Chapitre 1 (dernière partie)

Larry regardait le cadran qui indiquait 10-02-2145, sa date d’anniversaire.

Il n'acait aucune envie de faire connaissance avec ses nouveaux camarades, aucun d'entre eux ne lui avait inspiré une quelconque sympathie. Bien sur il y avait des garçons qu'il connaissait de vue, quelques voisins de pallier notamment mais Larry n'avait jamais été ami avec qui que ce soit. Il avait l'impression que les autres enfants le rejettaient car ils se moquaient de sa frêle carrure, mais il n'avait pas souvenir d'en avoir souffert. C'était sans doute lui qui se tenait à l'écart en préférant rêvasser. Il s'était toujours trouvé différent des autres et il en avait fait sa fierté, même si sa mère lui répétait souvent qu’il était dangereux de l’être. A partir d'aujourd'hui tout cela n'avait plus d'importance. Dans un an sa non-existence se résumerait à suivre le rythme d’une alarme, d’une batterie d’ordres dans un casque et la cadence d’un tapis roulant. Il n’existerait qu’en fonction de son voisin de droite et pour celui de gauche, afin de ne pas briser une chaine qui finirait par l’engloutir lui et ses rêves de liberté. 

S’il avait de la chance, un jour, il deviendrait l’ouvrier du mois. Ainsi, il aurait la promesse d’une vie entière à l’usine, sans la crainte d’en être banni. C’était tout ce qu'un ouvrier pouvait espérer et, lorsqu’il s’attarda sur les visages des élèves de sa nouvelle section, il détecta immédiatement ce pitoyable espoir dans leurs yeux.

Au fond, la seule personne qu’il admirait, c’était son père. Richard était un homme charismatique qui imposait le respect en plus de susciter la sympathie. Il n'y avait qu'à observer les récations des autres en sa présence pour le comprendre. De grands sourires sincères se dessinaient sur les lèvres, les regards se tournaient vers lui, irrésistiblement.  Les gens lui faisaient confiance, de façon totalement spontanée, comme s'il était la loyauté incarnée. Aussi, beaucoup de ses amis le lui rendait et Larry était persuadé que la plupart d'entre eux se seraient privé volontiers de leur dose de café si Richard le leur avait demandé. Au fond, le père et le fils étaient très différents. Larry avait hérité du caractère de sa mère, froid et distant. Néanmoins on ne cessait de lui dire qu'il était le portrait craché de Richard. 

La sonnerie retentie pour annoncer l’heure du déjeuner. Il laissa tomber ses outils et se leva en direction du rang qui se formait devant la porte. Le professeur, un humanoïde, comptait les apprentis un à un en les fouillant pour s’assurer qu’aucun outil de travail ne fût dérobé. Leur allure humaine avait toujours paru malsaine à Larry. Ils étaient beaux, peut-être un peu trop pour être vrais, propres et beaucoup trop expressifs. Lorsqu’ils souriaient leurs yeux se fermaient presque et leurs dents, d’un blanc immaculé, formaient une barrière d’émail en décalage avec la réalité des humains qui résidaient en zone grise. Ils parlaient toujours d’une voix calme, presque mielleuse, mais lorsqu’ils sanctionnaient, ils ne ressentaient aucune pitié. 

Arrivés au réfectoire, Larry fit glisser son plateau sous les machines qu’il avait lui-même contribué à construire ou réparer et qui crachaient une à une toutes sortes de purées, gelées et liquides qui avaient le même goût et sensiblement la même apparence. La seule nourriture solide qu’il affectionnait était les noisettes qu’il pouvait même emporter. Il enfila un sachet en carton comme une chaussette autour du distributeur et récupéra sa ration.

Il s’installa à une table, puis englouti sa nourriture, pensant que ça l’aiderait à surmonter la fatigue, lorsqu’ un plateau vint se fracasser devant lui. Larry croisa le regard vide d'un garçon de sa section, un blond immense au visage rond. 

- C’est toi l’nouveau ? Demanda le garçon d'un air bourru.

- Oui, répondit Larry.

- T’es sûr qu’tu t’es pas trompé d'section, minus ?

On aurait dit qu'il se retenait de ne pas le dévorer tant sa mâchoire était serrée.

- Moi c’est Jasper, dit-il enfin, et toi ?

- Larry.

- Larry comment ?

- Green.

Jasper fit une moue qui laissait deviner une vague déception.

- Mon père aussi est Big. Karlson, Jim Karlson. Sans doute que nos vieux s’connaissent.

Larry observa Jasper quelques instants, hésitant à couper court la conversation en replongeant dans son assiette. Lui non plus ne rêve pas. Songea-t-il.

- Tu verras y’a qu’des p’tites frappes dans notre section, reprit Jasper, si tu veux mon avis, ils finiront en zone noire avant même d’être dépucelés. 

Il avança son buste vers Larry d’un air menaçant, ses grandes mains posées à plat sur la table. 

- Et moi j’vais pas couler avec eux. Alors, un conseil, si tes p’tits bras d’tafiole font pas l’job, t’auras à faire à moi.

Larry comprit qu'il ne s'était pas fait un ami et que cette brute n'en resterait pas là. Il soutint son regard assassin jusqu'à ce qu'il se décide à ramasser son plateau et à tourner les talons. Ce n'était pas la première fois qu'un apprentis lui faisait le coup de l'intimidation mais jamais encore la zone noire n'avait été évoquée. La zone noire, ultime menace pour tout ouvrier. Quiconque était banni de la zone grise se retrouvait forcément là-bas. Bon nombre de rumeurs couraient sur cet endroit, des rumeurs à faire frémir les jeunes Jasper et tous ceux qui, comme lui, étaient prisonniers de leur médiocrité. Il y avait parfois des zoneurs qui s’infiltraient en zone grise. Des mendiants crasseux qui parlaient seuls et sentaient la pisse. Lorsqu’ils n’étaient pas inondés, ils empruntaient les égouts et passaient leur temps à fouiller des containers d’ordures, à scruter le vieux bout de pain, le moindre mégot de cigarette sur le bitume. Personne ne voulait vivre là-bas, mieux valait encore se tuer au travail. Néanmoins, Larry éprouvait une certaine empathie pour eux, voir même une sorte de fascination lorsqu’il les croisait, errants dans les rues sans qu’aucun humanoïde de la police de surveillance ne les remarque. Les zoneurs étant des parias, ils n'apparaissaient pas sur la base de données du gouvernement et ne subissaient donc aucun contrôle car tout fonctionnait à la reconnaissance faciale. Pour Larry, quitte à non-exister, autant jouir des bons côtés. 

Larry pensa à ce que son père répétait au sujet de la zone noire, que sa création n’avait aucun sens si ce n’était d’asservir les ouvriers. La peur du bannissement, de l’exclusion et la honte qu’elle engendrait maintenait le système en place. Pour être heureux, il suffit de regarder en bas, disait-il.

Après avoir passé le reste de la journée à esquiver les attaques et les regards noirs de Jasper et sa bande, Larry et les autres apprentis quittèrent l’atelier. Les dix heures règlementaires de travail étaient enfin finies et, bien que Larry regrettait sa nuit blanche, il comptait profité du temps qu'il lui restait avant le couvre-feu. Il se dépéchait de sortir de l'enceinte de l'école en marchant le plus vite possible dans la foule dans le but d'aller escalader les maisons de pierre du centre-ville de la zone grise. De là, il pouvait voir la mer, par-dessus le Mur gris gigantesque qu’il ne pourrait jamais franchir qu’en rêve. La fin de la journée était son moment préféré. Il n’était pas obligé de rentrer en tract et pouvait quitter les limites de son quartier. En centre-ville, il y avait des bars tenus par des Androïdes où les travailleurs se retrouvaient pour consommer leur pinte quotidienne. Les enfants de son âge ne pouvaient s’y rendre, mais Larry aimait ralentir le pas devant l’entrée pour y écouter les quelques rires gras de ceux qui parvenaient encore à prendre leur non-vie du bon côté. Il se demandait d’ailleurs pourquoi son père ne fréquentait plus ces bars depuis des mois.

Larry pressa le sachet de noisettes dans sa poche tandis qu’il s’apprêtait à franchir le portail. Des centaines d’apprentis déambulaient autour de lui, se pressant pour sortir les premiers. Il parvient à s’extirper en se faufilant et accéléra le pas en direction de l’entrée de son quartier à quelques centaines de mètres. Le froid était saisissant mais il ne l’empêchait jamais d’aller admirer la mer. Il aimait les nuances de ses bleus et sa noirceur profonde lorsqu’il faisait déjà nuit les soirs d’hiver. Au large, une lumière vive tournoyait, clignotant dans sa direction à intervalle régulier. Larry s'était souvent demandé ce qu'était cette lumière et qu'elle aventure ce serait de le découvrir. 

Malgré son pas rapide et la cohue devant l’école, le regard de Larry s’arrêta par hasard sur une fille, rousse et ébouriffée, qui observait les apprentis avec dédain. Larry ralenti le pas pour la détailler mais quelques secondes suffirent à lui indiquer qu’elle venait de la zone noire. Elle ne portait pas d’uniforme, seulement une robe trouée, ternie par l’usure et des chaussures en piteux état, décidement trop grandes pour elle. Ses bras étaient quasiment nus et Larry se demanda comment elle pouvait résister au froid dans cette tenue. Mais ce qui l’interpella, c’était sa façon nonchalante, presque adulte, d’amener une cigarette à ses lèvres, une main sur la hanche, juchant les gens comme si le monde lui appartenait.

Lorsqu’elle recracha la fumée, il croisa son regard perçant. Larry en eut un pincement au cœur et baissa spontanéement les yeux. Il ne voulait pas qu’elle y voit de la pitié, car rien n’était plus insultant qu’une compassion lointaine de la part d’un inconnu. Du moins, c’est ce qu’il imagina ressentir s’il avait été à sa place. 

Il accéléra de nouveau, sans savoir que la fille maintenait son regard pénétrant sur lui.

Dans le brouhaha des conversations et l'agitation ambiante, Larry entendit courir dans sa direction. Il se retourna brièvement et reconnu aussitôt Jasper, suivi par deux autres garçons de leur section.

- Hey ! Green !

Larry jura dans sa barbe. Apparement Jasper décidé de faire de lui son souffre douleur. 

- Tu vas où comme ça minus ? lança Jasper en arrivant à sa hauteur.

- Nulle part, répondit Larry d’un air agacé.

Jasper l’observa longuement, le visage crispé.

- Nulle part... répéta ce dernier, on peut venir ?

- Non, merci.

Larry n’avait aucune envie de partager ces deux heures de rêverie avec des types de son espèce. C’était officiel, il détestait Jasper et il y avait fort à parier que celui-ci le haïsse tout autant.

- Pourquoi ? tu vas t’astiquer l’outil ? l’interpella l’ami de Jasper, un certain Criss.

- T’es bête ou quoi ? rétorqua Jasper, j’parie que ce minus ne sait même pas à quoi ressemble une bite.

Larry soupira pour garder son calme et tenta de contourner ce dernier mais il lui barra la route.

- J’suis sûr que t’es une gonzesse en réalité ! déclara ce dernier, hilare.

- Une affreuse gonzesse ! ajouta Criss,

- On a qu’à vérifier ! lança le troisième garçon.

Larry lui jeta un regard noir. Il était coincé, pris au piège par les trois garçons qui l’entouraient.

- Fichez-moi la paix, dit-il. 

Tous trois se lancèrent un regard moqueur avant d'exploser de rire. 

- Sinon quoi, minus ? siffla Jasper entre ses dents serrées. 

Il se rapprochait de lui dangereusement, mais Larry ne voulait pas lui faire l'honneur de reculer. Ainsi le corps immense de Jasper  frôla le sien.

- Baisse ton froc, tout de suite.

Encouragé par l'air goguenard de ses comparses, un rictus sadique apparut sur le visage rondelet de Jasper. Larry, prit de court, ne sut comment réagir. Il sentait les deux autres se placer derrière lui comme un piège se refermant sur une proie. Le poing serré, il tremblait de rage. Il était hors de question de se laisser faire par eux. Il recula d'un demi pas mais se cogna contre le torse de Criss. 

- Chopez-le ! ordonna Jasper aux deux autres.

Ils l’attrapèrent en même temps, l’un lui tordait les bras par derrière, les deux autres attrapèrent chacun une jambe.

- Hey ! arrêtez putain arrêtez ! cria Larry en se débattant.

Jasper parvient tout de même à agripper la ceinture de Larry qui se tortillait dans les airs, les pieds maintenus sous les aisselles de ses deux camarades. Quelques apprentis, qui observaient la scène, lancèrent des encouragements aux trois camarades, ou riaient en voyant Larry tenter de se défendre. 

- NON ! AU SECOURS, LAISSEZ-MOI ! hurla Larry

Jasper parvint à ouvrir la braguette du garçon tandis qu’il pouffait de rire. Du monde commençait à s'ammeuter autour d'eux tandis que Larry retenait ses larmes à mesure que les doigts de Jasper parcouraient son entrejambe. 

- T’aime ça hein ! ricana Pol, le troisième garçon qui lui retenait les bras, tandis qu'il lui lécha le visage. 

- Tu sais c’qu’on leur fait aux p’tits garçons grands et costauds comme toi là d’où j’viens ?

La petite voix d’une fillette fit cesser les rires des élèves qui assistaient, avides de sensationnel, à la scène. Larry n’en croyait pas ses yeux. La rouquine de la zone noire se trouvait derrière Jasper, minuscule face à lui.

Les yeux désorbités, Jasper lui lança lun regard menaçant. 

- Non, mais tu vas m’le dire zonarde !

Les yeux luisants de malice, la fille s'approcha d'un pas. 

- On les égorge, de là à là, dit-elle en pointant du bout de son doigt les deux extrémités de sa gorge, puis on les pend par les pieds pour les saigner entièrement. Ensuite, quand ils ont fini de se vider et de frétiller comme des vers, on en fait de tous petits paquets de viande et on s’en sert d’appât pour pêcher.

Elle ne devait pas être plus âgée que Larry mais son regard n’avait rien d’enfantin. Il était froid et intense, comme si elle avait vécu un siècle de souffrances et avait tout de même survécu.

- Pour ce qui est des cheveux et des dents, j'aimerai que tu puisses le découvrir par toi-même... renchérit-elle. 

Il fallut un moment à Jasper pour digérer cette menace et, tandis qu’il s’apprêtait à se ruer sur elle pour la mettre en pièces, ses deux comparses laissèrent lourdement tomber Larry et l’empêchèrent de s’approcher d’elle.

- Arrête Jasp ! si tu touches cette crasseuse tu vas choper des maladies !

- Ou pire ! tu vas finir par zoner aussi !

Elle esquissa un sourire satisfait, puis, contre toute attente, attrapa le visage de Jasper à pleines mains et lui arracha un cri de dégout. Sans lui laisser le temps de s'en remettre elle lui mordit l’avant-bras, tel un animal animal enragé. Partagés entre le dégoût et l'effroi les deux comparses reculèrent, laissant Jasper hurler de douleur sous le regard ébahit de Larry, encore à terre. Jasper empoigna la tignasse de la fille pour la forcer à lâcher son étreinte, mais rien n’y faisait, pas même les mèches rousses arrachées à son crâne qui flottaient dans les airs, ni les coups de poings qui s'abattaient sur ses tempes. Elle semblait ne ressentir aucune douleur, ni même la peur de la douleur elle-même. Jasper se jeta sur le sol pour l’écraser de tout son poids et ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle lâcha prise. Entièrement à sa merci, elle ne put échapper aux coups de Jasper, qui s'acharnait sur son visage avec une telle rage qu'un silence funeste résonna autour d'eux. Les voyeurs étaient sous le choc en voyant le sang de cette fille gicler. 

C'est alors qu'elle se mit à rire à gorge déployée à chaque coup que lui portait Jasper, qui commençait à s'essouffler.  

Ce rire provoqua un mouvement de recul général. Etait-elle folle ?  Larry remarqua alors que la main de la fille se glissait peu à peu le long de sa jambe, jusqu’à sa chaussure pour y attraper quelque chose. C'est alors que Criss et Pol se jetèrent sur Jasper, toujours fou de rage, pour le dégager de la fillette en le suppliant de cesser tout contact avec elle. Enfin, après quelques efforts, ils finirent par relever leur ami dont le visage écarlate de fureur luisait de sueur. En la voyant ainsi au sol, le visage en sang, il adopta une mine répugnée.

- Sale crasseuse… jura-t-il dans sa direction.

La fille se remit à rire, de façon cristalline, presque irréelle, en laissant entrevoir ses dents ensanglantées.

- Allez, on s’casse, déclara Criss, vient Jasp, tu l’as bien remise à sa place.

Avant de détourner les yeux, Jasper lui cracha à la figure. Mais rien ne semblait pouvoir l’empêcher de rire. Il résonnait encore tandis que les trois comparses s’éloignaient et que les badauds se dispersaient puis, dès qu’ils furent tous à bonne distance, elle cessa subitement, laissant la place au silence, et au vide.

Elle resta amorphe sur le sol quelques instants infinis, puis essuya son visage à l’aide de sa vieille robe et se redressa sans dire un mot. 

Larry ne parvenait pas à bouger. Il ne savait pas s’il était effrayé par cette fille, ou en totale admiration. Elle avait tenu tête à trois grands gaillards, elle était venue le défendre, pourquoi ? Jasper l'aurait certainement tuée si ses amis ne lui avaient pas fait entendre raison. Pourquoi prendre un tel risque pour un inconnu ? 

Il la regardait ramasser ses touffes de cheveux roux sur le sol tandis que certaines mèches s'étaient emmêlées au reste de sa chevelure avec la sensation étrange qu'en réalité celui qui devait s'estimer chanceux était Jasper. Cette histoire d'appât qu'elle avait raconté avait de quoi rendre le rendre nerveux. Etait-ce réel ? Comment pouvait-elle inventer de telles histoires atroces autrement ? Que voulait-elle prendre dans sa grosse chaussure ? 

Larry était soudain confronté à une effroyable vérité. Il ne connaissait rien de la zone noire et même les rumeurs qui circulaient étaient loins d'être aussi atroces que ce que cette fille en avait décrit. 

Une fois debout, elle s’approcha de Larry d’un air arrogant.

- Tu as une dette envers moi. Déclara-t-elle.

Elle semblait tout à fait remise de sa bagarre avec Jasper et, même si son nez et son arcade étaient en sang, elle ne laissait rien transparaitre. Larry la dévisagea avec intensité. Une dette ? 

A son tour il se releva.

- Je ne t’ai rien demandé, dit-il méfiant.

Elle releva un sourcil du mieux qu'elle pu.

- Dans ce cas j'aurai peut-être du les laisser te violer ?

Larry ne sut quoi répondre, à vrai dire il ne comprenait pas très bien ce qu'elle voulait dire. 

Devant son expression, elle soupira en levant les yeux au ciel.

- Enfin bref. Si tu as quelque chose à becter…

Elle lui tandis une main terreuse. 

- Je croyais que tu pouvais pêcher grâce… aux petits garçons grands et costauds… répondit Larry, curieux de connaitre le fin mot de cette histoire.

- Mauvaise saison. Pas de poisson en ce moment.

Il fit saisit d'un frisson. Hésitant, il sorti de sa poche le sachet de noisettes. 

- C’est tout ce que j’ai.

Elle haussa les épaules en guise de remerciement et s’en empara.

- Tu… tu as mal ? demanda Larry en observant du sang s’écouler de son arcade.

- J’ai connu pire, dit-elle, la prochaine fois, broie-lui les couilles, ça lui remettra les idées en place.

Pour illustrer sa menace elle écrasa brusquement le sachet dans sa petite main. Elle tenta alors de lui faire un clin d’œil, mais à cause de son arcade ouverte cela ressembla davantage à une grimace, puis tourna les talons.

- Attend ! tu t’appelles comment ? demanda Larry

Elle se retourna vers lui, visiblement surprise de l'interêt qu'il lui porta.

- Nina. Elle hésita un instant. Et toi ?

- Larry.

Elle releva le menton en guise d’aurevoir.

- Nina, tu vas faire quoi là ?

La fillette soupira.

- Faire le tour des bars, j’ai besoin d’une clope.

Le visage de Larry s'illumina. Cette fille pouvait entrer dans les bars sans que personne ne puisse l'en interdire. Pour les Androïdes elle n'était ni plus ni moins qu'un fantôme. 

- Je t’accompagne, déclara-t-il en la rejoignant.

 

Lorsque Larry rentra chez lui il était excité par l'idée d'un jour recroiser Nina. C’était la première fois qu’une autre personne que son père lui inspirait une certaine admiration. D’ailleurs, elle l’intimidait tout autant que lui. Il gravit les marches qui menaient à son dortoir familial, en anticipant les sujets de conversations qu’ils pourraiten avoir ensemble, mais en arrivant devant sa porte, il sut exactement ce qu’il voulait apprendre d’elle. Ses rêves. Car il en était convaincu, cette fille de zone noire ne survivait que pour les réaliser.

- Vous n’devinerez jamais ce qui m’est arrivé aujour…

Larry trouva sa mère, seule, prostrée sur son lit. 

- Qu’est-ce qu’il se passe ? se risqua à demander Larry. 

Elle avait l’air particulièrement dévastée, si bien qu'elle ne répondit rien. 

Larry regarda autour de lui. Sur la table étaient disposées leurs trois rations alimentaires, comme toujours.

- Où est Richard... dit-il.

Elle lui lança un regard noir que Larry ne connaissait que trop bien. Lorsque son père et elle se disputaient, elle le regardait toujours ainsi, comme si du fait de sa ressemblance avec son paternel, lui aussi était fautif. 

- Je lui avais dit de ne rien faire… je lui avais dit ! ce salop ne m'écoute jamais...

Larry demeura interdit. Il s'aperçut que le couvre-feu allait bientôt sonner. Son père devrait déjà être là. 

- Ton père est responsable d’une grève, Larry ! Une grève ! tu te rends compte ? à cause de mon doigt je ne peux plus travailler à la Germain Compagny, si ton père se fait renvoyer nous irons tous en zone noire !

Une grève ? Larry ne savait pas exactement en quoi cela consistait. Tout ce qu’il en savait venait du Code du Travail Ouvrier qu’il avait appris par cœur.

« Article 15.a, Le statut de l’ouvrier ne lui est assuré que par son travail. En cas de refus, ou de mouvement de grève, des sanctions seront prises par le Comité de l’usine pouvant entrainer la destitution du statut ouvrier. »

- Mange Larry. Mange autant que tu veux, je n'ai pas d'appétit. dit-elle en désignanrt d'un signe de tête les trois rations. 

- Mais… Richard va peut-être rentrer !

A cet instant l’alarme du couvre-feu se déclencha. Elle ferma les yeux, résignée.

Sans ajouter mot, elle s'allongea sur son lit de camp, hermétique à toute émotion de la part de son fils. 

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Nanouchka
Posté le 18/12/2022
◊ Il se passe énormément d'événements et je comprends que c'est un texte qui n'épargnera aucune forme de violence.
◊ J'ai le sentiment que, plutôt que d'expliquer immédiatement ce qu'est la zone noire, tu pourrais laisser la menace être un mystère pour nous, qu'on s'interroge.
◊ Peut-être que ce serait intéressant de trouver des dénominations plus spécifiques à ton monde que "zone noire" et "zone grise", rester dans la même idée mais avec des noms propres éventuellement ?
◊ Beaucoup aimé : "La peur du bannissement, de l’exclusion et la honte qu’elle engendrait maintenait le système en place. Pour être heureux, il suffit de regarder en bas, disait-il."
◊ Il y a trop de coquilles pour que je les relève toutes (et puis elles sont décelables par un correcteur orthographique). Je note juste la majuscule à "Androïde" parce que ça peut être une question d'opinion personnelle : personnellement je ne la trouve pas nécessaire car on ne la met pas à humain ni à robot.
◊ J'aurais aimé que la hargne de Jasper monte en puissance un peu plus progressivement, ou alors qu'elle soit justifiée de façon plus convaincante peut-être. Parce qu'elle semble gratuite et qu'il n'est pas spécialement décrit comme un psychopathe, donc ça laisse un vide qui m'a sortie de la scène. Peut-être préciser aussi si le viol est commun dans ce monde ? Parce que le fait que des gens soient prêts à y assister comme un spectacle montre que c'est un peu différent de notre société quand même.
◊ J'ai eu la sensation que la scène finale marcherait encore mieux si la mère était plus mystérieuse, plus fermée.
◊ Cette deuxième moitié de chapitre m'a donné envie de continuer : plein de points d'interrogation.
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