CHAPITRE 1

Par Taranee
Notes de l’auteur : TW : Scènes possiblement choquantes
Et voilà le grand retour !
Bon. Je n'ai pas tout posé sur cette fameuse feuille A3, comme je l'avais dit, mais je l'ai fait sur un document word.
Bref ! Me voilà de retour avec un rythme de parution encore incertain. Je suis super contente de poster de nouveau et la perspective d'être lue et commentée me met de très bonne humeur.
Je ne sais pas si je vais poster à un rythme aussi soutenu qu'avant car j'ai moins de temps et que je n'ai pas envie de bâcler mon histoire en me dépêchant d'écrire. Mais je suis de retour, et j'ai cinq chapitres d'avance.
J'espère que cette suite vous plaira et bonne lecture ! :P

PRESENT : JIO

 

            Que faire ? se demanda Jio pour la onzième fois depuis le début de la journée. Il faisait les cent-pas dans la chambre qu’on lui avait attribué, les yeux perdus dans le vague. De temps en temps, il s’arrêtait, puis poussait un râle exaspéré et donnait un coup contre le mur. Son voisin lui disait de cesser ce bordel nom de l’omniscient et l’adolescent s’excusait distraitement. Que faire. Qu’est-ce qu’il devait faire ? Pouvait-il faire confiance à Soö ? Était-il en capacité de protéger Maz ? Tu ne seras capable de rien tant que tu ne seras pas sorti de ta chambre. lui souffla une voix dans son esprit. C’était vrai. Il en avait conscience. Depuis quatre jours qu’il était coincé ici, il n’avait quitté sa chambre que pour manger, seul, aux heures où il n’y avait personne au réfectoire. Il n’avait croisé que peu de monde dans les couloirs et, dans l’éventualité où ces personnes l’auraient reconnu, elles ne lui avaient pas adressé la parole. Mais il ne pouvait pas rester cloitré dans cette chambre. Il allait devenir fou. Normalement, il aurait déjà dû commencer son entraînement. Il allait finir par s’attirer des ennuis… Maz est un bon élément. Il serait vraiment fâcheux d’avoir à lui faire du mal. Oui. Il fallait penser à elle. Il n’avait accepté le marché que dans le but d’assurer sa protection. Et pour protéger quelqu’un, il fallait au moins l’avoir vu. Pour cela, il n’y avait qu’un moyen. Il se trouvait là, à une distance de trois mètres, un peu en diagonale : la porte de la chambre. Avec un soupir résigné, le jeune homme se leva. Alors qu’il se rapprochait de la porte, son pas ressemblait à celui d’un condamné. Il n’avait pas envie. C’était un euphémisme de dire cela car en vérité, il ressentait quelque chose de plus fort. Plus profond. Plus qu’un manque d’envie. De la peur. Une appréhension qui s’insinuait en lui et qui le rongeait de l’intérieur. L’envie lui prit de se moquer de sa personne. Après tout… N’était-il pas pitoyable, à manquer de cran pour ouvrir une fichue porte alors même qu’au dehors, sa meilleure amie d’antan avait une épée de Damoclès au-dessus de la tête par sa faute ? Pathétique. C’est ce qu’il était. Lâche et pathétique. C’est ce qui le résolut à ouvrir la porte et à sortir dans le couloir.

            Il fut parcouru d’un frisson qui lui rappela celui qu’il avait ressenti quand il était sorti de sa chambre, à la demeure Nowise, le jour où il s’était fait capturer. Il faisait froid. Il avait toujours fait froid dans la forteresse de la guilde et il y ferait toujours froid car un endroit aussi malsain ne pouvait pas abriter de la chaleur. Il se mit en marche, ses bottes claquant discrètement sur le dallage de pierre grise qui recouvrait le sol. Il croisa des mercenaires qui lui portèrent des regards curieux et des nouvelles recrues qui rentraient la tête dans leurs épaules. Il arriva enfin au niveau des escaliers raides et dangereux qui reliaient les étages entre eux et les descendit prudemment jusqu’au rez-de-chaussée. Au fond du couloir principal se trouvait le réfectoire qui servait aussi de salle commune aux mercenaires. Jio voyait quelques silhouettes qui entraient et sortaient en un remue-ménage régulier et s’approcha à son tour de la salle. L’endroit était immense, bruyant. La lumière du jour qui passait à travers les carreaux paraissait verdâtre et donnait à la pièce un aspect fantomatique. Le monde grouillait, on aurait dit une fourmilière. Des groupes se formaient dans la pièce et chacun avait son espace. Là-bas au fond, les anciens, ceux qui avaient participé à la fondation de la guilde et qui en avaient été les premiers membres. Au centre, la masse. Les mercenaires qui étaient là, tout simplement, et ne se posaient pas vraiment de questions. Devant, l’élite. Ceux qui étaient forts, rapides, les mages puissants. Bref : ceux qui faisaient vivre la guilde et lui donnaient une réputation. Et puis dans un coin, à l’ombre, là où personne ne les remarquait, les nouveaux. Il n’y avait rien à dire si ce n’était qu’ils avaient l’air plus peureux qu’avant. D’ailleurs, d’une manière générale, la peur avait l’air plus ancrée dans les esprits, comme une menace qui ne s’en allait jamais vraiment et qui venait grignoter vos pensées comme un rongeur. Quelqu’un passa en bousculant Jio qui reprit ses esprits. Il prit une petite inspiration et s’avança dans les entrailles de cette jungle hostile, essayant d’avoir l’air à sa place. Il traversa la première moitié de la salle avec succès, sans se faire remarquer. Et son estomac salua cet exploit d’un gargouillement joyeux. C’est après que les ennuis arrivèrent. Alors qu’il entrevoyait un espoir d’arriver sain et sauf jusqu’à la table où les plats étaient entreposés, une voix de stentor l’interpela, derrière lui, par une exclamation stupéfaite.

- Jio ?!

L’intéressé se retourna doucement, découvrant un homme haut en taille et taillé dans du roc qui s’avançait vers lui d’un pas rapide. Il avait la peau sombre et une trace de brûlure le long de l’avant-bras gauche. Ses yeux reflétaient l’étonnement d’une personne qui vient de retrouver un être cher qui avait pourtant disparu de puis des années. L’homme avait la peau noire et les cheveux ras, il marchait d’’un pas assuré et tout le monde s’était retourné lorsqu’il l’avait appelé : il avait de l’importance au sein de la guilde. Il était familier au jeune mage d’ombre sans qu’il ne parvienne à savoir s’il l’avait déjà rencontré. Finalement, le mercenaire arriva à son niveau et, posant la main sur son épaule, ébaucha un sourire rayonnant et dit chaleureusement :

- Ça fait longtemps Jio. C’est bien de te revoir ici, mec.

Bien ? C’était bien de le revoir ici ? Comment pouvait-on accueillir quelqu’un dans un endroit aussi lugubre que la guilde en disant que c’était bien de le revoir ici ?! Jio se dégagea brusquement, provoquant chez son interlocuteur un mouvement dans sa direction. Mais l’adolescent lui attrapa le bras, le fusillant du regard.

- Qui es-t…

Mais avant qu’il n’ait pu terminer sa question, cela lui revint. Il se rappela où il avait vu ce sourire étincelant et cet optimisme forcé alors même que la situation semblait parfois désespérée. Bien sûr, il avait changé, mais son attitude restait la même, il y avait toujours cette chaleur dans sa voix et cela surprit Jio qui desserra quelque peu sa prise. De toute façon, il doutait de sa capacité à retenir un tel colosse avec la simple force de sa main.

- Ewan.

Ce n’était pas une question mais une affirmation. L’intéressé sourit de plus belle. C’était bien lui. L’homme lui asséna une bourrade amicale qui déséquilibra le mage.

- Eh ben ça ! Si je m’attendais à te trouver ici… Ça fait… Longtemps.

Tout le monde était à l’affut de la réponse de Jio, attendant de savoir comment il allait répondre. Certains l’avaient reconnu, certains se souvenaient de lui, le trouble-paix de la guilde, le déserteur, et quelques murmures accusateurs s’élevaient. Finalement, l’ancien mercenaire opta pour un « Oui, effectivement » qui ne risquait pas d’attirer l’attention. Il n’avait pas envie d’être là, pointé du doigt au milieu de tous. Il aurait voulu s’éclipser mais ce n’était malheureusement pas dans ses capacités. Comme le lâche qu’il était, il n’avait pas le cran de faire face à son ancien ami et à ce sourire un peu conciliant. Il n’était pas encore prêt. Et comme il voyait qu’Ewan allait reprendre la parole, il le contourna en marmonnant un vague « J’ai des choses à faire » et s’enfuit vers le fond de la salle sous le regard indigné des autres mercenaires. Il savait qu’il allait devoir faire face à Ewan un jour, mais pas tout de suite. Il devait d’abord régler ses problèmes un par un, apaiser la terreur qui le tenaillait, et dormir un peu pour rattraper les nuits de sommeil qu’il avait perdues ces derniers jours. Il poussa un soupir soulagé au moment même où on l’interpelait pour la deuxième fois.

- Toi ! s’exclama une voix féminine derrière lui.

            Pour la deuxième fois, il se retourna. Et pour la deuxième fois, il vit que les visages s’étaient tournés vers lui. Cette fois, les voix se faisaient plus fortes, plus claires. Certains se demandaient ce que ce garçon pouvait avoir de spécial pour que deux membres de l’élite lui adressent la parole, d’autres, ceux qui reconnaissaient Jio, disaient avec dédain qu’il était revenu pour mettre le bazar dans la guilde, qu’il aurait mieux fait de rester où il était, mage d’ombre ou pas. Les derniers cherchaient encore à savoir s’ils avaient, oui ou non, déjà vu ce jeune garçon. La foule s’était scindée et, au milieu l’allée qui s’était formée se tenait une jeune femme. Bien que menue, on devinait qu’elle avait beaucoup de force et de magie. Elle dégageait cet air, cette aura que possèdent les gens naturellement puissants. Sa peau claire portait les marques d’un dur entraînement et une cicatrice blanchâtre traversait son visage, partant de l’arcade sourcilière droite puis traversant l’arrête du nez pour aller s’échouer sur la pommette gauche. C’était un miracle que ses yeux verts piquetés de tâches dorées ne fussent pas traversés par la cicatrice. La jeune femme portait les cheveux courts, coupés à la garçonne. Quelques mèches folles dépassaient et donnaient l’effet de flammèches tant elles étaient rousses. Il n’y avait pas de trace de sympathie sur son visage. Seulement de l’incrédulité. Jio l’avait reconnue, évidemment. Qui aurait pu ne pas reconnaître ces yeux, ce tempérament, cette force ? Elle s’approcha d’un pas raide, ses chaussons d’entraînement retentissant étrangement lorsqu’ils venaient frapper le sol. Quand la femme arriva à son niveau, Jio ouvrit la bouche.

-  Maz, je…

La gifle partit avec une violence inattendue. La tête de Jio se dévissa et sa joue droite rougit furieusement tandis que sa lèvre inférieure commençait à saigner un peu. Il leva la tête et malgré la noirceur de ses yeux, on put voir ses pupilles se rétrécir. La colère prenait le pas sur la confusion. Toujours la colère. Ce sentiment qui ne le lâchait plus, maintenant qu’il était de retour à la guilde. Mais Maz ne lui laissa pas le temps de l’exprimer et abattit son ressentiment sur lui, comme une sentence.

- Espèce de petit con sans gêne !

L’insulte avait fusé, naturelle. Comme si elle avait toujours été à sa place. Et cela déstabilisa le garçon. Mais Maz ne se démonta pas, elle. Et sous ses taches de rousseur, elle avait le rouge aux joues. Le regard qu’elle adressait à son vieil ami était empreint de répugnance.

- Tu me dégoûtes ! Comment oses-tu revenir ici après deux ans ?! T’as encore le cran de te regarder dans un miroir après ce que tu as fait ?

Jio ne répondit pas. Elle ne parlait pas là de sa désertion, mais de la promesse. Celle qu’il n’avait pas tenu.

- Tu n’es qu’un menteur. lâcha-t-elle dans un dernier soupir.

Elle se détourna pour partir et atteignit bientôt la porte d’entrée du réfectoire. Non. Il ne pouvait pas la laisser partir comme ça, après l’avoir fait remarquer par la guilde entière. Il poussa un rire sans joie et porta la main devant ses yeux, suscitant des murmures inquiets parmi la foule. Il ne devait pas la laisser partir. Il releva la tête, se défit du manteau qu’il avait enfilé et qui le gênait à présent, et se dépêcha de sortir de la salle. Il fallait qu’il lui parle il fallait mettre les choses au clair après les évènements survenus il y a deux ans.

 

 

PASSE :

 

            Les nouvelles recrues étaient rassemblées dans la plus grande salle d’armes de la forteresse. Le matin même, on était venu les chercher dans leurs cellules, après une nuit plutôt dure. Elles formaient un groupe dissipé et terrorisé. Et dans cette masse, Jio s’étonnait que ses amis et lui-même restent aussi calmes. La peur qu’il avait pu ressentir s’était apaisé et, bien qu’elle fût toujours présente, il ne voulait pas offrir à ses ravisseurs le plaisir de la leur montrer. Les enfants étaient surveillés par le cavalier noir et d’autres hommes qui arboraient tous une expression neutre. Le cavalier noir prit la parole, imposant le silence dans les rangs désordonnés.

- Bienvenue à vous, chères recrues. Je suis Allisen Soll, maître mercenaire en charge de votre répartition pour votre formation primaire. Je vous demanderai de bien vouloir vous taire et de vous avancer à l’appel de votre nom. Il se saisit d’une feuille : Gall Ul’Amelk.

Un garçon leva la tête, parmi les plus âgés. Il devait avoir 13 ou 14 ans. Il s’avança dans le groupe et se présenta devant Allisen Soll, un air de défi affiché au visage.

- Tu iras avec la maîtresse Ebremo. Au fond à d…

Allisen Soll baissa la tête, avisant le crachat qui venait de tomber sur sa chaussure. Le dénommé Gall, tout fier de lui, le regardait avec insolence et lança :

- Vous pouvez toujours courir pour que j’obéisse à des criminels comme vous. Je préfère mourir.

Le cavalier noir leva calmement la tête, un peu trop peut-être, et s’adressa à un mercenaire, derrière lui.

- Tu sais ce que tu as à faire. Les enfants insolents n’ont rien à faire ici.

Le mercenaire hocha la tête d’un air entendu et tendit la main. Il y eut un chuintement et la tête de l’adolescent téméraire tomba dans un bruit mat. Le corps s’écroula à son tour et une flaque sombre s’agrandit sous le cadavre. Du sang avait éclaboussé le visage d’Allisen Soll qui s’essuya avec un mouchoir de tissu. Soudain, le silence horrifié qui s’était installé se brisa. Les plus jeunes se mirent à hurler de panique, à pleurer pour certains, et les plus grands restaient pétrifiés, à mi-chemin entre la peur et la fureur. Il y eut un mouvement de foule et les prisonniers commencèrent à s’enfuir vers la porte de la salle mais les maîtres mercenaires s’avancèrent d’un même mouvement, prêts à faire subir le même sort que le malheureux à quiconque voudrait s’enfuir. Le message était clair : il n’y avait aucun problème à tuer toutes les recrues ici présentes. Il y avait encore beaucoup de mages puissants dans ce monde. Jio serra la main de son amie qu’il avait attrapé pendant la crise de panique et plongea son regard dans celui de la fillette.

- Maz. Je te promets qu’on sortira d’ici. On s’enfuira ensemble. Je te le jure.

C’était une véritable promesse. Une de celles qui sont inviolables, celles que l’on n’oublie jamais. Les deux enfants se serrèrent un peu plus la main, comme pour sceller leur pacte, puis se lâchèrent l’un l’autre afin que ce geste ne puisse pas servir aux mercenaires pour exploiter leur amitié comme une faiblesse.

Lorsque tout le monde retrouva son calme, Allisen reprit sa tâche. Les noms se succédèrent, bientôt, il ne resta plus que quelques enfants. Maz se trouvait sous la tutelle d’un certain maître Fenn. Quant à Ewan, son sort était entre les mains d’une femme qui avait l’air dangereusement puissante mais dont le nom était trop long pour être prononçable. Mais Jio n’avait toujours pas été appelé et, bientôt, chaque recrue avait trouvé un maître. Il ne restait plus qu’une personne qui n’avait pas d’élève à présent : Allisen Soll. Le nom du jeune garçon ne fut pas prononcé et Allisen attendit que tous les maîtres fussent partis et se tourna vers son disciple qui restait pétrifié, incapable d’ouvrir la bouche. Il observait avec consternation cet homme, ce monstre, qui s’approchait de lui avec envie et perversité dans le regard. Jio fut le premier à prendre la parole. Sa voix tremblait.

- Je refuse. Je refuse votre enseignement.

- Tu le refuses ? il rit : Tu en as du cran pour oser me tenir tête après avoir vu ce qu’était devenu ce jeune insolent, tout à l’heure.

L’homme s’avança, l’enfant recula.

- Vous êtes…

- Je te défie de continuer ta phrase, petit. Vas-y. Dis-le. On verra bien ce que sera devenue ta petite gueule d’ange lorsque tu seras sorti de la salle.

Pendant un moment, Jio fut sur le point de relever le défi, puis il repensa à ce jeune homme, à la promesse qu’il avait fait à Maz, quelques minutes plus tôt, et au fait que cet homme avait ordonné la mort de Rosind, la directrice du foyer. Oui. Cet homme avait détruit sa vie. Mais il ne se laisserait pas tuer. Avant de le provoquer, il devait devenir assez fort pour supporter les retombées. Alors il baissa la tête, se jurant intérieurement qu’il ne courberait pas indéfiniment le dos face à ces meurtriers. Bien qu’il ne la vît pas, Jio imagina l’éclat triomphal qui devait animer les yeux du cavalier noir. Le mercenaire s’avança et tapota la tête de son élève. Ce geste aurait pu paraître affectueux mais, l’adulte comme l’enfant le savait, Allisen Soll marquait là sa domination sur Jio. L’enfer commençait ici. Et le garçonnet ne se laisserait pas faire.

 

PRESENT :

 

            L’adolescente avait presque tourné au coin du couloir lorsqu’il la rattrapa. Elle voulut se dégager de sa poigne mais, lorsqu’elle n’utilisait pas son pouvoir de développement des capacités, il avait plus de force qu’elle. Et il savait qu’elle n’oserait pas se servir de sa magie contre lui. Du moins, pas après la dérouillée qu’elle lui avait mis. Néanmoins, elle se retourna, essayant toujours de libérer sa main.

- Lâche-moi ! Lâche-moi Jio où je vais utiliser ma magie.

- Tu ne le feras pas. Et si tu utilises ta magie, j’utiliserai aussi la mienne. Ne va pas croire que je te laisserai me donner une gifle et t’enfuir juste après. On a des choses à se dire visiblement. Alors pourquoi ne pas nous installer dans un endroit calme ?

- Lâche-moi d’abord et on ira où tu veux ensuite.

- Bien.

Il retira sa main sans porter une grande attention au regard assassin que lui lança Maz. Il prit la tête de leur duo et les guida jusqu’à une réserve secondaire qui ne servait aux mercenaires qu’en cas d’urgence. Maz y entra non sans hésitation et Jio la suivit, fermant la porte derrière lui.

Il s’adossa ensuite sur le battant et croisa les bras, plongeant son regard sombre dans celui de la jeune femme. Il était clair qu’elle n’allait pas faire le premier pas. Alors le mage d’ombre prit les devants :

- Si tu as quelque chose à dire, dis-le. Je déteste perdre mon temps, tu le sais, et je n’ai pas envie de te courir après.

- Même après deux années sans donner le moindre signe de vie tu n’as pas changé, hein ?

- Détrompe-toi. J’ai été surveillé. Au moins pendant les trois derniers mois. Cela voulait dire que quelqu’un savait que j’étais en vie, à la guilde, et qu’il a dit à Soö où je me trouvais.

- Tu es en train de m’accuser de t’avoir trahi ?

- Je ne t’accuse de rien. Même si tu savais que j’irais dans une grande ville dans le cas où je parviendrais à m’enfuir, ça ne prouve rien. De toute façon, je ne t’ai pas amenée ici pour régler des comptes mais pour que tu me dises clairement le fond de ta pensée afin qu’on reparte sur des bases saines.

- Des bases saines ? Des bases SAINES ?! Tu te fiches de moi ?! Je ne repars pas sur des bases saines avec quelqu’un qui a rompu sa promesse en m’abandonnant en plein enfer toute seule !

Jio ne savait pas ce que ressentait Maz. Il ne pouvait pas savoir. Même s’il avait fait la même chose à son amie qu’à cet autre garçon, il y a plusieurs années. Il regrettait en revanche d’avoir rompu sa promesse. C’était étrange comme dans cette situation ses défauts ressortaient avec clarté. Le fait qu’il ne sache pas tenir ses promesses ou sa quasi-totale incapacité à comprendre les sentiments. Cela donnait souvent lieu à des disputes au sujet de sa passivité, de son insensibilité.

- C’est la meilleure expression que j’ai trouvé, que veux-tu que je te dise ?

- Un « Désolé, Maz » ça serait déjà pas mal. Généralement, quand on veut repartir sur des bases saines avec quelqu’un, on commence par s’excuser de ses erreurs, surtout si l’erreur en question a été de t’enfuir tout seul, comme un lâche et de m’avoir laissé toute seule pour vivre les mois, voire l’année, qui ont suivi.

- Je ne vais pas te dire que je suis désolé car ce n’est pas vrai. Je regrette de n’avoir pas pu t’emmener, mais je ne suis pas désolé.

Il y eut un silence. Ce n’était pas un silence gêné, ni sinistre. C’était ce genre de silence, qui s’installe de temps en temps, pendant lequel les gens se regardent droit dans les yeux. Maz était têtue, elle l’avait toujours été. Et Jio savait qu’elle ne lui ferait pas entièrement confiance avant longtemps. Mais il avait passé un marché qui l’impliquait et, pour être en mesure de la protéger de sa bêtise, il devait au moins pouvoir lui parler sans prendre une gifle ou sans que cela se finisse en dispute.

- J’ai juste saisi l’occasion. Reprit-il après un moment : Peux-tu vraiment m’en vouloir ? Tu aurais fait pareil, non ?

Déjà, les lèvres de son amie s’ouvraient pour former un non catégorique mais elle ne prononça pas la sentence. Sa bouche se referma, se rouvrit, et finalement, c’est dans un murmure contrarié qu’elle répondit :

- Je ne sais pas. Peut-être bien que tu as raison, finalement.

C’était un premier pas.

- Maz. Accepterais-tu que l’on recommence à zéro ?

Elle ne répondit pas immédiatement. Elle prenait le temps de réfléchir. Mais Jio la connaissait trop bien pour ne pas pouvoir anticiper sa réponse. Elle ne pouvait pas refuser. Et elle ne le fit pas. Elle hocha brièvement la tête en signe d’assentiment. Puis elle porta son regard vert sur son ami.

- Pourquoi est-ce que tu es revenu, Jio ?

Pourquoi ? Il aurait pu le lui dire. Il aurait pu tout lui révéler maintenant et la supplier de l’aider. Mais alors qu’aurait-il fait ? Que ce serait-il passé une fois qu’il aurait révélé le marché qu’il avait passé avec Soö, le chantage que lui avait fait Allisen ? Ils auraient reproduit les mêmes erreurs. Ils se seraient de nouveau comportés comme les enfants qu’ils avaient été. Ce n’était pas le moment de tout faire rater. Pour l’instant, il devait faire profil bas, obéir docilement. C’était le seul moyen de regagner sa liberté. Alors il releva la tête, afficha son sourire le plus faussement sincère et chaleureux, et proclama d’une voix laconique :

- Disons que j’avais des choses à régler avant de partir définitivement.

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Canopus
Posté le 28/03/2022
Oui! Je suis vraiment contant de retrouver tes magnifiques chapitres! J'aurai du le lire depuis longtemps d'ailleurs, celui là TwT

J'aime beaucoup le personnage de Maz (on ne l'avait pas vu avant non?) son caractère est parfait, ça casse les clichés et ça, c'est le top!
Je ne me lasse toujours pas des descriptions qui sont.... waw! Y'a pas de mot XD
Le moment où on voit le passé est aussi très bien écrit et intégré. C'est génial!

Cependant, le seul petit bémol est peu être que leur réconciliation est un peu rapide mais bon, on pardonne.

Bref, je suis vraiment heureux de t'avoir retrouver, j’attends la suite!
Taranee
Posté le 29/03/2022
Salut !
Moi aussi je suis contente de te revoir dans les commentaires !
Comme d'habitude, ça fait plaisir de voir que tu aimes l'histoire. En effet, c'est la première fois qu'on voit apparaître Maz dans le présent, bien qu'elle ait déjà été évoquée et un peu montrée dans le passé. Je voulais que ce personnage dénote par son caractère et son impulsivité.
Il est vrai que leur réconciliation est un peu rapide et je m'en rends tout à fait compte car elle n'était pas censée arriver aussi rapidement. (Mais je suis une personne impatiente moi XD) Mais j'ai longuement pensé au processus ainsi qu'au passé qu'ils entretenaient et je me suis dit qu'une amitié qui avait été aussi fusionnelle ne pouvait pas prendre trop de temps à se reconstruire. De plus, même s'ils se sont réconciliés, ce n'est pas pour autant qu'ils vont entretenir la même relation qu'autre fois...

Merci pour ton commentaire en tout cas, et bon retour dans mon histoire !
A bientôt !
Canopus
Posté le 29/03/2022
^^ Et bah très bien si on est ravis tout les deux XD
c'est vrai que Maz n'est pas un personnage qu'on oubliera de si tôt. Oui, en soit vu le passé et leur complicité, ce n'est pas si dégenrant. Et ils ne sont pas tout a fait super pote encore ^^
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