Chapitre 1 : Et le Mal fut.

Dans le royaume de Toowaïyeff, par une belle journée ensoleillée, alors que ses habitants vaquaient tranquillement à leurs occupations pacifiques, le roi Forakäm était dans son bureau plongé dans le noir. Il venait de retrouver dans une de ses nombreuses étagères un livre épais entièrement vierge. Sur la couverture en cuir usé, on pouvait encore lire dans une écriture à caractères dorés « Livre de l’Origine ». En plus petit en dessous, cette fois à peine visible, était précisé « puisse la vérité du monde être écrite sur ces pages vierges par une âme pure ». Forakäm avait depuis longtemps oublié que ce livre lui avait été offert par une personne restée inconnue à ce jour. Il avait simplement été posé au pied de la porte de son château atypique. Bien qu’il ne se considérât pas comme l’âme la plus pure du monde, c’était pourtant ce qu’il était et c’était exactement la raison pour laquelle ce livre lui avait été confié. A présent qu’il l’avait retrouvé, il se rappelait exactement ce qu’il devait faire avec. Il s’assit à son bureau, ouvrit l’incunable à la première page, prit sa plus belle plume et commença à écrire.

« L’histoire que je vais raconter ici m’a été contée par le plus grand roi jamais connu et dont le monde ne connaitra plus jamais l’égal. C’est donc un grand honneur pour moi, et un devoir aussi, de narrer les hauts faits de cet honorable souverain et de son ami.

L’histoire du roi Tranyëm commence comme celle de chaque humain de ce monde. Il naquit dans une famille aimante, dans le royaume de Kimelano, et déjà dès ses premières années, il manifestait un grand intérêt pour la magie. Ses parents étaient certains qu’il allait devenir un grand mage, étant donné qu’il manifestait déjà à ses 5 lunes une grande sensibilité pour cet art. Ce fut durant son enfance que Tranyëm rencontra son meilleur ami, Morkräg, né seulement quelques jours après lui. Durant toutes les années de leur jeune vie, il ne se quittèrent pas un instant et se firent un jour la promesse de devenir les deux mages les plus puissants que la Terre n’ait jamais portés.

Tranyëm m’avait fait la confession que cette promesse datait de l’époque où ils étaient encore adolescents et qu’en grandissant, il s’était orienté vers une voie plus altruiste, celle d’aider son prochain et non d’agir pour la gloire.

Lorsqu’ils atteignirent tous deux l’âge de 18 lunes, ils entrèrent dans la même école de magie, la plus prestigieuse de Nouklyën : l’école de magie de la lumière de Kimelano. Les deux amis étaient décidés à s’initier à cette discipline jusqu’au bout des doigts. Certes, Morkräg n’était pas aussi talentueux que Tranyëm mais partout où Tranyëm allait, il le suivait, et Tranyëm s’en accommodait facilement, portant Morkräg dans son cœur comme un petit frère.

La magie de lumière est dure à maitriser et les études furent laborieuses, même pour notre héros car voyez-vous, lorsque l’on apprend la magie de lumière, on n’apprend pas à la maitriser telle quelle mais plutôt l’une de ses incarnations. La spécialisation vient après des années de pratique. La branche la plus connue est celle de la Connaissance, elle-même comprenant la médecine, l’histoire, la géographie et d’autres disciplines apportant la lumière du savoir aux habitants de Nouklyën.

Au fur et à mesure de leurs années d’étude, les deux amis augmentèrent leur niveau de manière drastique. Les professeurs s’étonnaient chaque jour davantage de voir Tranyëm aller plus loin qu’ils ne l’avaient jamais été, car celui-ci était sur le point de maitriser la Lumière en elle-même et non pas seulement l’une de ses incarnations. Cette puissance divine les impressionnait autant qu’elle les effrayait et ils ne manquaient pas de rappeler au jeune homme que la soif de pouvoir peut être dangereuse. Cependant, ce n’était pas à Tranyëm qu’il fallait dire ça, parce qu’il l’avait compris depuis longtemps, mais à Morkräg qui n’avait pas abandonné son dessein d’être le magicien le plus puissant du monde. Mais les professeurs n’avaient aucune raison de s’inquiéter pour Morkräg qui s’éloignait de plus en plus du niveau de Tranyëm, et qui, dans son cœur, ne visait pas à se transformer en tyran mais simplement à faire du bien autour de lui en devenant très puissant. Il avait trouvé sa branche après cinq ans dans l’école et celle-ci était celle de la psychologie. Il souhaitait être assez puissant pour satisfaire les désirs qu’il pourrait ressentir chez le menu peuple. La voie de l’empathie est louable et Morkräg était un bon élève, studieux et sage. Mais c’était sans compter la septième année d’étude des deux amis.

Durant cette année, nombre d’étudiants se réorientent pour une raison que les professeurs ne comprennent pas puisque c’est toujours à la septième année qu’ils changent d’avis. Ni avant ni après. Ce ne fut pas le cas néanmoins de Tranyëm et Morkräg qui se trouvaient bien dans la voie qu’ils avaient choisie. Ils étaient toujours dans la même promotion car Tranyëm, qui n’était pas spécialement affilié quelque part, avait décidé de rester avec Morkräg, lui-même sérieusement impliqué dans ses études d’empathie. L’élément qui vint bouleverser le destin des deux jeunes gens portait le nom de Xinä. Cette étudiante avait opté au départ pour la voie de la Recherche mais s’était vite rendu compte qu’elle préférait apaiser la souffrance du monde. Elle avait donc tout naturellement rejoint la voie de l’empathie, comme Morkräg avant elle.

La suite de l’histoire semble logique. La sympathique et belle Xinä frappa le cœur des deux garçons si fort que quelque chose en eux se brisa. Telle une sorcière aguicheuse, elle restait toujours avec l’un des deux, ne se décidant jamais pour l’un ou l’autre. Un petit manège qui divisa peu à peu les deux frères. Ils rivalisaient tous deux de créativité pour l’impressionner et faire en sorte qu’elle choisisse le bon. Morkräg faisait preuve de plus d’empathie qu’il ne l’avait jamais fait auparavant et Tranyëm, pour la première fois de sa vie, faisait un grand étalage de ses talents magiques. Quand Morkräg compatissait de la douleur de Xinä qu’il éprouvait par moments, Tranyëm offrait des fleurs et des bijoux de lumière à la belle. Sans qu’ils s’en rendent compte, Xinä les éloignait un peu plus chaque jour de la Lumière qu’ils essayaient désespérément de contrôler afin d’obtenir son amour définitif.

Morkräg, qui se rendait bien compte que la lumière ne suffisait pas à impressionner la jeune femme, se plongea dans des recherches. Il voulait à tout prix connaitre les plus profonds désirs de la ravissante étudiante, afin de les assouvir et de gagner ainsi sa considération, qu’il perdait petit à petit à cause du grand talent de Tranyëm qui lui faisait de l’ombre. Il s’entrainait tous les jours, toutes les heures de sa jeune vie. Il passa des nuits à la bibliothèque, dans un bureau chez lui, dans un endroit où il savait être seul pour mettre au point la magie de désir, comme il la surnommait lui-même. Son empathie se transforma peu à peu en une soif, une addiction qui le rongeait de l’intérieur. Ce qui était au départ une envie pour que Xinä s’intéresse plus à lui devint une faim qui s’appliquait à tous les humains. »

La plume de Forakäm s’arrêta sur ce mot. Il savait ce qui se passait ensuite et surtout comment finissait son récit. Il se dit que les femmes avaient parfois d’étranges pouvoirs, une emprise que les hommes ne peuvent jamais avoir sur elles. Puis il se ravisa et se dit que c’était simplement Xinä qui avait commis une grande erreur en s’amusant avec le cœur des garçons alors qu’elle avait fait son choix depuis l’instant-même où elle les avait rencontrés. Elle n’aurait jamais pu concevoir les conséquences d’un tel acte, mais Forakäm se demandait si elle regrettait seulement son petit jeu ou si elle était simplement heureuse et avait déjà oublié toute l’histoire qu’elle avait provoquée, avec toutes ses conséquences. Le cœur lourd, Forakäm continua sa narration, mais cette fois en tremblant légèrement, ce qui rendit son écriture élégante légèrement bosselée.

« Cela faisait déjà depuis plusieurs mois que les deux amis étaient devenus rivaux et Tranyëm, dans un éclair de lucidité, se rendit compte que cela faisait depuis le même laps de temps qu’il n’avait pas parlé à Morkräg. Il abandonna donc un instant sa quête romantique et chercha à renouer les liens avec son meilleur ami. Il le chercha longtemps mais lorsqu’il l’eut trouvé, il eut du mal à le reconnaitre. Morkräg, qui était d’habitude d’un naturel souriant et avenant, s’était renfrogné et pas seulement à son égard. Son regard s’était même assombri depuis la dernière fois que Tranyëm l’avait regardé dans les yeux. Il ne semblait même plus capable de sourire et l’étincelle de malice qui brillait autrefois dans ses yeux verts avait disparu et laissé place aux ténèbres.

Malgré ce changement physique effrayant, Tranyëm alla tout de même lui parler et fut soulagé de voir que Morkräg ne le repoussait pas. À aucun moment, ils ne parlèrent de Xinä, mais la complicité qui existait autrefois entre eux semblait avoir disparu. Chaque mot échangé était gêné comme s’ils étaient simplement des camarades de classe et non plus des meilleurs amis. Cette nouvelle relation déçut Tranyëm mais il fut tout de même satisfait de voir qu’il restait en Morkräg un peu d’estime pour son ami.

Au fil des jours, Morkräg et Tranyëm se concédèrent une trêve amoureuse et recommencèrent à se voir et à se parler comme à l’époque où ils ne connaissaient pas Xinä. Celle-ci se rendit compte que le duo ne lui accordait plus d’attention et préférait une compagnie mutuelle à la sienne. Tranyëm m’a alors confié qu’elle était venue le voir et lui demander la raison de son désintérêt. Il lui avait répondu très naturellement qu’il ne pouvait sacrifier sa longue amitié avec Morkräg pour elle. Il n’hésita pas non plus à lui dire qu’il avait certainement des sentiments pour elle mais qu’il ne pouvait plus supporter le jeu de séduction qu’elle avait mis en scène. Xinä, qui était dans la branche de l’empathie comme Morkräg, comprit enfin que ce jeu ne faisait rire qu’elle et ses amies et promit à Tranyëm d’arrêter et d’avouer dans peu de temps ses sentiments à l’un d’entre eux.

Tranyëm quitta Xinä sur cette promesse, avec l’excitation et l’espoir qu’il serait celui que la jeune fille choisirait comme l’élu de son cœur. Il alla immédiatement en informer Morkräg qui ouvrit grand ses yeux clairs et fut incapable de prononcer le moindre mot. Mais sur le moment, Tranyëm ne s’en inquiéta pas outre mesure.

Quelques jours plus tard, Xinä fit venir Tranyëm et Morkräg dans le parc derrière l’école de magie. Là, à l’ombre d’un arbre déployant ses branches majestueuses, elle avoua avec un sourire et un regard de pitié à Morkräg, qu’elle aimait Tranyëm depuis le premier jour où elle l’avait aperçu. Le visage de Morkräg se décomposa tandis que celui de Tranyëm s’illuminait, au sens propre et figuré. Il se mit à rayonner de bonheur et de lumière, une lumière qui émanait de chaque parcelle de son corps, alors que Morkräg, dans sa déception et son désespoir, s’assombrissait encore plus qu’il ne l’était déjà. Tels le yin et le yang, les deux amis étaient divisés et réunis par une seule et même personne : Xinä.

Malheureusement pour Morkräg, après les aveux de la jeune femme concernant ses sentiments, Tranyëm ne vint plus lui parler aussi souvent qu’autrefois. Cela n’était cependant pas pour lui déplaire. Il vouait désormais une haine sans limite à celui qui avait été son frère ainsi qu’à Xinä. Il était à présent capable de ressentir les désirs de tous mais était toujours incapable de les assouvir. Mais ce qui le rongeait insensiblement, c’était l’immense jalousie qui prenait toute la place dans son cœur et se répandait comme un cancer. Il n’avait pas réussi à satisfaire son désir à lui : posséder l’amour de Xinä. Et en conséquence, il plongea définitivement dans les ténèbres.

Les études se poursuivirent doucement. Xinä et Tranyëm formaient un couple avec une réputation qui les précédait partout où ils allaient. Non seulement toute l’école les adulait, les admirait et les enviait mais aussi toute la ville et la rumeur d’un couple de lumière finit par se répandre dans l’ensemble du royaume. Pendant ce temps, Morkräg était retombé dans l’oubli, mais cela ne le dérangeait pas outre-mesure. Il pouvait ainsi continuer ses recherches et ses entrainements secrets. Son lieu de prédilection était la bibliothèque de l’université. Tranyëm, ainsi que d’autres élèves, l’y avaient surpris à plusieurs reprises, plongé dans une lecture assidue de vieux grimoires. Personne ne s’en inquiétait ou ne s’intéressait vraiment à ce qu’il pouvait y lire. Morkräg n’était pas le seul à consulter d’antiques archives. Mais c’était le seul à s’intéresser à des formes de magies à peine explorées et interdites depuis déjà très longtemps. Car la magie des ténèbres avait existé bien sûr, mais après les catastrophes qu’elle avait causées, les mages des ténèbres eux-mêmes avaient décidé d’arrêter immédiatement la pratique de cette forme de magie destructive et égoïste. Malheureusement, Morkräg avait perdu cette sagesse et cet altruisme. Hanté par ses démons, il ne s’intéressait plus qu’au moyen de se venger. Il voulait toujours Xinä mais il n’était plus question de renouer des liens avec Tranyëm. Quant à l’élue de son cœur, il comptait bien se faire désirer comme jamais quelqu’un ne l’avait été. Il voulait provoquer son envie, sa faim et au moment propice, être celui qui les comblerait.

On le vit de moins en moins en cours et les professeurs commençaient sérieusement à se poser des questions. Ils n’étaient pas les seuls, puisque Tranyëm aussi, malgré son immense amour pour Xinä, continuait à s’inquiéter pour son ami à cause des rumeurs qu’il entendait à son propos. Ses journées et ses nuits passées à la bibliothèque étaient de plus en plus suspectes et Tranyëm avait beau être parfait aux yeux de beaucoup de monde, il était très curieux et ne put s’empêcher de commencer à espionner Morkräg afin de découvrir ce qu’il mijotait. Il ne s’approchait jamais vraiment très près de lui car il savait que Morkräg le détestait désormais. Au fil des jours, Tranyëm se doutait de plus en plus que quelque chose ne tournait pas rond. Il fit part de ses inquiétudes à Xinä, qui lui répondit le plus simplement du monde qu’il se faisait des idées et que Morkräg, malgré son apparence ténébreuse, était un gentil garçon qui ne pouvait pas avoir un cœur aussi sombre que son regard. Ces mots rassurèrent un peu Tranyëm mais il ne cessa pas pour autant de suivre Morkräg des yeux.

Puis arriva un jour où il ne le vit pas de la journée. Il eut beau aller à la bibliothèque, dans sa classe ou chez lui, il ne le trouva nulle part. S’inquiétant de cette disparition, il demanda d’abord à Xinä de l’aider puis à ses amis, quand il vit que l’aide de sa compagne ne suffisait pas. Enfin, en dernier recours, il demanda à contrecœur l’aide des professeurs. Il savait très bien que ceux-ci ne portaient pas Morkräg dans leur cœur et il avait peur de leur donner raison. Tout ce beau monde retourna la ville entière pour trouver Morkräg mais il n’y avait aucune trace de lui nulle part. Partout où ils s’enquéraient de sa présence éventuelle, on leur répondait par la négative. La nuit finit par tomber et avec elle le découragement de beaucoup se fit palpable.

Sentant que rassembler ces personnes plus longtemps encore allait s’avérer difficile, Tranyëm fit appel à toute sa puissance magique et libéra, au cours d’un effort surhumain, une vague de lumière blanche presque divine dans le royaume. Ce merveilleux éclat lumineux de désespoir dissipa la nuit durant quelques secondes, et cela suffit à retrouver Morkräg. Depuis le début de la journée, il n’avait cessé de suivre Tranyëm comme son ombre, au sens propre. Il s’était servi des ténèbres pour se mouvoir sans qu’on puisse le remarquer, tel un démon qui guette dans l’ombre le moment propice pour se jeter sur sa proie. Il était devenu une partie des ténèbres et les contrôlait aussi bien que Tranyëm contrôlait la lumière. Cette nouvelle puissance effraya ce dernier, et nombre de témoins alentour. Morkräg avait encore changé d’apparence et, cette fois, ses iris jaunes scintillaient de convoitise pour Xinä, de colère pour son ancien frère. Xinä fut la plus choquée par la transformation de Morkräg. Le jeune homme qu’elle avait connu et qui avait été si gentil et attentionné avec elle, avec qui elle avait passé de si bons moments et qui lui avait fait douter de ses sentiments pour Tranyëm, n’existait plus. Il s’était métamorphosé en un monstre qui la lorgnait à présent comme si elle était un morceau de viande. Il distribuait d’ailleurs ce regard à toute l’assemblée éberluée qui le dévisageait. Chaque être humain était une source de désir potentielle et exploitable. Chaque désir reflétait à présent le sien et il n’avait plus aucun but, à part contrôler l’esprit humain et éprouver la délicieuse satisfaction d’un désir assouvi.

Cette pensée savoureuse lui arracha un sourire carnassier et cela suffit amplement aux professeurs pour le renvoyer de l’école. Après tout, il avait déjà été mis en garde et la magie des ténèbres était interdite depuis longtemps. En plus de cela, Morkräg avait largement dépassé le stade de maitrise des ténèbres des premiers mages de l’histoire. Il était devenu bien trop dangereux pour être laissé en liberté. Ainsi, en plus de ne plus avoir accès à ses sources d’information, le mage des ténèbres était à présent mis sous étroite surveillance. On lui fit suivre une thérapie psychologique afin de comprendre ce qui avait mal tourné dans son esprit, comprendre d’où venait sa faim des tentations et des désirs humains. Il est inutile de dire qu’il était aussi enfermé jour et nuit dans une cellule extrêmement surveillée. Un jour, Tranyëm rendit visite à Morkräg afin de lui parler. Il savait pertinemment que Morkräg n’était pas fou et voulait simplement connaitre ses motivations. Lorsqu’il arriva à l’hôpital, on lui avait déjà préparé un bureau où Morkräg l’attendait patiemment. Tranyëm était à présent diplômé de l’école de magie et sa réputation le précédant, on lui obéissait sans même qu’il ait besoin de lever le petit doigt, ce qui le gênait un peu. Malgré l’insistance des docteurs qui affirmaient que Morkräg était dangereux, Tranyëm exigea qu’on le laissât seul avec lui en assurant qu’il n’y aurait aucun problème. Il s’assit lentement en face de son ancien ami et le regarda droit dans les yeux avant de lui demander :

- Pourquoi avoir fait ça Morkräg ? Qu’est-ce que les ténèbres t’ont apporté ? 

Morkräg se fendit alors d’un sourire mauvais et répondit d’une voix grondante comme le tonnerre :

- Elles m’ont apporté une plus grande puissance que toi avec ta lumière. Aucune lumière ne peut vaincre l’obscurité, Tranyëm.

- Mais aucune obscurité ne peut exister sans la lumière. Tu as commis une erreur. Si Xinä s’est détournée de toi c’est parce que tu n’étais pas assez lumineux à ses yeux.

- Certainement pas. Si elle s’est détournée de moi, c’est parce que tu l’as éblouie avec ta magie prétentieuse, mais au fond tu ne sais pas ce qu’elle désire réellement. À l’intérieur, elle est aussi noire que moi. Tu le découvriras à tes dépends et à ce moment-là alors, elle m’appartiendra et toi, tu auras tout perdu et te retrouveras à ma place.

- Cela fait des mois que tu n’as pas vu Xinä, voire presque un an. Cela m’étonnerait que tu la connaisses aussi bien que tu ne le prétends, répondit Tranyëm, un peu déconcerté par les dires de Morkräg.

- Tu te crois supérieur avec ta magie de lumière parce que tu la maitrises en tant que telle. Mais moi, je ne maitrise pas seulement les ténèbres dans leur ensemble. Je peux connaitre les désirs les plus profonds et les plus noirs des humains. Si tu savais ce que désire Xinä, tu t’écarterais d’elle à chaque fois que tu la croises dans la rue, plaisanta froidement Morkräg.

- Je comprends mieux pourquoi ils t’ont enfermé. Tu ne sais plus ce que tu dis et tu es assez fou pour croire que ta magie te permet de connaitre les désirs de chacun ! En réalité, tu dois juste entendre des voix, conclut tristement Tranyëm. J’espère sincèrement qu’ils réussiront à te guérir et surtout, que personne ne fera plus jamais la même erreur que toi.

Sur ce, Tranyëm se leva et partit de l’hôpital sans une certaine appréhension. Et si tout ce qu’avait dit Morkräg était vrai ? Puis il se convainquit que ses paroles n’étaient que le reflet de sa folie et oublia bien vite cet entretien.

Il l’oublia un peu trop vite, car quelques jours plus tard seulement, on l’informa que Morkräg avait réussi à s’enfuir, non sans avoir commis quelques crimes en passant. Trois docteurs-mages avaient péri sous les coups terrifiants de sa magie, qui avait aspiré toute l’énergie vitale de leur corps. Durant des semaines entières, Morkräg fut recherché dans tout le royaume. On envoya même des avis de recherche dans les royaumes voisins et bientôt tout autour du monde. On connaissait le visage qui portait le nom de Morkräg. C’est après avoir pris connaissance de l’une de ces affiches que je contactai Tranyëm. Dans sa grande bonté, celui-ci accepta de me raconter toute l’histoire de ce mage des ténèbres qui court encore dans la nature à ce jour. J’espère qu’un jour, quelqu’un le retrouvera avant qu’il ne commette une action bien plus grave. Après les trois meurtres, Morkräg n’a plus jamais fait entendre parler de lui, mais le monde entier tremble à l’idée qu’il puisse mettre au point une technique de magie assez puissante pour transformer la couleur de la Tulipe.

Ce message s’adresse aux générations futures et au roi ou à la reine qui prendra ma succession, si jamais une telle chose devait arriver. Puissiez-vous avoir le courage de faire disparaitre ce danger de notre monde s’il en est besoin. »

Sur ces mots funestes, Forakäm reposa sa plume et referma le livre maintenant noirci de l’histoire sombre de Morkräg et Tranyëm. Il jeta alors un œil par la fenêtre de son bureau et vit que la journée était sur le point de se clore. Bientôt une nuit artificielle serait créée par le dôme de Toowaïyeff et plongerait le royaume dans le noir. Après le récit qu’il venait de relater, le vieux roi frissonna dans l’air frais du soir. Et si là-bas, quelque part, Morkräg était toujours vivant et en chemin pour trouver la Tulipe ? Il essaya de se rassurer en se disant que celle-ci était cachée dans un endroit que même lui ne connaissait pas. Cependant, un sentiment désagréable s’empara de lui. Il y avait quelque chose dans son propre royaume qui n’allait pas. Cette nuit, les ténèbres seraient plus sombres que d’habitude et il ne s’expliquait pas pourquoi. Mais plutôt que de s’attarder sur un vague pressentiment, Forakäm alla se coucher. Après tout, la nuit portait conseil.

*

Loin, très loin de là, la chaleur n’existait pas et le froid était plus mordant que le feu lui-même. Le vent soufflait. La neige tombait. Deux silhouettes se découpaient sur le fond blanc qu'offraient le sol et le ciel. Sur le mont Tseryëv, le plus haut de tout Nouklyën, Morkräg et Tatrërk grimpaient avec en tête une fleur aux pétales blancs.

Morkräg était un magicien depuis ses 26 lunes. Ses agissements dans le passé ne l’avaient pas empêché de maitriser sa magie. Il avait maintenant 32 lunes et un seul souhait : changer le monde à son image et se venger de Tranyëm en lui prenant tout ce qu’il aimait. La paix, la beauté paradisiaque de Nouklyën, reflétant la couleur blanche de la Tulipe. Il comptait bien aussi lui reprendre Xinä, qu’il savait pouvoir satisfaire bien plus que lui. Il n’aurait même pas besoin de la forcer. Elle viendrait spontanément à lui lorsqu’il lui donnerait ce qu’elle désirait sans même qu’elle ait besoin de lui demander. Il n’ignorait pas la réputation qu’il avait maintenant dans le monde et était bien conscient que Xinä pensait sûrement la même chose que les autres. Il se souvenait cependant de la lumière bienveillante qui brillait dans ses yeux lorsqu’ils étaient encore amis, de l’étincelle de désir qu’il allumait à chaque fois qu’il lui chuchotait dans l’oreille et de la lueur de tristesse qui était passée dans son regard lorsqu’il s’était fait attraper et mis à l’asile. Certes, elle n’était jamais venue lui rendre visite, mais même en étant loin d’elle, même s’il était enfermé et qu’elle n’avait certainement pas le droit d’aller le voir, il ressentait son désir ardent qui l’appelait au loin. Elle était sa part de lumière et lui sa part d’ombre. Nul ne peut empêcher le yin et le yang de se séparer. C’était ce que le mage se répétait chaque jour depuis qu’il s’était enfui loin de Kimelano. Avec le temps, il espérait qu’elle ne se serait pas trop fait aveugler par la lumière de Tranyëm et n’aurait pas peur de lui. Après tout, il avait bien changé physiquement.

Il était toujours grand et musclé, ce qui lui conférait une grande résistance physique aussi bien que mentale. Son corps tout entier reflétait sa personnalité. Tout chez lui était noir : de ses vêtements à ses caractéristiques physiques. Ses cheveux avaient poussé et ils étaient maintenant comme une cascade de ténèbres lui descendant jusqu’en dessous des épaules. Sa barbe sombre lui recouvrait le menton et les joues, lui conférant une allure de roi. Sa peau était aussi devenue plus mate qu’à l’époque de sa jeunesse. La seule chose chez lui qui n’était pas en accord avec les ténèbres de son cœur étaient ses yeux verts, brillant comme des émeraudes et qui, de temps à autre, lorsqu’il faisait des siennes avec sa magie, devenaient jaunes luisants, comme ceux d’un chat noir. Sa voix tonnante et pleine de colère inspirait la peur et le respect.

Tatrërk n'était autre que son jeune serviteur, qui lui était resté fidèle depuis le moment où il avait rencontré Morkräg. Il n'avait que 26 lunes et déjà un amour et une dévotion sans limite pour son maitre. Tatrërk n'était pas magicien et beaucoup moins impressionnant que Morkräg. Il avait une taille normale mais était tout maigrelet. Ses cheveux noirs formaient des boucles agréables tout autour de son beau visage et ses yeux marron cachaient un secret que seuls lui et Morkräg connaissaient. Morkräg était d'une cruauté sans limite mais Tatrërk l’avait suivi sans hésitation, épris d’un amour sans faille envers cet homme qui dégageait une aura si puissante autour de lui. Et à présent, il était lui aussi dans le froid et la neige sans apercevoir leur but.

- Comment peux-tu savoir si la Tulipe sera vraiment au sommet ? voulu-t-il savoir.

Morkräg ne répondit pas. Pour oublier la souffrance que lui procurait le terrible mont Tseryëv, il se remémora comment il avait eu la certitude que la Tulipe Blanche se trouvait tout là-haut, au-dessus des nuages sous la lumière du Lyëlos, l'astre sacré éclairant et chauffant, origine de la magie de feu.

Il y avait des mois qu'il préparait cette expédition avec l'espoir que son rêve se réalise. Il y avait des mois qu'il faisait le même rêve toutes les nuits, des mois que ce rêve revenait sous forme de vision la journée, des mois qu'il se disait que ce n'était pas pour rien. Le rêve revint à ce moment. Il le voyait. Il la voyait aussi. Ils étaient là tous les deux. L'un à gauche, l'autre à droite, d'une fleur plus blanche que tout ce que l'on pouvait trouver de blanc sur Nouklyën. Le ciel était bleu, le Lyëlos brillait et éclairait les visages de ses parents, tous deux morts à cause de la Guerre Grise, qui s’était déroulée durant son enfance. Son père était décédé au combat et le chagrin causé par sa mort tua sa mère. Pourtant ils étaient là et lui souriaient. D'une main, ils l'invitaient chacun à s'approcher et de l’autre, ils lui montraient la Tulipe Blanche.

La vision s'effaça. La Tulipe serait au sommet. Il le savait. Il le savait parce qu'à chaque fois qu'il faisait ce rêve, il ne voyait jamais aucun nuage et l'endroit où était plantée la Tulipe était rocailleux. Il en avait déduit que la Tulipe ne pouvait être qu'au sommet du Tseryëv, la seule montagne assez haute de Nouklyën à dépasser le plus haut nuage.

J'espère juste que la Tulipe est encore là, songea-t-il.

Puis il se dit que si la vision venait de revenir, la Tulipe était sûrement encore au même endroit. C’était d’ailleurs une drôle de chose de recevoir ces visions, comme si quelqu’un voulait qu’il puisse changer la couleur de la Tulipe. Il y avait réfléchi pendant de longues nuits et en était venu à la conclusion suivante : il pouvait visualiser les désirs de chacun mais n’avait jamais vraiment essayé avec les siens. Et comme pour n’importe quel humain, ses désirs et ses pulsions lui apparaissaient sous formes de rêves ou de cauchemars et aussi exceptionnellement de visions. C’est ainsi qu’il avait compris après un enchainement de réactions de causes à conséquences, qu’en changeant la couleur de la Tulipe, il aurait ce qu’il désirait le plus au monde lui aussi. Pourquoi n’en aurait-il pas le droit ? Après tout, il n’était pas le seul à avoir des pulsions assez peu catholiques. C’est la raison pour laquelle tout le monde les cachait. À quoi ressemblerait l’humanité si tous les humains montraient leurs désirs à leurs semblables ? Ces pensées réjouissaient Morkräg et le confortaient dans sa quête de la Tulipe. Le mont Tseryëv n’était pas juste une petite montagne sédimentaire, mais bien la plus haute montagne du monde. L’escalader n’était pas une tâche facile, et chaque pas était une épreuve en soi. Chaque seconde semblait être une vie entière passée dans la douleur et la brûlure du froid, la morsure du vent, les griffures de la neige qui s’infiltrait partout, par chaque interstice que laissait passer la tenue pourtant épaisse et grandement rembourrée de Morkräg et de son compagnon.

Les heures passaient. Le sommet n'était toujours pas en vue. Tatrërk commençait à désespérer. Le froid et la fatigue l'engourdissaient petit à petit. Il était en train d'hésiter. Soit il subissait pour encore longtemps le vent, la neige et le froid, soit il combattait la Peur que lui inspirait parfois son respectable maitre et lui demandait de faire une pause même s'il connaissait déjà la réponse. Il réfléchissait aux conséquences de chaque option. S'il continuait à marcher sans broncher, il allait bientôt s'effondrer et connaissant son maitre, il mourrait tout seul dans la neige sans que personne ne vienne l'aider. Mais s'il demandait à Morkräg de s'arrêter et de se reposer, il s'exposait à son courroux. Tatrërk avait presque plus peur de la colère de son tortionnaire que de la mort mais là, il n'avait pas vraiment le choix. Au moment où il s'apprêtait à poser une question peut être fatale, Morkräg dit enfin quelque chose :

- Regarde, tu ne trouves pas que le ciel à l'air plus clair tout-à-coup ? 

- Si, c'est vrai, il y a plus de lumière.

Le ciel qui avait été jusqu'à maintenant d'un triste gris, avait tourner au blanc comme si le Lyëlos allait bientôt se montrer. L'espoir de peut-être voir l'astre réchauffant fit accélérer les deux hommes. En continuant à monter, ils entrèrent dans le brouillard qui cachait toujours le sommet du Tseryëv.

Morkräg avançait vite. Tatrërk devait marcher rapidement dans la neige éternelle pour ne pas perdre son mage préféré de vue dans le brouillard. Dans cette couche impénétrable, le vent était dix fois plus fort et plus froid qu’en bas. C’était la dernière étape, l’ultime épreuve que le mont Tseryëv imposait à ceux qui osaient gravir ses flancs. Le Tseryëv n’était évidemment pas la seule montagne à avoir la tête au-dessus des nuages, mais étant donné ce qui se trouvait au sommet, le mont majestueux avait maintenant une petite particularité de plus adressée à tous les malfaiteurs. Le brouillard qui semblait inoffensif de prime abord, était en fait ensorcelé par la Tulipe elle-même qui incarnait toute la puissance divine qui avait créé ce monde. Des illusions se présentèrent bientôt à Morkräg et Tatrërk. Ces tours de passe-passe avaient beau être connus de Morkräg, cela ne l’empêcha pas d’être relativement mal à l’aise. Il voyait partout Xinä le rejeter parce qu’il avait fait du monde de Nouklyën un enfer sur terre, Tranyëm pendant ce temps l’enlaçait et la consolait en le fixant avec toute la rancœur du monde mais avec aussi un orgueil dans ses yeux, insupportable à regarder en face. En plus de ces craintes relatives à sa quête, sa vision ne cessait de lui revenir, ses désirs et ses peurs lui déchirant l’esprit.

De son côté Tatrërk ne voyait pas grand-chose. Il avait seulement beaucoup plus mal qu’avant à cause du froid qui s’intensifiait à mesure qu’ils montaient. Il ressentait aussi un sentiment de malaise, dû au fait qu’il ne voyait de Morkräg plus qu’une silhouette qui s’éloignait petit à petit de lui. Mais malgré ça, il se disait qu’en avançant lui aussi, ils arriveraient de toute façon tous les deux au même endroit. Tatrërk avait après tout cette merveilleuse capacité à ne pas craindre grand-chose, voire rien du tout, si ce n’était d’être abandonné par son idole. Ainsi il le suivait patiemment, sachant que Morkräg, lui, était en train de combattre courageusement ses peurs et phobies. En vérité celui-ci était bien plus en colère qu’autre chose. En effet, toutes ses visions avaient le don de lui rappeler à quel point il était humain et malgré le fait qu’il était le seul mage des ténèbres au monde, il ne se sentait au final pas aussi différent qu’il le pensait en voyant à quel point il était facile pour la Tulipe de lui faire mal en le confrontant à ses peurs. Ainsi il se détestait pour être aussi faible et avoir envie d’abandonner à chaque instant, alors qu’il savait très bien que toutes ces images n’étaient que des mensonges, tout de même un peu trop vrais à son gout.

Enfin, quelques minutes de torture psychologique plus tard, ils découvrirent une vision de paradis. Le vent soufflait toujours mais il n'était plus froid et violent. Il était doux et relaxant comme un vent de printemps qui amenait le bonheur après un long hiver. Il n'y avait aucun nuage à l'horizon. Juste l'immensité du ciel bleu de Nouklyën et tout là-haut et pas si loin à la fois le Lyëlos brillait, accueillant les deux voyageurs. Contrairement à tout le reste de la montagne, le sommet du Tseryëv était recouvert d'herbes et de fleurs inconnues. La seule reconnaissable entre toutes était la Tulipe Blanche. Elle se trouvait devant eux, plantée au milieu d'un petit amoncellement de pierres grises. Elle était si blanche qu'on aurait dit qu'elle reflétait la lumière de l'astre et qu'elle en émettait elle-même. L'attention était tellement dirigée vers cette fleur que l'on en oubliait la beauté des autres. Aucune d'entre-elles n'avaient la couleur blanche.

Les deux compagnons étaient restés quelques instants sans bouger, bouches-bée par la beauté que leur offrait la magie de la Tulipe. En effet, le lieu n’était magnifique que grâce à la couleur blanche de la fleur. En ce moment même, le monde de Nouklyën était à l'image du sommet du Tseryëv : une copie du Paradis.

Le seul élément qui prouvait que ce lieu n'était pas divin, était la présence des deux hommes, habillés tous deux de noir : ils étaient la seule tâche qui redonnait une dimension mortelle à ce lieu baigné de magie.

Morkräg s'avança, alors que Tatrërk s'écroulait dans l'herbe verte pour se reposer. Le mage des ténèbres était soulagé d’avoir passé l’épreuve de la volonté. Voir Xinä le repousser en continu était insupportable, mais le pire avait été de la voir se glisser dans les bras de Tranyëm pour y trouver du réconfort. Maintenant qu’il était là, il était convaincu de la justesse de sa future action. Quand il arriva au niveau de la fleur, il s'arrêta. Elle était là, devant lui, à sa portée, à sa merci. Tous ces mois à marcher, à rêver, à espérer la trouver. Et maintenant il la voyait. Il commença à trembler, pas à cause de la joie, du soulagement, de la fatigue, non, rien de tout ça. Ce sentiment était indescriptible. Un mélange d’excitation et de déconcertement. Il n'arrivait pas y croire. Certes il avait réussi mais il n'en revenait pas : la sécurité d'un monde entier était assurée par une FLEUR. Il savait pertinemment qu'on ne pouvait pas cueillir la Tulipe, mais aussi que n'importe quelle Magie assez puissante, pouvait la modifier et changer ainsi non seulement l'apparence, mais aussi l'état des habitants, d'un monde, d'une planète.

Tatrërk s'avança à son tour. Il était soulagé. Ils avaient enfin trouvé la Tulipe. Son maitre allait peut-être enfin se détendre. Cependant Tatrërk se sentait en peu désolé. Il savait très bien ce que Morkräg avait en tête : il allait modifier la Tulipe avec sa magie ce qui entraînera des changements terribles, connaissant Morkräg.

Celui-ci leva tout-à-coup son bras droit, sa main ouverte avec la paume dans la direction de la Tulipe. Un frisson parcouru tout le corps de Tatrërk. Il tremblait lui aussi d’excitation. Il aimait l’état d’esprit de Morkräg et provoquer un changement radical du monde de Nouklyën par simple vengeance lui plaisait énormément. Il ne connaissait ce geste que trop bien. Et il fut sûr de ce qui allait se passer quand il vit le sourire cruel de son Morkräg qui ne cessait de grandir. Ça y est. Cette fois, il allait exercer sa magie sur la Tulipe et le monde entier de Nouklyën allait changer.

Morkräg n'avait même plus besoin de réfléchir. Il connaissait ce sort par cœur. Les signes magiques défilaient dans sa tête pendant qu'il disait la formule. Tatrërk écoutait. Jamais il n'aurait pu devenir magicien. La formule était incompréhensible pour une simple personne comme lui. S'il avait dû réécrire la formule sur une feuille cela aurait donné ceci :

« FREME SET XUEY, LSIASE SEL TBENERES MNEER EL CMBAOT. Q'ELUELS S'BAANTETT RUS EC MNDOE UO EL CTOE NIOR RGENERA NE MITRAE. »

Au moment où le dernier mot de la formule fut prononcé, le vent, qui était calme jusqu'à maintenant, devint extrêmement puissant. On aurait dit qu'il sortait de la main de Morkräg. Tatrërk était euphorique. La puissance de la magie de Morkräg avait déjà fait des ravages. À présent, elle allait avoir un impact mondial. Morkräg était fou de joie. Il pouvait ressentir toute la puissance de la magie qui peinait à sortir. Il avait trouvé ce sort après des années d’entrainement. Il l’avait visualisé dans ses rêves les plus fous, se demandant comment le mettre au point afin qu’il fût le plus puissant possible. Après tout, c’était la Tulipe qu’il y avait en face, pas juste un humain insignifiant. Il savait qu’il devait y mettre toute sa volonté, toute sa force et surtout tous ses plus noirs désirs s’il voulait que le sort fonctionne. C’était malgré tout la première fois qu’il le testait concrètement. Les seules fois où il l’avait utilisé, c’était soit sur des éléments naturels, parfois même des montagnes, ou sinon sur quelques humains mais en réduisant sa puissance. Il avait constaté avec une grande fierté que même en utilisant ce sort à petite échelle, les dégâts étaient déjà considérables. Il n’avait donc pas beaucoup de doutes quant à la réussite de son expérience. Sa puissance était telle, que le magicien devait tenir sa main pour qu’elle ne dévie pas sa trajectoire à cause du vent. Soudain, alors qu’il continuait de souffler et de sortir, des traînées noires sortirent elles aussi de la main de Morkräg. Elles étaient toujours plus grosses, toujours plus noires et bientôt, elles atteignirent leur but : la Tulipe Blanche fut touchée par les traînées sombres. Alors que la magie opérait sur la fleur et que les traînées pénétraient la Tulipe, le décor autour de Morkräg et Tatrërk changea complètement. L'herbe verte et les fleurs disparurent pour laisser place à un sol de terre marron sombre. Les cieux bleus devinrent noirs comme s'il faisait nuit, mais une nuit sans étoile. Le Lyëlos sembla s'éteindre et sa chaleur disparut avec lui. Puis tout s'arrêta.

La Tulipe Blanche était devenue noire. Le monde de Nouklyën était maintenant à l'image de sa Tulipe. Il avait changé. La magie de Morkräg avait modifié la Tulipe. Morkräg avait modifié la Tulipe. Morkräg était le mage des Ténèbres.

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sifriane
Posté le 27/02/2020
Salut
Encore une femme qui met la pagaille, ça marche toujours c'est imparable.
Quelques remarques: tu utilises trop souvent "ce que", "ce qui", ça enlaidit un peu le texte et c'est dommage. Aussi trop de répétitions de mots, une relecture devrait arranger tout cela.
J'ai hâte de lire la suite
Flame and Darkness
Posté le 27/02/2020
Bonjour,
Je n'avais pas remarqué qu'il y avait autant de répétitions, je corrigerai ce chapitre sur tes conseils.
Bonne lecture !
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