Sous le plancher du bureau d’Oswald était aménagé une salle de repos pour sa garde rapprochée. Une équipe d’intervention y séjournait en continue, dès lors que le Comte était présent dans l’Institut Driscoll. Six femmes et hommes d’expérience, prêts à bondir en cas d’alerte. Personne ne pouvait accéder au dernier étage par les escaliers, sans traverser le vestibule et se soumettre à une fouille. Idem pour les chanceux à qui le rang social permettait d’utiliser l'ascenseur à vapeur. L’imposante machinerie ne desservait pas le dernier étage et ses grilles s’ouvraient face au garde en faction.
Ce soir-là, c’était Nilaja Dongo qui siégeait derrière le pupitre. Sa peau d’ébène et son port droit lui donnaient un faux-air de buste décoratif, mais Nilaja ne se résumait pas à son apparence ni à son uniforme impeccable. C’était une athlète, doublée d’une combattante aguerrie. La paire de lames courbes qui pendait à sa ceinture en disait long sur l’art violent dont elle était dépositaire. En cinq ans de service, elle n’avait jamais piqué du nez ou raté le moindre mouvement suspect. Un véritable concentré de puissance et de précision. Ses frères et sœurs d’armes la comparaient à une machine. Loin d’être une moquerie, ils employaient ce comparatif avec envie pour exprimer leur jalousie. Personne n’était monté depuis le début de la nuit et elle savait que seul le Comte Driscoll et Singh, son secrétaire, vaquaient encore à l’étage.
Lucy Beckman et Terrence Lockwell, deux texans en provenance de la petite ville de Sheffield, partageaient un tempérament explosif, à l’opposé de leur ainée. Dans la salle de repos jouxtant le vestibule, ils se disputaient à propos du temps affiché par un chronomètre. Lucy prétendant détenir le nouveau record de vitesse de l’équipe pour démonter et remonter son fusil, tandis que Terrence lui opposait un mauvais ajustement de la pression dans la chambre d’éjection.
— Tu dois noter mon temps dans le registre. C’est la règle ! aboyait la petite brune aux yeux noisettes.
— Ma grand-mère aurait mieux monté ce fusil que toi, protesta Terrence. Le compresseur va te sauter à la tronche au premier tir.
— Quelle grand-mère, Ty ? On sait tous que tu as grandi dans une décharge, entouré de ratons laveurs.
— Moi, au moins, je faisais pas des passes à un dollar dans une maison close.
— Prends pas tes rêves pervers pour la réalité. Les filles me laissaient juste faire le ménage dans les chambres contre un repas chaud. J’avais huit ans, putain ! Huit ans !
— Silence dans le rang ! ordonna une voix teintée d’autorité martiale.
Gabriela Santiago venait de clouer le bec aux gamins turbulents. Doyenne et troisième femme de la garde rapprochée du Comte Driscoll, elle en assurait le commandement. Sous la couronne argentée de ses cheveux tressés, Gabriela arborait une expression contrariée. Ses nouvelles recrues étaient aussi prometteuses qu’exaspérantes.
— Vous êtes à un cheveu de retourner au Four, pour y suivre des cours de rattrapage sur la discipline.
La menace eut l’effet d’une douche glacée sur ses subordonnés. Y compris ceux n’ayant rien à se reprocher. Nul n’oubliait jamais son passage dans les Fours : ces centres d'éducation spécialisés, réservés aux enfants recueillis par l’Institut Driscoll. Aujourd’hui, ils étaient tous diplômés et devenus des Cendres. Aucun ne comptait y remettre les pieds, pas même les plus anciens.
— Dois-je vous rappeler que vous êtes là uniquement parce que Jian vous a recommandé ? tona Gabriela pour enfoncer le clou. Vous voulez entacher son honneur en lui donnant tort ?
A l’évocation de ce nom, Lucy et Terrence baissèrent la tête, honteux. Jian Huang n’était pas une Cendre ordinaire. Issu de la première promotion du genre, ouverte en dix-huit cent cinquante, il disposait d’une renommée parmi ses confrères qui relevait de la légende. Bien qu’il n’existait pas de grades officiels pour hiérarchiser les Cendres, la plupart d’entre elles le nommaient : Amiral. Gabriela connaissait plusieurs autres membres de cette promotion, en poste dans des services administratifs ou logistiques, mais Jian était le seul encore actif dans la garde.
D’abord surprise qu’une personne aussi importante ait donné de son temps pour promouvoir deux jeunes parmi des milliers, Gabriela s’était vite pliée à son avis. Lucy et Terrence n’étaient pas des modèles de vertue, pourtant leurs résultats sur le terrain supplantaient ceux de vétérans plus dociles. Malgré cette recommandation prestigieuse, Gabriela refusait de les laisser compromettre l’exemplarité de son équipe d’intervention.
— Nous sommes désolés, s’excusèrent les fauteurs de trouble, à l’unisson.
Une fois l’incident clos, chacun retourna à ses occupations. Assis de part et d’autre de l’extrémité du tube acoustique débouchant dans leur local, Rajiv Mukherjee et Kenneth O’Flaherty partagèrent un sourire complice.
— On dirait nous lors de notre première affectation, nota Rajiv, amusé.
— Je ne me souviens pas que l’on couchait ensemble dans l’armurerie, lui chuchota son coéquipier
— Qu… quoi ?
Le grand rouquin fit signe à son ami indien de s’étonner moins fort.
— Je les ai surpris le mois dernier en faisant une ronde, précisa Kenneth. Crois moi qu’ils ne resteront pas fâchés très longtemps.
— Bordel ! Pourquoi c’est toujours toi qui chope les ragots en premier ?
Kenneth réajusta sa position dans son siège et ricana.
— J’y peut rien. J’ai un don pour être au bon endroit, au bon moment. Et puis j’adore l’expression de ton visage lorsque je t’apprend un truc. Ce serait dommage de m’en priver.
Entre eux, la bouche en laiton leur faisait parvenir la musique tonitruante qui descendait du bureau du Comte.
— Bref… Tu valides le record de Lucy ? enchaîna le garde à la peau mate. Je vais lui devoir un paquet d’argent si elle m’a dépassée.
— Elle n’était pas loin d’y arriver. Tu savais, toi, que l’on pouvait faire entrer les trois ressorts en même temps ?
— J’essayerai la prochaine fois, éluda Rajiv. Donc, on est d’accord, son montage n’est pas bon ?
Terrence examinait l’arme en question. Une carabine Winchester à levier, modifiée pour correspondre aux restrictions imposées par l’institut. Celle-ci tirait des aiguilles à l’aide d’un mécanisme pneumatique estampillé Driscoll. Compte tenu de la présence abondante de dirigeables dans le ciel de Londres, le Comte avait fait voter une loi pour interdire les armes à feu dans l’enceinte de la ville, en dix-huit cent soixante-douze. Une décision depuis étendue à toutes les communes disposant de réservoir d’hydrogène pour l’approvisionnement des engins volants. Une vaste blague pour ceux capables de faire remarquer que la majeure partie des appareils et machines du monde hébergeait une Braise dans son moteur. Le but inavoué de cette manœuvre grossière consistait à mettre la main sur le lobby des armes et c’était un succès.
Au cours de son inspection, il actionna le levier provoquant l’entrée d’air dans le compresseur. Les capsules abritant l’air comprimé se déformèrent et l’une des durites qui les reliaient éclata. Cela provoqua une détonation qui fit sursauter Gabriela.
— Lockwell, posez cette arme et barrez-vous ! tonna-t-elle. Allez donc chercher nos rations du soir. Et passez par l’escalier, que ça vous coupe un peu l’envie d’être con.
Entre gardes, et plus largement entre Cendres, le vouvoiement n’était pas de mise sauf en de rares occasions lourdes de sens. Terrence ne méritant aucun honneur particulier, il comprit que sa commandante se retenait de l’insulter plus ouvertement.
— A vos ordres ! répliqua-t-il en prenant le chemin des étages inférieurs.
La source de désordre neutralisée, Gabriela se rapprocha de Nilaja. Elle s’accouda au pupitre, l’air fatigué.
— Pourquoi ne sont-ils pas tous comme toi ? l’interrogea-t-elle, sans attendre de réponse. Il se passe quoi dans les Fours, de nos jours, pour que les gosses en sortent avec le diable au corps ? Beckman et cette andouille de Lockwell me font vieillir d’un an tous les mois.
Nilaja Dongo ne broncha pas, fidèle à son port de statue d’ornement. Première arrivée, dernière partie à chaque permanence, elle aurait fait des merveilles dans la branche administrative de l’Institut Driscoll, mais Nilaja avait développé des talents plus rares qu’il n’était pas envisageable de gaspiller.
Le calme reprit sa place. Lucy lustrait ses chaussures, pendant que Kenneth et Rajiv somnolaient à leur poste. La transmission partielle de l’opéra, joué trop fort à l’autre bout du tube, faisait office de berceuse. Rajiv battait la mesure du bout du petit doigt, tel un chef d’orchestre amateur. Il connaissait ce disque par cœur à force de l’entendre joué en boucle. Chaque note, le rythme, les pauses, mais pas le cri de douleur qui se mêlait aux sonorités épiques de Wagner. Son cerveau s’arracha à la torpeur induite par l’ennui et hurla dans son crâne des mots qu’il répéta aussitôt.
— Le Comte !
L'intonation étranglée de sa voix et l’expression paniquée de son visage suffirent à ses partenaires pour comprendre l’urgence de la situation. Sans chercher à en savoir davantage, ils se précipitèrent dans les escaliers, armes à la main. Le groupe était conditionné de sorte à agir sans hésiter ni se perdre dans des hypothèses alambiquées. Grâce à cela, Gabriela pénétra dans le bureau d’Oswald juste à temps pour assister aux dernières secondes de sa combustion. Pashupati était tétanisé, une main posée sur sa bouche pour s’empêcher de vomir et l’autre pointée vers la porte vitrée ouverte.
— Rajiv, Kenneth, sur la terrasse ! dicta la commandante après une analyse éclair de la situation. Lucy, préviens les secours. Nilaja, personne n’entre ou ne sort de cette pièce sans mon autorisation.
Gabriela n’était pas dupe. Elle savait que le membre le plus éminent de la famille Driscoll venait d’être tué sous sa garde. Succomber au désarroi ou à la panique n’aurait servi à rien, et sûrement pas à adoucir sa peine ou la sanction qui suivrait cet échec. Seule comptait la capture du meurtrier du Comte.
Kenneth et Rajiv déboulèrent sur la terrasse, leur Winchester calée contre l’épaule et prêts à tirer. Trop tard. Le salon de jardin en fer forgé qui agrémentait l’espace extérieur n’offrait aucune possibilité de cachette. Kenneth se pencha par dessus le garde-corps en pierre, espérant découvrir l’assassin suspendu à la corniche, mais n’y surpris qu’un couple de pigeons endormis pour la nuit.
— R.A.S. ! brailla Rajiv à l’attention de Gabriela, restée en arrière pour veiller sur la dépouille.
— Ce n’est pas un putain d’oiseau, alors trouvez le moi, se fâcha-t-elle.
Les deux gardes partagèrent un regard désemparé, le temps qu’une idée leur vienne.
— Aucun intérêt de monter sur le toit, puisqu’il ne donne nulle part, trancha Rajiv. Cette raclure est forcément quelque part sur la façade, en train d’essayer de redescendre.
Kenneth opina face aux déductions de son binôme et retourna inspecter la corniche. Plus téméraire, Rajiv déposa son arme et s’aventura sur le rebord. Retenu par Kenneth qui s’agrippait à la ceinture de son uniforme, il put se pencher dangereusement dans le vide et observer les fenêtres des étages inférieurs. Ces dernières étaient toutes closes et aucun acrobate ne s’y cachait.
— Oh, la vache ! lâcha l’indien, rattrapé par un vertige qu’il s’ignorait.
— Le bâtiment est richement ornementé, ce ne sont pas les prises qui manquent, lui fit remarquer Kenneth. Je suis déjà sorti d’une maison par le balcon du quatrième étage.
— Comment quelqu’un a-t-il pu grimper si haut sans se faire remarquer depuis la rue ou au travers d’une vitre ? rétorqua Rajiv. Il y a quarante étages.
— Ça a dû lui prendre des heures.
Rajiv balaya une dernière fois la façade du regard, avant de regagner la sécurité relative de la terrasse. Là, il s’exposait de nouveau à la colère froide de Gabriela qui le fixait avec intensité : une sensation bien pire que d’avoir le vertige.
— On va se faire lyncher si on ne le trouve pas, grimaça-t-il.
— Tu crois qu’il aurait pu s’envoler ?
Rajiv leva le nez vers le ciel étoilé, mais celui-ci était tout aussi désert que le reste. Il n’y avait que l’Aeliana, suspendue entre les deux tours de l’Institut Driscoll. L'énorme dirigeable était maintenu par une série de filins qui formaient une sorte de toile d’araignée métallique. Comme pour appuyer ce détail, une bourrasque s’engouffra dans l’arche inversée de l’institut et les fit chanter.
— L’enfoiré ! jura le garde en devinant l’improbable itinéraire pris par l’assassin.
Quelque peu présomptueux quant à ses aptitudes, Rajiv voulut se hisser sur le toit du bureau à la seule force de ses bras. Heureusement, Kenneth lui porta assistance avant qu’il ne retombe sur la terrasse. Ses mains puis son épaule droite servirent de marchepied à son compagnon d’arme. L’instant d’après, Rajiv se retrouva debout sur le toit, en proie à une d’averse particulièrement inopportune. Les gouttes d’eau s'agglutinaient contre ses cils jusqu’à l’aveugler. D’un geste rageur, il chassa l’eau et reprit ses investigations.
Un câble épais comme son pouce partait de l’angle arrière du bureau et filait jusqu’au sommet du ballon du dirigeable. Il ne faisait plus aucun doute que l’intrus s’était introduit dans l’institut en voyageant à bord de l’Aeliana. Profitant de la joyeuse pagaille du débarquement des passagers et de l’obscurité environnante, ce dernier s’était laissé glisser le long du câble pour rejoindre le bureau du Comte Driscoll. Un chemin qu’il tentait de faire à rebours, probablement pour gagner les appartements du fils d’Oswald et poursuivre ses actes odieux.
Suspendu à plus de cent trente mètres du sol, l’assassin se déplaçait sous le câble avec aisance. Malgré l’angle montant et le métal rendu glissant par l’humidité, la silhouette encapuchonnée approchait du ballon. Une fois passé de l’autre côté, il serait hors d’atteinte.
— Kenneth, mon fusil !
Le grand rouquin l’aperçut au pied du garde-corps, mais l’urgence lui dicta d’agir autrement. Kenneth lança son arme de service qui atterrit dans les mains de Rajiv. Le garde actionna le levier pour mettre l’arme en pression et tira une première fois, au jugé. Sans surprise, le projectile passa loin de sa cible et se perdit dans la nuit. Trois rues plus loin, un voisin le retrouverait dans ses jardinières, le lendemain matin. Rajiv réarma, posa un genou à terre et se concentra sur sa visée. Il ne pouvait pas se permettre de tirer trop bas, sans quoi il risquait de percer la toile renfermant le gaz hautement inflammable. La couche extérieure des ballons était, certes, renforcée, afin de ne pas se dégrader trop facilement, mais un tir tendu aurait provoqué une fuite d’hydrogène en plein Londres.
Le second tir siffla à cinq centimètres de l’oreille droite du criminel. La mire de l’arme n’était pas réglée à son œil et la météo n’arrangeait rien. Un troisième et dernier coup était encore possible. Rajiv aurait une courte fenêtre de tir lorsque l’assassin se déplacerait sur le ballon pour le traverser. Il prit une longue inspiration, ajusta la crosse de l’arme dans le creux de son épaule et attendit que l’homme se redresse.
Kenneth entendit le claquement caractéristique des armes à air comprimé, mais ne vit rien de la scène. L’aiguille fit mouche au niveau de la cuisse gauche du fugitif qui bascula à la renverse. Une personne ordinaire aurait chuté vers une mort certaine, mais il se rattrapa au câble et resta suspendu le long du ballon.
— Il a bouffé quoi, ce type ? pesta Rajiv en le voyant se tortiller à la recherche d’une prise sur la bannière centrale.
— Tu l’as eu ?
— Non ! Cet abruti refuse de lâcher le filin et je ne peux pas tirer.
— Fait sauter l’ancrage ! lui proposa Kenneth.
L’idée était peu orthodoxe, mais pas si bête. Vu les dispositions hors du commun de sa cible pour les acrobaties, Rajiv ne pouvait pas se permettre de lui accorder le temps de trouver une issue.
Le garde se saisit de la matraque attachée à sa taille et l’inséra dans le mécanisme liant le câble à la toiture, pour faire levier. Si Rajiv n’était pas aussi massif que son ami Kenneth, il jouissait cependant d’une musculature supérieure à la moyenne. Débuta alors un duel de vitesse et de détermination entre l’assassin et son poursuivant. L’un déployait des prouesses de contorsion pour remonter le long du filin, tandis que l’autre comptait chaque millimètre de jeu gagné sur le verrou de l’ancrage. Sertit avec une pince hydraulique, ce dernier se montra aussi acharné à maintenir sa prise que le fuyard.
Dans le bureau du Comte, l’effervescence était à son comble. Huit médecins s’entassaient déjà autour du corps de l’empereur des Braises et se disputaient le privilège morbide d’établir l’acte de décès de leur prestigieux patient. Un honneur qui revint au plus véhément du groupe. S’ensuivit une autre bataille d’égos à propos du transport du corps vers une morgue plutôt qu’une autre. Cette débâcle d’âneries n’empêcha pas Gabriela de faire respecter la procédure de préservation prévue au règlement. Une fois le décès prononcé, la commandante de la garde personnelle du Comte Driscoll s’était interposée entre l’ancien magnat des affaires et les mains avides qui le palpaient sans précautions. Aussi tordu que cela pouvait paraître, Oswald avait établi une liste de souhaits en cas de mort violente ou accidentelle et Gabriela en était la garante. Seul le légiste figurant dans les notes du Comte serait autorisé à déplacer sa dépouille.
Diriger, anticiper et organiser : voici les trois rôles qui incombaient à la vétérante de l’équipe d’intervention, mais, ce soir-là, elle maudissait la vieille blessure à la cheville qui la tenait à l’écart du feu de l’action. Gabriela bouillonnait de rage et de frustration de ne pas être à la place de Rajiv, pourchassant l’assassin du membre le plus éminent de la famille qu’elle était censé protéger. Qu’est-ce qui lui prenait autant de temps ? Pourquoi ses agents tardaient-ils à annoncer la capture ou la mort du meurtrier ?
L’ancrage accepta enfin de s’ouvrir. Libéré de son attache, le câble fouetta l’air avant de tomber. Il emporta à sa suite l’increvable silhouette masculine qui refusait de s’avouer vaincue. Rajiv observa la scène depuis le toit, non sans une pointe d’admiration pour la ténacité de son adversaire. Bringuebalé en tous sens, l’assassin enlaça le filin afin de ne pas se faire désarçonner. Entraîné par son poids, le câble glissa le long de la courbe du ballon qu’il chevauchait, jusqu’à atteindre l’extrémité la plus proche. Perdant son support intermédiaire, il cingla à nouveau l’air. Tiré à bas par la gravité, l’homme dégringola presque jusqu’au bout du câble. Malgré ses gants, Rajiv était persuadé que les mains du tueur devaient être en feu.
En se balançant, le filin s’entortilla dans un autre, toujours ancré. Lancé à pleine vitesse, le corps de l’intrus décrivit plusieurs boucles, autour de ce point fixe, avant d’être projeté dans les airs. Kenneth et Rajiv restèrent bouche bée en le voyant tournoyer comme une poupée désarticulée. En l’absence de lumière au-delà de la rue et du fait de la distance qui les séparaient du fleuve, ils ne purent qu’imaginer la fin de sa course dans la Tamise.
— Il est mort ? demanda Rajiv.
— J’en sais rien, il fait trop noir. Je crois qu’il est tombé dans le fleuve.
— Personne ne peut survivre à ça, si ? s’inquiéta le garde indien.
— Je ne pense pas, lui confirma Kenneth. Mais t’es sûr que c’était bien un homme ?
— Moi, j‘ai vu ses yeux, intervint Pashupati, d’une voix presque inaudible.
La Cendre qui officiait comme assistant du Comte Driscoll venait de sortir sur la terrasse et s’avançait vers le garde-corps, encore tremblant.
— Il est mort ! décréta Kenneth. Je ne sais pas de quel cirque il s’est évadé, mais il a raté sa sortie de scène.
Pashupati ne partageait pas l’optimisme du garde. Hanté par la scène à laquelle il venait d’assister, ses yeux scrutaient les ténèbres. Un murmure fantomatique s’échappa de ses lèvres.
— Il faut plus que de l’eau pour tuer le Diable…
En ce qui concerne la scène en elle-même, j'aime beaucoup le passage des occupations des Cendres à l'état d'urgence : on sent le changement de rythme et on se retrouve très facilement à cavaler avec eux et à chercher aussi l'issue du meurtrier. Tu arrives à maintenir une certaine effervescence entre la course poursuite et l'effusion autour de la victime. Aucun détail ne me semble oublié. Et comme Kenneth en lisant les lignes précédentes, pourquoi un homme ? Donc je suis bien contente que la question se soit posée.
Un chapitre haletant, le ton est donné. Va-t-on reprendre notre souffle dans le suivant ?
Pour compléter quelques coquilles :
- "Une équipe d’intervention y séjournait en continu(e)"
- " en proie à une (d’)averse particulièrement inopportune"
- "qu’elle était censéE protéger"
Chapitre très prometteur et qui donne le ton je pense du reste de ton aventure. C'est très dynamique, plein d'action. J'aime ça !
On fait ici la rencontre de la troupe chargée de la protection du Comte. Ils s'annoncent tous haut en couleur et laisse présager de futures scènes très plaisantes. Je dois avouer cependant que tu en introduis beaucoup, j'ai eu du mal à les identifier les uns et les autres. Sans doute avec le temps on aura l'habitude de les revoir et donc de mieux savoir qui est qui :)
Au plaisir de découvrir tout ça.
La scène de la fuite de l'assassin est visiblement réussi ! En cours de la lecture, javais ma petite théorie sur d'où venait le meurtrier, le dirigeable majestueux présenté dans le chapitre 1 ayant eu ma préférence, même dès la fin du chapitre precedent ;)
"— Dois-je vous rappeler que vous êtes là uniquement parce que Jian vous a recommandé" > recommandés
"Crois moi qu’ils ne resteront pas fâchés très longtemps" > crois-moi
"Pourquoi c’est toujours toi qui chope les ragots en premier ?" > j'aurais tendance à mettre un s à choppe vu que le sujet est "toi"
"J’y peut rien." > J'y peux rien
"lorsque je t’apprend un truc. Ce serait dommage de m’en priver" > je t'apprends
"Le but inavoué de cette manœuvre grossière consistait à mettre la main sur le lobby des armes et c’était un succès." > pas certain que lobby soit le bon mot ici. Puisqu'il a rendu le port des armes interdit, il n y a plus de lobby... plus de marché sur lequel mettre la main.
"l’une des durites qui les reliaient éclata. Cela provoqua une détonation qui... " > reliait
"mais n’y surpris> surprit
"Ce n’est pas un putain d’oiseau, alors trouvez le moi, se fâcha-t-elle." > trouvez-le
"L’instant d’après, Rajiv se retrouva debout sur le toit, en proie à une d’averse particulièrement inopportune." Le d' est en trop je pense. Petite répétition juste après du mot "eau" qui peut être évitée
"Malgré l’angle montant et le métal rendu glissant par l’humidité, la silhouette encapuchonnée approchait du ballon. Une fois passé de l’autre côté, il serait hors d’atteinte.""> le pronom "il" ne renvoie à rien de masculin là mais à la silhouette, du coup : Une fois passéE de l'autre côté, elle serait hors d'atteinte.
" la rue et du fait de la distance qui les séparaient du fleuve"> séparait