Chapitre 1 - La partie de chasse

L'hiver qui perdure éternellement en ces terres, pose ses marques sur la chair d'une mortelle. Au nord du pays d'Heltarya, se trouve une chaîne de montagnes enneigées, abandonnées des peuples, à cause de sa proximité avec la bordure du monde circulaire : Ce gouffre de vide, personne ne risquait de s'y aventurer au risque de connaître un éternel tourment de solitude. Ces terres humides et sans nom, accueillaient tout de même la faune locale, et quelques fois les descendants des Voeris qui tentaient de trouver refuge dans ces grottes et cavernes humides. Ce peuple, d'apparence humanoïde et sauvage, se baptisait les Skaldrins. Ils arboraient des tenues faites de peau et d'os, afin de montrer leur bestialité aux autres races et tribus. Coutumes abandonnées plus tard par la plupart d'entre eux.  La mortelle se tenait à l'entrée d'une grotte, son souffle divaguant dans le vent du nord, tandis que le gel s'engouffrait dans sa chevelure flamboyante. Malgré la température, la magie de lumière perdurait aux alentours, et le ciel était transpercé par une magie céleste provoquant des flaques éclatantes qui venaient embellir l'aura des deux mortels. Elle attrapa la main de l'enfant, et s'agenouilla face à lui.

- Regarde bien Grisham. Ce sera notre foyer désormais, prononça-t-elle en un sourire délicat. 

Le petit garçon lâcha la main de sa mère pour attraper les bordures de ses manches et tirer dessus. Ce tic qu'il avait depuis tout petit, il l'arborait toujours d'un air ahuri, signe qu'il ne comprenait pas. Les yeux écarquillés, il repensait à son ancien foyer, emplis de monde et de vie, de chaleur, et d'une douce odeur de pain et de cannelle. Le sourire de la mère faiblit un instant, face à son fils. Elle se trahit elle-même quand un voile sombre se perdit dans le vague de ses yeux. 

- Grisham, nous ne pouvions plus rester avec les autres. Nos terres devenaient trop dangereuses ...

Ses yeux se perdaient en son for intérieur. Elle semblait ne plus voir son propre enfant, tandis que l'image dans l'esprit de ce dernier devenait de plus en plus floue. Il perdait le contrôle de son souvenir. Il se réveillait.

...

Plus tard le garçon comprendra qu'il était lui-même ce danger qui menaçait les vies de son clan par sa simple existence. Mais à cette époque, de son innocence et immaturité, il ne pouvait pas en douter, bien qu'il dépassait ses anciens camarades dans toutes les disciplines. Il était né meilleur, mais cela signifiait plus malédiction que bénédiction.

Il ne se rappelait pas pourquoi, une nuit, sa mère prit leurs affaires, et entreprit un long voyage dans les terres du nord, rassemblant de même leurs provisions et affaires. Il savait seulement qu'à chaque fois qu'une silhouette leur rendait visite, elle en était chamboulée. Quelle était l'identité de cet individu ? Seul un souvenir chaleureux lui restait, qui emplissait jusque dans les tréfonds de son âme. Pourquoi ce voyage, et que craignait sa mère ? 

De ce souvenir, il n'en restait plus que des murmures flous. Grisham avait beau se forcer, rien n'y faisait sa mémoire se dérobait à lui la plupart du temps. Parfois il arrivait soudainement qu'il soit projeté dans une partie de sa mémoire lorsqu'il rêvait, mais ces évènements aussi il ne pouvait les maîtriser.  

Dans la forêt de blanc vêtue gisait un corps sur une colline, qui se réveilla en sursaut aux appels d'une voix féminine : 

- Grisham ! Le garde-manger est vide ! Je crois que Lorm s'est encore rempli la panse dans notre dos ! 

Le garçon qui se reposait sur un empilement de bûches cligna des yeux à plusieurs reprises pour revenir à lui, un peu hébété de sa sieste. Depuis quand dormait-il ? La nuit allait tomber dans quelques heures, au vu de la texture du ciel. Il s'étira lentement, puis attrapa son arc posé à ses côtés. Il se leva en se secouant tel un animal, pour évacuer la neige qui s'était amassé sur lui. Sa petite sœur, en sécurité à quelques mètres dans leur cabane dissimulée au sein même d'une grotte, rit de bon coeur.  Son souffle chaud emporté par le vent, Grisham bailla puis se retourna pour lui répondre.

- Je te signale que c'est ton cabot. C'est à toi de le surveiller.

- Il n'est pas un cabot, dit-elle d'un air peiné. J'ai beau lui donner des ordres, il n'en fait qu'à sa tête. En plus ce n'est qu'un ivrogne. Est-ce que tout va bien ?

Grisham contempla sa soeur pendant de longues secondes, les yeux écarquillés. Il pensait encore à son rêve, toujours le même, parfois avec plus de contenance. En de plus rares occasions ils se transformaient en cauchemars. Il arrivait qu'il se réveille au beau milieu de la nuit en sursautant, parfois en hurlant et alertant ainsi Enjika. Sensible comme elle est, il lui arrivait de faire semblant de se rendormir, mais en réalité elle veillait sur lui pendant une bonne heure avant de replonger à nouveau dans le sommeil. 

Il se ressaisit, puis se retourna. Dos à elle, il contempla la forêt en se rassasiant du parfum délicat des sapins, puis ferma les yeux pour se concentrer.

- Je vais bien. 

- Tu as encore fait un rêve n'est ce pas ? Tu en as parlé à Lorm 

Jormen est un magicien de pacotille. Ce n'est pas lui qui soignera mes maux. 

- Ne sous-estime pas ce qu'il représente. 

Grisham marqua une pause suite à cette réflexion, et alors qu'il repoussa les boucles de ses cheveux bruns, il se retourna à nouveau vers elle. 

- Tu as raison. Parfois je me dis que tu as bien grandi. Depuis un moment, tu parles avec sagesse, et non avec grossièreté comme autrefois. Enfin, du moment que je réussis ton éducat-

- De qui tu causes vermine ? La sagesse n'est bon que pour les vieux comme toi. 

Subjugué, Grisham ricana avec une moue faussement boudeuse. Puis il passa ses doigts dans la neige afin de former une sphère, et la lança pile à côté du visage d'Enjika, s'écrasant alors sur une lanterne accrochée à la cabane. Surprise, elle l'imita en s'avança de deux pas dans l'herbe, pieds nus, puis s'ensuivit une bataille de boules de neige imprévue. Lorsque Grisham s'en prit une en pleine tête, il tomba à l'envers en une galipette en contrebas pour atterrir contre le tronc d'un arbre. Les rires qui se dispersèrent en échos autour d'eux lui réchauffèrent le coeur.

Son rire ainsi que son sourire disparu aussitôt lorsqu'un cri lointain se fit entendre. Un cri de bête. Il se rappela soudainement que ces derniers temps des créatures s'aventuraient de plus en plus loin dans les terres sauvages, et surtout dans leur zone. C'était encore un miracle que pendant leurs parties de chasse, ils n'en avaient pas croisés. 

Enjika s'avança à petit pas jusque son frère pour l'aider à se redresser, puis tout deux levèrent la tête vers le ciel, guettant un nouveau cri, lorsqu'une bourrasque manqua de les faire trébucher. 

- L'hiver devient de plus en plus rude ces derniers temps. La faune se fait plus rare, et les créatures gagnent du terrain, dit Enjika en se cramponnant à son frère. Tu ne crois pas que l'on devrait faire quelque chose ? 

Ne sachant que répondre, Grisham dont les décisions se dérobaient à lui, se contenta de sourire à sa soeur, dont les tâches de rousseurs parsemait son visage emplit de crainte. Il n'acceptait pas de la voir ainsi. Il devait lui faire changer d'idées.

- Partons chasser. Récupère tes affaires, et tentons de retrouver Lorm avant que la nuit ne tombe.

Lorsqu'elle cria de joie, et qu'elle accourut comme une gamine vers la cabane pour faire son sac, Grisham ne put s'empêcher de retenir sa pensée, tout en allant récupérer son arc qui était tombé dans ses péripéties :

- J'ai un mauvais pressentiment. 

...

Enjika s'amusait à gambader sur le ruisseau gelé qui délimitait la frontière entre leur territoire, et les vraies terres sauvages. Elle avait toujours les pieds nus, et refusait catégoriquement de porter des chaussures, ce malgré la température. Son frère se demandait encore comment elle pouvait supporter cela, lui qui grelottait toujours, et qui détestait se sentir mouillé, et souillé par la saleté. Du haut de ses 16 ans, cette tignasse rousse parsemée de fleurs ne passait jamais inaperçue, bien que de toute manière, Grisham la surveillait en permanence, même lorsqu'elle chipait des pommes en secret, ou tentait de se balader sans son accord. C'était d'ailleurs un pacte tacite entre elle et Jormen. Lorsque le frère le sevrait de boisson, elle lui en donnait en douce, bière qu'ils concevaient eux-mêmes, selon les connaissances du trentenaire alcoolique. Ils possédaient en effet un petit jardin derrière la cabane, et pas seulement.

Le garçon ressentait les formes de vie à proximité de la sienne, bien qu'il ne sache l'expliquer, il pensait qu'il s'agissait d'un de ses dons provenant de ses ascendants. 

Alors qu'elle balançait des pierres sur la glace, qu'elle attrapait sur la rive, elle vit la faune aquatique passer sous ses jambes, et ne put s'empêcher de sourire en les voyant. Elle aimait par dessus tout le voyage et l'aventure, ainsi que la rencontre. De son côté, Grisham analysait le terrain, anxieux. Il appliquait ses connaissances et son instinct de pisteur pour se diriger vers le centre des terres. 

- Nous devons nous hâter, l'Aedggir ouvrira ses portes de ténèbres dans moins d'une heure. 

- Et si Lorm était rentré par le chemin des cloches, demanda Enjika, quelque peu déconcentrée. 

- Impossible, nous l'aurions entendu. Tu crois que tu pourrais demander de l'aide aux Fenelinns 

- Les fées des bois ont peur de tout le monde au cours de la nuit. Je peux toujours les débusquer dans les troncs mais elles m'en voudraient, et je ne veux pas les fâcher.

Grisham se contenta de grogner tout en avançant, lorsqu'il s'arrêta si soudainement que sa sœur qui souhaitait reprendre sa marche sur le même chemin en s'amusant à suivre ses traces dans la neige, se cogna à lui dans son dos. Elle beugla tout en portant sa main à sa tête.

- Regarde, dit-il en ignorant ses plaintes. Les Luminoles sont encore illuminées sur ce chemin. 

- Tu crois qu'il est passé par ici ? Je serais étonnée que ce soit récent. Il pourrait s'agir d'un animal. Ou pire, d'une créature.

- Et bien ce n'est peut-être pas lui, mais cela n'est pas la question. L'Aedggir change de face.

Elle passa sa tête au dessus de son épaule, presque en grimpant sur lui pour mieux apercevoir le schéma du paysage. Autour d'eux, la forêt était éclairée par des plantes et des fleurs luminescentes, et la petite faune se rassemblait dans des tanières et des creux afin de se protéger des bêtes de la nuit. Ce paysage pouvait refléter un conte pour enfant, en comportant les étincelles de lumière qui s'élevaient du sol pour s'évader dans le ciel et se rassembler vers Heltarya. Les Aedggirs purifiaient les terres du pays, en absorbant la lumière pendant la nuit et l'acheminant tel une poussière en son centre, afin de la bénir. Le jour, au contraire, elle déversait à nouveau ses forces sur le monde pour l'éclairer et lui apporter de l'essence vitale. Lorsque la surface sombre du cristal était utilisée, cela signifiait que le monde tombait dans 12 heures de ténèbres. Des heures d'attente, de souffrances et de peurs, surtout hors des cercles de pouvoirs. Tel était le cas de la fratrie.

- Grisham, je ne veux pas rentrer sans Lorm. Cela m'effraie de le laisser seul.

Le jeune homme serra la poignée de sa lame contre lui, les sourcils froncés, et les muscles tendus. Il devait choisir entre abandonner son mentor, et protéger sa soeur, ou partir le chercher et manquer de les mettre en danger. Bien qu'il n'appréciait pas particulièrement Lorm, il le portait tout de même en son coeur, et il faisait partie de sa "famille". 

- Désormais nous lui demanderons de ne plus quitter le foyer pendant la nuit. Ton devoir est de le surveiller pas de l'encourager dans ses mésaventures. 

Enjika recula, puis se tint dans une posture droite pour affirmer son autorité. 

- Je te signale que ce n'est pas moi qui, un beau jour, ait choisi de le ramener à la maison. Et je refuse, de te voir douter de mes compétences. Je fais de mon mieux.

- Je ne doute pas de toi, tu le sais bien. Mais ce n'est pourtant pas moi qui ait passé un pacte avec un-

Enjika agacée, ne le laissa pas terminer sa phrase, et décida de lui donner un coup de pied dans le tibias. Il se retint de croasser divers insultes en sautillant tel une sauterelle.

- Tes propos sont incohérents, soutient Grisham d'une voix rauque. Si je l'ai ramené à la maison c'est parce qu'il était blessé. Et il a bien failli me tuer ce jour la. 

Enjika l'ignora à son tour pour se diriger vers les Luminoles. Elle s'agenouilla alors, et passa ses doigts sur les fleurs qui perdaient de leurs couleurs. Près du ruisseau, on ne trouvait que des pierres, et ce en si grande quantité, que la terre humide était dissimulée. De ce fait il n'y avait aucune emprunte visible. L'eau gelée ne comportait aucune fissure dans la glace, sauf celles causées par la fillette. Le chemin de lumière qui s'effaçait peu à peu cessera tôt ou tard de leur servir de piste. Aussi Enjika se réchauffa les mains dans un souffle, puis les frictionna l'une contre l'autre. Elle s'éclaircit la voix, et commença à chantonner, après plusieurs essais.

Son chant était tellement beau, que le vent cessa de se mouvoir, les arbres ainsi d'être secoués, et les plantes regagnèrent une certaine vitalité. La lumière des Luminoles se remit à briller davantage, jusqu'à éclairer à nouveau la piste. Dans ces terres et à cette heure, personne ne pouvait se cacher d'un ennemi intelligent. Cela pouvait s'avérer utilie si l'on était le chasseur et non la proie. Enjika se leva, et tout en continuant à chanter suivit petit à petit les lanternes naturelles. Son frère cessa aussitôt de faire l'idiot.

C'était magique, bien que ce ne fût pas la première fois qu'il assistait à ce spectacle. Enjika possédait, tout comme lui, de nombreux dons, qu'ils apprirent à contrôler au fil des années en compagnie de Jormen. Elle n'avait alors pas conscience de la beauté de son pouvoir, puisque pour elle cette extension naturelle de son corps était une normalité tel un membre en plus. Elle pouvait parler aux éléments à travers son chant mélodieux et produire des miracles, qui subjuguait parfois son ainé.

Lorsque des formes floues passèrent à côté d'eux à quelques pas de là, Grisham banda rapidement son arc, et se rapprocha de sa soeur, cependant discrètement pour ne pas l'alerter et la déconcentrer. Il possédait 15 flèches dans son carquois, 10 couteaux de lancer, une lame qu'il détenait depuis son enfance, une dague, et un arc que Jormen lui avait fabriqué autrefois pour son 17 ème anniversaire. Une sensation étrange lui chatouillait l'épiderme, remontant de sa colonne vertébrale jusque sa nuque. Des sueurs froides. Il ne pouvait s'empêcher de se sentir épier. Son instinct était alerté, alors qu'aucune menace ne persistait à se révéler. 

Quelques mètres plus loin cependant, la piste s'éloigna non seulement de la rivière, mais s'arrêta soudainement au beau milieu d'un champs rempli de végétations en tout genre. Enjika cessa de chanter, pour admirer ces étincelles qui s'envolèrent alors tout autour d'elle pour former un tourbillon dans les cieux, et ainsi rejoindre un filament en direction d'Heltarya. Tandis que son sourire éblouissant rayonnait malgré tout dans la noirceur des ténèbres grandissantes, elle sentit à son tour que quelque chose clochait quand elle vit son frère aussi livide qu'un linge. La faune qui s'était agglutinée autour d'eux pour observer ce spectacle s'enfuit soudainement, ce qui l'alerta. C'est alors que ses yeux se posèrent sur le seul animal, qui au lieu de fuir, le fixait de sa position à quelques mètres avec une démarche de prédateur. 

Il regardait ainsi derrière elle d'un air si apeuré, qu'elle commença à trembler, ne sachant précisément pour quelle raison. Son frère qui d'ordinaire faisait preuve de courage et de témérité, se jeta sur elle pour la forcer à s'accroupir à ses côtés et se cacher dans les hautes herbes du champs. Ce terrain était trop à découvert, aussi il la regarda très sérieusement dans les yeux et lui intima de rebrousser chemin en silence, de par ses gestes emplis d'incohérences. Curieuse, Enjika se demanda ce qu'il avait vu. Elle dévia son regard vers toutes les directions, quand son frère lui tira sur la manche. Avant qu'elle ne commence à rebrousser chemin, elle sentit à son tour une sueur froide lui parcourir l'épiderme, et une ombre gigantesque la recouvrir. Seul les étoiles et la clarté d'une nuit pouvait l'aider à se repérer. 

Des pas se firent entendre, de plus en plus lourds et imposants.

- Que ce passe-t-il ? Qu'as-tu vu ?

- Ce que Jormen craignait. Un Marchand de tourments. Ce prédateur pourrait nous traquer sans relâche.

- Et vous n'avez pas jugé nécessaire de m'en informer ? s'étrangla-t-elle.

Grisham vit la créature s'avancer dans leur direction, et en suivant son regard, Enjika aperçu enfin la forme de l'entité. Elle dépassait les 2 mètres, se tenait sur quatre pattes fines mais agiles, et possédait deux queues qui crachaient un venin tantôt acide, et tantôt paralysant. Le dernier provoquait même de puissantes hallucinations. Des épines recouvraient son dos, et de petites mais puissantes mâchoires pouvaient broyer les écorces d'arbres, et surtout la chair. Elle possédait aussi deux pattes avant qui lui permettait selon les contes, de les maintenir en équilibre pendant une cavale. Des bêtes de chasses de Nadagarta, ville de la nuit sans éclat aucun, que même ses habitants craignaient.

 

Alors que Grisham poussa sa soeur pour tenter d'avancer, les deux étaient captivés par la bête. C'était la première fois qu'il en voyait une de cette sorte, et jamais ils n'avaient affrontés d'autre ennemis que des Possédés, d'anciens mortels, dont l'esprit et la chair à force de corruption et de pourriture se changèrent en atrocités. L'ainé se plaça dos à sa soeur pour garder un oeil sur elle.

C'était plutôt l'inverse. 

Voilà de bonnes secondes qu'elle les avait repéré. Sa vue était adaptée à la chaleur corporelle, aussi avec cette température ils n'auraient jamais pu l'éviter. 

- COURS IMMEDIATEMENT ! FUIS ! RETOURNE CHEZ NOUS ! 

Aussitôt le Marchand de tourments fonça sur Grisham, avec un cri grave et glaçant, tout en salivant. Les quelques mètres de distance disparurent bientôt, et dans un élan de clarté, et puisqu'il était la cible principale, il brandit son arc bien qu'il tremblait et encocha une flèche avec incertitude. Selon son instinct Enjika s'était réfugiée derrière un arbre à une petite distance, hors de son champs de vision et de celui de l'entité. Mais elle ne l'avait pas écouté. Il la maudit intérieurement et alors que son regard se planta dans celui du monstre, il souffla cinq mots qui s'envolèrent avec sa flèche dans la nuit.

- Mir Flaeror jonen ett Olen. (Que ma flèche atteigne son oeil.)

Alors que cette dernière semblait manquer sa cible et disparaître dans des buissons non loin de sa position, elle changea de trajectoire en un éclair si brusque, pour se planter dans l'oeil droit de l'atrocité qui n'eut pas le temps de le comprendre, tandis que cette dernière levait en retour son bras pour déchiqueter Grisham. Dans sa maladresse et sa peur il n'eut pas le temps d'esquiver.  

Dans une guerre rien ne peut être prédit. Qui sera le vainqueur, si on y laissera sa peau, ou bien un être cher. Pour Grisham, un duel est une guerre à proprement parler, et il ne pouvait jamais prédire quand cela arrivait. Alors au fond de lui-même il était toujours préparé à combattre, mais jamais à tomber, puisqu'il possédait un feu de combattant qu'on ne pouvait trouver ailleurs. C'était en cela qu'il puisait sa force, et pas seulement. 

Il fût projeté de plein fouet quelques mètres plus loin, griffé sur son torrax. Enjika qui avait vu toute la scène, sortit de sa cachette en hurlant comme une sauvage, ses deux dagues en mains. Dans sa fureur il arrivait qu'elle agissait sans réfléchir, mais généralement le soutien de son frère aidait à éviter les catastrophes. Mais il était à terre. De son côté la bête, après son coup, hurlait de douleur, mais risquait ainsi d'alerter ses camarades environnant : Ces créatures chassaient toujours en groupe, mais cela la petite ne le savait point. Alors qu'un feu hurlait dans ses veines de sortir et de se battre, son cri était si transperçant qu'il déstabilisa la bête qui tituba. 

Elle s'arrêta soudainement de hurler pour voir des arbres se renverser dans son champs de vision, et une masse sombre les déraciner avec une grande bestialité. La bête semblait deux fois plus grande, plus puissante, plus imposante, et cela elle le savait : Elle ne pouvait pas l'affronter encore moins gagner. Heureusement il s'agissait d'un allié. 

- Lorm.

- Jormen, souffla Grisham. 

Une immense ombre de poils, de muscles, de griffes et de crocs se dressa juste derrière le Marchand de tourments pour l'attraper dans ses babines, le lancer dans les airs, et lui couper les pattes avec sa mâchoire en le secouant comme un jouet. Il l'explosa contre une roche par-delà le champs, après l'avoir trainé et croqué, son sang noirâtre se dispersant pour faire fondre les cimes et les plantes. L'ombre qui semblait touchée par l'acide ne se soumit point à la douleur. Face à elle, cet ennemi ne représentait qu'un gibier. 

La bête s'avança ensuite jusque Grisham, tandis que Enjika les rejoignit en courant. Elle la regarda droit dans les yeux et lui parla avec le même dialecte employé plus tôt par son frère. L'immensité perdit peu à peu les contours de ses formes, lorsqu'elle se stoppa net pour l'écouter. Ses griffes se retroussèrent. La fureur de son regard rouge de sang, devint aussi vert que la forêt, et sa taille imposante perdit de sa resplendissance. Ses crocs devinrent une simple dentition humaine, et de son cri vociférant vint une plainte. Un homme, du moins en apparence prit sa place, alors qu'un nuage de poussières obscures se dispersa autour de lui. Un peu embrouillé, il ne remarqua pas qu'il marchait sur le bras de Grisham.

- J'aimerais bien savoir pourquoi une bande de gamins se retrouvent dans les parages et à cette heure. 

Sa voix était grisonnante comme s'il se réveillait d'un long somme. Il était éberlué par son environnement. 

Après un temps de réflexion, et lorsqu'il vit que Enjika venait de se retourner violemment en rougissant, Jormen comprit non seulement qu'il marchait sur son élève, mais surtout qu'il ne portait aucune tenue. Il ouvrit la bouche pour laisser échapper un "oh" sur le ton du contentement.

- A la bonne heure ! Aussi je vous prie de ne pas venir me déranger pendant ma promenade nocturne, et mes diverses activités. Passer mon temps à vous sauvez n'est pas digne de l'Hybride que je suis, n'est ce pas ?

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Alex Banner
Posté le 14/04/2023
Bonjour !

Le chapitre a quelques passages qui me paraissent inutiles voire contreproductifs, notamment au début. On peut aller directement dans le coeur de l'action et avoir ces informations plus tard.

Il y a quelques tournures étranges : "la texture du ciel", "la voix grisonnante", par exemple (le mot cherché n'est pas "grésillante" ? et la teinte/lumière pour le ciel).

Je ne sais pas encore bien où on va avec l'alcoolisme de Lorm (Lorm et Jormen sont bien la même personne ? même maintenant je ne suis pas sûr XD), mais j'avoue avoir un peu peur.

L'action est plutôt bien menée, on comprends bien à quoi on a affaire. J'aime beaucoup le nom de 'marchand de tourments', pour le coup c'est original et clair.

Courage pour la suite et à bientôt !
Plume-Lunaire
Posté le 17/05/2023
Merci à vous c'est très agréable d'avoir des retours ! Lorm et Jormen (se prononce Yormen par ailleurs, tout Enjika se prononce plutôt Enyika). Face à l'alcoolisme de ce personnage, tout sera expliqué dans les chapitres suivants. Dans un premier temps l'histoire avance à petit feu avant de se plonger dans le grand bain. Je vais procéder à quelques corrections. Merci à vous et à bientôt !
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