Chap 8. Au prix de mon passé

Enael était retournée sur le Donnagher la tête sur le point d'exploser.
Il était difficile de mettre des mots sur tout ce qu'elle ressentait à ce moment. Avait-elle peur ? Était-elle euphorique ? Tout se mélangeait bien trop pour qu'elle puisse distinguer les ingrédients de son état d'esprit.

Elle devait désormais rendre des comptes à Pryde. Ce vieil homme qu'elle n'avait pas encore eu l'occasion de fréquenter outre mesure lui semblait bien intransigeant et sec. Pouvait-elle lui faire confiance ? Son ancienneté et son affiliation à l'ancien empire en faisait une des figures les plus respectées de l'ordre, mais aussi des plus craintes. Que risquait-il d'arriver si elle échouait dans cette mission ?

De plus, certaines choses lui échappaient déjà, notamment le fait qu'elle fut désignée pour pareille tâche. Pourquoi elle et pas un autre officier ? La justification de Pryde était logique mais lui semblait bien insuffisante, pourtant, il semblait croire en sa réussite.
Du moins, il en donnait l'impression.
Etait-ce un test pour évaluer ses compétences ? Elle n'en savait trop rien...

Après avoir lu les dossiers remis par le général Pryde, Enael avait convoqué son poste de commandement. Si elle était l'amirale, elle reconnaissait bien facilement que son manque d'expérience et de connaissances sur les « petites histoires » de l'Ordre risquaient de lui porter préjudices. Aussi, ne rechignait-elle jamais à faire convoquer ses hommes de confiance, comptant sur leurs oreilles attentives et leurs excellentes mémoires pour l'aiguiller dans les brumes de ses réflexions.

Était-ce sans doute pour cela qu'elle avait rapidement gagné l'affection de ses hommes.
« Amirale » saluèrent-ils alors qu'ils s'installaient à la table.

Lewis se tenait toujours sur le siège à côté de sien. Elle avait offert à son capitaine un rôle clé dans la gestion du Donnagher, un rôle qui semblait lui revenir presque de droit. Son âge, son expérience et ses conseils lui avaient déjà été d'un grand secours et Enael n'envisageait pas cette mission sans l'avis de Lewis.

« Comme vous le savez, nous avons été chargés de lever le voile sur l'étrange disparition du capitaine Cardinal » lança-t-elle comme première approche. Elle vit la table s'agiter, certains discutaient entre eux et ne pouvaient s'empêcher un petit commentaire.

« C'était mon instructeur Madame ! » lança l'une des personnes assises à la table, une jeune femme, visiblement fraîchement sortie de l'école. « Je, j'ai du mal à croire qu'il puisse lui être arrivé quelque chose. »
« Que voulez-vous dire soldat ? »
« Eh bien, les plus jeunes de cette tablée seront d'accord pour dire...Que Cardinal avait bien peu d'ennemi. Nous le respections tous. »

Lewis hocha la tête.

« Cardinal avait la charge de la première étape de formation de nos soldats, j'ai eu vent qu'il était un excellent instructeur.
- Le meilleur, certainement Monsieur. » répondit la jeune fille. "N'en déplaise au capitaine Phasma, qui est également très compétente !" Se hâta-t-elle d'ajouter. Tandis que les autres hochaient la tête et confirmèrent rapidement les dires du soldat.
Enael avait déjà noté certaines informations dans son calepin, elle s'était mise en retrait pour capter ce qu'elle pouvait du brouhaha dans la salle. Cardinal semblait apprécié de ses élèves, une fois leur formation avec lui terminé, ils se rendaient au deuxième et dernier niveau de formation, celui qui avait été attribué au capitaine Phasma.

« Il me semble évident que nous devons commencer à la source. » souffla Lewis. « Si nous voulons savoir ce qui aurait bien pu se passer, nous devons nous rendre dans les régions inconnues et interroger les cadets qui étaient en formation avec lui. »

Enael se figea, l'idée d'aller dans les régions inconnues ne lui plaisait guère, retourner sur son lieu de formation était le pire pèlerinage qu'elle aurait pu envisager.

« Qu'en pensez-vous amirale ? »

Ce qu'elle pensait en vérité, c'est qu'elle aurait préféré y envoyer n'importe qui sauf elle, mais qu'elle n'avait pas le choix. Elle hocha la tête tout en continuant à prendre des notes.

« Sergent, veillez envoyer un message aux contrées inconnues, dites leurs que nous arrivons dans le cadre de l'affaire Cardinal et que je souhaite rencontrer les directeurs de l'académie. Rompez soldats. »

Chacun quitta la salle précipitamment, tandis qu'elle resta là, assise aux côtés de Lewis.
« Vous me semblez bien nerveuse, Madame. » glissa-t-il doucement alors qu'elle était toujours penchée sur son carnet. L'amirale ne releva pas. Bien sur qu'elle était nerveuse et l'idée de retourner là-bas n'avait pas arrangé les choses. Elle avait le pressentiment que cette affaire allait l'entrainer dans quelques choses de bien plus complexe.
« Non Capitaine, tout va bien » répondit-elle sur un ton bien plus sec qu'elle ne l'aurait souhaité. Lewis s'en alla également et elle fut seule face à ses inquiétudes.

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Rien ne semblait avoir changé ici. Pensa-t-elle en traversant les longs couloirs froids de l'académie. Ils étaient arrivés quelques minutes avant et furent rapidement accueillis par un cadet. Et alors qu'ils se dirigeaient vers le bureau du commandant, Enael vaquait à ses souvenirs, regardant ça et là les plus jeunes courir dans le couloir. Tous habillés de la même manière, avec cet uniforme qu'elle avait tellement détesté.
Lorsqu'elle avait eu la première occasion de quitter l'académie, elle l'avait saisie sans aucune hésitation, préférant travailler dans une soute à bagage que de continuer à vivre ce qu'elle vivait là-bas.

« Mais que vois-je ? » lança une voix caverneuse. L'homme assis au bureau du commandement n'avait même pas relevé la tête lorsqu'ils étaient entrés dans le bureau.

« L'amirale Spencer ! » lança-t-il sur un ton clairement moqueur, prenant presque un air pathétique. « Hé bien le Premier Ordre est vraiment plein de surprise...
-Commandant. » se contenta-t-elle de répondre sèchement, sans même baisser les yeux. « J'aimerais interroger les cadets qui étaient jusqu'alors sous le tutorat de Cardinal. "
L'homme releva la tête vers elle, son regard était un mélange de mépris et d'aversion.

Lewis ressentait à quel point cet homme semblait ne pas la supporter. Avait-elle vraiment été si mauvaise élève que cela ? Il semblait en tout cas avoir du mal avec l'idée qu'elle occupe un poste important au sein de l'armée.
« J'ai effectivement entendu dire que vous étiez chargée de cette enquête... » commença-t-il d'une voix presque mielleuse « Et au départ je pensais sincèrement que mon ami Enric me faisait une blague. Mais vous voilà, là, à me demander de voir les cadets ... » poursuivit-il. « J'aurais donc vraiment tout vu...Et vous comptez mener votre mission de la même manière que vos études ? »
Si elle s'était écoutée, probablement l'aurait-elle giflé et lui aurait-elle répondu qu'au moins, elle, s'était hissée à un rang qu'il n'avait jamais obtenu en quarante ans de carrière. Mais elle tenait compte de son statut et savait qu'à la moindre erreur, tout pouvait se retourner contre elle.

« Commandant, je ne sais pas si vous avez bien compris mais, l'Amirale vous a donné l'ordre de nous présenter les cadets. » La voix de Lewis s'était doucement élevée derrière elle. Si elle avait dû retenir ses mots, son capitaine, lui, semblait n'en avoir que faire des protocoles et n'avait pas hésité à rappeler au commandant où était sa place.

Piqué au vif, le commandant lança un regard noir à Lewis qui sembla satisfait d'avoir fait mouche. « Rendez-vous à la salle d'instruction, ils vous y attendront dans ce cas ! ». Il leur fit un geste de la main pour leur demander de partir de son bureau et sans un mot ils s'exécutèrent.

Lewis ignorait vraiment pourquoi il était intervenu à ce moment-là. Il savait qu'elle aurait probablement su répondre et régler cette histoire seule. Mais un étrange sentiment s'était saisi de lui. En écoutant un tel mépris sortir de la bouche de quelqu'un à l'égard de la jeune femme, le vieil homme avait pris conscience qu'en vérité, tout ce qui avait été dit sur son supérieur était loin d'être la vérité. Que si effectivement, elle portait dans son sang les gènes des Tarkin, cela ne lui avait offert aucun avantages et encore moins du soutien. 
Car en vérité, personne ne l'avait jamais soutenue.
Et qu'elle avait toujours demeurée bien seule.

« Cadets ! » lança la voix sévère d'un instructeur qui raisonna dans la salle. « Voici l'amirale Spencer et le capitaine Lewis ! Tous deux sont venus ici dans le cadre de la disparition du commandant Cardinal. Je vous ordonne d'exécuter ce à quoi vous êtes formés et de fournir le plus d'informations possibles pour mener à bien cette mission. »
 

Elle les regardait, tous, là, assemblés en ligne et au garde à vous. De loin,ils se ressemblaient tous. Quels âges avaient-ils ? A peine dix-huit ans pour certains, d'autres un peu plus âgés et d'autres bien plus jeunes encore. Des garçons et des filles qui venaient des quatre coins de la galaxie et qui s'étaient retrouvés là, tout comme elle quelques années plus tôt. D'où venaient-ils ? Qu'avaient-ils traversé pour arriver jusqu'ici ?
 

Ce n'étaient pas les questions qu'elle devait poser.
« On dirait des robots » souffla Lewis à son attention alors que la brise glacée traversait la cour de rassemblement. Sa voix tremblotait légèrement à cause du froid qui traversait son uniforme.
 

Oui en effet, souvent ils finissaient par le devenir. Les instructeurs faisaient en sorte que dès leurs arrivées ils soient formatés à la tâche qu'on les prédestinait. On les transformait radicalement, on les testait jusqu'à leurs limites, pour voir...
 

Voir de quoi ils étaient capables.
 

Ainsi avait commencé les interrogatoires, Enael s'était contentée d'aller au fait et avait demandé à chacun ce qu'il savait de Cardinal, comment il gérait son travail et surtout ce qu'il pensait de lui. Tous étaient unanimes : le commandant n'avait rien à se reprocher. Elles voyaient dans les yeux de chaque cadets une admiration sans borne pour cet homme étrange. Tous semblaient dire qu'il avait un sens de la justice et de l'honneur qu'aucun officier du Premier Ordre ne pouvait égaler.
 

« Et puis, vous savez amirale, il a été très affecté par la perte de son mentor, le général Hux."
 

Elle leva les yeux de son calepin, ce jeune garçon devant elle semblait avoir fait mouche.

-Le...général...Hux ? » répéta-t-il, dubitative. Elle avait du mal à comprendre comment le général qu'elle connaissait puisse être le mentor de qui que ce soit.
« Pas celui-là, Amirale. » Continua-t-il presque amusé. « Mais son père, le général Brendol Hux. »
« Ça par exemple... » pensa-t-elle. Était-il possible qu'elle soit lancée sur une affaire sans que soudain Hux ou sa fratrie n'y soient mêlés ?

« Quand était-ce ? » lança-t-elle d'une voix monocorde.
« Il y a environs 9 ans, madame. J'étais encore très jeune à l'époque,mais j'ai perçu dans les yeux du commandant que quelque chose n'allait pas avant même qu'on nous annonce le décès du général Hux.
- Est-il mort au combat ?
- Il est mort d'une maladie, Madame. » Lewis était intervenu, voyant l'ignorance dans les yeux du jeune homme. Il semblait vouloir couper court à la conversation et évitez d'autres questions possibles.

Enael sentit soudain une appréhension lui prendre les tripes. La mort de Brendol Hux avait-elle déclenché ce qui se passait aujourd'hui ? Et pourquoi avait-elle l'impression que Lewis semblait douter de ses propres paroles ?

« Merci cadet, nous en avons terminés. » Le jeune homme leur adressaun respectueux salut avant de s'en aller.
Elle était épuisée, se sentait aussi complètement vide, comme si rien ne semblait vouloir aller comme elle le souhaitait. Elle était venue ici avec des pieds de plombs espérant trouver la clé de son enquête et elle avait l'impression qu'elle avait fait du surplace. La tasse qu'elle avait fait poser sur la table fumante s'était complètement refroidie sans qu'elle n'ait pu boire une goutte de son contenu. Le temps avec défilé et pourtant, elle n'avait rien pu déceler.
C'était un échec cuisant.
 

« Quelque chose cloche Lewis. » Elle humecta ses lèvres dans sa tasse de thé refroidi. Il avait un goût étrange lorsqu'il était froid, mais elle ne savait pas trop si elle appréciait ou non la différence.
« Votre thé est froid, Madame, est-ce de cela que vous voulez me parler ? »
Trop préoccupée pour relever la plaisanterie, l'amirale continua. « Ils semblaient tous bien sincères, mais quelques choses d'étranges s'est passé ce soir. N'aviez-vous pas l'impression que leurs discours concordaient tous ?
- N'est-ce pas là la vérité Amirale ? Le fait que chacun la répète telle qu'elle est ? »
 

Lewis avait raison finalement, la vérité brute ne pouvait se modifier, elle était un fait indiscutable et tout le monde pouvait la reconnaitre. Mais elle ne croyait pas en la vérité sincère, à ses yeux, l'humain n'en avait jamais été capable.
« Demandez à deux soldats de raconter une bataille, ils le feront tous les deux d'une manière différente. L'un d'entre eux préféra parler de l'aspect stratégique, l'autre en revanche se contentera de la bataille en tant que telle.L'un d'eux ment ? Bien sur que non, mais ils omettent des détails. Or ici,tous ont abordé le sujet sous le même angle Lewis, le même angle.
- En quoi cela est-il un problème ?
- Le choix d'aborder le sujet d'un point de vue ou d'un autre dépend de notre personnalité,de notre façon de vivre les choses...
-...Et vous avez l'impression qu'il n'y a rien de tout cela dans ce que vous avez entendu. »
Lewis ne pouvait pas mieux résumer.
 

« Exactement !
- N'êtes-vous pas un peu paranoïaque ? »
 

Elle ? Peut être un peu en effet, il était difficile de ne pas sombrer dans la méfiance après tout ce qu'elle avait traversé pour survivre. D'autant plus que les évènements des dernières heures retournaient son cerveau dans tous les sens et qu'elle avait la sensation d'avoir baissé les armes avec Hux bien trop vite à son goût.
 

« Je n'ai pas l'impression que certains m'aient vraiment dit comment ils avaient vécu les choses.
- Je pense qu'il est tard, dès demain nous rentrerons et vous pourrez rédiger votre premier rapport d'enquête, en attendant, il est temps d'aller dormir."
Enael quitta la salle d'interrogatoire le cœur lourd, il était difficile pour elle de conclure une journée sans avoir vraiment le fin mot de ses inquiétudes.Elle avait la sensation d'être en échec. Mais Lewis avait raison, l'esprit embrumé de fatigue n'était pas efficace et il fallait se résoudre à laisser l'échec d'aujourd'hui derrière elle. Et tandis qu'elle traversa le long couloir de la base de formation, se rendant sur la plateforme de décollage, un sergent l'appela hâtivement.
Il courait en leur direction avec un morceau de papier en main. Lewis qui était déjà quelques pas plus loin fit volteface pour la rejoindre.
 

« Un message, amirale, pour vous.
- Qui ?
- Le général Pryde ! » il lui tendit le papier, la salua et repartit immédiatement.
 

Que pouvait bien lui vouloir Pryde maintenant ? Elle lui avait rendu compte de sa destination et qu'elle souhaitait un délai avant de formuler un premier rapport, pourquoi lui adresser une missive si urgente ?
Mais lorsqu'elle déplia le papier, elle lança un regard indescriptible à Lewis.
 

« Que se passe-t-il amirale ? » le capitaine semblait presque aussi inquiet qu'elle.
« On doit rentrer, tout de suite. » lança-t-elle d'un voix tremblante.

 

 

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ManonSeguin
Posté le 29/12/2020
Houla mais les choses sérieuses arrivent là ! Puis Enael brille toujours un peu plus, je la sens presque trop humaine, trop intelligente pour le Premier Ordre ahaha :') Mais bon...

Par contre t'as un souci de mise en page sur ce chapitre car autant les dialogues au début sont en italique, puis ils reviennent normaux et repartent en italique XD C'est festival chez toi !
Enaelyork
Posté le 12/02/2021
Oui tu n'es pas la première à le mentionner mais je ne vois pas ce qui choque sur mon ordi ! Je vais y regarder =o
MissRedInHell
Posté le 04/12/2020
Ça se complique tout ça ! Et j'aime beaucoup le côté instinctif d'Enael, qui se rend compte qu'il y a quelque chose qui cloche dans tout ça, un petit mensonge qui traîne par là. J'aime aussi son côté un peu cynique par moment :3
Enaelyork
Posté le 13/12/2020
Ah, le cynisme c'est un trait tout à fait Tarkin X)
Elle est très intuitive, c'est un peu ce qui la sauve. Par contre, faut pas compter sur sa diplomatie mdr
MissRedInHell
Posté le 14/12/2020
Haha :')
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