y ait du feu dans cette cheminée, si je ne veux pas te voir, t'écouter ou même entendre parler de toi, ne peux-tu pas t'y tenir et te contraindre à me laisser savourer ma solitude et mon exil ? Mais non, tu arrives ici la bouche en cœur, tu poses ton auguste cul dans un fauteuil et tu espères faire de la diplomatie ! Navré de t'apprendre que tu n'es ni le sauveur, ni le gardien de ton frère et que, peut-être là, dehors, tu as plus d'autorité que moi sur comment il faut être dans une bonne société bien comme il faut, et peut-être que cette maison n'est pas la mienne par la force des choses, mais sois bien sûr de comprendre à chaque seconde que de nous deux je suis le premier et tu es le second. N'aie pas la bêtise de singer le contraire. »

Andrea s'était levé, s'appuyant lourdement sur sa canne. D'un pas raide et furieux, il allait pour quitter le salon quand il cracha d'un air sinistre avant d'en franchir le seuil :

« Et la prochaine fois que tu t'imagineras me donner un ordre, songe bien que ce que j'ai commencé un soir, je pourrais le finir. »

Puis il disparut dans le hall. Léandre entendit une domestique pousser un cri, puis de la vaisselle se fracasser au sol.

« Eh là ! Il y en a encore beaucoup des incapables sous ce toit ? Dis bien à mon abruti de frère que j'ai besoin de son fric demain matin, ça serait trop con d'être condamné par là où l'on ne pèche jamais ! »

Il y eut des claquements, des pas pressés et des voix basses. Léandre imaginait très bien la scène sans avoir à bouger de son fauteuil ou défaire ses yeux des dernières flammes de l'âtre.

« Tout va bien, Monsieur ? »

Muet comme un mort, la bouche hagarde et les pensées fusillées éparses, il ne répondit pas immédiatement à la voix tendue d'Albert qui avait accouru au salon.

« Oui, oui... très bien. »

Il avait dit cela entre deux souffles, étouffé par une respiration dont il essayait de contenir les mouvements brusques. Qu'aucune inspiration ne se fasse urgente, qu'aucune expiration n'échappe de sanglots. Surtout, que rien ne bouge et que tout se taise. Le majordome n'insista pas, il avait appris depuis longtemps qu'il n'y avait rien qu'il puisse offrir après les fraternelles blessures. Son maître ne le vit pas s'incliner, ni relever la tête avec dans les yeux cet élan d'affection et de compassion qui ne pouvait prendre aucune parole ni aucun geste. Puis il se retira, laissant Léandre seul, aux prises avec sa torpeur.

À l'étage, la voix sauvage du violoncelle déchira le silence. Dans sa colère, elle ouvrit grand ses plaies. Des aiguës aux graves, des couteaux tirés sur les cordes, frottés sous des doigts furieux, harcelés jusqu'au cri, et leur douleur. Celle du bois, celle des mains et des bras, et l'enlacement.

Léandre aurait voulu ne rien savoir de cette violence superbe, ni de sa cruauté. De toutes ses forces, il refusa de parler cette langue, lui préférant celle du crépitement tranquille dans la cheminée. En tombant, la bûche avait étouffé la vivacité des flammes. Elle rougeoyait à présent, plus brûlante que jamais, plus discrète également. Chasser le violoncelle et n'entendre plus que ces chuchotements familiers.

Léandre ne sut pas exactement combien de temps il passa à assourdir ses oreilles et voiler sa vision. Il se sentait aspiré par le vide et la distance de son regard. Les objets et leurs reliefs s'étaient aplatis sous l’œil patient et muet de l'horloge, comme sur une toile peinte, loin de ses rétines et de ses sens. Tout entier, il ne tenait plus que dans cet écarquillement où le poids de son être disparaissait en un vertige toujours plus imminent, toujours remis à l'instant d'après, et celui d'après. Ce fut le mouvement du corps de Marie – ou Marine – qui lui permit d'échapper à cet engourdissement de l'âme. La jeune fille s'était agenouillée devant l'âtre et les braises ardentes qui s'y tenaient, rugissantes lorsqu'elle approcha le tisonnier. Ses bras blancs, dégagés par ses manches retroussées, se tendirent pour attraper une bûche qui alimenterait le feu jusqu'au réveil des chambrières. Léandre eut peur, un instant, qu'elle ne s'y enfonce une écharde.

« Laissez-le s'éteindre. J'allais justement monter. »

La servante reposa sa prise et sembla attendre qu'il se lève pour retourner à ses dernières tâches de la journée. Sans doute voulait-elle s'assurer qu'il ne resterait pas au salon avec la froideur d'un feu mort. Alors qu'elle avait entrepris d'épousseter les ouvrages de la bibliothèque d’apparat, le duc ramassa sur le guéridon la lettre si succincte qui l'avait amené ici. La texture du papier contre sa paume lui était devenue familière ; Léandre en caressa les plis et froissements, tournant autour de son hésitation. Toutefois, il ne put se résoudre à la jeter au feu et la glissa dans sa poche avant de quitter le salon et le silence de son horloge.

Tandis qu'il montait l'escalier blanc, Léandre laissa traîner ses doigts sur les veinures du marbre lustré. Dans la caresse froide de la maison, il cherchait un soutien qui ne le satisfaisait jamais tout à fait. L'idée lui vint à nouveau d'appeler sa femme, à Drev. Dormait-elle déjà, ou veillait-elle encore, adossée dans son lit sur tant d'oreillers, un livre entre les mains et sa tresse sur l'épaule ? Assurément, elle se souciait de la situation des deux frères, mais qu'avait-il à lui dire exactement qui ne fît pas étalage d'un pathétisme désolant ? Demain matin, assurément, lorsque sa gorge ne le serrerait plus autant, il lui donnerait quelques nouvelles soigneusement formulées.

Il lui sembla, une fois sur le palier, que les pleurs du violoncelle s'étaient apaisés. Pris dans leurs propres élans, ils avaient épuisé la colère et le corps. Pourtant il jouait encore, avec dans la voix une urgence incomprise. Léandre l'écouta de loin, comme on écoute l'océan depuis la plage, en songeant à ce que nous ne sommes rien pour lui.

Le cadet des Terman remonta le corridor teinté de soudains souvenirs. C'était l'éclairage, sans doute, et l'heure tardive qui rappelait à sa mémoire ces soirs et ces nuits, confidents et fastueux, où la maison se faisait l'écrin de dîners et de fêtes. Enfant, Léandre se souvenait ne pas être autorisé à y paraître autrement que pour saluer l'arrivée des invités, planté comme un piquet, le dos bien droit, s'inclinant au côté de son frère à chaque salutation, avec dans leur nuque la voix du vieux monsieur McChalane qui leur chuchotait le titre et l'identité de chacun des visages altiers. C'était un exercice complexe de mémorisation, car il fallait à terme que les deux enfants soient en mesure de reconnaître chaque membre de chaque famille nobiliaire, et de déduire les comportements qu'ils se devaient d'adopter. Comment s'incliner ? Comment s'adresser ? Se redresser en premier ou en second ? Accorder un sourire ou conserver une juste austérité ? Puis venait vite l'heure de se retirer. Monsieur McChalane s'effaçait avec eux, fermant la marche alors qu'ils empruntaient l'escalier de service en défaisant les cols de leurs costumes d'une courte utilité. Ils n'avaient ensuite qu'à veiller en silence, dans leurs chambres respectives. Mais jamais ils ne perdaient une occasion de profiter du départ de leur tuteur et de l'inattention des domestiques attirés ailleurs pour aller s’asseoir sur ce palier et écouter le vacarme poli des convives. Les éclats de rire, les bribes de conversation, les fumets du repas, et cette lumière particulière qu'ils étaient rarement invités à découvrir de par leurs horaires imposés. Se coucher tôt, se lever tôt, n'avoir que le soleil pour lécher les murs. La lumière électrique avait autrefois été une fête.

Cette nuit, elle s'était drapée de nostalgie et retenait dans ses ombres le pli menaçant d'un geste suspendu.

Léandre poussa la porte du cabinet de travail et alluma la lampe sur le bureau. Sans prendre la peine de s'asseoir, il se saisit du carnet de chèques gardé sous clef dans un tiroir dérobé, inscrivit le double du montant réclamé et signa. Il ne ressentit rien qu'un vertige. C'était un geste anodin et à la fois si vaste : payer pour son frère. Signer pour son aîné. Concéder. Il avait fait cela vite, comme on s'acquitte dans l'urgence d'un désagréable impératif. Comme on arrache la chair nécrosée d'un membre infecté : il faut le faire avec hâte, avec obstination, et sans regarder en face, car si le regard tombe sur l'irrémédiable putrescence, alors la tentation de l'amputation surgit pleinement. Et avec elle, celle de la délivrance. Signer ce chèque rappelait à Léandre cette liberté qu'il n'avait pas su prendre. Au fond de lui, alors qu'il rangeait son chéquier et le carnet des comptes du duché, il comprenait clairement que cela n'avait jamais été un choix qu'il avait eu. Il n'aurait pas pu renier ce frère, ni hier, ni aujourd'hui, ni demain. Il paierait, le double. Il s'agissait de la matière même dont il était fait, et de sa pénitence.

Il glissa le chèque dans une enveloppe, et l'enveloppe au fond du couloir, sous la porte de la chambre d'Andrea. Il la poussa du bout du pied jusqu'à ce qu'elle disparaisse totalement et qu'il ne lui soit plus possible de la reprendre. Le violoncelle s'arrêta sur un silence qui était à lui seul un bruit absolu. Léandre se tenait aux aguets, les mains jointes dans le dos, droit, mais le regard baissé sur la poignée de porte, retenant son souffle. Rien n'advint. Le violoncelle reprit. Pas de trêve pour cette nuit, pas de frère encore ; demain, peut-être ?

Le cœur dans la gorge, Léandre rejoignit son ancienne chambre d'enfant. Elle n'avait connu que peu de changements depuis ses années d'études, et cela lui convenait. On y trouvait toujours ce papier peint bleu, ce lit bateau d'un bois épais, assombri par le temps, et le petit marchepied qu'il empruntait à six ans pour y parvenir. Le bureau était étroit, plusieurs images et cartes postales y étaient punaisées. Une bibliothèque soutenait sans peine les quelques ouvrages qu'il avait possédés. Si on les ouvrait, on trouvait deux noms inscrits sur la page de garde : Andrea T.d.M. et juste en dessous Léandre T.d.M. Les deux écritures n'avaient rien à voir l'une avec l'autre. La première avait cette assurance malgré l'agitation du geste et le rendu brouillon tandis que la seconde était lente sous l'application qu'elle s'imposait. Représentations si brèves et cependant tellement exactes.

Après avoir ôté sa veste, son gilet et son ascot qu'il laissa pendre sur le dossier d'une chaise, il parcourut les étagères à tâtons et ses doigts se refermèrent sur un exemplaire particulièrement usé par de trop nombreuses lectures. Avec un sourire presque coupable, Léandre s'en empara et se laissa tomber sur son lit, allumant d'une main la lampe de chevet d'une faiblesse intimiste. C'était une histoire d'une simplicité enfantine, écrite en gros caractères, illustrée de quelques gravures plus soignées que le texte en lui-même. Il était question d'un fils de prince, de pirates, de trésors enfouis, d'aventures et de navires. La lecture en fut rapide, ses lèvres récitaient sans que ses yeux n'aient réellement besoin de travailler pour lui. Il approchait du dénouement, autant que du sommeil, lorsque la voix du violoncelle se brisa sur un claquement sinistre. Un coup de feu ? Un rire, puis plus rien.

Figé sur le lit, Léandre sentait son souffle piétiné. Elle était innommable, la terreur soudaine. Tout entière jeté sur lui, agrippé à son cœur saisi. Il fallait qu'il la repousse, qu'il la mette à terre. D'un mouvement brusque de détresse, il frappa sa main contre le chevet et se jeta hors du lit. Une sueur alarmante lui coulait le long du dos. Son corps s'abattit contre la porte de la chambre, comme s'il eut voulu empêcher la mort d'entrer. Car soudain, il s'agissait de cela. D'un geste fébrile et incertain quant à ce qui causait leur effroi, ses doigts se refermèrent sur la clef dans la serrure qu'ils tournèrent d'un coup sec.

Il lui fallut plusieurs minutes pour dissiper son égarement. Il toussa d'abord, comme un noyé revenant à lui. Puis son souffle s'apaisa, ses muscles se détendirent, ses paupières s'abaissèrent et ses pieds le firent reculer, lentement, infiniment lentement, jusqu'à ce que son corps épuisé et maintenant las trouve le soutien du matelas. Sans force, il s'y étendit habillé, sans éteindre la lumière, sans passer sous les draps, et sombra fiévreux dans un sommeil de pierre que la maison lui prêta. Dans ses couloirs désertés, dans ses chambres closes, et dans la cheminée du salon bleu, à l'horloge, elle bordait encore quelques braises sous les cendres.

 

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EryBlack
Posté le 10/04/2021
Salut Kean ! Contente de retrouver ton histoire :)
Je suis toujours amoureuse de ton style. C'est super de découvrir le personnage du frère, la relation orageuse et la culpabilité (j'ai l'impression ?) que porte Léandre. Je ne saurais pas dire précisément ce qui me plaît le plus. Il y a quelque chose de feutré et de douloureux dans cette narration. Les passages où Léandre se souvient de leur enfance m'ont serré le coeur, parce qu'on constate que tout a changé, c'est un thème que je trouve absolument inépuisable.
J'ai été particulièrement touchée par ce passage : "Son existence entière semblait s'être fondue en une eau trouble de tous les instants où il avait été pris sur le fait, épinglé et grondé. Le ton cassant de son frère le rendait inutile, l'écrasait, objet honteux de faiblesse crasse, le ramenait à ce qu'il avait toujours été : un enfant qu'effrayait tout ce qui tonne." Cela me parle énormément, cette sensation qu'on peut être grondé à tout instant. Je l'associe au syndrome d'imposteur chez moi, j'ai l'impression que c'est assez proche du ressenti de Léandre. Comment s'est-il retrouvé duc alors que son frère est l'aîné ? Comment Andrea a-t-il été blessé ? J'aime bien quand les histoires vont à rebours en même temps qu'en avant : on sent qu'on va aller déterrer le passé, mais pas seulement. Le déjeuner chez l'oncle, puis le procès, déjà... ça promet.
J'aime aussi beaucoup la présence discrète d'Enora. Léandre a l'air assez dépendant d'elle. J'espère qu'on aura l'occasion de la rencontrer proprement !
Rien à redire, je ne suis qu'appréciation. J'espère pouvoir poursuivre ma lecture régulièrement en profitant des vacances ! À bientôt :D
C. Kean
Posté le 11/04/2021
Merci beaucoup pour ta lecture Ery ! C'est un plaisir de te revoir voleter sur les Oiseaux :D

J'aime beaucoup cette phrase de St Ex qui dit qu'on est de son enfance comme d'un pays. C'est vrai pour beaucoup de mes personnages, plus encore pour Léandre qui a une mémoire très sensible (mais aussi très têtue).
Le texte répondra pour moi et avec sa propre temporalité aux questions que tu soulèves, mais ça me rassure que tu les énonces et que tu aies perçu leur importance !

A bientôt !
Pluma Atramenta
Posté le 09/04/2021
Salut C. Kean !

Je n'ai été jusqu'alors qu'un petit fantôme aux yeux admiratifs qui rôdait, rôdait... s'avalait un chapitre, hésitait à la rédaction d'un pauvre commentaire puis repartait bien vite, comme un coup de vent, déçu de ne pouvoir t'apporter quelque chose de plus constructif que ça.
Le pauvre commentaire pas constructif, le voilà finalement. J'espère qu'il aura au moins la bonté de se montrer encourageant <3
Ce qui m'a principalement attiré, avec cette histoire, ce fut d'abord la couverture (mais apparemment tu l'as changé depuis) ; simple et terrible (oui, j'ai aussi fait un tour sur ton blog x)) et très poétique et tranquille également - d'une poésie et d'une tranquillité puissante encore une fois.
Puis ce fut le titre magnifique.
Et encore le résumé.
Et puis ta plume que je qualifierais sans détour d'"ensorcelante". Lourde un peu, (mais je ne pourrais me plaindre de cette lourdeur. D'ailleurs je n'en serais juste aucunement légitime ^^) magique beaucoup et particulièrement "rafraîchissante" quelque part, je ne sais pas, elle a une saveur bien à elle - et qui fait tout son charme. Je suis une véritable amoureuse des styles d'écriture bien singuliers et ton récit, vraiment... Déjà avec cette histoire de sorcière dans le préambule. Ce n'était pas vraiment l'ambiance à laquelle je m'attendais avec le résumé mais je n'ai pas été du tout déçue, ça c'est certain.
Cette ambiance sombre et royale, elle je l'ai goûté plus tard (et je continuerais inlassablement de la goûter avec les précédents chapitres) mais je dois dire que ta plume m'avait déjà "ensorcelé" du coup dès ce prologue. Que j'ai dévoré. En impériale fan de descriptions, j'ai tout particulièrement apprécié la description de la sorcière. Vraiment toute mon admiration pour cette dextérité avec laquelle tu sais manier et trouver tes mots <3
Passons à l'ambiance sombre et royale maintenant : celle que j'attendais. Léandre est quelqu'un de doux et un peu triste, je l'aime déjà ! Andrea demeure plus mystérieux mais ce mystère, je l'apprécie tout autant - c'est vrai. J'espère assister au développement/déploiement de son caractère le plus tôt possible, à celui-là !
Les dialogues de frères en frères (si peu soient-ils pour le moment) sont délicieux <3

Bon bah voilà, c'est tout, hein. (j'avais prévenu que ce ne serait pas constructif) Je retourne à mon statut de fantôme avec un petit sourire cette fois, et je te dis - j'espère - "à très vite" !

Bonnes inspirations à toi <3
Pluma.
C. Kean
Posté le 11/04/2021
Je suis super touchée de ton retour Pluma ! Et très contente pour le coup qu'un petit fantôme soit venu laisser une trace de son passage ! D'ailleurs, ce roman s'accommode plutôt bien du fait d'être hanté ;)

Je suis particulièrement rassurée que les deux ambiances t'aient plu, celle plus chaotique, brûlante et villageoise du prologue, et celle "sombre et royale" de ce début de partie avec Léandre. C'était une crainte pour moi au début qu'il y ait une rupture de style trop importante entre le prologue, la parodos et le chapitre 1. Voir que ça fonctionne et que les lecteurs acceptent ce voyage, ça me laisse penser que le risque et le pari en valaient la peine ;)

Ton retour m'a bien motivée en tout cas, encore un grand merci pour ta lecture !

A bientôt ~
Isapass
Posté le 09/04/2021
Hello !
J'avais lu cette seconde partie de chapitre à la suite de la première, mais je n'avais pas commenté. Du coup, comme ça datait un peu, je l'ai relu pour que ce soit frais dans me tête :)
En réalité, je n'ai pas beaucoup de critiques à faire. Je suis décidément fan de ta plume. Elle est hyper travaillée et soignée, ce que je trouve en général dangereux à moins d'être très très aguerri, parce que je trouve souvent que lorsque chaque phrase est ciselée comme le sont les tiennes, on a l'impression que l'auteur(e) s'est "regardé écrire" et c'est souvent au détriment du récit. Mais ce n'est pas du tout le cas pour toi : les métaphores sont subtiles, les mots sont justes, le dosage impeccable. Je savoure.
Il en résulte une impression d'intimité, à la fois par rapport au décor de cette maison qui est presque un personnage à part entière, mais surtout par rapport aux introspections de Léandre. On est DANS sa tête.
Du coup, il est extrêmement bien défini. J'ai déjà l'impression d'avoir compris le personnage : son déficit de confiance (visible non seulement par rapport à son frère, mais aussi parce qu'on sent qu'une grande partie de sa confiance vient de sa femme, qui est loin), ses regrets, ses tentatives pour se composer un visage d'autorité tout en sachant très bien qu'il en est incapable. C'est très intéressant. Il n'y a que les réflexions sur le père qui m'ont laissée perplexe : je n'arrive pas à savoir si Léandre le regrette ou si au contraire, sa disparition est un soulagement.
Et j'avoue humblement que je ne me souviens plus si on sait déjà pourquoi c'est Léandre qui porte le titre et non Andréa (il me semble que non, mais j'espère que je n'ai pas oublié cet élément).
J'ai lu le commentaire de Loup, ci-dessous, et je suis d'accord sur le fait qu'une phrase par-ci par-là pourrait être élaguée car un peu redondante. Tu as aussi des passages où tu enchaînes les phrases très courtes, voire non verbales, voire formées d'un seul mot. Comme tu utilises cette syntaxe assez souvent, je me demande si ça ne perd pas un peu en force et si ça ne fait pas un peu "artificiel". Or, ta plume peut aisément se passer d'artifices !
En revanche, je ne souscris pas à la remarque de Loup sur le rythme : c'est vrai que le prologue est hyper puissant, mais je trouve le contraste avec la suite très intéressant, justement. Moi j'aime beaucoup le rythme très lent et très introspectif.
A très vite !
C. Kean
Posté le 11/04/2021
Salut Isa ! Très contente de te revoir ici alors que je reprends lentement mes marques sur PA :)

Tes retours sont la forme sont très pertinent. Je ne sais pas si artificiel est le mot, je le vois plus comme la trace d'une ancienne et rassurante habitude pour ce qui est des phrases courtes ou averbales. Si cela peut se justifier ailleurs, pour Léandre c'est à peser avec précaution et en y donnant un sens clair.

Et non, à ce stade, on ne sait pas encore pourquoi Léandre a hérité du titre au lieu d'Andrea. J'aime aussi la remarque que tu fais sur la mort du père qui apparaît comme ambiguë par rapport à ce qu'en pense Léandre. Je me disais justement qu'il fallait que je revois quelque chose autour de la façon dont j'abordais le deuil de Léandre dans ce chapitre. Effectivement, c'est très ambivalent : c'est mieux qu'il ne soit plus là mais c'est aussi pire qu'il soit mort.

Bref, merci beaucoup pour ta lecture attentive et tes retours très intéressants !

A bientôt ~
GueuleDeLoup
Posté le 05/12/2020
Bonjour,
J’ai lu l’ensemble de tes chapitres postés la semaines dernière et la vie (ou les dents d’un enfant qui percent) m’ont empêché de commenter à ce moment-là.
Dans l’ensemble, je trouve que ton texte tient ses promesse, ton écriture est très belle et on sent la maitrise que tu as de tes personnages, des liens qui les lit et de ton univers. C’était un très agréable moment de lecture. J’ai adoré ton prologue, où je trouve que tu dépeins vraiment admirablement cette sorcière.
J’ai prsi beaucoup de plaisir à lire tes chapitres également mais je les trouve peut-être un tout petit peu trop lourds en détails. On passe d’un prologue très actif où il se passe beaucoup de choses à un rythme infiniment plus lent. Pour donner une idée, si j’étais moi même l’auteur, j’en enlèverai 1/5 en enlevant une phrase par-ci par-là.
Bon je chipote mais j’ai tout de même adoré et tu me reverras par ici sans faute <3
C. Kean
Posté le 07/12/2020
Hello GueuledeLoup ~
J'espère que le petit mâchouille ce qu'il peut, et je te remercie de ton passage sur les Oiseaux :)
Je t'accorde que la narration ici n'est plus la même, et j'ai à cœur d'adapter mon écriture et la temporalité du récit au personnage par lequel il est vécu. Et ici, il s'agira d'une lente observation, d'un accompagnement patient d'un personnage qui a beaucoup à réaliser et encore peu à agir. Je conçois que ce ne soit pas tellement dans l'air du temps, mais que veux-tu ! ^^
Cela dit, je pense en effet qu'il est encore possible d'élaguer quelque peu certaines phrases qui parfois peuvent faire redite et je vais voir ça très prochainement, pendant les vacances.
Encore merci, et à bientôt !
Hastur
Posté le 27/11/2020
Superbe lecture de bon matin avec ma boisson fumante ! :)

Dans l'exacte lignée de ce qui précède sans surprise. Une écriture riche et dense qui ne fait pas l'erreur de "s'éléphantéiser" (mot inventé ^^). Je m'attache toujours à Léandre, malgré ses défauts. On ressent vraiment l'humain je trouve.

L'entrée en scène d'Andréas est superbement menée. D'abord la porte, le son de la canne, le furtif regard entre Léandre et Albert. On devine sans peine un passif terrible et riche entre les frères.

J'ai relevé quelques petites choses que je te mets là.

"Quand Léandre quitta la salle d'eau, la tension qui l'animait ce matin à la gare de Drev, alors qu'il montait dans le train,
était revenue danser sur ses nerfs comme la marée montante sur la plage tassée."
"alors qu'il montait dans le train,", cet morceau de phrase est-il vraiment nécessaire ? On se resitue déjà bien avec la partie qui précède.

"Cependant que le tabac tapissait sa bouche de son âcre texture et formait autour de lui une aura inattaquable,"
Il ne manque pas un mot ? "alors que le tabac... par ex.

"une gradation"
De mémoire c'est une technique rhétorique non ? ^^

"Ces trois derniers mois avaient sans doute..."
Je trouve le "sans doute" de trop. Avis purement subjectif :)

Bravo en tout cas pour ce chapitre 1 !
Je suis très curieux de la suite. L'horloge restera-t-elle silencieuse pour toujours ? Mystère pour le moment !
C. Kean
Posté le 05/12/2020
Après un petit délai d'absence, je m'en reviens te remercie de ta lecture :)
Je note tes remarques et je vais profiter du mois de décembre pour polir un peu les premiers chapitre de la partie de Léandre en même temps que je les dépose ici.

"Cependant que" est une tournure valide, quoi qu'un peu désuète, je te l'accorde, mais je l'aime bien.
Hastur
Posté le 05/12/2020
Oh je ne connaissais pas du tout ! Je m'endormirai moins bête hu hu !
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