Chapitre 1 — Apéro croquettes

Notes de l’auteur : Correction du 12/05/2022

— Chut ! je lance à ma sœur, agacé par le bruit de son piétinement.

— Mais j’ai rien dit ! proteste-t-elle à voix haute, indignée.

— Peut-être, mais tu fais du bruit ! Et chuchote quand tu râles !

— Je râle parce que t’es un idiot et tu racontes n’importe quoi ! Arrête de me parler ! me chuchote-t-elle en retour.

— Les enfants, enfin, doucement, vous allez finir par vraiment lui faire peur, se met à chuchoter à son tour tonton.

— C’est de ta faute tonton si on est impatients, on a été obligés d’attendre toute la journée avant que tu nous autorises à utiliser nos casques !

— « vos » casques ?

Après avoir haussé un sourcil amusé à mon appropriation[1] de son invention (ben quoi, il les a fabriqués pour nous !), tonton se contente de rire de mon air irrité. À côté de moi, ma sœur Solène n’est pas plus calme, elle sautille d’un pied sur l’autre comme si elle avait envie d’aller faire pipi.

Ce que nous regardons ainsi plus avidement que notre dessin animé préféré ? Un hérisson. Un joli petit hérisson. Enfin, pas si petit que ça d’ailleurs, c’est certainement un adulte. On ne le voit pas très bien parce qu’il fait presque nuit, mais suffisamment pour être tous les deux scotchés à la fenêtre malgré la fraîcheur de la vitre.

— J’en connais deux qui vont me nettoyer mes vitres demain, murmure tonton.

Je me recule un bref instant d’un air coupable, mais ce n’est juste pas possible, et je me recolle aussitôt mains et visage sur la vitre, en grommelant « oui, ben on verra ça demain » à tonton Marty.

J’ai trop hâte de pouvoir devenir un hérisson ! Et c’est trop dur d’attendre !

En tous cas, cette fois-ci, on ne fera pas les mêmes erreurs que la dernière fois. Ma sœur et moi, après nous être renseignés à fond sur les hérissons cet après-midi, nous nous sommes aussi promis juré craché (même si c’est un peu beurk) de les laisser agir comme si on n’était pas là. De « rester en arrière », comme j’avais réussi à le faire la dernière fois pour que Pâquerette saute son obstacle correctement, sans mon influence[2].

En gros, on deviendra les hérissons, mais on ne s’imposera pas à leur conscience. Ce qui me paraît plutôt raisonnable. Avec un peu de chance, comme ça, il n’arrivera aucune catastrophe ni à nous ni aux hérissons.

Et en attendant, on attend.

— Bon alors, il arrive quand ce deuxième hérisson ? Tu es sûr qu’il y en a deux, tonton ? Je m’impatiente.

— Et même plus que ça ! Une fois, j’en ai vu trois sur ma terrasse !

— Trois ? Waouh ! Mais je croyais que les hérissons étaient solitaires ? intervient Solène avant que j’ai le temps de le faire (moi aussi je le savais non mais !).

— Ils sont peut-être solitaires, mais ils sont également très gourmands, répond tonton sans se tourner vers nous, tout aussi fasciné par l’animal. Regarde celui-là comme il se gave des croquettes de Martha, on dirait mon neveu et ma nièce préférés sur les gâteaux apéro, glousse tonton. Vous savez, d’habitude j’enlève vite les croquettes le soir, afin qu’ils mangent les limaces du potager plutôt, mais aujourd’hui, je les laisse en manger pour que vous puissiez les voir.

— Et leur sauter dessus ! Enfin, je veux dire, utiliser les casques sur eux quoi…

— Ouais, et celui-là, puisqu’il est gourmand, ce sera le tien Hélios ! me lance ma sœur, taquine.

Je hausse les épaules.

— Pfff… Ce n’était pas moi qui étais gourmand la dernière fois, c’était Pâquerette je te signale1. Et c’est pas moi non plus qui ai terminé toute la boîte de Smarties que nous a donné tonton en une seule bouchée hein ?

— Ça compte pas, c’était des mini-Smarties, ils sont vraiment trop petits, si je les mange un par un, on sent pas le goût !

— Hélios, Solène, arrêtez de vous chamailler et regardez !

Dehors, un deuxième hérisson est en train de traverser la terrasse en courant, ayant visiblement pour objectif la gamelle de croquettes.

Puis il pousse l’autre hérisson qui a encore le museau dedans.

— Oh ! Il le pousse ! C’est pas gentil ! Je m’exclame, surpris par la scène.

— Bah c’est rien Hélios, c’est parce que c’est au tour de mon hérisson de manger, c’est tout !

Je n’ai pas le temps de protester que je vois le hérisson qui m’a été attribué partir sans demander son reste.

— Ah, mais non, ne te sauve pas !

Sans réfléchir, en voyant mon hérisson détaler, j’ouvre la porte-fenêtre en grand et me précipite dehors, trébuchant sur le rebord et manquant de m’étaler sur le deuxième hérisson.

— Attention ! s’écrie Solène, heureusement que tu n’es pas tombé sur lui, tu l’aurais étalé comme une crêpe !

— J’aurais surtout eu six mille piquants dans le bide, mais merci de penser à moi aussi, hein ?

Regardant rapidement autour de moi, je remarque à mon grand soulagement que les deux hérissons se sont figés lorsque je suis sorti comme un mammouth laineux se prenant les pieds dans ses poils.

— Tonton, vite, mon casque avant qu’il s’enfuît encore !

J’entends tonton grommeler quelque chose qui ressemble à « ton casque que moi j’ai fabriqué, hein, ce serait bien de ne pas l’oublier », mais bon, peu importe, je n’écoute pas vraiment, j’ai trop peur que mon hérisson, qui s’est immobilisé mais pas mis en boule, ne se sauve dès qu’il réalisera que je ne suis pas un danger pour lui.

— Voilà vos casques !

Je me précipite pour le mettre, mais tonton les éloigne hors de notre portée en levant les bras.

— Holà Hélios, Solène, vous pensez faire quoi là ? Vous allez les poser sur vos têtes, transférer votre conscience dans les hérissons, et ensuite ? Vous comptez sur moi pour attraper vos corps afin de vous éviter de tomber par terre et de casser mes casques ?

— Mais tonton… nous protestons mollement dans un bel ensemble.

— Y a pas de « mais », vous allez vous chercher de quoi vous couvrir et une chaise, et seulement après vous pourrez mettre le casque.

Oh là là, on voit bien que tonton est un adulte, il pense trop à tout !

En grognant, je cours à l’intérieur, non sans lancer avant :

— Je note que tu t’inquiètes de la chute de tes casques tonton, et pas de la nôtre !

Solène et moi on enfile à toute vitesse notre veste et on attrape chacun une chaise pliante avant de s’élancer de nouveau à l’extérieur, nous asseyant encore plus rapidement que si on était en plein jeu de chaises musicales.

Enfin, tonton nous donne nos casques (oui, ce sont peut-être les siens, mais ce sont aussi les nôtres, na !) et je regarde résolument mon hérisson avant d’appuyer fermement sur le bouton situé sur le côté du casque.

J’ai juste le temps d’espérer brièvement que Solène a bien compris que j’allais dans le hérisson arrivé le premier.

— ZAP !

 

*** Informations documentaires ***

Bien qu’ils ne vivent pas en groupe, les hérissons ne sont pas pour autant très territoriaux. Ils ont un territoire, mais pas exclusif (= ils le partagent avec d’autres hérissons). Chaque hérisson se promène où il veut.

La seule « règle » qu’ils respectent, c’est celle de rester à quelques mètres des autres hérissons qu’ils croisent. Enfin… sauf si de la nourriture trop bonne est en jeu !

 

Selon leur âge et leur taille, les hérissons possèdent entre 4000 et 8000 piquants sur leur dos.

Au passage, ce qu’on appelle « piquants » sont en réalité des poils très durs en kératine (comme nos ongles) de deux à trois centimètres, et ils sont creux.

 

 

[1] Appropriation = Dire que quelque chose est à nous alors que ce n’est pas le cas.

[2] Voir « Le casque magique : les écuries »

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plumette
Posté le 17/11/2021
Ce chapitre donne envie de connaitre la suite. Cette histoire à l'air légère et régressive. J'aime. Cependant la suite de dialogue rend la lecture peu fluide. Peut être les chapitres suivants seront différents?
Herbe Rouge
Posté le 17/11/2021
Oui, c'est une histoire pour enfants :)
Merci pour ce commentaire constructif ! J'avoue, j'aime bien les dialogues, peut-être un peu trop ? Je vais y réfléchir, merci ! :)
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