Chapitre 1

Par C05i
Notes de l’auteur : Je suis ouverte à tout type de commentaire pouvant m'aider à améliorer mon écriture. Alors n'hésitez pas !

Est ce qu’il vous arrive parfois de ne plus vouloir vous réveiller car la réalité vous fait trop peur ? Car elle est trop douloureuse ? C’est exactement ce que je ressentais. J’étais allongée, les yeux fermés, mais je savais bien que je serais à un moment ou un autre condamnée à les ouvrir. Me rendormir serait sans succès. Je m’assois lentement sur le rebord de mon lit et essuie mon visage encore humide de larmes avec la manche de mon pyjama. Mon regard tombe sur le réveil. Dix heures et vingt deux minutes. J’aurais dû être au lycée en train de fêter le dernier jour de cours avec mes amis. Mais tout avait changé après le coup de fil tardif que l’hôpital avait passé à papa.  
Des grattements à la porte me sortent de ma torpeur. Je me lève, les jambes lourdes pour ouvrir à Tutu qui se frotte à mes jambes avant de se hâter vers sa gamelle de lait. J’avais acheté le chaton au refuge pour animaux l’hiver dernier. Il avait passé ses premiers mois là bas, né de chats recueillis, avant de venir me tenir compagnie dans mon QG, c'est à dire l'ancienne dépendance dans le jardin, alias ma chambre.
 J’avais en effet insisté auprès de mes parents pour emménager dans la dépendance que nous avions alors rénové de fond en comble. Mon père s’était occupé de l’isolation et en tant que plombier, avait installé des toilettes ainsi qu’un petit lavabo. Son ami l’avait ensuite aidé à construire une cloison, afin de les séparer du reste puis ma mère et moi nous étions occupées de l’aménagement, ainsi que de la décoration.  Nous avions accrochées des guirlandes de guinguette multicolores au dessus de la fenêtre et des guirlandes lumineuses sur la tête de mon lit. J’avais ensuite accroché des photos et des morceaux de brochures sur le mur en bois à l’aide de ruban adhésif coloré que j'avais positionné de sorte qu’ensemble, ils forment un coeur qui reflétait ma personnalité. 
Mais ce matin, tout cela m’était égal. Je prend un short en jean et un t-shirt flottant dans un des tiroirs sous mon lit et disparais dans la dans la salle d’eau. 

Les sabots aux pieds, je sors de ma cabane : le soleil était éblouissant et il faisait chaud. Je claque la porte du bout de ma chaussure. Fichu beau temps, pourquoi tout semblait-il si paisible ? Je traverse la pelouse jusqu’à la maison. L’herbe trop haute, humide par la rosée du matin, mouillait mes jambes nues. Le vieux van Volkswagen de mon père n’était pas garé à sa place habituelle, j’étais donc seule à la maison. 
Arrivée dans la cuisine, je prépare ma « potion magique », toujours utile en période de crise. Certes, il ne s’agissait que d’un thé à l’hibiscus et à la mente, mais depuis que ma mère me l’avais préparé pour la première fois quand j’avais quatre ans, j’étais convaincue qu’il avait un effet secondaire. J’avais perdu mon doudou dans un centre commercial et je pleurais toutes les larmes de mon corps. Ma mère était alors montée dans ma chambre avec une tasse de ce thé fumant, d’une couleur rouge apaisante et m’avait raconté cette histoire :
"Il était une fois, une bonne fée qui aidait les enfants. Tu sais, Sif, c’est le travail d’une fée de rendre les enfants heureux et joyeux. À chaque fois, il se tissait un lien particulier entre elle et eux mais venait toujours le moment où elle devait partir pour une nouvelle mission. Cela la rendait toujours triste de se séparer de ses petits protégés qu’elle aimait par dessus tout. Surtout qu’avec le temps, leur souvenir lui échappait. Un jour, elle eût une idée : comme les fées sont aussi magiciennes,  elle transforma tous ses souvenirs frais en une fine poudre rouge grâce à une de ses nombreuses formules. Elle l’ajouta dans une eau chaude qui prit alors une couleur rouge et, une fois bu, ses souvenirs resurgirent, ce qui la rendit à nouveau heureuse. Elle emplit des bocaux et des bocaux de cette poudre qui constituèrent une telle réserve que ses petits protégés ne tombèrent plus jamais dans l’oubli. En te voyant dans cet état, la bonne fée qui veillait sur toi m’a remis un peu de poudre, en me conseillant de la mettre dans de l’eau chaude pour faire un thé. "

Depuis que mon frère m’avait dit que le père Noël n’existait pas, j’avais aussi arrêté de croire à cette histoire de fée mais malgré ça, ce thé savait toujours m’apaiser. Je le verse dans mon hydro flask décorée d’autocollants. Je badigeonne ensuite un toast grillé que j’avais trouvé dans un sachet presque vide et me fais un chocolat chaud. J’avale le tout en vitesse avant de passer la porte, ma bouteille à la main, pour prendre mon sac de danse accroché au pilier de la rambarde. Je me laisse tomber par terre tel un sac à patates, prend les deux converses qui me tombent sous la main. Bleu électrique et orange. Peu importe, je les enfile et attrape mon longboard appuyé contre le mur, près de la porte.
Dehors, le soleil était toujours aussi éblouissant. Je met mes lunettes de soleil et traverse la pelouse jusqu’à la vieille porte en bois qui séparait le jardin de la rue. 
Je pars pour l’école de danse, le sac sur mon épaule, le vent dans les cheveux. Je défile devant les champs paisibles, aucun humain en vue. Normal dans ce coin de campagne. Je passe ensuite par un chemin, lui, bordé d'une rangée de vieilles maisons et de plants de vignes arrosés par un rayon de soleil. Arrivée au panneau de signalisation de la ville, je ralentis à cause de la circulation qui augmente petit à petit, puis je tourne à droite dans la rue qui menait au centre ville. 

Je referme la porte derrière moi. Quelques notes de piano emplissaient la cafète. Je tourne la tête à droite, vers l'origine du son. Quelqu'un jouait, assis derrière un piano électrique, entre les tables. C'était un garçon que je n'avais jamais vu ici, mais malgré ça, il semblait déjà très familiarisé avec l'endroit. Le téléphone coincé sous l'oreille, il parlait tout en jouant de la main gauche. De temps à autres, il sirotait son café qu'il tenait dans la main droite. Derrière le comptoir, se tenait Antoine, un des employés. Il essuyait les verres, sortis du lave vaisselle. Tête baisée, je marche tout droit jusqu'aux vestiaires sans prêter attention aux deux "bonjour" qui fusent derrière moi. Il régnait un calme étrange dans le vieux bâtiment. Tous les élèves étaient encore en cours. C'était la raison pour laquelle j'étais venue sans me soucier de croiser qui que ce soit. Dans la période scolaire, je réservais un studio sur un créneau de deux heures le samedi matin, en plus de mes cours, le mardi et le vendredi.
L'ombre d'un sourire passe sur mon visage quand je respire l'air particulier qui règne dans le studio. J'avais commencé la danse à huit ans, un âge tardif par rapport à mes camarades, mais cela ne m'avait pas empêché de les rattraper en niveau. C'est la passion qui me l'avait permis : tandis qu'elles attendaient avec impatience la fin du cours, je m'appliquais sur chaque détail. 
J'avais découvert la danse grâce aux vieilles coupures de journaux que ma mère m'avait montrée lorsque nous étions un jour toutes les deux montées au grenier. Je me rappelle comment le soleil éclairait les différentes boites en carton remplies de vieux magazines datants de sa jeunesse. Parmi eux, se trouvaient cependant des coupures de journaux de l'orchestre dans lequel avait joué mon arrière grand père en tant que violoniste. Il faisait parti de l'orchestre de l'opéra de Lorraine, à Nancy, qui présentait notamment des ballets. Après avoir transporté une sélection de magazines et coupures qui me plaisaient, je m'étais installée dans l'herbe du jardin pour les feuilleter. Je me rappelle des poses élégantes et des tenues que portaient les danseuses en première de couverture. Pendant une semaine, je n'avait fait que parler de danse et de ballet, puis ma mère m'avait prêté une cassette vidéo, constituée de séquences que sa propre mère avait enregistré lors de représentations. Je l'avais regardé en boucle, pour pouvoir capter chaque détail, chaque mouvement des chorégraphies.  Et c'est à partir de ce moment que je me suis fixée l'objectif d'avoir un jour la même prestance que ces danseuses.
Je dépose mes affaires dans un coin de la salle après avoir sorti mon enceinte et mon portable de mon sac. J'enclenche la musique et me met à la barre. 
Je me concentre sur chaque mouvement, sur mes bras, mes respirations en rythme avec mes mouvements. Je marque les poses, contracte mes abdos, me tiens droite, le menton levé sans laisser apparaitre une trace d'hésitation sur mon visage. Le muscle situé sur le dessus de ma jambe commence à trembloter lorsque je tiens mon développé.
Bien échauffée, je me place au milieu. Je me laisse emporter par un extrait de mazurka de Chopin jouée par mon enceinte. Je fais la première partie de la chorégraphie, plutôt lente et respirante. Puis la deuxième : Grand développé à la seconde, je fais attention à tendre ma jambe de terre puis tomber pas de bourré suivi d'une triple pirouette, échappé battu ou je me concentre sur la réception. Je cours me mettre en diagonale pour effectuer toute une série de déboulés serrés puis je fais une attitude en tournant, suivie d'un grand jeté. Tout mon être était impliqué dans l'enchaînement des mouvements, chaque parcelle de mon corps essayait de jouer son rôle à la perfection. Mes pensées, tournées vers le contrôle de mes gestes, étaient à des kilomètres et des kilomètres du reste de ma vie quotidienne. L'énergie circulait du bout de mes doigts jusqu'a la pointe de mon pied ce qui permettait de relier les mouvements entre eux. Ce qui me poussait toujours à continuer, c'était la sensation que je ressentais à chaque fois que je dansais : l'effort que je fournissais serait en fin de compte récompensé par un résultat. 
La musique s'arrête sur un la. Après être restée dans la position finale, je m'appuie sur mes cuisses, le visage rouge et un sourire satisfait aux lèvres. À peine apparaît il sur mon visage, qu'un pic de culpabilité me transperce l'estomac. Je respire un grand coup en essayant de retenir les larmes qui me montaient aux yeux. En vain. Je rejoins mes affaires et me laisse glisser contre le mur. Une rivière de larmes inonde mon visage. Je tire la bouteille de mon sac et bois une longue gorgée ce qui m'apaise à moitié. Il faut que je continue. 
De retour au milieu, s'enchainent petits sauts, grands sauts, pirouettes et exercices sur pointes. Pour finaliser ma séance, je m'étire. Après, je rassemble mes affaires, j'éteins la lumière, avant d'ouvrir la porte. Je tourne à droite, la tête baissée en longeant le mur pour me rendre aux vestiaires. Erreur. J'aurais plutôt du lever la tête. Arrivée à l'angle du mur, quelqu'un me percute de plein fouet ce qui fait tomber mes lunettes de soleil que j'étais en train de remettre. Je reconnais le pianiste de tout à l'heure, le téléphone toujours scotché sous l'oreille.
- Oh pardon pardon pardon ! S'exclame t-il en se mettant dans tous ses états tout en se frottant  l'épaule.
- Ah ça fait mal hein. Ajoute-il.
Une vague de panique me submerge et le rouge me monte au visage. Je ne répond rien, puis me penche pour récupérer les lunettes. Malheureusement, il a la même idée. À deux doigts de les attraper, je lève la tête et je vois qu'il m'observe. Une mèche de ses cheveux bruns lui retombaient sur le visage. Quand je vois ses yeux, j'ai un choc, un vrai. Environ zéro virgule six pour-cent de la population mondiale possédait un cas d'hétérochromie et une proportion encore inférieure, une hétérochromie totale. La probabilité que deux personnes possédant cette anomalie se rencontrent était encore plus minime et pourtant, c'était ce qui venait de se produire. Son oeil gauche était brun et l'autre bleu, à l'inverse des miens. Son image s'enregistre sous ma rétine en une fraction de seconde. Je détourne la tête en essayant de cacher mes yeux tristes. D'habitude je ne cachais pas mes yeux et je m'en contre fichais du regard des gens, mais en ce moment, j'étais plus sensible. Je portais mes lunettes pour cacher mes émotions.
- Bertouille, ça va t'es pas mort ?
Apparemment, le téléphone du pianiste était enclenché sur haut parleur. 
- Beaux yeux, dit-il en faisant un clin d'oeil avant de répondre à son interlocutrice tout en s'éloignant.
 Toute chamboulée, je retourne aux vestiaires toujours vides, et me change en deux temps trois mouvements.

Je referme la porte derrière moi. J'hésite à tourner le verrou mais, sachant que mon père ne reviendrai pas avant la fin d'après-midi et que personne d'autre n'habitait la maison, je me contente de la laisser telle qu'elle. Je ferme les volets électriques et me laisse tomber dans le lit bien fait. Mon frère ne m'en voudrait sûrement pas. J'enfile le masque de nuit relaxant que j'étais passée chercher à la cabane en revenant, et commence à réfléchir. Bertouille, ce n'était décidément pas un vrai nom. Comment s'appelait il réellement ? Qui était il ? D'où venait il ? Quel âge avait il ? Je n'avais pas réussi à le déterminer en le voyant. Il aurait pu avoir entre quinze et dix neuf ans. Vingt ans aurait été un peu beaucoup. Comment se faisait il qu'il ait débarqué à la danse si brusquement ? Reviendrait il ? Je me pose encore mille et une questions avant de retomber en déprime et de m'endormir.
J'ouvre les yeux, puis je m'assois silencieusement pour écouter si mon père était déjà rentré. Ensuite, mon regard tombe sur le réveil qui était posé sur la petite table de nuit en bois auprès du lit. Il indiquait dix huit heures.

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Selma
Posté le 08/11/2020
Bonjour !
Dans ce premier chapitre, tu nous plonge dans l'univers de l'héroïne notamment grâce aux petites anecdotes de son enfance qui donnent un effet réaliste ! Bravo ! Tous les détails de son entrainement renforcent également cet effet, bien qu'il ne soit pas évident de comprendre tout ce vocabulaire spécifique.
On voit bien que ta protagoniste souffre, et ne sachant pas pourquoi, ça donne envie de lire la suite !
J'ai juste repéré un petit problème de mise en page : est-ce normal que les dialogues ne soient pas précédés de tirets ?
J'ai aussi relevé un petit détail concernant les temps employés. Dans les deux phrases suivantes, ne faudrait-il pas plutôt employer l'imparfait ?
"(...) qui sépare le jardin de la rue." et "(...) qui mène au centre ville."
C05i
Posté le 08/11/2020
Bonjour,
Tout d'abord, un grand merci pour ce commentaire qui fait plaisir ! Merci de m'avoir fait remarquer les quelques petites fautes, je m'empresse de corriger tout ça !
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